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Critiques de Alan Moore (715)
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Providence - Intégrale

Ce pavé de près de 600 pages et un bel hommage à Lovecraft, encore faut-il avoir bien étudié ses oeuvres pour tout saisir.

Nous allons suivre Robert Black, un journaliste qui veut enquêter sur un livre étrange, et cela va l'emmener de plus en plus loin dans les méandres sombres d'une partie très obscure de l'Amérique. Il va rencontrer les membres d'une organisation secrète, des artistes, des auteurs, des religieux, des hommes et des femmes qui s'intéressent de très près au monde occulte et à tout ce qui peut sembler mystérieux au sein de notre monde.

Les références à l'oeuvre de Lovecraft sont nombreuses mais ne pas reconnaître ces clins d’oeil n'empêche pas de suivre le récit, simplement, c'est agréable de reconnaître des gens, des lieux déjà rencontrés dans les récits de Lovecraft lui-même et cela apporte un petit plus à l'histoire.

Les dessins m'ont beaucoup plu, j'ai aimé les nombreux détails, les traits nets et les coloris sombres en totale adéquation avec l'histoire.

Par contre, j'ai eu un peu de mal à lire les parties soit-disant écrites à la main, la police de caractère choisie est assez peu lisible, une sorte d'italique, et surtout très petite.

Les personnes qui n'ont rien lu de Lovecraft trouveront peut-être le récit un peu long et la fin incompréhensible, je le conseille donc plutôt aux amateurs de cet auteur.
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Providence - Intégrale

Deux choses avant de commencer : La première est qu'il faut lire le Neonomicon de Moore avant de lire son Providence. Avoir déjà lu une ou deux nouvelles de Lovecraft, pour comprendre l'univers, est aussi un atout. La seconde est que ce n'est pas une lecture pour les cœurs sensibles. Comme pour la plupart des Moore, tout y est : Viol, inceste, pédophilie, etc. Et tout y est représenté très graphiquement.



Dans Providence, on suit le journaliste Robert Black qui enquête sur l'occultisme en Nouvelle-Angleterre peu de temps après la Grande Guerre. Au début, il n'y croit pas trop lui-même, mais Black est homosexuel. il se dit donc qu'une histoire sur les gens qui vivent des vies cachées dans une Amérique des souterrains permettra peut-être à des gens comme lui de comprendre qu'ils ne sont pas seuls.



Très rapidement, la réalité de l'occultisme le rattrape, et l'horreur commence.



On y retrouve un thème très cher à Moore : le fait que l'art et la magie sont une seule et même chose. Que la capacité qu'ont les artistes de faire naître des idées dans l'esprit des gens, dans l'inconscient collectif, permet de matérialiser ces idées et de transmuter le monde réel.



Ça aborde aussi la question du rapport entre l'artiste et son art. Lovecraft est un personnage de Providence (c'est le nom de sa ville natale). On aborde donc de front le sexisme, l'homophobie et le racisme de l'auteur, alors même que la BD est un hommage à son œuvre.



Bref : 5/5. Du grand Alan Moore. La lecture est complexe et lente par moment, mais demeure très satisfaite lorsque les pièces se mettent en place. Chaque chapitre se termine avec quelques pages du journal intime de Black qui raconte en prose sa version des événements de la BD. C'est déplaisant pour quelqu'un qui ne veut que lire une BD mais, encore, avec Moore, rien n'est là sans raison.



Mention spéciale à l'illustrateur pour son style plus près des BD franco-belges que des comics américains. Les dessins sont clairs et magnifiques, même lorsqu'il s'agit d'illustrer l'indicible, l'onirique et le non-euclidien.



L'horreur cosmique à son meilleur.
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Providence - Intégrale

Je dois tout d'abord avouer que j'ai abordé ce pavé avec une légère appréhension.



Lovecraft, je connais pour être un lecteur de longue date de son oeuvre, Moore, beaucoup moins, mais je sais que l'homme assurément brillant, signe des oeuvres très personnelles, avec en général, un contenu philosophique et politique plutôt de gauche et anticonformisme.



La question, à l'origine de mes doutes était donc la suivante : Qu'allait produire la rencontre de deux auteurs aussi dissemblables, et par bien des aspects opposés ?!



D'un côté Lovecraft, américain conservateur, passéiste, enclin aux intolérances et aux aversions les plus diverses, de l'autre l'anglais contestataire radical, abordant des thèmes polémiques et non-conformistes.



Quel allait être le résultat de ce choc idéologique ?





Et bien, je fus rapidement rassuré, des les premiers chapitres, Moore reconstruit l'oeuvre du maître, en donnant une relecture certes personnelle, mais aussi respectueuse des textes originaux de Lovecraft.



Je dis bien reconstruction et relecture, et non démolition, comme je l'avais craint un moment !



Et plus encore, Moore parvient à se réapproprier le "canon" lovecraftien, sans le dénaturer, mais l'actualise en l'ancrant dans un univers qui bien que fantastique reste très ancré dans le réel dans ce qu'il a de plus pragmatique, incluant la sexualité, notoirement absente de l'oeuvre originale.





Quant au graphisme de Jacen Burrows, il sert à merveille le texte, dans un style réaliste qui met en valeur les aspects merveilleux et horrifiques du scénario, et les couleurs, sont tout simplement parfaites.





