Tout d’abord, l’âme sort de toutes les créatures par le mépris et l’horreur qu’elle en conçoit. En second lieu, elle sort d’elle-même en s’oubliant d’une façon complète ; elle a une sainte horreur d’elle-même par amour pour Dieu. De son côté, Dieu l’élève à tel point qu’il la fait sortir d’elle-même et de tous ses modes naturels d’agir et crier vers lui.
O fontaine cristalline,
Si sur vos surfaces argentées
Vous faisiez apparaître tout à coup
Les yeux tant désirés
Que je porte dessinés dans mon cœur !
Dieu peut très bien infuser son amour et l’augmenter sans infuser ni augmenter les connaissances spéciales de l’entendement […]. C’est là, du reste, ce que l’expérience a montré à beaucoup de personnes spirituelles. […] Ainsi donc la volonté peut s’abreuver d’amour sans que l’entendement s’abreuve de lumières nouvelles.
Mon Bien-Aimé est comme les montagnes,
Comme les vallées solitaires et boisées,
Comme les îles étrangères,
Comme les fleuves aux eaux bruyantes,
Comme le murmure des zéphyrs pleins d’amour ;
Comme la nuit tranquille
Lorsque commence le lever de l’aurore,
Comme la musique silencieuse,
Comme la solitude harmonieuse,
Comme le festin qui charme et remplit d’amour.
C’est en répandant mille grâces
Qu’il est passé à la hâte par ces bocages.
En les regardant
Et de sa figure seule
Il les a laissés revêtus de beauté.
[Strophe V]
Dans la solitude elle vivait,
Dans la solitude elle a placé son nid,
Dans la solitude la conduisait
Seul son Bien-Aimé
Blessé lui-même d’amour dans la solitude.
L’amour qui est discret ne se préoccupe pas de demander ce qui lui manque ou ce qu’il désire, il expose simplement sa nécessité et laisse au Bien-Aimé le soin de faire ce qu’il voudra. Telle a été l’attitude de la Bienheureuse Vierge Marie aux noces de Cana. Elle ne demande pas directement du vin à son Bien-Aimé Fils. Elle se contenta de dire : « Ils n’ont plus de vin ».
Pour être parfait, l’amour doit avoir deux propriétés : consumer et transformer l’âme en Dieu, et cette opération doit s’accomplir sans souffrance.
Je crois qu’il en sera de même au ciel de cette science que nous aurons acquise ici-bas : elle importera bien peu aux bienheureux dès lors qu’ils possèderont une science de beaucoup supérieure dans la Sagesse divine.
Dans le cellier intérieur
De mon Bien-Aimé j’ai bu ; et quand j’en sortis,
Dans toute cette plaine
Je ne connaissais plus rien,
Et je perdis le troupeau que je suivais précédemment.