Et ce chagrin qui ne jaillit pas, qui ne remonte pas, qui semble tétanisé au fond d'elle, est-ce qu'il va rester là comme une bombe à retardement ?
D'un pas décidé, elle ne sent plus la fatigue, ne sent plus rien d'autre que cette fuite en avant qui la stimule et la tétanise en même temps.
Une idée a jailli de nulle part et s'impose terrassant toute possibilité de réflexion : tout arrêter, en finir, mourir
Elle aimerait lui répondre : Dégage, fous le camp, disparais de ma vue, ta trouille, je m'en fou. J'ai déjà la mienne qui s'est incrustée là, profond, je ne sais même pas si elle partira un jour, je vais peut-être vivre avec ça toute ma vie, alors vraiment, tes regrets, tes remords, tes excuses, je m'en fous. Et s'il ne reste que le chagrin, c'est pas avec toi que je le partagerai.
« Elle se concentre sur le but de son voyage : Quentin. Quentin qui se rapproche à chaque lacet, chaque mètre gagné sur l’altitude, dans ce paysage à la fois âpre et grandiose, pétrifié de soleil. Quand soudain se forme dans son cerveau LA question qu’elle ne s’était jamais posée. Est-ce que Quentin l’attend, elle? »
« Elle marche droit devant elle d’un pas décidé, ne sent plus la fatigue, ne sent plus rien d’autre que cette fuite en avant qui la stimule et la tétanise en même temps. Ce qui se passe alors dans son cerveau échappe à toute logique. Une idée a jailli de nulle part et s’impose, terrassant toute possibilité de réflexion rationnelle : tout arrêter, en finir, mourir. Et là, d’un coup, tout se ferme en elle, comme on claque précipitamment les volets d’une maison avant l’orage. La lumière s’éteint dans son cerveau. Dans sa poitrine tout se disloque. Son corps donne des ordres qu’elle ne comprend plus. Déserté par la vie, il se mue par réflexe comme s’il cherchait la meilleure façon de s’anéantir au-delà de la douleur. »