En résumé, une vision neuve d'un univers classique que je recommande à toute personne curieuse de découvrir ce qui peut se produire de mieux dans la continuation du fameux mythe de Cthulhu.



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Watchmen (Intégrale)

Watchmen est une oeuvre immense et indispensable, non seulement pour ses qualités intrinsèques, mais également pour son impact sur l'histoire des comics. D'une certaine façon c'est en 1986 que tout commence. Certes, les comics existaient déjà auparavant mais c'est avec Watchmen (également the Dark Knight de Frank Miller, paru la même année) qu'Alan Moore réussit le tour de force de les faire entrer dans l'âge adulte.



L'histoire se déroule dans une uchronie qui repose en grande partie sur les épaules d'un seul homme, ou plutôt un surhomme : le docteur Manhattan. Engendré par un accident survenu lors d'une expérience atomique, il repousse au maximum de ses limites le concept même de super héros pour frôler le divin, tant ses pouvoirs sont immenses (il manipule la matière à sa guise, est quasiment omniscient, voit l'avenir...). C'est grâce à lui que les américains ont gagné au Vietnam, ce qui permet à Nixon d'être réélu sans discontinuer jusqu'en 1985. Pour autant, la société américaine est en crise, l'insécurité gangrène les rues et les relations avec l'URSS sont explosives, au point que chacun s'attend à un holocauste nucléaire imminent. Le salut ne semble plus reposer que sur un groupe de justiciers vieillissants, en l'occurrence les Watchmen, composé de Rorschach, le Hiboux, Ozymandias, Spectre Soyeux et le Comédien, qui ont la particularité de ne pas avoir de super pouvoirs (d'où le terme justicier). Pouvait-il en être autrement avec la présence d'un docteur Manhattan qui pourrait vaincre Superman sans lever le petit doigt ? L'intrigue débute par l'assassinat du Comédien et l'enquête de Rorschach. Il y a , en effet, dans Watchmen des aspects propre au polar, un côté sombre, dur, réaliste (et qui donne toute sa vraisemblance à cet univers parallèle). Il est à noter que c'est une "technique" souvent employée par les auteurs qui cherchent à produire des comics au ton adulte (Rising Star, Identity Crisis, The Twelve...)



L'effet est renforcé par un dessin très classique de Dave Gibbons (un peu à la Steve Ditko) qui tranche avec le propos. En effet, l'ambition d'Alan Moore va plus loin que de proposer un comic pour adulte. "Qui garde les gardiens" est la phrase qui revient, comme un leitmotiv, tout au long du récit et qui résume parfaitement les interrogations politiques, voir métaphysiques de l'auteur. Ses justiciers sans pouvoirs s'avèrent angoissés et moralement ambigus. C'est donc bien une réflexion sur le concept même de super héros qu'Alan Moore entreprend, ce qui lui permet, en filigrane, de critiquer les détenteurs de pouvoir, quels qu'ils soient, et l'autorité qui en découle (faut pas déconner, c'est quand même un ancien hippie).

En résumé, sous un aspect graphique très classique, Watchmen s'avère être un comic extrêmement ambitieux dans son propos et qui restera dans l'histoire de la bande dessinée comme une oeuvre majeure.
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Neonomicon

Un type enquête sur une série de meurtres identiques qui semblent être perpétrés par un tas de gens sans lien les uns avec les autres. Il suit la piste d'une drogue que plusieurs tueurs auraient consommée, pour découvrir qu'en fait, la drogue est un langage qui modifie nous perception du temps et de la réalité.



C'est la base du Neonomicon de Alan Moore. Un prétexte pour explorer l'univers de Lovecraft. On s'y demande : est-ce que les événements de l'intrigue sont le fruit des fans de Lovecraft, ou est-ce que Lovecraft lui-même était une victime des événements? Est-ce que rien, ou tout est question de sexe chez Lovecraft? C'est du Moore, tout est métatextuel.



Bref, c'est une excellente BD d'horreur lovecraftienne. L'horreur cosmic s'y mélange au body horror pour donner des scènes glaçante. Et les illustrations parviennent à être à la hauteur du texte, les formes non-euclydiennes y étant abonnement dessiné d'une plume psychédélique magnifique.



TW: Une scène de viol prend un peu moins de la moitié de la BD
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Providence, tome 3

Ce tome clôt la trilogie centrée sur le maître de l'horreur indicible.

Visuellement, c'est toujours parfait et les dernières planches de ce long voyage sont très belles. L'évocation d'Azathoth, de Yog-Sothoth, de Shub-Niggurath et Nyarlathotep me semble parfaite pour terminer ce voyage initiatique.

Alan Moore réussit à faire vivre le mythe sans reproduire les textes de référence, en les utilisant pour décrire l'univers de Lovecraft, pour y donner vie.

Une bonne et très longue bande dessinée destinée aux familiers du mythe (est-ce un mythe?) de Chtulhu.
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Neonomicon

Alan Moore revisitant H.P. Lovecraft cela ne pouvait "que" me faire envie, et c'est avec appréhension que je l'ai commencé car en tant que grand fan de l'œuvre de Lovecraft j'avais peur que tout soit dénaturé.



