A. Zavarelli

— Tu as peur pour ton âme ? je lui demande.

— Ça dépend des jours, répond-il vaguement. Parfois, ça dépend même des minutes. Dans mon métier, est-ce qu’on peut vraiment s’inquiéter de ces choses-là ?

Il plaisante, mais son humour lui sert à détourner ma question. Sous ce vernis, je décèle la vérité. Il a peur. Il craint de perdre son humanité. Le bien et le mal. Ses propres ténèbres.

La mort.
Ce mot est tellement définitif. Mais ce n’est pas qu’une fin. Certaines personnes meurent bien avant d’avoir un pied dans la tombe.
Ils meurent à petit feu, un peu chaque jour.
La perte de sensation. Le désintérêt. Parfois, c’est progressif. Et parfois, cela arrive avec la subtilité d’un ouragan.
La mort peut habiter le corps bien avant le départ de l’âme.
Dans mon cas, c’est la vérité. C’est la seule vérité que je connaisse.
Et je suis prête à accepter la mort de cette vie à bras ouverts. Je suis prête à prendre mon envol. À trouver la paix

« Je pourrais interroger Crow à ce sujet. Mais c’est encore pire. À mon âge, je devrais avoir résolu ces questions tout seul. Et pourtant, je ne sais rien. »

— C’est la mienne, dit-il. Il a essayé de la toucher… et…
— C’est bon, Cro-Magnon, dit Lachlan. On a compris, elle est à toi. Maintenant, dégage. Je m’occupe du type. »

— Tu as quelque chose à dire, maintenant ? grogné-je.
— Va te faire foutre, dit-il en s’étranglant avec son sang.
Je le laisse allongé là, en un tas, et je me lève pour faire signe à Thomas.
— Donne-moi un coup de main, tu veux bien ?
Il contourne Enzo pour lui attraper son bras valide tandis que je le traîne par son membre blessé. Il grogne et gonde comme un porc à cause de la douleur, avant de vomir quand nous le rejetons sur la chaise.
— Carrément dégueu, lui craché-je.

Natalia à Nino :
Ce n’est pas grave de dire que tu n’aimes pas ça, le rassuré-je. Et ce n’est pas grave de dire non à un câlin si tu ne veux pas en recevoir. Si tu préférais une tape dans la main, une poignée de main ou même un signe, tu pourrais le faire. Mais si tu n’en as pas envie, tu n’as pas à le faire. Si quelqu’un d’autre se met en colère à cause de ça, ce n’est pas ta faute. C’est ton corps et tu es l’unique personne qui peut dire ce que tu veux ou ne veux pas. Tu n’as rien fait de mal. Tu peux toujours dire à tes amis ou à ta famille que tu les aimes grâce à des mots, si tu le préfères.

Je commence toujours par de la torture primitive. Ce n’est pas un dénouement. C’est un échauffement. Par expérience, j’ai appris que la torture psychologique gagne systématiquement. D’abord, il faut les ensanglanter et les épuiser en réduisant leurs montées d’adrénaline. Cet effondrement joue toujours en ma faveur. Malgré ce que la plupart de ceux qui m’engagent aiment croire, je ne possède aucun talent particulier et ce n’est pas une forme d’art. Je comprends seulement les lois de la nature humaine.

J’ai le sentiment qu’une étrangère me fait face dans le miroir quand je retouche mon maquillage. Ma respiration se calme avec chaque passage de la brosse et je reprends progressivement mes esprits.
J’ai menti quand j’ai dit que j’avais des devoirs. La seule chose sur mon agenda ce soir c’est de manigancer la destruction de mes ennemis.

Cette femme est résolument amoureuse d’elle-même, y compris de ses défauts. Elle m’a toujours inculqué que les femmes devraient célébrer leur beauté individuelle, sans se soucier de leurs rides, cicatrices, ou de leurs silhouettes. Sa philosophie consiste à s’habiller pour se sentir bien et manger ce qu’on souhaite, y compris des desserts. Toutefois, elle peut se le permettre. Son métabolisme est plus clément. J’ai hérité de la carrure de mon père, et par conséquent, je suis dotée de courbes bien plus généreuses.

