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Critiques de Kurt Vonnegut (208)
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Nuit mère (Nuit noire)

Cette pseudo autobiographie du personnage Howard W. Campbell s'articule tragi-comiquement entre différentes strates de mensonges. En premier lieu, le mensonge de convention propre à la fiction. Et puis au sein du récit, le mensonge relatif à l'activité de Campbell, à savoir sa participation à la propagande anglophone du régime nazi, qui le vit déclamer des discours spécieux et haineux à la radio. Mais tout cela n'aurait été de surcroît que la couverture d'un espion, chose ignorée de presque de tout le monde. L'écriture rétablirait alors la vérité… à moins qu'elle ne soit au contraire un redoublement du mensonge, celui d'un auteur désireux de se faire voir plus beau qu'il ne l'était.



Avec ce personnage, Vonnegut pose la question de la « schizophrénie » ordinaire de tous ceux qui participent de la machinerie totalitaire, entre banalité du mal et double pensée orwellienne. À bien des égards, Campbell est un double déformé d'Eichmann, auquel il se mesure dans un chapitre central du roman. Mais en ce qui concerne ses rapports au totalitarisme, son mal est-il « banal » ou bien pleinement conscient, comme il cherche à nous en convaincre (à s'en convaincre lui-même ?) tout au long de ces pages, d'une façon peut-être trop étayée pour être honnête ? Comment savoir si la personne la plus crédule dans tout cela n'est pas Campbell, qui croirait encore aux marraines bonnes fées, même dans un monde où Auschwitz existe ? L'ambivalence du héros se répercute également sur les personnages secondaires tels son ami George Kraft ou encore Resi, jeune soeur de sa femme disparue.



En apparence décousue, la narration est un savant mélange de prolepses et d'analepses, illustrant le déphasage d'un individu ayant depuis longtemps perdu toute illusion de contrôler son existence. À l'instar de Billy Pilgrim dans Abattoir 5, Campbell est « décollé dans le temps », habitant d'un « purgatoire » entre le mensonge et la mort, où les apparions de la vérité se font trop sibyllines pour être crues, ou trop cruelles pour être source de vie. La schizophrénie de Campbell lui fait jouer le double rôle de Cassandre et du Cheval de Troie (mais chez les nazis ou chez les américains ?). Et à travers ces pages, il semble finalement voyager jusqu'au bout de la nuit dans les ruines hantées de sa « nation de deux personnes », aux côtés d'une trace résiduelle (ou plutôt Resi duelle) de son amour. Seule la nuit originelle pourra confondre le réel et le double qui l'a remplacé.
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Le petit déjeuner des champions

Je m'attendais à lire un roman de Sf et bien pas du tout! C'est un joyeux mélange de pamphlet anti-étasunien, de critique sociale et de réflexion sur l'acte d'écriture. L'intrigue avance par ricochets, en très courts chapitres, et en rebondissant sur un mot ou une idée. Cela donne un texte alerte, dévastateur et extrêmement drôle. Pourtant ce n'est pas uniquement un roman comique : la mise en abyme qui fait se rencontrer l'écrivain et sa création donne à tout ce patchwork délirant une cohérence et une profondeur remarquable.
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Abattoir 5

Dans un passage de son livre, Kurt Vonnegut explique que la Troisième loi de la Mécanique d’Isaac Newton « établit qu’à toute force qui s’exerce dans une certaine direction correspond une force de même intensité orientée en sens contraire ». Oui. « Ça peut être utile dans le domaine des fusées ». C’est certain. Et un livre sur la guerre, ça peut être utile dans quel domaine ? Un livre sur les bombardements de Dresde, à qui ça peut servir ? N’est-ce pas la faute à ses foutus écrivains qui ne peuvent pas s’empêcher d’embellir leur rôle si les guerres ne cessent jamais ? Les manchots, bras cassés et cul terreux, incapables de mener une vie correcte, finissent alors par croire qu’ils peuvent se venger de leur insignifiance en se joignant au combat, attirés par l’espoir d’une gloire qui n’existe qu’en littérature.





Kurt Vonnegut le pense sincèrement et c’est pourquoi son roman ne ressemble à aucun autre roman sur la guerre. « Pas de personnages à la Frank Sinatra ou à la John Wayne », pas d’accusations à tout va non plus.





« J'ai fréquenté un temps l'université de Chicago après la Seconde Guerre. J'étais en Anthropologie. A l'époque, on enseignait que tout le monde était exactement comme tout le monde. […] On nous apprenait aussi que personne n'était ridicule, mauvais ou répugnant. Peu avant sa mort, mon père me dit comme ça : "Tu as remarqué que tu n'as jamais mis de crapule dans tes histoires ?". »





Pas de crapules, c’est quelque peu déstabilisant dans un roman qui parle de la guerre. Pour continuer dans l’étrange jusqu’au bout, et pour rendre sa pensée plus explicite, Kurt Vonnegut laisse souvent la parole aux sages Trafalmadoriens, un peuple lointain venu observer notre population terrienne (faut pas avoir grand-chose à faire). Pour eux, le temps n’existe pas, la mort non plus et ils considèrent « qu’une personne qui meurt semble seulement mourir. Elle continue à vivre dans le passé et il est totalement ridicule de pleurer à son enterrement. Le passé, le présent, le futur ont toujours existé, se perpétueront à jamais. […] Un Tralfamadorien, en présence d’un cadavre, se contente de penser que le mort est pour l’heure en mauvais état, mais que le même individu se porte fort bien à de nombreuses autres époques ». Alors, qu’il se passe des événements joyeux dont on peut tirer gloriole ou que les événements semblent s’enchainer dans une espèce de fatalité funeste, peu importe : les Trafalmadoriens et Kurt Vonnegut à leur suite ont atteint le sommet de toute philosophie, résumée en une phrase : C’est la vie. Alors mon gars, si tu espérais trouver un peu de mérite à te sacrifier ou à sacrifier les autres (à la guerre ou ailleurs), n’oublie pas ce détachement troublant des grands êtres Trafalmadoriens, n’oublie pas que tu n’existes pas, mais cependant à jamais, et que toutes les ambitions que tu peux nourrir sur cette terre sont certainement vaines, mais d’autant plus mauvaises que tu agis sans savoir, croyant poursuivre le bien et la gloire lorsque tu ne fais qu’exécuter la condamnation de ta soumission. C’est pourquoi Kurt Vonnegut parle surtout de toutes les histoires importantes de la vie dérisoire de Billy : un mariage, des rencontres, une famille, et les épisodes de la guerre surviennent parfois, comme une erreur, insignifiants comme tout mais pire que ça, dommageables. Abattoir 5 ne constitue plus ce viatique qui voudrait nous rendre la guerre bandante. Il ne faudrait pas pour autant que les personnes éplorées de sens finissent à leur tour par se consacrer à l’écriture.
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Abattoir 5

