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Critiques de Alex Taylor (II) (133)
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Le sang ne suffit pas

C'est un récit oppressant de violence et de cruauté mais l'écriture est tellement belle.

Nous sommes en 1748 en Virginie en plein hiver ; il fait froid et les Hommes sont affamés.

Dela va bientôt accoucher et s'est enfuie ; les habitants du village ont promis de remettre l'enfant à la tribu Shawnee.

C'est l'histoire d'une traque, d'un village à qui la faim à fait perdre la boule, d'une horde de loup, d'une ourse sanguinaire et de survie.

C'est féroce. Les personnages sont impitoyables mais malgré tout les dialogues sont parfois humoristiques.

Un roman brillant.
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Le Verger de Marbre

"Néonoir" _ J'avoue devoir faire quelques efforts pour apprécier un roman de cette nouvelle collection de chez Gallmeister.

Et, je m'acharne ,toujours dans l'espoir d'y trouver non pas une pépite, mais un bon auteur peut-être ?



Et, cette fois , Victoire !

J'ai...... terminé ma lecture !



En effet, il me fut possible de m'immerger au fond du Kentucky ,au coeur du terroir,et de goûter de temps à autre à la poésie des bords de la Gasping River ou celle de quelques no man's lands ...

Mais bien sûr, thriller oblige , ce roman ne va certes pas nous retracer la vie de braves paysans du coin !



Peu à peu, on va entrer dans un monde baroque, irréel.

Le récit prend corps autour de deux pseudo-parrains, Loat et Daryl qui ont des comptes à régler bien sûr et qui manipulent comme ils peuvent un entourage fait de personnages déjantés, sociopathes, décérébrés, qui, tout au long du récit vont entretenir une atmosphère aussi lourde que glauque, où règnent en maîtres la violence et la bêtise.

Une caricature de l'Amérique profonde ?

Par moments, il semble difficile de distinguer la fiction de la réalité.



Et, on va se retrouver spectateur d'un road movie tragique dont l'atmosphère cauchemardesque reste malgré tout relative : provoquer le frisson et l'angoisse en manipulant invraisemblances et exagérations n'est pas une évidence, c'est un art .



Difficile de classer ce roman: rural noir ? western ?, thriller ?

Au départ, l'intrigue était intéressante.

Mais, comme trop souvent à présent, dans ce genre de romans, le style de la narration passe au second plan et malheureusement cet ouvrage n'échappe pas aux phrases de remplissage ou à la lourdeur de la syntaxe . Pourtant, à d'autres moments, on sentait poindre des touches de poésie,timides cependant.

Dommage donc.



Mais, pour apprécier ce roman , mieux vaut éviter les comparaisons et ne pas s'attendre à de l'originalité.



Malgré tout, j'ai envie de terminer sur une note positive: certains personnages étaient si caricaturaux qu'ils m'ont ,ici ou là, arraché un sourire !

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Le Verger de Marbre

Peut-on rester de marbre devant ce verger de marbre ? Non. Pourtant, il n’y a pas plus calme qu’un verger de marbre, ses habitants ayant l’habitude de rester silencieux.



Malgré tout, ce verger ne m’a pas laissé de marbre et son écriture avait l’âpreté et la dureté d’une épitaphe dans un vieux cimetière perdu dans le trou du cul du Kentucky.



Le roman noir rural a le vent en poupe ces derniers temps et il faudra s’attendre un de ces quatre à mettre le pied et les mains dans une bouse, mai rassurez-vous, ce n’est pas encore le cas ici !



Une tragédie grecque à la sauce américaine, voilà ce que je viens de déguster en me reléchant les doigts. Une tragédie à la Caïn et Abel, mais je ne sais si c’est Caïn qui tue Abel ou Abel qui assassine Caïn dans ce cas-ci.



Beam est un ado de 17 ans, qui, comme tous les ados de 17 ans ne pensent pas à grand-chose dans la vie, si ce n’est tirer un coup de temps en temps…



Sa tragédie commencera lorsqu’en pilotant le ferry de ses parents qui fait la traversé sur la Gasping River, il tuera accidentellement un espèce de vagabond qui voulait lui piquer la caisse.