Ouf ! Gros coup de cœur au final, non seulement l'esprit Lovecraft est là avec tout ce que l'ont pouvait attendre, personnages torturés, fous ou encore mystérieux, on y parle des grands anciens (Cthulhu en tête), on croise également les amphibiens des Cauchemars d'Insmouth (ici par contre Alan Moore a misé sur le sexe version hard alors que chez Lovecraft il n'y en a pas), le dialecte propre à l'œuvre de HPL est ici également bien représenté et de manière conséquente.



L'intrigue nous transporte avec une équipe du FBI essayant de résoudre des meurtres liés à un mouvement sectaire, sexe, drogue dure, rock'n roll et hallucinations.



Véritablement prenant, on plonge dans l'histoire avec une facilité bien réelle (là où les récits de Lovecraft peuvent être plus compliqués), ce comics de par sa modernité et ses superbes dessins sauront attirer un public plus large autour du maître de l'horreur afin de le faire découvrir au plus grand nombre.



Après la page de fin on trouve plusieurs planches de dessins dédiés aux grand anciens et aux creatures Lovecraftienne qui s'avère superbes.



Voir la chronique sur mon blog :
Lien : http://unbouquinsinonrien.bl..
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La Ligue des Gentlemen extraordinaires, tom..

Suite et fin (?) des aventures des extraordinaires gentilhommes et gentillefemmes, entièrement consacré à la lutte contre les immondes poulpes tripodes venus de Mars.



Vous connaissez le principe maintenant : des héros issus des romans populaires de la fin du 19ème et du début du 20ème, réunis pour affronter le pire de la vilénie des romans de la même époque dans une ambiance steampunk à l’architecture colossale et colonisatrice.

Alan Moore ne s’essouffle pas dans cet album. On pourrait le croire pourtant, en voyant le faible nombre de nouveaux venus – le principal étant ce docteur Moreau qui a déménagé de son île avec toute son inquiétante ménagerie. Mais le focus est figé sur le cœur de l’équipe. Sur Nemo et son équipage qui affronte bravement les tripodes sur une Tamise au sirop. Sur le couple Alan Quatermain - Wilhelmina Murray qui passe à l’acte érotique dans des scènes crues qui feraient rougir Manara.

Mais c’est Hyde qui mérite les véritables honneurs. Hyde qui laisse tomber sa posture de colère pour adopter un comportement désinvolte et siffloteur, alors que son fond, lui, n’a en rien changé. Hyde qui accumule les actes de vengeance odieux et les actes de bravoure intrépides. L’album repose essentiellement sur lui. Le concerto pour Hyde en sol majeur est fascinant d’horreur, de drôlerie et de courage.



Fin de l’équipe des Extraordinaires qui laisse ses propres forces centrifuges l’éclater. Fin vraiment ? Les Gentlemen extraordinaires sont avant tout un concept, un phénix qui renaît toujours de ses cendres. Alan Moore continuera à l’exploiter. Mais cette version-là, la meilleure, entre dès lors dans la légende.

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Visions

Visions est une espèce d'anthologie de textes introuvables d'Alan Moore.



On y trouve plusieurs brouillons de l'auteur adaptés en BD par d'autres. Comme c'est du Moore, c'est intellectuellement dense et le format tassé de l'adaptation n'est pas l'idéal. Ça demeure intéressant pour un fan, mais beaucoup moins pour le commun des mortels.



Je mets tout de même 3 étoiles pour l'essai Writing For Comics qui s'y trouve. Écrit en 1988, juste avant le schisme entre Moore et l'industrie, il y parle avec enthousiasme de l'art de scénariser la BD. Il y propose une analyse de ses propres œuvres puis sa vision globale des comics, de l'art et du rôle des artistes en général.



Avec la postface de 2003, on y retrouve le Moore beaucoup plus cynique, qui nous sommes d'oublier tous les conseils qu'il a pu donner. Toute cela avant de nous en donner des nouveaux en précisant qu'il nous demandera d'aussi les oublier en 2020.



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Providence, tome 1

Ma première incursion dans l’univers de Lovecraft remonte à ma lecture de l’anthologie de Stephen Jones, Histoire illustrée de l’horreur, qui m‘a donné envie de poursuivre ma découverte.



Me voici donc parti pour Providence, ville natale de Lovecraft, en compagnie d’un certain Robert Black. Si comme moi, ce nom vous fait penser à Robert Bloch, l’auteur de Psychose, sachez que le clin d’œil est délibéré. Robert Black est journaliste et écrivain. C’est un papier pour son journal, le New York Herald, qui va le conduire à Providence. Il part y enquêter sur la vague de suicides qu’aurait engendré la publication d’un livre intitulé Sous le monde.



Des rues de Providence aux coins les plus reculés de Nouvelle-Angleterre, ses investigations vont le confronter à des situations tantôt surnaturelles, tantôt d’un effroyable réalisme, confronté aussi bien à d’étranges créatures qu’au nazisme ou à l’inceste. Peinant parfois à démêler le vrai du faux, la réalité du rêve, le conscient de l’inconscient, ses propres démons intérieurs ne seront pas les plus faciles à apprivoiser…



Avec Providence, Alan Moore nous plonge en immersion dans l’univers lovecraftien. Les familiers s’y sentiront en terrain connu grâce à moult clins d’œil et références. Si comme moi, vous n’avez pas encore lu Lovecraft, ça ne nuira en rien à votre plaisir et vous poursuivrez peut-être en cherchant à en savoir plus sur l’auteur et son œuvre. Quoiqu’il en soit, vous serez d’emblée ferrés par cette ambiance inquiétante, cette sensation de mystère qui plane tout au long du récit, partagés que vous êtes entre l’envie de savoir et la crainte de découvrir une vérité qu’il est parfois plus sage de laisser enfouie...