Ils ont dit que j’étais ouverte à tout et n’importe quoi. Une vraie traînée. Je n’arrêtais pas de recevoir des dick pics. Les filles m’ont affligée de tous les noms d’oiseaux qu’elles ont pu trouver. Et Landon a maintenu un silence radio.

En réalité, j’aime à croire qu’il s’agit d’une relation avantageuse pour nous deux. Il peut garder le secret de son petit ami mystérieux sous le coude jusqu’à notre remise de diplômes, lorsque cette rivalité prendra fin, et en attendant, je gagne en popularité pour avoir chopé l’un des types les plus populaires de l’école.

Il est canon, musclé, et doté d’une personnalité de vilain garçon qui fait craquer les femmes. Audrey parvient à peine à masquer son incrédulité quand il me salue d’un baiser langoureux sous les yeux de tous avant de me soulever dans ses bras et de me faire tournoyer comme dans l’une de ces scènes de film. Il m’assène une claque sur les fesses une fois au sol et je dois bien lui attribuer le mérite qui lui est dû. Il est doué.

Je croise le regard d’Audrey. Nous sommes comme deux béliers prêts à en découdre. Elle s’avance, prête à saisir la couronne qu’elle est persuadée de recevoir. Dans son monde, personne n’a le pouvoir d’abolir son règne. Personne n’oserait. Les événements passés ont prouvé que c’était un fait, mais l’histoire est sur le point d’être réécrite.

Ne touche pas à ce qui ne t’appartient pas. Les choses sont tendues entre nous depuis ce moment, mais nous avons un accord. Nous sommes tous les deux membres de l’équipe de foot. Les mêmes personnes nous collent aux basques comme des chiots. Nous ne pouvons pas les laisser remarquer que quoi que ce soit nous atteint. Nous devons tenir nos rôles, tout ça pendant que nous nous détruisons à petit feu avec la méthode de notre choix.

Je ne qualifierais pas d’amis ces adeptes dévoués qui me suivent où que j’aille. Je ne tiens à personne. Si les choses se passaient comme je le souhaite, tout le monde me laisserait tranquille, comme je préfère. Mais j’imagine qu’ils sont utiles pour une chose. Un bruit de fond pour contrecarrer la friture permanente de ma vie.

Elle a accepté l’argent avec une facilité si déconcertante que j’en garde à ce jour un goût amer en bouche. Je suppose qu’elle a obtenu ce qu’elle voulait finalement. Elle a disparu sans un regard en arrière, emportant avec elle la mer et le ciel.

À certains égards, mon retour dans cet endroit me procure la même sensation qu’un rôle d’acteur. J’ai signé pour une vie ordinaire, car je pensais que c’était ce dont j’avais envie, mais cette école n’est rien de plus qu’une autre scène. Chaque journée ressemble à un épisode de soap opéra, et je ne regrette pas mon enfance alors que je me prépare mentalement pour le cirque que sera la terminale.

Le monde bascule. Des explosions retentissent dans mes veines. Des papillons s’envolent dans mon estomac. J’inspire brusquement, et c’est à cet instant que ça arrive. Landon Blackwood pose ses lèvres sur les miennes. Il avale le gémissement spontané qui m’échappe. Il inspire tous mes souffles. Mes doigts se crispent sur son tee-shirt et je m’appuie sur lui alors qu’il vole toutes mes premières fois. Je n’ai encore jamais été embrassée, donc je n’ai pas matière à comparer. Mais je sais déjà qu’il n’y a rien d’autre sur terre qui égale son baiser.

À en juger par mon cœur qui s’est emballé, je brûle de toucher ses lèvres comme je n’ai jamais rien désiré auparavant. Mais pas comme ça, pas devant tout le monde.

Audrey l’attrape par le col et l’attire contre elle. Elle l’embrasse. Avec la langue. La foule les acclame et je les observe les yeux écarquillés alors qu’elle étale son rouge à lèvres sur le visage de Carson. C’est aussi fascinant que troublant, comme un charognard dévorant sa proie.