Il y a de ça de nombreuses années, j'ai lu "Sleepers" de Lorenzo Carcaterra. La deuxième partie du roman, consacrée à la vengeance, est introduite par une citation d'Abattoir 5 : "Lazzaro balaie d'un geste tout ce que Billy Pilgrim peut s'apprêter à répondre. - Te frappe pas, p'tit gars. Profite de la vie pendant qu'il est encore temps. il n'arrivera rien pendant cinq, dix, quinze, peut-être vingt ans. Mais écoute bien mon conseil : quand t'entends sonner, envoie quelqu'un d'autre ouvrir.".

Cette phrase était restée gravée, quasiment mot pour mot, dans ma mémoire.

Il y a quelques temps, un ami me dit qu'il est en train de lire ce roman. Je lui ressors ma petite citation et lui demande de m'expliquer de quoi parle le roman. Il a alors un petit sourire, me dit que c'est difficile à expliquer...A mon anniversaire suivant, il m'offre Abattoir 5 (évidemment).

Puis ce roman est resté dans ma PAL jusqu'à ce que jamiK (que je remercie) ne l'en tire au profit d'un challenge.

Et bien, mon ami a raison, c'est dur à expliquer.

Je pense que ce roman est vraiment un OLNI...je ne sais pas comment le classer ni même expliquer quel est mon ressenti. J'ai beaucoup aimé mais je suis bien en peine de dire pourquoi.

Tout est particulier dans ce roman; aussi bien les circonstances que la narration ou encore les personnages.

Quoiqu'il en soit, c'est indéniablement un roman qui marque et qui fait réfléchir sur la vie, la fatalité, l'absurdité de la guerre, les relations entre les êtres...et tellement d'autres sujets qu'on ressort un peu estomaqué de cette lecture.
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Elle est pas belle, la vie ? Conseils d'un ..

A partir de quand un discours devient un objet littéraire ? Lorsqu'il porte en lui des valeurs morales universelles ? Lorsqu'il a laissé une empreinte dans l'histoire ? Difficile à dire après avoir refermé le recueil qui compile quelques discours de Kurt Vonnegut devant les étudiants lors de cérémonies de remise de diplômes et publié à titre posthume.

Même pour le profane en la matière, on se rend très vite compte que ces discours ne répondent pas aux canons du genre. Loin des « platitudes euphorisantes », des messages messianiques et consensuels vantant des lendemains flamboyants, l'auteur américain préfère percuter le mythe de la success-story. Il ironise sur la prétention humaine et l'héroïsme du passé à travers des discours francs, sans inhibition et revêtant l'apparence d'une spontanéité décontractée. Çà donne à l'exercice une certaine vitalité burlesque.

Il en ressort le sentiment que Vonnegut s'est donné pour mission de combattre nos aliénations mentales, ce qui assigne et fige la condition de l'homme. Rien de surprenant dans la bouche d'un auteur présenté comme une figure de la contre-culture américaine. D'autant plus que l'on retrouve sa singularité dans la forme de ses allocutions : des discours déconstruits voire chaotiques, des démonstrations qui tentent d'égarer l'assistance, de l'éclabousser en parlant de solitude ou de violence pour mieux la rattraper avec des références culturelles populaires. L'expression « décrypter le discours » prend ici tout son sens chaque fois qu'il détourne des idées acquises avec une belle maîtrise de l'art du contre-pied.

C'est ludique pour les premiers, mais la succession des discours entraîne des répétitions et les idées pertinentes se trouvent noyées dans ce qui ressemble pour moi à une logorrhée diarrhéique.



Kurt Vonnegut est présenté comme l'un des conférenciers les plus sollicités aux États-Unis et je dois avouer que j'ai du mal à comprendre cet engouement et l'effet transcendant que l'éditeur prête à ces discours. Certes, on discerne chez Vonnegut l'humaniste qui n'a rien de béat ni de désabusé mais il n'y a rien de renversant derrière ses propos confus, simplement des idées incroyablement rationnelles sensées nous mener vers une sobriété heureuse.

On devine l'homme habile pour mettre en scène une parole bienveillante et extravagante, et c'est peut-être là le défaut de ce recueil. Ces discours ne sont pas faits pour être lus. Il manque la voix, les respirations, le sens de l'ellipse, sûrement les connivences avec le public et j'ai peut-être pour ma part des lacunes en lien avec la production littéraire de Vonnegut (non familière avec la plume de l'écrivain américain, je suis incapable de déceler d'éventuelles références à son œuvre).

Rien de bien remarquable d'un point de vue littéraire mais ça se lit sans déplaisir non plus.

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Le berceau du chat





« Rien dans ce livre n’est vrai ».



C’est l'incipit de cet excellent livre décapant et pessimiste de l’auteur d’Abattoir 5 (dont j’ai lu de magnifiques critiques enthousiastes sur Babelio) publié en 1963, soit deux ans avant Abattoir 5.