L’alternance entre les pages de bande dessinée et la reproduction des pages du journal de Robert Black étoffe subtilement le récit en apportant une multiplicité de points de vue. On le suit dans son enquête, ses rencontres, puis on revit les événements sous l’angle de son ressenti et son analyse des faits.



Providence m’a piégé et après La peur qui rôde, j’ai maintenant hâte de poursuivre cet inquiétant voyage dans le tome 2, L’Abîme du temps…





Merci à Babelio et Panini Comics.


Lien : http://bouquins-de-poches-en..
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Watchmen (Intégrale)

Douze chapitres d'une maxi-série devenue culte, les Watchmen ! Comment résumer tout ce que contient ce volume massif et son impact sur nous, lecteurs ? Difficile.

Déjà c’est avant tout un scénario plein, tout simplement. Des événements qui nous viennent de tous côtés, des personnages sculptés dans des situations dantesques : la psychologie de ce chef-d’œuvre dépasse l’entendement, tant tout est fouillé jusqu’au détail le plus profond. Merci Alan Moore donc !

Les dessins de Dave Gibbons, de manière générale, mettent en valeur le décor avant toute chose, l’ambiance : cette atmosphère de roman noir ici transférée au milieu d'années 80 uchroniques est époustouflante. Un bémol à cela malgré tout : les couleurs, qui déroutent franchement pendant la lecture, au point de ne voir que ça parfois. Pourtant, le reste est tellement génial que cela mérite quand même une note maximale.

Je ne vais dévoiler davantage les tenants et les aboutissants de ce chapitre fondamental à l’histoire des comics de super-héros. Simplement, je noterai surtout comment l’intérêt au départ de la mise en abîme du comic lu par le jeune homme à partir du milieu du récit se décuple finalement jusqu’à la fin de l’aventure : telle cette œuvre donc, il est difficile de l’apprivoiser au début, mais au fur et à mesure, les astuces scénaristiques nous aspergent du génie de l’auteur !

En somme, une très bonne analyse de la société contemporaine, rappelons-nous que ce roman graphique date de 1986... Les événements entre Est et Ouest prennent alors tout leur sens. Du culte, du culte, du culte !

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Jérusalem

JÉRUSALEM, CATHÉDRALE D'UNE FOLIE GÉNIALE



S'il existe un endroit où se rejoignent histoire et créativité, ésotérisme et science, amertume et tendresse, sagesse populaire et folie ordinaire, alors cet endroit occupe un espace d'une trentaine de centimètres carrés, sur un volume de quelques 1266 pages empilées, et on l'appelle Jérusalem.



Pour présenter son livre, Alan Moore a expliqué qu'il n'était pas un globe-trotter et que les déplacements latéraux, à la surface des trois dimensions, l'intéressaient moins que les voyages verticaux, en profondeur, au coeur des habitants d'un même lieu et de leurs histoires communes. C'est accrochés à ce fil rouge audacieux que l'on est plongés dans le quartier des Boroughs de sa ville natale Northampton, comme un appât jeté là pour piéger les chimères hallucinées de Moore.



L'auteur nous livre une rhapsodie millénaire où les siècles se mêlent, s'entrechoquent se répondent : il aura fallu 10 ans à ce génie des récits croisés pour tracer ce qui est, incontestablement, une œuvre d'une puissance mûre et profonde. L'ouvrage qui en résulte ne pose pas mais n'est pas une lecture facile, ne vous prend pas par la main, mais si vous le suivez et prenez la sienne, il ne vous lâchera plus.

Il y a peu de livres qui contiennent autant d'intensité qu'il en devient presque écoeurant, embrassant le rêve et le cauchemar d'un même geste : il y a peu de livres qui débordent autant de vie.



Chaque chapitre est un pan d'histoire, avec ses personnages, son style (mention spéciale au chapitre rédigé dans une langue qui n'existe pas), son décor, en un mot son épaisseur, en apparence autonome. Petit à petit, le lecteur médusé se laisse porter, et commence à distinguer un dessin général, comme l'on distingue des formes à peine réelles lorsqu'on fixe longtemps un plafond d'apparence négligée.



Plus on avance, plus on perd pied, plus on comprend, plus on sombre. Critique politique, drame social, saynète historique, récit initiatique et farce picaresque : il n'y a pas d'étiquette qui colle à Jérusalem, ou alors elles y collent toutes.



L'unité de l'oeuvre, et ce qui la rend si puissante derrière la maestria du style, c'est la tendresse qui imprègne chaque ligne, une tendresse bourrue, parfois ironique, souvent mordante, mais toujours vraie, pour le quartier de Moore, ces Boroughs éternalisés à tout jamais par la lutte homérique de l'écrivain : "Tôt ou tard les gens et les endroits que nous aimons disparaissent, et la seule façon de les sauvegarder c'est l'art. C'est à ça que sert l'art. Ça sauve toutes choses du temps".