Bah, en temps normal, zigouiller un vagabond évadé n’aurait pas eu de conséquences trop lourdes, mais nous sommes dans une tragédie, donc, ce macchabée n’est autre que le fils du caïd local, Loat Duncan, un trafiquant de drogue, usurier, tricheur, un habitués des bars louches et psychopathe aussi.



D’accord, il n’en avait rien à foutre de son fils, en temps normal, mais là, ne rien dire et ne rien faire mettrait en péril son autorité et puis, il avait quand même un peu besoin de son fils vivant… Du moins, une partie de son fils… Un vrai salaud, je vous dis !



Si le départ de ce roman noir est conventionnel au possible, qu’il pue le déjà-lu, je vous conseille de ne pas vous laisser abuser par cet air connu parce que la suite de la partition n’a rien à voir avec la musique du début !



Si au départ on aurait envie de laisser Beam avec ses soucis tant il a le charisme d’une moule avariée ou de lui coller une baffe tant il sait être têtu au possible et se foutre encore plus dans les emmerdes, au fur et à mesure de sa cavale – qui a tout d’une cavale sans issue – on sentira naître en nous de la sympathie pour ce gamin qui a eu la malchance de naître dans une Amérique rurale minée par le chômage et soumise aux caïds locaux.



Quant à Loat Duncan, le caïd local, il est réussi car c’est un salopard de première classe, tout à l’opposé de Beam qui lui est aussi intelligent qu’un bernacle mort et à un potentiel de séduction d’un poulpe rejeté sur la plage. C’est vous dire que face à Loat, Beam ne fait absolument pas le poids !



Les personnages secondaires ne sont pas en reste non plus et auront leur mot à dire dans toute cette histoire et quand bien même ils auraient un petit rôle, ce sont tous des rôles importants et ils laisseront une trace de leur passage dans les pages et dans votre vie de lecteur.



Quand à l’écriture de l’auteur, elle sait se faire poétiquement noire de temps en temps, mais pour le reste, ça clashe, c’est sec, dur, sans édulcorant pour faire passer le breuvage tiré des fruits du verger dont les personnages boiront le calice jusqu’à la lie.



Et puis, il y a cette relecture de l’histoire tragique de Caïn et Abel… ainsi qu’Abraham prêt à sacrifier son fils, même si ici, papa Clem ne veut pas le sacrifier au couteau mais lui demande de fuir.



Un excellent roman noir rural, même si je n’ai pas retrouvé les émotions de « Rural Noir » car ici, impossible de m’identifier avec l’un ou l’autre personnage.



C’est puissant et ça ne se boit pas au petit-déjeuner car ce genre de petit noir, il arrache !



Normal, on plonge sans masque et sans tuba dans la noirceur humaine…



(4/5)

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Le sang ne suffit pas

Franchement je pensais que l’affaire était réglée et qu’après Le Verger De Marbre (Gallmeister 2016), éblouissant premier roman d’Alex Taylor, celui-ci n’allait pas récidiver comme si cet ouvrage lui avait pompé toute son énergie créatrice avec une intrigue âpre se situant à une époque contemporaine dans un comté rural de Kentucky où les mauvais garçons, en quête de coups plus ou moins foireux, se débrouillent comme ils peuvent dans une région sans avenir pour eux, hormis le cimetière que la population locale surnomme le verger de marbre. Il aura tout même fallut attendre quatre ans pour que l’on retrouve un auteur au talent indéniable qui nous livre avec Le Sang Ne Suffit Pas un roman d’aventure époustouflant dont l’action se déroule en 1748, dans les montagnes de l’ouest de la Virginie alors que l'hiver sévit sur cette région à la fois sauvage et hostile en découvrant toute une galerie de rudes personnages tentant de survivre tant bien que mal dans cet environnement glacial qui devient le théâtre de confrontations mortelles.







