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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un grand merci aux éditions Christian Bourgois éditeur pour cette découverte en avant-première.
En répertoriant ce livre, je me suis aperçue qu'il prendrait place dans ma bibliothèque réelle à côté d'Émile Zola. Le hasard fait bien les choses on pourrait dire fort à propos, car il y a un peu de l'esprit de Zola chez Daniele Zito.
Le livre interroge, par le truchement de la fiction, sur nos rapports au travail : dépendance, importance du salaire, précarité.
L'auteur construit son roman, comme une suite de documents rédigés par un certain Michel Robledo, journaliste italien. Celui-ci commence par publier un premier article fort remarqué sur les ghost workers, intitulé « Ghost Class Heroes » (d'après la chanson de John Lennon, « Working Class Hero », cf. p. 60). Il y a ensuite d'autres cahiers intitulés Journal (I et II), Chroniques, Témoignages, Initiations, Interviews, Légendes métropolitaines, etc.
Les ghost workers travaillent « pour le simple plaisir de travailler » (p. 31) et appartiennent en général à une organisation clandestine nommée TPT (Travail pour le travail). Sont-ils fous ? Robledo s'interroge et plante ainsi le décor de son enquête : « Travailler sans salaire, quel sens cela avait-il ? Est-il possible que les gens fassent ça ? Qui étaient ces personnes ? Comment ai-je fait pour ne pas les remarquer ? » (p. 33). Il va jusqu'à s'infiltrer lui-même dans une grande librairie. Il conclut son expérience en ces termes : « Tant pis si personne ne me payait. de toute façon je restais un pantin fou, mais dans ce cas j'avais au moins un endroit où m'insérer. Était-ce insensé ? Oui, sans aucun doute. Mais cela me procurait une sensation de bien-être tel que je n'en avais jamais connu. Alors, pourquoi ne pas le faire ? » (p. 35) Peut-être tout simplement parce que ce « parcours personnel de libération » (p. 38) conduit au suicide sur le lieu de travail.
Dans son journal Robledo se décrit lui-même comme « ressembl[ant] à Danny DeVito » (p. 41). On apprend pas mal de choses sur sa vie privée grâce à ce journal. Dans le document dit « cahier II », il étudie sur l'année 2009 plusieurs cas de décès sur le lieu de travail en Italie et qui ont servi à la rédaction de son premier reportage « Ghost Class Heroes ». Suite au succès de celui-ci, son chef lui demande de travailler sur une suite.
Robledo va-t-il s'en sortir indemne ? Voici ce qu'il consigne au début : « À dire la vérité, toute cette histoire m'a un peu écoeuré. Trop de misère, trop de douleurs, trop de désespoir. J'ai l'impression de me balader au bord d'un précipice ; à droite et à gauche, le vide béant, et au milieu, il y a moi, en équilibre. Je mets un pied devant l'autre, en essayant de ne pas perdre le contact avec la corde raide. » (p. 114). C'est sans doute ce que ressent le lecteur également et c'est en cela que réside la force de ce roman terrible.
Enfin je ne peux occulter la présence de plusieurs personnages qui sont des Roumains, car en Italie le nombre de travailleurs roumains dépasserait 1,1 million selon des chiffres de 2017.
En conclusion, un roman original qui veut se faire passer pour un essai bien documenté (avec, chose suffisamment drôle pour être signalée, une fausse bibliographie), mais qui fort heureusement n'est que de la fiction pour mieux nous interpeller sur des réalités dérangeantes.
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Dire que j'ai failli laisser tomber ce livre, un soir de lassitude... Travailler sans salaire, on aura tout vu, basta, me suis-je dit, de mauvaise humeur !
Et puis je l'ai repris. L'argument de l'auteur est à la fois complètement délirant et tout en rigueur. Une véritable enquête journalistique fictive, une oeuvre vachement bien ficelée, moitié compte-rendu d'un fait de société, moitié analyse sociologique. Finalement une réflexion sur l'aliénation comme principale composante de la condition humaine. Une sorte de performance artistique aussi : bâtir un monde plausible sur une hypothèse absurde ou prétendue telle.
Car comment ne pas réfléchir à partir de ce texte génial, intraitable et émouvant, à la définition même du travail et à son rôle véritable, au moment où la productivité est telle qu'il est de moins en moins un droit et de plus en plus un privilège accordé à quelques uns (puisqu'il n'y en a pas pour tout le monde) ? Un privilège qui ouvre le droit de ne vivre qu'en marge, dans les creux, dans le temps qu'il laisse vacant, de vivre "à défaut" ? Comment ne pas le voir comme un dieu avide et cruel, parcimonieux et écrasant, à qui toutes les autres valeurs doivent être subordonnées ? De là à travailler sans salaire, et même à payer pour travailler, il n'y a qu'un pas et notre société s'y achemine résolument par l'intermédiaire des nombreux stages non rémunérés qui fleurissent un peu partout et servent de variables d'ajustement aux entreprises peu désireuses d'augmenter leur masse salariale.
A l'instar d'Harpagon qui affichait dans sa salle à manger "il faut manger pour vivre et non vivre pour manger", quand donc aurons-nous la sagesse d'afficher la formule "il faut travailler pour vivre et non vivre pour travailler"
Et n'oublions pas le terrible "Arbeit Macht Frei" à l'entrée du camp d'Auschwitz.
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