Patiente 66

Cette pièce de théâtre lyrique, chorale et musicale est rigoureusement efficace. Sa structure très carrée (offrant de multiples possibilités de mise en scène) fait s'alterner la voix de l'Amérique (la statue de la liberté pétrifiée dans son symbole) et des scènes du rêve américain ordinaire complètement décomplexées. de la tyrannie du fric à celle de la rumeur, en passant par l'espoir d'intégration des nouveaux arrivants, les experts de relations publiques s'en donnent à coeur joie avec leur sens de la poétique très tranchant (vive le pic à glace !). La parole décapante opère très bien. On ressort un peu tourneboulé de cet enchaînement très rythmé et heureusement, on se dit que c'est loin, nous, on a mieux, n'est-ce pas Marianne ? du théâtre contemporain qu'on aimerait voir davantage monté sur les grandes scènes de théâtre.

La voix de l'Amérique conduit le récit, nous replongeant dans la première moitié du XXe siècle aux USA, à travers la famille Kennedy qui a beaucoup d'ambition mais est gênée aux entournures par Rosemary qui est autre, pas assez intelligente, trop sensuelle, trop belle, trop indépendante. Alors que faire de cette jeune fille qui ne rentre pas dans le cadre ? La confier à une institution. User d'une méthode à la mode : la lobotomie.

 Au départ : un livret d'opéra, au final, une pièce de théâtre relatant la vie de Rosemary Kennedy, la petite soeur de John, la grande de Teddy.
L'écriture est fluide, chantante presque. Les sous-entendus sont lourds. L'ambiance poisseuse. Derrière le glam Kennedy se cachait donc une tragédie... Une autre, moins médiatisée que toutes les autres qui ont touché la famille.
A travers le cas Rosemary, c'est le traitement réservé aux excentriques qui pose question, mais aussi le rêve américain qui en prend un coup.