En 1748, Reathel ne s’est pas remis de la mort de sa femme et de son fils. En quête d’aventure, il a abandonné sa ferme et erre désormais depuis des mois dans les montagnes de Virginie, accompagné d’un dogue aux allures féroces. Frigorifié, affamé, il pense trouver le salut en s’abritant dans une cabane dont l’entrée lui est pourtant refusée par un colon hostile qu’il ne va pas hésiter à abattre. Dans la cabane, Reathel découvre Della, une jeune femme qui est sur le point d’accoucher. L’enfant nait ainsi dans cet endroit hostile avec une ourse en quête de nourriture qui rôde dans les parages. Mais pour Della et le nouveau-né, il va falloir se méfier davantage des frères Autry, deux pisteurs redoutables qui sont chargés de la retrouver et de remettre l’enfant au chef de la tribu Shawnee qui, en échange, s’engage à laisser en paix les colons de fort Bannock dont le commandement a été confié au docteur Integer Crabtree n’a pas d’autre choix que de respecter ses engagements vis à vis d’indiens de plus en plus impatients.







Pour son premier roman, Alex Taylor nous entrainait dans l’Amérique des marges avec un récit rude, parfois violent oscillant de temps à autre sur un registre onirique empreint d’un certain lyrisme envoûtant qui rejaillissait notamment sur l’atmosphère de l’intrigue prenant des tonalités étranges que l’on découvrait au rythme d’une écriture maîtrisée. Même si on l'a comparé à Franck Bill, Daniel Woodrell ou Daniel Ray Pollock, il faut avant tout souligner la voix originale de cet auteur qui entreprend de s'aventurer sur un autre genre que le "roman noir rural". Se déroulant au XVIIIème siècle, dans un environnement hivernal résolument hostile, Le Sang Ne Suffit Pas à tout du roman d'aventure nous rappelant les grands récits de Jack London où l'on fait la part belle à cette nature sauvage qui devient un véritable adversaire. Ainsi Alex Taylor exploite avec une belle intelligence tous les registres du genre en les incorporants dans un récit qui prend parfois des allures dantesques à l’image de cette ourse attaquant l’un des pisteurs, de cette tempête de glace mortelle qui s’abat sur Reathel et Della ou de la prise d’assaut d’un fort par les indiens Shawnee. Se succède ainsi toute une série d’événements qui vous secoue durablement avec l’ampleur de ces touches subtiles de lyrisme que l’on évoquait déjà dans Le Verger De Marbre et qui servent brillamment ce récit conjuguant la splendeur d’un paysage sauvage où évoluent toute une galerie de personnages farouches qui ont intégré le fait qu’ils peuvent mourir à tout instant. A partir de cette composante, s’instaure des relations âpres entre des protagonistes qui nous surprennent tous avec leur humanité émanant de chacun d’entre eux mais qui est parfois teintée d’une certaine dureté qu’ils mettent en avant afin de surmonter l’adversité de ce monde hostile.







Mais au-delà de ces paysages grandioses, de cette faune féroce et de ces conditions météorologiques hallucinantes qu'Alex Taylor dépeint à la perfection, c’est bien évidemment la galerie de personnages, que l’on croise durant le récit, que l’on apprécie, avec ces échanges abruptes que l'auteur distille au gré de dialogues percutants dont le lecteur peut prendre la pleine mesure avec cette épaisseur qui caractérise l’ensemble des protagonistes aussi secondaires soient-ils. Pour chacun d’entre eux, c’est dans leur passé respectif que l’on trouve la substance expliquant leurs agissements et leurs comportements vis à vis de leurs congénères. Ce sont les souvenirs de sa femme et de son fils défunts pour Reathel, c’est sa vie dans le bordel du fort pour Della, c’est son addiction au laudanum pour Elijah, ce sont ses rêves prémonitoires pour Black Toth, autant de parcours richement étoffés qui habillent ces personnages bousculés soudainement par des seconds couteaux aux caractères tout aussi saisissant à l’instar de l’aumônier Otha ou de l’inquiétant colon français Simon Cheese.







Après le prometteur Verger De Marbre, on comprendra dès lors que Le Sang Ne Suffit Pas, second roman d’Alex Taylor, tient toutes ses promesses avec un récit somptueux où la violence et la sauvagerie deviennent les ingrédients incontournables de scènes dantesques et hallucinantes qui vous laisseront sans voix. Une réussite, tout simplement.







Alex Taylor : Le Sang Ne Suffit Pas (Blood Speeds The Traveler). Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Anatole Pons-Reumaux. Gallmeister 2020.







