Cette fille est une pure lesbiche ascendant lesbiche.
En côtoyant des accros au chems, je suis sûr d’une chose : je ne veux pas leur ressembler. Ces types courent après la poudre et le cul comme les crackers après leur galette. Ils se dégradent à vue d’œil, physiquement et mentalement, leur avenir me paraît écrit comme un Requiem for a Dream pornographique. Les psychostimulants utilisés dans leurs partouzes sont puissants et addictifs, il m’a suffi de quelques prises pour m’accrocher à ces substances jusqu’à l’obsession. Aujourd’hui, les chemsexeurs crèvent à feu rapide. Heureusement pour moi, mon entourage me maintient, m’évite de trop partir en couilles et de m’enfoncer dans les limbes du sexe chimique. Sans Mia et Aron, sans mes vieux, je serais peut-être déjà mort.
Allongé sur son petit lit, mon fils hurle à gorge déployée. Je m’assois sur le rebord du pieu, lui caresse le front. Le pauvre, il est brûlant. Je n’aime pas le voir dans cet état. J’essaye de le rassurer, l’embrasse, mon esprit déconnecte et s’égare dans des images salaces. Je repense à la soirée passée en compagnie de Jérôme et de la prostituée transsexuelle, me remémore la soirée chems avec Khadija. Je nous revois, baisant comme des dingues. Depuis, Khadija m’a plusieurs fois relancé pour réitérer l’expérience. Tu m’étonnes.
— Papa… Merde ! Je me ressaisis et le serre contre moi. Qu’est-ce qui m’arrive ? Je me dégoûte de penser à ça, mon fils collé à moi. Mia entre à son tour dans la chambre, crispée et les sourcils froncés.
— C’est bien que tu t’occupes un peu de ton fils. Je me sens minable.
Pietro fait partie de ces journalistes militants spécialisés dans les questions politiques et sociétales, orientés à gauche toute, rageusement et étrangement indignés à la moindre injustice, néo-communistes comme il en foisonne dans mon milieu et peu avares en contradictions. En gros, un type qui pense baiser les banques en spéculant dans les cryptomonnaies, décolonialiste peu embarrassé à l’idée de commander de la coke à des rebeus de seize piges. Mais un chic type quand même, dont la weed dégage une bonne odeur d’Orange Bud.
J’attrape ma sacoche au pied du canapé, récupère mon matos planqué dans une poche intérieur, file dans la cuisine et me sers un verre d’eau. J’ajoute 1,5ml de GBL à la flotte, saupoudre le breuvage d’une pincée de 3-MMC. Juste de quoi m’exciter un peu.
Aujourd’hui, en France, tu ne crèves plus du virus. Le fléau des pédés, ce n’est plus le sida mais le chemsex.
...aucun couple n'est indestructible même pas le notre.
Les gens ne se sont jamais questionnés sur l’origine des barebackers, personne n’a jamais étudié sérieusement la sociologie des pédés. À la télé, on préférait te montrer les gays du Marais, dandies hygiénistes aux parents instituteurs. Mais les gars comme nous, les pauvres tarlouzes, provinciaux, banlieusards, on était plus tournés vers le sexe bareback. À force de subir des discriminations, on avait adopté un mode de vie radical, et nos pratiques sexuelles « extrêmes » choquaient la haute. On nous rejetait de partout, on nous considérait comme des pestiférés, des pervers, et il fallait en plus qu’on enfile une capote ! Ce combat des pro-safe contre les barebackers, je vais te dire, c’était la lutte des classes, la bourgeoisie homo contre son prolétariat…
Ma mère et moi, c'est toute une histoire. Un schmilblick œdipien mal foutu, un cas d'école de la psychologie systémique.
La 3MMC, je ne m'en sers pas pour mon storytelling. Celle-là, je l'aime vraiment. À mes yeux, rien n'est meilleur que le cul, et cette molécule magique multiplie mon plaisir par dix, vingt, mille. Depuis ma première prise, j'y penses souvent, tout le temps.
Envie de baiser.