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Critique de Bobby_The_Rasta_Lama


"Si ta gueule est de travers, ne t'en prends pas au miroir."
(N. Gogol, "Le Revizor")

Le 20ème siècle n'a jamais fait partie de mes préférences, même s'il faut dire que mes excursions dans la littérature russe de cette époque étaient toujours couronnées de succès. J'ai découvert Boulgakov, Bounine, Raspoutine, Aïtmatov... J'ai pu me frotter aux genres que je ne lis pas habituellement, et à chaque fois je fus enchantée. Mais à un moment ou un autre on fait tous un inévitable pas de côté, et pour moi ce fut avec ce Zochtchenko.
Mikhaïl Mikhaïlovitch et moi ne sommes tout simplement pas sur la même longueur d'ondes, même si je suis consciente que c'est en partie de ma faute. Zochtchenko écrit exactement le type de livre qui ne me dit rien.

Mikhaïl Zochtchenko (1894-1958) était un auteur extrêmement populaire, largement lu et apprécié, avant qu'il ne soit interdit de publication à la fin des années 40 - en même temps que la poétesse Anna Akhmatova - prétendument pour avoir "souillé" la radieuse image de l'homo sovieticus avec un récit satirique sur un singe échappé de sa cage au zoo. Des générations d'enfants ont pu se délecter de ses charmants "Récits sur Lénine", et les adultes riaient devant sa critique de la société post-révolutionnaire de l'entre-deux-guerres : de ses personnages pingres et mesquins qui ne s'intéressent pas à la culture ni aux événements importants qui se passent dans le pays, et dont la seule obsession est l'argent. de ceux qui vont encore et encore s'aligner dans une interminable queue pour la vodka, même si juste à côté on distribue gratuitement de l'intelligence.

Les lecteurs se tenaient la panse, sans se rendre compte qu'ils lisaient leurs propres histoires. La jalousie des autres, leur bêtise, leur étroitesse de pensée et leur flemmardise oblomovienne leur paraissaient terriblement drôles, mais ils refusaient de les voir chez eux. Zochtchenko les a mis en face d'un miroir géant, hélas, sa moquerie est loin de la satire de Gogol. Elle est comme un marteau qui loupe non seulement le clou, mais tout le mur avec. Elle est simple, franche et marrante.
L'auteur s'inspire des situations du quotidien et utilise le langage populaire. Il est un bon observateur, bon analyste, et grâce à ses multiples métiers (écrivain, traducteur, cordonnier, chef télégraphiste, adjoint à la milice communale, secrétaire du tribunal, instructeur en reproduction de lapins et volailles...) il n'épargne aucune strate de la société.
Toutes ces histoires (très) courtes sont facilement compréhensibles et le style est formidable, mais vous allez vite dévoiler les intentions et le point de mire, et le reste du récit vous balancera sur des vagues de rire bébête, comme devant les émissions de la caméra cachée.

Oui, de temps en temps il est indispensable d'ouvrir un livre amusant et se reposer tout simplement devant, sans réfléchir sur le contenu qui vous pousse parfois à douter sur le sens de votre propre existence. Mais pour un bonheur complet ce n'est pas suffisant.
Je comprends que Zochtchenko se moque de ses compatriotes en leur montrant leurs faiblesses, mais le lecteur va s'amuser au dépens des autres, puis continuer sa vie comme si de rien n'était. Changer ? Et pourquoi... ?
C'est une satire qui vous fera rire, ça oui, mais sans plus. Elle est loin de celle de Gogol : caustique, bien acérée, contagieuse et diaboliquement cruelle.

Pour la défense de l'auteur, je dois dire que les auteurs cités plus haut m'ont sans doute ramollie et habituée à tout autre sorte de gourmandise. Quand vous vous précipitez à la pâtisserie pour acheter de la Forêt Noire et qu'il ne reste plus qu'un petit morceau de flan tremblotant, vous serez forcément un peu déçus.
3,5/5 Désolée, classique russe, tu sais mieux faire...
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