Dans ce triptyque débutant par un troisième acte, un homme, le narrateur, est couché sur une table d’opération dans un hôpital car son coeur vient de lâcher. Puis, dans le chapitre suivant, le deuxième acte, un écrivain de Montréal, se questionne sur l’écriture. Dans le suivant, le premier acte, un étudiant se trouve dans une voiture pour aller récolter des champignons magiques.
Ces trois actes composent la vie d’un homme à différents moments de sa vie (jeunesse, adulte, maturité). Il rencontre dans le premier acte à Joliette, Solène, une barmaid qui a cinq ans de plus que lui. Il tombe tout de suite amoureux d’elle. Durant les trois actes, Solène hante la vie du narrateur que ce soit durant son anesthésie alors qu’il est dans la cinquantaine, puis, jeune homme se taillant une place dans le monde de l’édition ou encore alors qu’il est en train de sortir de l’adolescence et qu’elle devient son premier amour.
Mes impressions
J’ai trouvé la composition de ce livre très vivante car les actes se font écho et ils permettent à l’instance lectrice de dresser le portrait du narrateur, un homme qui a aimé une femme, l’a perdue, l’a retrouvée et ce, durant une vie.
«Ça fait peur, le bonheur, quand on nous y a pas habituée. Mais toi, tu peux pas comprendre ça.». (p. 104)
Cette trame narrative en trois temps qui n’est pas linéaire permet, entre autres, à l’auteur d’explorer des thèmes comme la monoparentalité masculine, le hasard, la liberté, le sens de l’existence. De plus, la lectrice ou le lecteur travaille en lisant le livre pour placer les morceaux du casse-tête afin de comprendre la vie d’un homme.
-«Eh! C’est fou! Je viens à Québec une fois par année et je tombe sur toi! » (p. 145)
Qu’est-ce qui conditionne nos rencontres? Ces dernières sont-elles bonnes pour nous?Pourquoi un événement peut-il faire basculer le cours de notre vie? Que deviennent nos amis?
Et il y a les années 90, avec sa musique, ses films et ses événements marquants comme le suicide de Dédé Fortin, le chanteur du groupe mythique québécois Les Colocs.
«Les Colocs mélangeaient les rythmes et les couleurs dans un élan de libération salvatrice pour un Québec capable de donner et de recevoir dans un même mouvement. Il m’arrive encore aujourd’hui de me dire que Dédé aurait vécu malheureux s’il n’était pas parti en se faisant hara-kiri, qu’il n’aurait pas pu lutter contre les vents de rectitude qui ont déferlé par la suite, nous réduisant comme peau de chagrin à ce qui nous différencie, avec en prime la peur, de soi et des autres. La soif, d’argent et de reconnaissance. La faim, de plaisirs factices. Ajouté à cela, le contentement facile. »
En lisant ce livre, j’ai plongé dans mes souvenirs, car dans les années 90, j’étais au début de ma vingtaine. J’étudiais en littérature au CÉGEP de Limoilou, au Québec. Je me promenais sur la promenade Dufferin et j’arpentais le carré Saint-Louis et les bars du Vieux-Québec comme le narrateur du livre.
Mais, c’est surtout de Montréal dont il est question dans cette histoire avec ses dépanneurs, ses rues, son parc Lafontaine, son quartier Rosemont, son Plateau et son Mont-Royal. Montréal apparaît comme une ville bouillonnante offrant la possibilité au narrateur de réaliser ses projets comme devenir une figure du monde de l’édition grâce à sa débrouillardise, son sens de l’innovation et des responsabilités.
Alors, ce livre permet à la lectrice et au lecteur de vivre une belle expérience avec un personnage masculin attachant, sensible et au prise avec une existence pas toujours facile. C’est rempli de vie, d’amour et de peine comme la vie, la vie.
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