Un livre qui est découpé en parties très courtes (il y en a 127 au total!) et débute comme une chronique à l’humour impassible, aux situations absurdes, et aux personnages improbables. Mais progressivement le lecteur découvre derrière ce récit loufoque, une critique acerbe de la bêtise humaine, de l’absurdité de la guerre, du mensonge des religions, bref de toutes ces inventions que l’homme a faites pour se donner l’illusion de son pouvoir, de son sentiment d’être un « élu », de sa vie après la mort, de la supériorité de son groupe, quel qu’il soit, sur les autres groupes humains, bref de tous ces mensonges que l’homme a créés pour justifier ses actions, et pour donner du sens à sa vie, de ces illusions dont le jeu de ficelle qu’est le berceau du chat est le symbole.



Le narrateur est Jonas, journaliste qui projette d’écrire un livre sur ce que faisait le Docteur Hoenicker, le père de la bombe atomique, ainsi que sa famille, le jour où la première bombe entraîna la destruction complète d’Hiroshima.

Son enquête va le conduire vers le laboratoire où travaillait Hoenicker, puis à la rencontre de ses enfants, Newt, Angela et Franck. Il obtiendra des réponses un peu étranges des deux premiers, puis, partira vers une République « bananière » des Caraïbes, la République de San Lorenzo, où Franck Hoenicker est devenu l’adjoint du Président « Papa » Manzano, un Dictateur d’opérette, dont le principal intérêt pour Jonas est qu’il a une fille adoptive superbe.

Dans cette île, une religion nouvelle a été inventée par un certain Bokonon. Elle est interdite par le Dictateur, et ses adeptes persécutés.

Les préceptes des « Livres de Bokonon », cités par le narrateur, font faire un contrepoint permanent au récit. Ce sont parfois de petits poèmes rimés et loufoques. Ils font d’abord sourire ou même rire par leur humour absurde, mais très vite, le lecteur réalise que l’auteur nous fait une critique acerbe de la bêtise et du mensonge des humains, des religions, des guerres, et de sa conviction du caractère inéluctable de la fin de l’humanité.

Ainsi cette phrase qui est terrible et d’actualité, en ces temps d’emballement du dérèglement climatique, et de guerres absurdes et meurtrières:

"Et je me rappelai le Quatorzième Livre de Bokonon, que j’avais lu intégralement la veille. Le Quatorzième Livre est intitulé « Existe-t-il, pour un Homme Réfléchi, une Seule Raison d’Espérer en l’Humanité sur Terre, Compte Tenu de l’Expérience du Dernier Million d’Années ? »

Le Quatorzième Livre n’est pas long à lire. Il consiste en un seul mot : « Non. »"



La suite des aventures fait intervenir une autre découverte du Docteur Hoenicker, la glace-9 (que possèdent les enfants du savant), et qui transforme en glace incroyablement dure tout ce avec lequel elle rentre en contact.



Et l’issue brutale et apocalyptique de cette fable n’est finalement qu’une image de ce qui attend notre humanité, à part qu’avec l’effet de serre, ce sera un peu plus long.

Le livre se conclut par les dernières lignes que Bokonon a rédigé pour terminer ces « Livres », en fait totalement anti-religieux , impitoyables pour la bêtise humaine, et pour « Qui vous savez », ah, oui, vous savez, celui dont on dit « Notre Père, qui êtes aux Cieux…. »



«Si j'étais plus jeune, j'écrirais une histoire de la bêtise humaine ; et je monterais jusqu'au sommet du mont McCabe, où je m'allongerais sur le dos avec mon histoire en guise d'oreiller ; et je prendrais par terre un peu du poison bleuâtre qui transforme les hommes en statues ; et je me transformerais en un gisant au sourire sardonique, un pied de nez dressé vers Qui-vous-savez. »



Voilà un livre qui pousse la caricature jusqu’à l’absurde, mais si, comme l’écrit Vonnegut en préambule, « Dans ce livre rien n’est vrai », la folie des humains et leurs mensonges religieux, politiques, racistes, etc.. sont bien réels.



Et dernière remarque, l’humour parfois avec de gros sabots, lui, est inénarrable, il faut lire le livre pour le goûter…ou pas. Moi, j’ai aimé, mais je conçois que ça ne plaise pas à tout le monde.







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Nuit mère (Nuit noire)

Howard W.Campbell Jr, attend d'être jugé dans une cellule de Jérusalem.

Il s'est lui même constitué prisonnier après avoir longtemps échappé à son passé, ou avoir cru y échapper !



Dans cette fausse autobiographie, les maitres mots pourraient être : faux-semblants et duperies.



Campbell est accusé d'avoir été l'un des plus zélés propagandistes nazis.

Bien qu'américain de naissance, ce dramaturge et poète, fut un thuriféraire de l'idéologie nazie, qu'il tenta d'exporter dans son Amérique d'origine.



L'Histoire, réserve bien des surprises, des retournements de situations.

Des drames aussi, nombreux et de toutes sortes.



j'ai parlé plus haut de faux-semblants et de duperies. Campbell lui-même se ment, est-il cet agent double qui fut si utile aux américains, un schizophrène, un nazi convaincu ?



Vonnegut s'y entend à merveille pour brouiller les pistes, et il le fait avec un humour caustique...

S'il n'est pas récent (1961), le roman a très bien vieillit dans son fond comme dans sa forme.

Nuit mère, est l'un des meilleurs romans qu'il m'ait été donné de lire depuis longtemps !





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Abattoir 5

Avant de donner mon avis, je tiens à adresser un immense merci aux éditions Points et à Babelio pour leur confiance pour cette opération Masse critique.



Autobiographie, plaidoyer antimilitariste, roman de science-fiction, Abattoir 5 de Kurt Vonnegut est tout cela à la fois. C'est un remarquable réquisitoire contre la guerre, ou plutôt les guerres et contre le cortège d'horreurs qui les accompagne.