Chapeau, l'artiste.
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V pour Vendetta

J'avais beaucoup aimé l'adaptation cinématographique de James McTeigue, sorti en 2006 et avec pour principaux acteurs Nathalie Portman dans le rôle d'Evey Hammond et Hugo Weaving dans celui de V. Aussi, lorsqu'en empruntant From Hell, j'ai vu que son auteur, Alan Moore, avait aussi écrit V pour Vendetta, je n'ai pas hésité à le prendre.



V pour vendetta est une uchronie dont l'action se déroule en 1997, en Angleterre. Une décennie auparavant, une guerre avait provoqué de grands troubles et avait conduit à l'avènement d'une dictature. Le nouveau gouvernement, afin de maintenir l'ordre, n'a pas hésité à maintenir la pression sur la société britannique quitte à verser dans l'oppression aveugle et les dérives arbitraires. V fait partie de l'une de ses victimes : il n'hésite pas à échafauder un plan afin de contester le régime en place et ébranler le colosse. C'est alors qu'il fait la rencontre d'Evey, une jeune fille de seize ans qu'il vient tout juste de sauver d'une tentative de viol. Et si elle devenait son alliée?



V pour Vendetta a été une excellente lecture pour moi bien que pâtissant parfois de quelques longueurs. Tout comme La Ligue des Gentlemen Extraordinaires, je n'ai absolument pas adhéré aux dessins qui m'ont encore une fois, laissée de marbre. En revanche, j'ai été beaucoup plus sensible sur le fond que sur la forme. Car le fond est véritablement intelligent : non seulement Alan Moore dénonce les dérives d'un régime autoritaire (privation des libertés individuelles, mise sous écoute de la population, contrôle de l'information, culte de la personnalité, arrestations arbitraires, internement de certaines catégories de personnes dans des camps de concentration, etc...) comme l'a connu l'Europe, il y a soixante ans ; mais, il met aussi en garde son lecteur en lui disant implicitement que cela pourrait aussi se reproduire de nos jours, s'il n'y prend pas garde. V est la figure du Résistant, le Prométhée moderne qui montre la voie au peuple britannique afin de le réveiller de sa léthargie (ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les Anonymous ont repris son masque de porcelaine, récemment). J'ai beaucoup apprécié la façon dont l'auteur a dépeint V malgré les épreuves qu'il a subies : un trublion, une sorte d'Arlequin qui est bien plus profond qu'il n'apparaît en réalité et surtout qui reste positif sur sa vision de l'humain capable du pire (les camps de concentration) comme du meilleur (l'Art au travers de la Littérature, la Musique ou la Peinture).



En conclusion, ce comics m'a beaucoup fait penser à L’homme qui mit fin à l’histoire de Ken Liu, lu il y a peu. En effet, les deux ouvrages prennent comme prétexte la science fiction afin de porter un message et couper l'herbe sous le pied aux détracteurs de ce genre littéraire qui n'y voit qu'une passade d'adolescents décérébrés!
Lien : https://labibliothequedaelin..
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Providence - Intégrale

Une adaptation de Lovecraft en douze comics par Alan Moore en personne? On signe où?



En 1919, après un événement qui bouleverse sa vie, Robert Black démissionne de son poste de journaliste au Herald pour partir enquêter sur l’occultisme en Nouvelle-Angleterre, en vue d’écrire un roman – un voyage qui pourrait non seulement le conduire à la folie, mais aussi condamner à sa fin le monde tel que nous le connaissons.



Chaque épisode a pour particularité d’être divisé en deux : une partie comics qui relate l’étape du voyage, suivie d’un extrait du journal de Robert Black, qui donne sa propre version des événements. Ce procédé apporte un éclairage particulier à l’ensemble sans jamais être monotone, puisque le personnage peut s’étendre longuement sur des faits déroulés hors champ, ou au contraire glisser rapidement sur des événements cruciaux. Il est très intéressant de constater le décalage entre ce qui se produit dans les cases et ce que le personnage rapporte, et cela permet à Alan Moore de mettre en évidence l’un de ses thèmes favoris : la particularité du medium des comics et ce qu’il permet de faire ou non par rapport à d’autres modes de narration. Aussi, les réflexions épistolaires de Black sur l’écriture et le genre de l’horreur ont un aspect très méta que j’ai beaucoup aimé.



L’intrigue trouve des échos thématiques avec certains événements historiques comme l’instauration de la Prohibition ou la naissance du nazisme. Les aspects problématiques de H.P. Lovecraft ne sont pas gommés et sont même centraux à l’histoire d’une certaine façon (notamment de par certaines particularités du personnage principal), mais sans donner l’impression d’appuyer lourdement dessus.



L’histoire elle-même ne nécessite pas forcément d’être un expert de l’œuvre de Lovecraft pour en suivre les tenants et aboutissants, mais cela peut donner une impression frustrante de passer à côté de nombreuses références et de rater quelques niveaux de lecture – aussi, je préconiserais d’en connaître au moins un minimum avant de se lancer. Par ailleurs, la fin nécessite visiblement d’avoir lu une autre « lovecrafterie » d’Alan Moore, à savoir son Neonomicon en quatre comics (que je n’ai pas lu), sans quoi elle pourra paraître nébuleuse et gérer les ellipses narratives d’une manière assez… radicale.