A lire en écoutant : I Was Wrong de Chris Stapleton. Album : From A Room : Volume 1. 2017 Mercury Records, a division of UMG Recording, Inc.
Lien : https://monromannoiretbiense..
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Le sang ne suffit pas

Sang pour sang



Hiver 1748, dans les Crazy Jack Mountains, West-Virginia. Depuis que sa femme et son fils sont morts, emportés par la diphtérie, Reathel a pris la route, accompagné d’un gros dogue aussi féroce que fidèle, une route vers nulle part… Inutile de préciser qu’en 1748 maints dangers guettent les voyageurs : les Indiens bien sûr (ici ce sont les Shawnees qui tiennent le devant de la scène), les animaux sauvages, loups et ours, et le froid… Ce froid qui pousse Reathel à demander l’hospitalité à un type, guère mieux loti que lui à vrai dire, sur le pas de la porte de son cabanon délabré… La rencontre se passe mal, et si Reathel a trouvé un toit pour passer la nuit, il a gagné, en prime, une femme en train d’accoucher… Et pas n’importe quelle femme, il s’agit de Della l’une des filles qui officiait au bordel de Bannock, à vingt lieues de là, Bannock, ce qui se rapproche le plus d’un village, ou d’un fort… Et re-pas-de-bol pour Reathel, le bébé de Della a été promis à Black Tooth, le chef de la tribu Shawnee du coin, pour préserver la paix… Aussi, à Bannock, il est urgent de retrouver Della et l’enfant… La traque sera féroce.

Dès les premières pages (quel premier chapitre !) le lecteur sait qu’il n’aura aucun répit dans ce roman noir déguisé en western : le décor est grandiose, l’hiver terrible, les hommes rencontrés sont tous fous ou presque… La violence brute de cette époque où les premiers colons commençaient à explorer les terres de l’ouest est omniprésente, la violence des hommes, celles des animaux et celle de cette terre sublime qui ne se laisse pas apprivoiser… Et le sang, le sang…

Porté par une écriture magnifique (merci au traducteur Anatole Pons-Reumaux), ce livre est un coup de poing magistral !

Ames sensibles s’abstenir, il y a des scènes vraiment insoutenables (mais essentielles, nullement gratuites).

Apre, féroce, éprouvant, sanglant…

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Le sang ne suffit pas

1748, des colons d’horizons divers s’installent en Amérique, les populations autochtones résistent comme elles peuvent et les relations conflictuelles sont fréquentes. Dans cet univers de pionniers, l’auteur nous livre un western impitoyable où les humains, en plus de leurs problèmes de cohabitation sont en permanence confrontés à une nature et un monde animal sauvages avec lesquels ils doivent composer pour survivre. Une ambiance angoissante provoquée par un scénario simple mais diabolique où évoluent des personnages aux particularités bien tranchées, brutaux et immoraux à souhait accompagne le lecteur du début à la fin. Reathel et Della, les moins frappés d’anomalies pathologiques sont ballottés violemment, leur résilience, mise à rude épreuve parviendra t’elle à les sauver ?
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Le sang ne suffit pas

Mais pourquoi est-ce que je lis des romans qui se déroulent dans le froid quand dehors il fait gris, sombre et humide au lieu de les garder pour un jour de canicule ?



Sans doute parce que le sensations ne seront pas les mêmes et que le roman perdra une partie de sa force évocatrice.



Il y a des romans qui commencent leur récit pépère, de manière pantouflarde, sorte de vieux diesel essoufflé qui nous laisse le temps de prendre la température du roman et de prendre nos aises… Avec le dernier de Alex Taylor, on saute directement à poil dans la neige !



Enfin, c’est la sensation que j’ai eue car l’auteur ne chipote pas et te dépose directement au cœur du problème et donc, des emmerdes.



Des emmerdes de l’ordre de celles qui volent en escadrille très très « groupir » ! Tu pensais être tiré d’affaire des emmerdes que d’autres arrivent par paquet de 10 avec les poches d’hémoglobine pour bien saloper la neige blanche qui n’est pas immaculée (par surprise).



Ceci n’est pas un roman feel good, pour ceux ou celles qui en douteraient encore malgré le résumé. Nous sommes en 1748, dans les Cumberland Mountains, en Virginie, à l’Ouest, et la vie des premiers colons n’est pas de tout repos.