Ce roman en grande partie autobiographique s’inspire de l'expérience traumatisante de Kurt Vonnegut : prisonnier de guerre à Dresde durant la seconde guerre mondiale, enfermé dans l’Abattoir 5 (qui inspira le titre de son roman) il connaît l’enfer d’un des pires bombardements de cette guerre qui détruira presque entièrement la ville et fera plus de 20 000 morts.



Abattoir 5 apparaît donc comme une tentative d’exorcisme de cette nuit d’horreur qu’a vécu Vonnegut, et qu’il ne peut affronter sans le secours de la fiction.

Le roman nous transporte, de manière comique, en jouant avec les codes du genre de la science-fiction : voyage dans le temps, enlèvement par les extra-terrestres...

Mais ici la science-fiction ne sert qu'à camoufler la vérité. Une vérité que Billy Pilgrim, héros du livre et avatar de l'auteur, refuse de toutes ses forces.

Une réalité qu'il cherche à repousser dans le domaine de l'imaginaire, comme pour la rendre plus supportable et lui éviter de sombrer dans la folie.



Si je dois relever un petit bémol à cette nouvelle édition, ça serait la traduction du leitmotiv du personnage de Billy Pilgrim "c'est la vie", ponctuant chaque mention de décès, qui est devenu "ainsi vont les choses". Cependant cette variation ne devrait pas perturber les nouveaux lecteurs.



En bref, c'est un roman délirant faisant preuve d’un humour noir jubilatoire et d’une construction alambiquée.

«Abattoir 5 ou la Croisade des enfants» fait partie des classiques de la science-fiction à lire et relire absolument.
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Abattoir 5

Enfin! Depuis le temps que ce livre est dans ma PAL, il aura fallu le challenge de Jamik pour prendre le temps de le lire. Merci!

Je m'attendais à une lecture plus complexe en fait. Mais c'est une lecture fluide qui m'a cueillie. Billy Pèlerin fait des allers retours dans le temps, tantôt étudiant, tantôt jeune marié, tantôt soldat, tantôt veuf. Il navigue dans le temps, mais aussi l'espace : Ilium aux Etats Unis, Dresde en Allemagne ou à bord du vaisseau des Tralfamadoriens. Oui, car en plus des bons dans le temps, il y a des extraterrestres dans ce texte. Et étonnamment tout cela paraît tellement cohérent. Il faut quelques secondes chaque fois à Billy pour passer d'un état à un autre (comme nous lecteur en fait), mais pas plus. Ce personnage reste d'un flegme, d'une distance incroyable. De la bêtise ou de la philosophie ? Sûrement un peu des deux. En tout cas j'aime l'idée Tralfamadorienne qui veut que même un mort est en vie quelque part, simplement pas sur le même ligne de temps que notre présent. Une forme d'immortalité réconfortante, comme je comprends Billy!

Mais finalement ce n'est pas tant le côté "science-fiction" qui prime le plus pour moi dans l'œuvre. C'est plus la dénonciation de l'absurdité de la guerre. Les comportements, les évènements de la seconde guerre que rencontre Billy paraissent tellement futiles, ou absurdes, ou ridiculisés. C'est la vie.

Peut-être pas l'oeuvre parfaite en ce qui me concerne, car j'ai eu trop de mal avec le premier chapitre, mais un texte que je suis ravie d'avoir finalement lu et apprécié.
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Nuit mère (Nuit noire)

Une fois de plus, je ressors complètement décontenancé d’une lecture d’un roman de Kurt Vonnegut Jr. Est-ce un roman sur les crimes de guerre de l’Allemagne, un roman d’espionnage ? Comme d’habitude, il ne faut pas se fier aux apparences. Qui est Howard Campbell junior, allemand d’origine américaine, star de la radio, propagandiste de renom pendant le Reich, cadre du parti nazi ou espion au service des USA ? Il importe peu à Kurt Vonnegut Jr. de répondre à ces questions, comme d’habitude, son roman est un questionnement sur la nature humaine, et surtout sur la notion de libre arbitre, son cheval de prédilection.

Howard traverse sa propre histoire personnelle comme un touriste, ses relations aux autres ne tiennent qu’à un fil, les apparences ne reflètent jamais la réalité, la question de la culpabilité est faussée, parce que Howard ne fait que jouer le rôle de sa vie tel un acteur blasé de série B, sans émotions, sans passions, en réalité, il ne maîtrise rien. Le récit nous entraîne dans l’absurdité de la vie, drôle, cynique, perturbante. Le style est froid, le récit est construit comme si Howard rédigeait son autobiographie en attendant son jugement pour crime de guerre en Israël, un récit presque sans âme, car il est bien incertain qu’il en possède une, d'ailleurs, le bien et le mal existent-ils vraiment ? Kurt Vonnegut Jr est un auteur à part, du genre doux dingue, il me fait à chaque fois penser à cet autocollant que mon frère avait acheté en Angleterre quand nous étions enfants qui disait ceci : “Y-a-t’il de la vie intelligente sur terre ? Oui, mais je ne fais que visiter.” ça pourrait être sa devise. On pourrait lui reprocher de ne pas procurer d’émotions avec ses personnages, alors que c’est bien là que se situe tout son génie

Pour moi, c’est encore une lecture de Kurt Vonnegut Jr. qui me réjouit, pour sa finesse, son point de vue détaché, sa manière d’aborder la littérature. Je ne sais pas si j’ai réussi à me faire comprendre, mais mon avis sur ce roman est bien peu de choses, comme me l’a si bien démontré son auteur.
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Dieu vous bénisse, monsieur Rosewater

Norman Mushari, jeune avocat d'affaire arriviste et sans scrupules (comment cela "pléonasme" ?) entreprend de déposséder d'une bonne partie de sa fortune Eliot Rosewater.



Eliot est un richissime héritier, vétéran traumatisé de la seconde mondiale, il s'est donné pour but dans la vie, d'aider les plus défavorisés...



Entre son rôle de pompier bénévole, et sa fondation philanthropique, Eliot passe pour un doux dingue.