Par ailleurs, j’ai beaucoup aimé le dessin de Jacen Burrows, un superbe équilibre entre simplicité et niveau de détail. Cela rend le tout très lisible sans sacrifier à la richesse des images.
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Jérusalem

D’Alan Moore je ne connaissais que « V pour Vendetta » via le cinéma. Mais lorsque est paru « Jérusalem » une seule critique m’a convaincue que je ne pouvais passer à côté de ce livre. Il m’en aura fallu des semaines pour en arriver à la dernière page. Pas par manque d’intérêt, plutôt parce qu’il est si dense, si déroutant que j’avais besoin de le poser de temps en temps pour absorber les chapitres lus, partir explorer les références, parce que j’avais besoin de plages de lectures suffisamment longues pour lire sans être interrompue et ce sont souvent les périodes de vacances qui m’offraient ces instants. A chaque fois je me plongeais avec gourmandise, curiosité, appétit, envie dans de nouveaux chapitres, sans rien avoir oublié de ce que j’avais lu des semaines plus tôt.

Comment parler de ce monument sur lequel tout a été dit.



Il y a les chiffres qui font peur : 1278 pages, 10 ans d’écriture, 1 an de traduction, des références multiples (historiques, littéraires, cinématographiques, artistiques, théâtrales, politiques, économiques, religieuses, philosophiques). Il y a de quoi en rebuter plus d’un.

Le livre est découpé en 3 parties de 11 chapitres chacune, plus un prélude et un postlude. 35 épisodes, tous différents, pour raconter l’histoire d’une ville, Northampton, la ville de l’auteur, celle d’une famille, les Warren-Vernall, mais surtout l’histoire d’un quartier : le Boroughs, là où de tout temps ont vécu les défavorisés, là où l’auteur a vécu son enfance au milieu du monde ouvrier. Avec une écriture lyrique, baroque (ou bien doit-on dire gothique), Alan Moore ne rend pas seulement hommage à sa ville mais surtout à ce peuple méprisé de tous à toutes les époques, le transformant en super-héros du quotidien, sachant que rien ni personne n’est tout blanc ou tout noir. Utilisant tous les styles, de l’écriture la plus classique à la plus expérimentale (my God ! ce chapitre « Battre la campagne » » !), du théâtre shakespearien au fantastique, de la parodie au fantastique, etc., il donne corps et âme à une cohorte de personnages attachants pour la plupart, répugnants pour certains.



Le plus surprenant est que tous ces styles, toutes ces références pourraient être en dissonance. Mais le génie d’Alan Moore (je n’hésite pas sur le terme) fait de cette somme de connaissances et de ce récit qui bascule constamment entre réalisme et onirisme, un roman d’une merveilleuse cohérence, chaque détail prenant sens à un moment où un autre de l’histoire. Et puis il y la le talent de dessinateur de Moore qui offre des descriptions sublimes (les fresques de Saint, les démons, les plafonds, la partie de billard, les rues de Northampton…).



Avec « Jérusalem » Alan Moore pose la question de ce qui se passe après la mort. En plaçant Northampton au centre de l’Angleterre, en faisant tous ces liens, il illustre une théorie de l’Eternalisme selon laquelle les évènements ne se succèdent pas mais coexistent. Ainsi ce que chacun est de son vivant il le reste pour l’éternité. Ce faisant Alan Moore bouscule nos sens, nos repères, nous forcent à voir les choses sous de nombreux angles et nous emporte dans son univers fantastique.



Un dernier mot pour saluer le remarquable travail de traduction de Christophe Claro. Réussir à retranscrire ce qui fait le style de chaque chapitre est un travail incroyable et on comprend qu'il ait demandé tant de mois.



Je pourrais encore parler longtemps de ce travail d’orfèvre, des qualités littéraires, des visions psychédéliques, des savoirs multiples développés, de ce puzzle qui prend forme et se déforme, mais je conclurai en disant que pour moi ce livre est un monument, et clairement l’un des 6 que j’emporterais sur mon ile déserte.

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DC Comics - Anthologie

Quand j’étais gamin, c’est-à-dire il y a…bref, un certain temps, le mardi était un jour particulier. Pourquoi ? Tout simplement parce que le mardi sortait mon Télé Junior, magazine dans lequel je retrouvais les aventures de Goldorak en bande-dessiné ainsi que d’autres héros de la télé. Et ce dont je me souviens, c’est que c’est par ce biais que j’ai découvert Spiderman par exemple. Par la suite, c’est grâce à des comics que je pouvais suivre ses aventures. Comics grâce auxquels je suivais les aventures de Superman puis celle de Batman ou encore Wonder Woman. Parmi mes deux préférés figuraient les numéros racontant l’arrivée de Kal El sur terre et son « adoption » par les Kent, ainsi que la détermination de Diana Prince, fille de la reine des Amazones, à quitter Paradise Island pour aller défendre l’Amérique.



C’est donc avec délectation que je me suis plongé dans la lecture de ce DC Comics Anthologie annonçant 16 récits majeurs de 1939 à nos jours.



Chaque histoire est précédée d’un texte d’introduction explicatif et d’une présentation rapide des auteurs. Outre tout l’aspect technique et documentaire dont je vous fais grâce, je ne suis pas spécialiste, ce qui est particulièrement surprenant, c’est de voir l’évolution du dessin et des histoires au fil des années. J’avoue, sur les premières années, avoir été saisi par la simplicité pour ne pas dire la naïveté du dessin. Les mises en page, les angles de vue, le cadrage, les cases sont totalement différentes sur les dernières années, évolution oblige, de même que les thèmes abordés ou la noirceur nettement plus présente il me semble.