On crève de faim, de froid, de maladie, dans un accouchement et la proximité des Shawnee rajoute une couche au stress ambiant puisque, tous les ans, il faut leur donner un nouveau-né… Si vous ne le faites pas, ils n’iront pas se plaindre au syndicat du coin mais vous extermineront purement et simplement. Bref, de quoi se faire des ulcères à l’estomac dès le réveil.



Ce roman noir est violent, extrêmement violent et certaines scènes m’ont soulevées le coeur (vu ce que certains mangent, évitez de grignoter durant votre lecture), révulsées mais sans que jamais cela ne soit surjoué ou surfait. On était dans le réalisme le plus total, même si c’est glauque. Rappelons que nous sommes en 1748, dans le trou du cul du trou du cul de l’anus de la Virginie !



L’auteur joue avec les émotions des lecteurs, leur oppose le froid glacial avec des entrailles fumantes, la mort avec la vie et niveau descriptions, il fait fort car j’avais envie de me tapir sous un plaid bien chaud (ce que j’ai fait ensuite, il n’y avait pas de raison de s’en priver).



Ce qu’il aura manqué au récit, ce n’est pas de l’action, ce n’est pas non plus de la tension, mais c’était de l’empathie avec certains personnages : je ne me suis attachée à personne de particulier, ce qui m’a fait passer un peu à côté du roman (une fois de plus, oui, la malédiction recommence). Un chouia, guère plus.



Malgré ce manque d’empathie avec les personnages, j’ai aimé le voyage éprouvant que ce roman m’a fait vivre, j’ai aimé les différents points de vue, d’observer les vies difficiles des colons, la folie du chef Shawnee, Black Tooth, et le final grandiose que l’auteur nous offre.



Amateurs de Bisounours ou de café au lait bourré de sucre, passez votre chemin car ce roman est à réserver pour les amateurs de café noir ultra serré.



Le récit est sombre, violent, les dialogues percutants comme des carabines et certaines choses vous mettrons le cœur au bord des lèvres. Heureusement que je ne mange pas quand je lis des romans noirs.


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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Le Verger de Marbre

Une mort tragique un soir sur le ferry parcourant la Gasping River, et une mécanique infernale se met en route...



Un tout premier roman brillant, porté par une écriture remarquable, et une constructionqui fait mouche. C'est une histoire de fuite, de chasse à l'homme, de secrets de famille aussi. Un récit sombre, âpre, dépouillé, avec quelques épisodes de violence subite. Et toujours la noirceur, et le Mal, qui rôdent...



C'est aussi, et surtout peut-être, dans ce Kentucky rural, une sacrée galerie de personnages, dont certains bienveillants (le vieux Pete), mais d'autres particulièrement inquiétants (Loat Duncan, mais surtout celui dénommé le routier).



M'étonnerait pas en tout cas que ce roman finisse par être adapté au cinéma (peut-être est-ce déjà le cas ?)...
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Le Verger de Marbre

Et au milieu coule une rivière



Cette rivière c’est la Gasping River, en plein Kentucky rural, dans un coin au moins aussi paumé que les gens qui y vivent. Pour traverser la Gasping, il faut prendre un vieux ferry tenu par Clem Sheetmire. Quelques fois, la nuit, il laisse les commandes à son fils Beam. Cette nuit là, c’est un type bizarre qui se présente à l’embarcadère. Beam le laisse monter sur le ferry mais lorsque le gars se montre menaçant, Beam le frappe avec un outil et le tue, un cas de légitime défense quoi... Ce qu’il ignore, c’est que c’était le fils de Loat Duncan, un genre de caïd du coin qui se ballade avec sa meute de dobermans spécialement dressés pour la chasse (à l’homme évidemment), que tout le monde semble redouter et avec qui ses parents ont une histoire bien particulière. Beam n’a pas le choix, il doit s’enfuir, le plus loin possible car Loat n’est pas du genre à laisser couler…