Mushari espère faire passer Rosewater pour irresponsable afin de faire hériter un lointain cousin Rosewater qu'il pense pouvoir spolier...



Ce roman est le troisième Vonnegut que je lis.

Les trois sont publiés chez Gallmeister (coïncidence), ce roman, fait d'ailleurs écho à "le petit déjeuner des champions", puisqu'on y retrouve une évocation du romancier Kilgore Trout, et de Rosewater lui-même...



J'apprécie l'humour de Vonnegut, incisif et caustique sous un premier abord débonnaire.



On peut trouver que le propos "anticapitaliste" manque de finesse, mais après tout, l'auteur le dit dés les premières phrases de son roman "Dieu vous bénisse monsieur Rosewater" est une fable, et il n'est donc pas à prendre comme un pamphlet ou un réquisitoire.
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Abattoir 5

J'ai été très surpris par le premier chapitre. Car en fait de premier chapitre, ce serait plutôt une introduction. Me suis -je trompé sur le genre de lecture dans laquelle je m'embarque avec ce livre ? Mais le début du chapitre 2 se veut rassurant, mettant en place le personnage dont il est question sur la quatrième de couverture.



Mais au final, j'aurais préféré que ça continue comme au chapitre 1. Parce que les changements de point de vue toutes les pages... sans continuité narrative autre que le héros... beurk. Billy est en train de se prendre une cuite, dans les années 60 (ou 50... c'est sans importance.) galérer avec trois autres soldats dans la campagne allemande, enfin je crois. Et j'en oublie. non, décidément, je n'adhère pas et je ne finis pas cette lecture.



En bref : Je ne saurai dire à qui conseiller cette lecture, ni, a contrario, à qui la déconseiller. Pour ma part, j'avais adoré Nuit noire et le grand voyage, mais là ! non. Sans moi.
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Abattoir 5

Ainsi va la vie



Présentation :



Vétéran de la Deuxième Guerre mondiale, le Germano-Américain Kurt Vonnegut a choisi l'alibi de la science-fiction pour construire une oeuvre, qu'on hésite toutefois à faire entrer dans ce genre littéraire. Par nature hostile à toute forme de classification, me voilà ravie de pouvoir considérer cette histoire comme inclassable. Néanmoins pour les irréductibles puristes qui voudraient coûte que coûte faire entrer chaque chose dans une case, il est toujours possible de qualifier cette lecture de pamphlet antimilitariste. Et surréaliste aussi, comme aurait pu le dire Hugh Grant... Par certains aspects, ce texte emprunte également à la satire. Inclassable, que je vous dis. C'est ainsi que, sur un ton incomparable, l'auteur a échafaudé une histoire rocambolesque qu'il déclare « vraie » au prétexte que « tout ce qui touche à la guerre n'est pas loin de la réalité. » De plus, au sujet de l'absurdité du monde et de l'inconséquence des individus qui le peuplent, toujours prompts à commettre mille turpitudes, ce récit n'est pas sans rappeler l'ironie caustique de Voltaire à l'égard des pérégrinations de son Candide. Du coup, avec cette référence à Voltaire, ce livre tiendrait même du conte philosophique ! Le tout saupoudré d'une belle dose d'irrévérence envers la société tout entière ; instances civiles et religieuses n'ayant pas non plus été épargnées.



Quant au sous-titre « La croisade des enfants », celui-ci ne fait pas seulement allusion à la croisade des enfants de 1212 mais à la guerre elle-même que des hommes d'âge mûr envoient faire à leur place par des « gosses » ; en l'occurrence des garçons à peine sortis de l'adolescence dont certains n'atteindront jamais la vingtaine ou, si d'aventure ils en réchappent, subiront les affres de ce que la psychiatrie moderne a nommé « syndrome de stress post-traumatique ».



Histoires dans l'histoire :



Pour parler du contexte de l'époque, il faut savoir que Kurt Vonnegut, alors incorporé dans l'infanterie américaine, a été fait prisonnier par les Allemands en 1945 et qu'il assistera à la destruction de Dresde par les Américains. Dans Abattoir 5, cette tragédie hante l'esprit de Billy Pèlerin, sorte de double de l'auteur, puisque ce personnage central a aussi été témoin du bombardement de cette même ville allemande, tandis qu'il avait trouvé refuge dans une cavité sous un abattoir désaffecté. À partir de son expérience, nous sera retracé l'étrange parcours de Pèlerin, cet Américain moyen opticien de profession.



Une fois revenu à la vie civile, Pèlerin rentre dans le rang, se marie, a deux enfants. Un jour, un vaisseau spatial extraterrestre l'enlève pour l'emporter sur la planète Tralfamadore située à des milliards de kilomètres de la Terre. Dans cette dimension parallèle, il connaîtra une autre femme terrienne, une star du X dont il s'éprend et qui, elle aussi, avait été kidnappée. Le héros sera ensuite en mesure de saisir la vraie nature du Temps, avec un T majuscule, à savoir le Temps selon les Tralfamadoriens. En effet, pour ces drôles de créatures hautes de deux pieds, notre temps linéaire sonne comme une aberration. Il n'y a bien qu'un pauvre esprit limité de Terrien pour avoir recours à des notions aussi farfelues que le passé, le présent et le futur…



Après cette révélation, on comprend aussi pourquoi Pèlerin survole plus son existence qu'il ne la vit. En effet, son abduction lui a donné la capacité de « décoller du temps », qui le rend comme étranger aux événements, un peu comme si son super pouvoir lui permettait d'évacuer les atrocités de la guerre en passant sans cesse d'une période à l'autre de sa vie. On pourra y voir une espèce de métaphore de ce qu'on appelle aujourd'hui la « résilience ». Ici, il s'agit de s'extraire de la réalité pour échapper à l'horreur.



Mon avis :



La mort fait partie de la vie, à plus forte raison quand la guerre s'en mêle. Pour le dire trivialement, ce roman a donc été construit autour de cet enfonçage de porte ouverte et, je le répète, dans un style pareil à aucun autre.