Ce tour d’horizon de l’univers DC Comics nous est présenté en cinq étapes, L’âge d’or où l’on crée des mythes, l’âge d’argent où l’on façonne un univers, l’âge de bronze où l’on explore de nouveaux territoires, l’âge moderne où l’on revient aux bases et enfin la renaissance où l’on forge le futur.



Cette lecture enthousiasmante m’a permis de retrouver certains héros familiers, d’en découvrir que je ne connaissais que de noms comme Flash ou Green Lantern et enfin de les retrouver tous associés dans la Justice League. Les « mondes parallèles » de certains héros mêlant habilement fiction et réalité pour faire croiser le même super héros issu de deux époques m’ont beaucoup amusé, sacré inventivité !



Par contre, j’ai bondi, quand dans un numéro nos héros de la Justice League font preuve d’une effrayante misogynie : « Quand il s’agit de nettoyer, on est tous d’accord pour dire que le chef, c’est Wonder Woman… » Mais que font les chiennes de garde ??!!... Allez, on ne leur en veut pas, il faut dire que c’était en 1962…



Donc, en résumé, si vous êtes fans de comics, ce livre devrait totalement vous emballer et si vous souhaitez vous pencher sur le sujet, c’est vraiment le livre qu’il vous faut.



Et en complément de votre lecture, je ne saurais trop vous recommander la troisième et dernière partie du documentaire « Super-héros, l’éternel combat » à regarder ce samedi soir sur Arte ou plus tard en replay.



DC Comics Anthologie : Anthologique !!!


Lien : http://bouquins-de-poches-en..
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V pour Vendetta

"V pour vendetta", m'a totalement comblé !...

Se plaçant dans une Angleterre dystopique, le comics d'Alan Moore, est une réflexion prenante et brillante sur la révolte, la liberté, la résistance face à l'autoritarisme, etc., portée par le magnifique dessin de David Lloyd, avec un trait à part et un travail des planches et des cases, qui disent tout, sans qu'il y ait besoin de phylactère.

Mais "V pour vendetta", avant d'être du dessin, c'est avant tout un personnage, une figure qui se veut être un symbole, un personnage qui, tout au long de la bande dessinée, semble imbattable et qui domine toute l'oeuvre, par ses aptitudes et son désir ardent de liberté. Toute l'oeuvre est menée, dominée, par cet être masqué et fascinant, qui, à lui seul, parvient à changer le monde.

Les autres personnages sont tout aussi fascinants, nuancés, servis par des dialogues aux petits oignons, qui souvent, disent beaucoup de choses en peu de mots. Tous semblent humains, faillibles, fragiles.

Les questions, posées par cette bande dessinée, menée tambour battant, sont passionnantes : une personne seule peut-elle changer le monde ? Comment faire pour résister face à l'autoritarisme ? Quelles bornes, convient-il de fixer à la liberté ? Qu'est-ce qui amène un peuple à se révolter ?

Une bande dessinée passionnante, fascinante, qui témoigne du talent d'Alan Moore !
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La Ligue des Gentlemen extraordinaires, tom..

L’exceptionnel suit le sublime.



Avec ce volume, Alan Moore et Kevin O’Neill plongent les « Extraordinaires » de cette fin de 19eme siècles dans l’univers de la littérature martienne héritée des observations de canaux sur la planète rouge par Percival Lowell.

Et c’est avec un plaisir chaque fois renouvelé que je me replonge dans les magnifiques dessins de Mars la Rouge interprétée par O’Neill, inspirée de « Lieut. Gullivar Jones : His Vacation » d’Edwin Lester Linden Arnold, du cycle de Mars d’Edward Rice Burroughs et de la Guerre des Mondes de H.G. Wells. Leigh Brackett manque à l’appel mais c’est probablement parce que les aventures d’Eric John Stark ont lieu dans un lointain avenir par rapport au 19eme siècle finissant.

Aah, le design incroyable des divers peuples autochtones et de leurs montures, la gueule des armures, la viscosité des mollusques (ceux-là, beurk !)



Et donc tout ce petit monde est en guerre : tous contre les mollusques tripodisés de la Guerre des Mondes. Et les mollusques filent à l’anglaise, chez les Anglais. Et là on se croirait dans le début du roman de Wells (que je n’ai toujours pas lu d’ailleurs, note pour plus tard).

Il faut bien avouer que l’équipe des Extraordinaires, malgré toute leur extraordinaritude, sont quelque peu dépassés là. Les moments de calme passés à recomposer leurs forces sont l’occasion d’approfondir les relations entre les personnages. Le dialogue nocturne entre un Hyde tout en retenue et Wilhelmina Murray est à la fois émouvant et dérangeant. Quant à l’odieux Griffin invisible, son comportement de sociopathe est purement immonde.



Suite et fin dans le prochain tome. Restez à l’écoute chers lecteurs, sauf si vous devez courir pour sauver vos vies menacées par les immondes tripodes invincibles venus de Mars.