J’ai découvert Alex Taylor avec l’excellent « le sang ne suffit pas », et j’avais très envie de découvrir son premier roman qui s’avère finalement très différent, mais (presque) aussi bon. Attention, c’est toujours très noir, crépusculaire même… L’intrigue est conçue comme une mécanique implacable, une spirale infernale dans laquelle aucune échappatoire ne semble possible. Dans sa fuite éperdue, Beam rencontrera bien des personnages, mais deux sont vraiment marquants, le Bien et le Mal personnifiés en quelque sorte. Le vieux Pete, d’abord, qui, lorsque les choses menacent de mal tourner (et au Kentucky, pour les blacks, c’est assez souvent), trouve refuge dans un ancien cimetière presque à l’abandon. Pete va prendre Beam sous son aile, pour quelques heures… Et il y a ce routier en costard, totalement barré -encore plus que Loat, que Beam aura le malheur de croiser… Autre « personnage », la nature, magnifique, les arbres aux noms évocateurs (pacaniers, érables, robiniers, ginseng) qui tranchent avec le contexte terriblement tragique de ce livre.

Tragiquement sans espoir.

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Le sang ne suffit pas

Il ne fait pas bon vivre dans les montagnes de Virginie, aux alentours des années 1750. Le froid, les tombereaux de neige et de glace, la faim. Une nature inhospitalière, et des peuples indiens qui sont encore puissants face à l’invasion des européens, anglais ou français.



Pour nourrir cette terre dure mais convoitée, le sang ne suffit pas. La mort est partout, elle ne fait pas peur, et est souvent vue comme une délivrance.



Dans ce climat hostile, la vie se transforme en survie. Mais l’homme étant ce qu’il est, la cohabitation ne se fait pas sans violence. Beaucoup de violence.



Alex Taylor propose ici un roman fort, une aventure humaine viscéralement âpre, d’un réalisme saisissant.



Cette plongée dans le passé est incroyablement immersive. Vous allez avoir froid, mal. Vous allez éprouver les sensations des personnages et même sentir les odeurs. L’écrivain a une capacité étonnante à rendre ses scènes vivantes, malgré la mort qui rode.



Le chamboulement de ce monde qui se fédérera quelques années plus tard, est pourtant encore bien loin d’une nation. Survivre et défendre « son » territoire sont encore les seules raisons de se battre. Des raisons parfois bien discutables…



Alex Taylor a réussi à combiner une écriture soignée à une manière de raconter très imagée. On est loin des histoires de cow-boys et d’indiens, mais au plus près du réel. Avec un vrai vent d’aventure (glacial).



Les scènes s’accumulent autour de ce bébé qui naît dans des conditions extrêmes. Des scènes souvent à couper le souffle, littéralement ! Par leur puissance, par leur rudesse, et par leur singularité aussi.



Des passages qui sont autant de confrontations, avec la nature, les animaux, d’autres hommes, et qui laissent sans voix. A ce titre, le premier chapitre donne le ton, et vous happe littéralement.



Et dire que ce livre n’est pas classé dans les romans noirs, alors que c’est l’un des plus (réalistement) sombres que j’ai pu lire ces dernières années.



Ces immensités enneigées sont totalement habitées par la prose de l’auteur, aussi expressive que froide, aussi enlevée que cinématographique. Une manière souvent crue de décrire ce que vivent ces pionniers.



Les personnages durs au mal sont étonnants, complexes, loin de l’idée qu’on peut se faire de héros. Leur rugosité et parfois leur sécheresse d’âme, cachent ce que peut être la pointe d’humanité qui brillent faiblement dans de telles conditions.



Le sang ne suffit pas, mais il réchauffe et est source de vie. Beaucoup vont le vivre dans leurs chairs. Alex Taylor signe un second roman cruel et pourtant humain, éblouissant de réalisme, étonnant par ces destins qui se croisent souvent pour le pire.
Lien : https://gruznamur.com/2020/0..
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Le Verger de Marbre

Le jeune Beam Sheetmire a toujours vécu dans le Kentucky (dans l'est des USA au sud de l'Indiana et au nord du Tennessee) dans un village isolé, au bord d'une rivière. Faute de pont à proximité, un bac permet le passage d'une rive à l'autre, moyennant quelques dollars. Le père de Beam gère cette petite affaire depuis plusieurs décennies. Beam le remplace occasionnellement pour conduire la navette. Une grosse bévue du jeune homme l'oblige à s'enfuir de ces lieux. Bonne occasion pour lui de démarrer une vie un peu plus palpitante ? Rien n'est moins sûr car son départ précipité attire l'attention et les suspicions, à tel point que Loat Duncan, caïd de la contrée, part à la poursuite de Beam.