Notons aussi que, peu après la fin de la guerre, Pèlerin entre en clinique psychiatrique où un certain Eliot Juderose lui fait découvrir les romans de Kilgore Trout, un auteur de science-fiction qu'on peut qualifier d'obscur vu le portrait peu reluisant qui en est fait. Dans une réplique irrésistible Juderose dira même : « Je suis le seul à avoir entendu parler de lui. Il n'a pas publié deux livres chez le même éditeur et chaque fois que je lui écris aux bons soins d'une maison d'édition, elle a fait faillite et la lettre m'est retournée. » Humour d'écrivain… qui a d'ailleurs un sens aigu de l'autodérision. Autre aparté qui en dit long : « Si seulement Kilgore Trout écrivait bien, gémit Juderose. Il y avait du vrai là-dedans : Kilgore Trout méritait son peu de succès. Il écrivait comme un cochon. Tout ce qu'il avait c'était de bonnes idées. » Comme si cette considération renvoyait au parti pris narratif de ce roman – inclassable donc – qui déroule des fragments de vie décousus mais qui, en définitive, forme un tout cohérent si on s'en tient à la logique tralfamadorienne. J'ai pour ma ma part trouvé les idées de ce roman assez bonnes en effet, et pas si mal écrit que ça.
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Nuit mère (Nuit noire)

Auteur iconoclaste et révolté, satiriste virulent des années Vietnam, anti-BUSH déclaré, Kurt VONNEGUT a souvent été considéré comme un simple "écrivain de SF", alors qu'en fait, sa palette d'action était bien plus élargie.



Ce que ce Nuit Mère, écrit en 1961 mais réédité cette année Chez Galmmeister dans la collection Totem l'Amérique grandeur nature- illustre parfaitement, allant ici plutot du coté de la politique fiction ou du roman d'espionnage de guerre pour au final , aboutir à un objet littéraire assez curieux et vraiment passionnant.



Ce court roman se prétend être le récit autobiographique fictif de Howard C. Campbell « américain de naissance, nazi de réputation et apatride par inclination » que ce dernier aurait envoyé à Kurt Vonnegut depuis ses geoles à Jérusalem dans laquelle il attend son procès pour avoir activement pris part à la propagande nazie durant la guerre.







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S'engage alors une réflexion sur les apparences et les faux semblants qui plonge le lecteur dans le doute et le questionnement. A l'exception près que si Howard W. Campbell Jr ne conteste nullement ses agissements, il assure avoir été, pendant toute la guerre, un espion au service du gouvernement américain, et avoir transmis via ses émissions des messages codés à destination des alliés.



« Nous sommes ce que nous feignons d’être, aussi devons-nous prendre garde à ce que nous feignons d’être. »



On revisite une partie de l’histoire d’un homme, auteur, et présentateur radio nazi et jusqu'au bout on s'interroge sur la véritable personnalité de cet être qu'on n'arrive pas déterminer si c'est une vraie ordure pret à tous les mensonges pour s'en sortir ou un taupe qui dit vrai est un roman captivant et particulièrement intense...
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Abattoir 5

Kurt Vonnegut Jr. est né à Indianapolis en 1922 et décédé en 2007. C'est la vie.

Engagé dans l'armée américaine pendant la seconde guerre mondiale, il se retrouve isolé durant la bataille des Ardennes et, après quelques jours d’errance, est fait prisonnier par l'armée allemande. Il se retrouve alors à Dresde, forcé de travailler dans un abattoir.

Entre le 13 et le 15 février a lieu de bombardement de la ville par les alliés, 7000 tonnes de bombes sont déversées en trois vagues qui feront des dizaines de milliers de morts.

Kurt Vonnegut Jr. est l'un des sept rescapés américains, sauvés pour s'être enfermés dans une cave d'abattoir (Slaghterhouse Five). Les autorités nazies l'affectent à la récupération des cadavres pour la fosse commune, mais leur nombre est tellement important que l'ouvrage des bombes doit être terminé au lance-flamme.

C'est la vie.

Passablement traumatisé par cette expérience, Kurt Vonnegut Jr. essaya pendant des années de sortir son livre sur le bombardement de Dresde, sans toutefois parvenir à en écrire un seul mot. C'est seulement en 1969 qu'il abordera cette étape marquante de sa vie dans un roman de Science-Fiction (en est-ce vraiment?), Abattoir 5 ou La Croisade des Enfants.



On y suit Billy Pilgrim, vétéran américain ayant été fait prisonnier par les allemands et ayant survécu au bombardement de Dresde; dans les années 60, il vit avec sa femme, son chien et ses deux enfants. Billy est détaché du temps et se retrouve à parcourir les différentes époques de sa vie, tantôt en pleine seconde guerre mondiale, tantôt avec sa famille et même, parfois, sur la planète Tralfamadore où il vit sous un dôme de verre dans une petite pièce douillette, accompagné d'une actrice sur qui il avait flashé dans un Drive-In.

Passant sans cesse d'une époque à l'autre, Kurt Vonnegut Jr nous offre un livre en tous points atypique, nous faisant découvrir Billy via des tranches de vie naviguant entre rires et larmes. Le bombardement de Dresde est bien évidement partie centrale de ce roman quasi-autobiographique et le discours y est profondément anti-militariste. Souvent cruel et absurde, Abattoir 5 regorge également d'un certain humour très sombre et cynique en faisant un roman finalement assez léger, malgré le tragique des thèmes abordés.



Resté pendant trois mois en tête des best-sellers américains, Abattoir 5 est un roman étrange et fascinant à côté duquel il serait dommage de passer.

A noter que George Roy Hill en fera une adaptation cinéma en 1972 , elle aussi tout à fait recommandable !
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Abattoir 5

Ce classique de la science-fiction clairement anti-guerre se trouvait dans quelques-une de mes diverses listes depuis bien longtemps, sans que je sache vraiment ni son genre ni son thème. Je pensais simplement que c'était un incontournable horreur-science-fiction. Mais bel et bien à es milliers d'années lumières de ce à quoi je m'attendais.



