Les adultes ne sont pas beaux lorsqu'ils dorment, seuls les enfants bénéficient de ce privilège.
Ah oui : un oeil pour un oeil finira par rendre le monde aveugle.
En Islande, on a tellement l'habitude d'entendre le vent qu'on ne remarque même plus le bruissement des feuilles dans les arbres. Sauf quand il se tait.
Il avait remboursé le prêt pour son appartement et possédait un petit coussin d'économies sur un livret à la banque, l'héritage de ses parents, décédés dans un accident de voiture lorsqu'il avait vingt ans. Financièrement, il se portait mieux que beaucoup de gens de son âge, mais cela ne lui semblait pas très enviable. A choisir, il aurait préféré avoir toutes les dettes du monde et ses parents toujours en vie. Mais cela ne fonctionnait pas comme ça.
Hakon s'appuie de nouveau au dossier de son fauteuil et cherche quelque chose dans les poches de son jean déchiré. Non pas qu'il soit usé, il l'a sûrement acheté comme ça. Chaque trou semble réfléchi.
On peut à peine ouvrir un journal ou un article en ligne sans voir son visage sur une publicité : " Petra vous rend visite et transforme votre intérieur en sanctuaire."
Elle répéte le mot "sanctuaire" dans tous les papiers que j'ai pu lire à son sujet : " La maison, c'est avant tout un sanctuaire. Un lieu qui reflète ce que vouis êtes au plus profond de votre âme."
Si les gens se mettent à juger ce que je suis par rapport à mon appartement en ville, je ne veux pas connaître leur verdict.
Difficile de ne pas se demander ce que ça fait d'être comme eux, beaux et riches, de pouvoir faire ce que bon vous semble ; partir en week-end à Paris, à la dernière minute, écumer les boutiques, acheter absolument tout ce que vous voulez. Alors que je ne peux pas faire des courses alimentaires, sans que mon estomac se noue au moment où je tends la carte.
Par-delà les sommets blancs des montagnes, on devinait les flancs enneigés du glacier Snæfellsjökull. Quelques oiseaux planaient paisiblement, si haut au-dessus d’eux qu’il n’aurait su dire à quelles espèces ils appartenaient, mais on distinguait des cris de mouette en provenance de la côte.
C'est étrange comme ces années de jeunesse, si courtes soient-elles, forgent une part fondamentale de ce que nous sommes.
Le froid s’insinue jusque dans la moelle de ses os. Elle a beau resserrer les pans de son manteau et tirer sur sa capuche, le vent semble toujours trouver un nouveau chemin à travers ses vêtements.
Chaque cellule de son corps lui hurle de faire demi-tour »
(…)
Pourtant, elle baisse la tête et s’obstine à avancer. Elle essaie de remuer les doigts et les orteils, mais c’est à peine si elle les sent. Croyant percevoir un mouvement du coin de l’œil, elle jette un rapide regard de côté. Son pouls s’accélère lorsqu’elle distingue les contours d’une silhouette à quelques pas, puis elle se rend compte qu’il s’agit en fait d’un rocher dans le champ de lave. Elle devrait pourtant s’être habituée.
Elle poursuit sa route un pas à la fois, s’efforçant de ne pas trop réfléchir. Elle a perdu la notion du temps, ne saurait dire depuis quand elle marche. Dans les ténèbres et les tourbillons de neige qui virevoltent autour d’elle, le temps et l’espace n’existent plus.