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Providence, tome 3

Dans ma critique du 2ème volet (je n'en avais pas écrit pour le 1er) je faisais état de ce phénomène curieux d’irrépressible attirance qui m'avait poussée à l'emprunter alors même que je n'avais pas beaucoup aimé le 1er. Il s'est produit la même chose avec cet ultime volet, dès que je l'ai vu dans un rayonnage de la bibliothèque, je me suis jetée dessus.



Je ne vais pas appesantir sur les défauts dont je faisais état dans mon avis sur le 2ème tome. De toute façon, j'ai nettement moins ressenti ces défauts. Je n'ai pas été ennuyée par le côté chiantissime du journal intime du héros puisque je n'ai même pas essayé de lire ces pages, même pas en diagonale, je les ai purement et simplement sautées. Quant au manque de charisme du personnage principal, cela m'a beaucoup moins gênée car, d'une part ce n'est pas vraiment lui qui est le centre du récit et d'autre part parce qu'il n'apparait pas dans la totalité du tome.

En effet, cet ultime volet prend une direction inattendue et éclaire l'ensemble de la trilogie d'une façon différente. Moore est décidément un scénariste unique et brillant. Là où je croyais qu'il s'amusait simplement en proposant une œuvre référentielle et ludique en s'intéressant à l'univers et aux créatures imaginées par Lovecraft, Moore va bien plus loin que ça. Tout d'abord, il place la personne de Lovecraft au centre de son récit, il en fait, non pas un héros, mais le cœur même de son histoire, il en est un des enjeux. Puis, après une ellipse qui prend le lecteur par surprise, Moore opère un virage surprenant et va s'intéresser à la fascination qu'exerce Lovecraft lui-même sur les lecteurs. Il va également s'intéresser à la manière dont une œuvre littéraire peut façonner ou déformer la réalité.



Il est évident que Moore savait parfaitement où il allait dès le départ. Quelle maestria dans la narration ! Quel sens de la manipulation !



Quant à Jacen Burrows, il sert de belle façon le scénario de Moore. Il parvient notamment à donner vie aux horreurs indicibles imaginées par Lovecraft. Et les amateurs de HPL savent bien que ce n'est pas un exercice facile que de représenter l'innommable. Encore une fois, il réussit à créer des images saisissantes aux allures de cauchemars éveillés.



Il est rare que l'ultime volet d'une série invite à réévaluer l'ensemble de l’œuvre. C'est le cas ici, et c'est fait d'une façon brillante. Tout le monde n'aura peut-être pas la patience d'aller jusqu'au bout, pourtant ça vaut vraiment le coup. "Providence" est une série qui se mérite, qui demande un effort au lecteur, mais s'il consent à cet effort, le lecteur est récompensé, saisi par l'ambition et l'ampleur d'un récit unique en son genre.

Moore m'a encore une fois bluffée avec une œuvre vraiment folle.

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Providence, tome 2

Attirée par l'association des noms Moore et Lovecraft, je m'étais jetée sur le 1er tome de "Providence" que je n'avais finalement pas aimé. Mais, curieusement, lorsqu'au détour d'un rayon de ma médiathèque je suis tombée sur la suite, j'ai eu envie de la lire. A l'issue de ma lecture, je suis toujours dubitative.



Ce 2ème volet a exactement les mêmes défauts que le 1er. "Providence" est une œuvre très bavarde, trop bavarde. Les personnages ne cessent de palabrer et malheureusement les dialogues ne sont pas très convaincants. De plus, cette série a la particularité de se composer à la fois de planches de B.D classiques et de passages non dessinés qui sont le journal du héros. Outre le fait que ces passages ne sont souvent que des redites de ce que l'on vient de voir, ces "confidences" du héros sont juste assommantes d'ennui. Et ce journal représente un bon tiers du livre. C'est ennuyeux à l'extrême. D'ailleurs, j'ai lu ces passages écrits en diagonale (parfois même, j'ai sauté des paragraphes).

Il faut dire que le personnage principal est totalement insipide, qu'il a le charisme d'une endive et que je me foutais royalement de sa vie sentimentale, de ses rêves d'écrivain et de tout ce qui pouvait lui arriver.



Mais, il y a ces images ! Ces images frappantes, saisissantes, qui marquent la rétine au fer rouge et s'insinuent dans le cerveau pour y faire naître des cauchemars. Il est certain que l'atmosphère Lovecraftienne est plutôt bien rendue. J'ai parfois eu du mal à trouver le sommeil le soir après avoir posé le bouquin. L'objectif des auteurs est donc en partie atteint, grâce au talent de Burrows pour les dessins et à l'art de Moore pour créer des situations et une atmosphère angoissantes. Mais cela vient aussi renforcer la déception. Beaucoup de regrets pour moi, une impression de gâchis d'un potentiel énorme. Je ne peux m'empêcher de me dire que si "Providence" avait été vraiment immersif cet effet de cauchemar littéraire et dessiné aurait atteint des sommets. C'est simple, si ça avait été le cas, je crois que je n'aurais plus jamais dormi.



Malgré l'ennui abyssal que j'ai souvent ressenti lors de ma lecture, il y a de fortes chances que je me laisse tenter par le 3ème tome lorsqu'il sortira. Je ne peux pas dire que j'aime cette série, loin de là puisque je la trouve profondément ennuyeuse mais voilà il y a cette irrésistible attraction qui me pousse à revenir vers ces quelques images cauchemardesques. Un shot d'adrénaline dans un océan d'ennui.



Challenge B.D 2017
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