Quel livre étrange ! D'abord le ton, naïf, décalé, voilant à-demi et si finement une déclaration sur les horreurs et l'absurdité de la guerre.

D'entrée, on suit Billy Pilgrim, un personnage qui ne maîtrise rien de sa vie, dont chaque décision n'en est pas une mais plutôt une orientation forcée par quelqu'un ou quelque chose d'autre. Sa vie, avant même son premier voyage dans le temps, semble être manipulée par tous les caractères plus forts qui l'entourent. De son enfance à ses études, son boulot, la guerre, on le suit d'incident en poussée qu'il subit dans un état second, ponctué de ses réflexions décalées sur les événements. Les témoignages de guerre eux-mêmes voient leur horreur soulignée par des moments absurdes et des bonds dans le temps qui semblent tout à logiques dans leur absurdité.

Les extra-terrestres sont hilarants et bourrés de grandes déclarations sur l'absurdité de l'humanité qui s'entête à poursuivre ses grandes entreprises et ses atrocités sous des prétextes qu'ils veulent logiques aveuglant ses pions de propagande idéalisant la guerre, voilant la décadence de leur civilisation. Quelques extraits de discours justifiant les bombardements atomiques puis de livres d'histoire glorifiant la décimation de villes entières au nom de la lutte contre le grand ennemi, le Mal, sont particulièrement géniaux, rappelant le but de l'auteur. Celui-ci ponctue son récit du leitmotiv philosophique des Tralfamadoriens "So it goes", évoquant une histoire humaine cyclique, de répétitions de massacre au nom de causes qui n'en sont pas. Absurdité. Génie !



Un drôle de livre qui a régalé mon côté cynique accompagné du questionnement constant, qui du "je" et du "il" est le personnage, le narrateur et l'auteur?

Effectivement un incontournable. À mettre entre toutes les mains de lecteurs de science-fiction et même de curieux de réflexion alternative sur les civilisations occidentales et la guerre.
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Le berceau du chat

Le journaliste Jonas s’est mis dans l’idée d’écrire une biographie du Dr Hoenikker, un des pères de la bombe atomique américaine. Il est décédé… Aussi Jonas entreprend-t-il de recueillir les informations nécessaire à son travail. Ils sont trois : Newton, un nain contrefait, Angèla, en dehors de son époque mais surtout complètement étrangère aux questionnements du journaliste fouineur. Reste Franklin, le rebelle…



Il s’est réfugié sur une île des Caraïbes, San Lorenzo ; une île dirigée d’une main de fer par « Papa Manzanon » ; une île où la religion d’état est catholique mais où règne dans la clandestinité et dans l’âme des habitants, Bokonon un gourou ami de Franklin dont la « philosophie » consiste à élever le mensonge au niveau d’un art.

Cette « enquête » sera l’occasion pour Jonas de découvrir que les enfants d’Honikker ont gardé en leur possession la dernière invention de leur père : la Glace-9, capable de rendre solide, tout ce qui est liquide. On imagine aisément l’horreur de la découverte quand on pense qu’elle est potentiellement entre les mains d’une secte : la secte de Bokonon…



Comme on peut le constater, un sujet racoleur, certes, mais non dénué d’interêt ; d’autant qu’il porte en second niveau de lecture tout un questionnement non moins intéressant sur l’humanité, le pouvoir, la religion, la science…néanmoins, à mon goût, un livre difficile à lire…



La police de caractère de mon exemplaire « Points Seuil », petite, tassée y est sans doute pour quelque chose. Néanmoins, un style qui ne m'emporte pas… J’ai cru comprendre que certains lecteurs accusent également la traduction. Peut-être…

Dommage.

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Abattoir 5

C'est le deuxième roman américain sur le traumatisme de la guerre que je lis récemment. Celui la raconte une page inconnue de la libération de l'Europe en 1945, alors que l'avancée des alliés vers l'est était émaillée de morts, de prisonniers et de massacres perpetués par les belligérants (où l'on se voit confirmer que le bombardement de Dresde fut plus meurtrier qu'Hiroshima et tout aussi inutile).

Mais, par rapport à Tim O'Brien (Les choses qu'ils emportaient) qui parle à nos émotions, ce petit livre parlent à notre mémoire, mais ne parvient pas à nous prendre au coeur.

L'auteur annonce dès le début qu'il n'y a pas matière à faire un livre sans délayer, la préface annonce les ressorts de la narration temporelle et du coup, tout est prévisible et sans surprise. De plus le style atténue tout avec un humour de second degré pas toujours à propos.

C'est sympa à lire, intéressant, mais sur ce sujet j'attendais tellement mieux.



Un conseil : lisez la préface en dernier !
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Abattoir 5

Se sentir vivant passe, souvent, par la mise en danger voire par l'expérience (subie) de la violence ; comme dirait philosophiquement le narrateur d'Abattoir 5, "c'est la vie". L'omniprésence de la violence et de la mort - non seulement elles, mais aussi l'idée même de la violence et l'idée même de la mort - imprègne particulièrement nos sociétés. En cela la guerre n'est que l'aboutissement logique d'un système de pensée qui accepte la mort par la violence, voire l'appelle en l'affichant partout : dans les objets culturels, dans les statistiques, dans les canaux d'information ... Dans Abattoir 5, la guerre est omniprésente car la structure même du roman mêle toutes les époques dans lesquelles se retrouve le personnage principal, Billy Pèlerin (Billy Pilgrim en anglais : sorte d'Américain moyen, symbole d'une demi réussite sociale et du pion de l'Histoire politique de son pays).



Billy Pèlerin voyage dans le temps. En un clignement d’œil, il se retrouve soldat dans les Ardennes, opticien dans la ville d'Illium, prisonnier de guerre dans une ville qui sera rasée prochainement, nouveau-né ou veuf qui prédit sa propre mort un beau jour de 1976. Il est aussi capturé par des extraterrestres appelés Tralfamadoriens pour lesquels le temps n'est qu'une dimension supplémentaire. Cette position de voyageur temporel lui vaut de connaître par avance sa vie, de vivre avec les souvenirs d'événements qui ne sont pas encore arrivés, et de vivre dans un certain relativisme puisque les choses devant arriver, mieux vaut les accepter afin de vivre heureux.



Si la mort est partout, la vie, elle, tente de s'en dépêtrer. On notera que, dans cette tension permanente qui interroge tout de même la propension extraordinaire de l'être humain à exterminer ses semblables, que le titre relève du paradoxe. Car c'est dans un abattoir, lieu de mort par excellence (mort industrialisée, comme en fut l'instrument la Seconde Guerre mondiale) que survit à l'un des plus grands cataclysmes de l'Histoire, c'est-à-dire le bombardement de Dresde le 13 février 1945, le dénommé Billy Pèlerin ainsi que, de façon plus réelle, l'auteur alors soldat ou plutôt prisonnier de guerre, Kurt Vonnegut.



Pour autant, cette guerre que décrit Vonnegut n'est jamais celle, idéalisée, des grandes fresques historiques. Avec Billy Pèlerin en étendard, la guerre tient plutôt de la farce que de l'épopée. On suit des soldats fuyant dans les Ardennes et rêvant à des engins de torture ; on s'accoutre de vêtements grotesques pour survivre dans l'hiver allemand ; on dresse des listes de personnes dont on voudrait se venger alors que l'on n'encaisse pas même un coup de poing ; on fusille un prisonnier de guerre dans un désert de ruines pour un vol de théière. La guerre est absurde par les formes individuelles qu'elle prend.



Tandis qu'il assiste sans cesse aux mêmes scènes de sa vie, qu'il revit sans arrêt les années de guerre qui ont, sans aucun doute possible, véritablement marqué l'auteur Kurt Vonnegut, Billy Pèlerin a encore l'audace, alors qu'il se trouve sur Tralfamadore, d'interroger ses hôtes sur le libre-arbitre. A la lecture de ce roman, on serait presque tenté de préférer la logique de la destinée, qui au moins interdit aux hommes tout autre comportement que celui du guerrier, car l'homme serait alors victime et non décisionnaire dans les massacres qu'il perpétue. La vision cyclique du temps qu'a Billy Pèlerin, et qu'à un échelle plus large on pourrait avoir de l'histoire de l'humanité, montre pourtant que l'Homme fait les mêmes choix, sans réellement retenir les leçons du passé.



Le temps, disent les Tralfamadoriens, n'est pas qu'une succession d'événements. Il imprime aussi en chacun de nous, et durablement, les strates de ce que nous avons vécu. Si eux-même voient les humains comme de véritables monstres dotés de bras de bébés et de jambes de vieillards, il faut y voir une métaphore. Le temps laisse en nous de durables empreintes et Kurt Vonnegut, en écrivant Abattoir 5, creusait justement dans son temps personnel pour y restituer une partie de son vécu, et probablement la terreur qu'il vécut le 13 février 1945, dans l'abattoir n°5, à Dresde.
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Nuit mère (Nuit noire)

« Celle-ci est la seule de mes histoires dont je connais la morale. Je ne pense pas que cette morale soit merveilleuse ; il se trouve simplement que je la connais : nous sommes ce que nous feignons d’être, aussi devons-nous prendre garde à ce que nous feignons d’être. » dit Kurt Vonnegut en introduction à Nuit mère (avant d’ajouter, plus loin, pour faire bonne mesure : « Il existe une autre morale limpide à ce récit, maintenant que j’y pense : Quand vous êtes mort, vous êtes mort. Et voilà une autre morale qui me vient à l’esprit : Faites l’amour quand vous pouvez. C’est bon pour la santé. »).

Autant dire que le chroniqueur n’a pas grand-chose à ajouter à ces quelques phrases qui résument on ne peut mieux et l’esprit du livre et la philosophie de Vonnegut.

Quelques explications tout de même, sur l’histoire. Nuit mère est le récit autobiographique fictif de Howard C. Campbell « américain de naissance, nazi de réputation et apatride par inclination » que ce dernier aurait envoyé à Vonnegut depuis sa cellule à Jérusalem dans laquelle il attend son procès pour avoir activement pris part à la propagande nazie durant la guerre. Américain vivant en Allemagne, Campbell, dramaturge et écrivain, a mis beaucoup de zèle à fustiger juifs et communistes dans ses émissions radiophoniques. Il a aussi joué les agents doubles au service des États-Unis, ce qui explique qu’il a pu rentrer en Amérique sans encombre après la guerre. Sauf que, à l’aube des années 1960, son anonymat tout relatif fait que communistes et agents du Mossad comptent bien lui mettre la main dessus en se servant d’un groupuscule néonazi local.

Derrière les confessions de Campbell se dessine un formidable jeu de dupes dans lequel – et l’on retrouve là la morale de l’histoire – nul n’est ce qu’il paraît être mais tend à devenir le personnage dont il a endossé la peau pour les besoins de sa mission, plongeant Campbell et ceux qui gravitent autour de lui dans une fiction qui dépasse la réalité ou, à tout le moins, efface ses contours. Et l’on sera finalement bien en peine de savoir en fin de compte qui est Campbell. Quelles sont ses convictions réelles ? En a-t-il seulement ? Et même : existe-t-il vraiment u n’est-il lui-même que le produit de sa propre imagination ?

Ainsi ce roman de 1961, un des premiers de Kurt Vonnegut, prend-il la forme d’un drôle d’objet métalittéraire vertigineux, à la fois amusant – les conversation de Campbell avec Eichmann sur la nécessité d’avoir un agent littéraire ou encore l’évocation de tournois de pingpong organisés au ministère de la Propagande valent le détour – et angoissant. Fascinant.


Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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