Vous ne trouverez rien de bucolique dans ce récit qui se déroule dans un trou perdu des USA dans lequel la loi du plus fort semble toujours la meilleure - avec en toile de fond alcoolisme, prostitution et criminalité.

Certains personnages en prennent donc plein la gueule, et le lecteur aussi par la même occasion.

L'ambiance et l'écriture font penser à celles des romans de Donald Ray Pollock, mais sans la touche d'humour de ce dernier.

La lecture de cet ouvrage n'est cependant jamais fastidieuse, le suspense et l'émotion nous amenant à tourner les pages avec l'espoir d'un dénouement heureux.
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Le sang ne suffit pas

« Les gens qui viennent ici doivent être prêts à y laisser un peu de sang, dit Bertram. C’est le prix à payer pour pouvoir fouler cette terre. »

1748, au pied des Cumberland Mountains, dans ce qui sera plus tard l’État du Kentucky, une poignée de familles de colons tentent de survivre à l’hiver au Fort Bannock. Pour maintenir une paix relative avec les Shawnees, dont ils occupent les terres ancestrales, un présent doit leur être remis d’ici l’arrivée du printemps. La promesse de ce tribut inusité au grand sachem Black Tooth provoquera un bain de sang dans toute la sauvagerie que cette époque pouvait produire.

Une galerie de personnages colorés habite cette histoire de vie et de mort, mais c’est la nature, animale et végétale, qui en est la figure principale. L’hiver n’a jamais été si bien décrit que dans ces pages, ni les velléités humaines par ailleurs. Un sombre roman sur la disparition annoncée des peuples fondateurs de l’Amérique. Et c’est nul autre que Donald Ray Pollock qui nous incite à le lire sur la quatrième de couverture…

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Le Verger de Marbre

Néo Noir chez Gallmeister c'est un peu le rendez-vous des mauvais garçons de l'Amérique qui vous balancent des textes avec cet air nonchalant propre à ceux qui vous jetteraient un mégot à la figure. Ca brûle et ça surprend à l'image des romans qui hantent la collection. Pas vraiment des enfants de coeur, mais bourrés de talents vous ne rencontrerez pas ces écrivains dans les salons littéraires, mais plutôt au détour de bars enfumés, occupés qu'ils sont à écluser quelques verres pour se remettre des cours qu'ils dispensent dans des petites facultés de seconde zone. Et c'est dans ce vivier d'hommes et de femmes atypiques que l'on déniche des textes d'une cinglante beauté à l'instar du premier roman d'Alex Taylor intitulé le Verger de Marbre.



Au Kentucky du côté de la Gasping River ce sont les Sheetmire, père et fils qui conduisent le ferry pour franchir la rivière. Un boulot plutôt peinard qui ne rapporte pas grand-chose si ce n'est quelques ennuis avec des passagers irascibles. Mais quand l'un d'entre eux tente de le détrousser, le jeune Beam Sheetmire parvient à s'en sortir en le trucidant. Un acte qui ne va pas rester sans conséquence puisque la victime n'est autre que le fils de Loat Duncan, un puissant caïd extrêmement dangereux. S'ensuit une traque sans pitié où le chasseur, détenteur d'un lourd secret concernant sa proie, va tout mettre en oeuvre pour capturer Beam. Pour Loat Duncan qui se fout de l'honneur, il s'agit tout simplement d'une question de vie ou de mort.



Pour ceux qui éprouveraient une certaine lassitude vis à vis des aventures se déroulant dans l'Amérique rurale, il leur est recommandé de surmonter leurs appréhensions pour se plonger dans un récit qui figure parmi les plus aboutis dans le genre. Et puisqu'il s'agit d'une affaire de traque dont les codes ont été définitivement entérinés avec des films tel que La Nuit du Chasseur de Charles Laughton ou des ouvrages comme Non Ce Pays N'est Pas Pour le Vieil Homme de Cormac McCarthy, Alex Taylor s'est employé à détourner les règles du genre en nous soumettant un texte aux entournures lyriques plutôt surprenant où l'on décèle quelques influences gothiques, diffusant ainsi une atmosphère crépusculaire pas forcément glauque. Il y a un véritable souffle poétique qui se dégage de ce récit inquiétant truffé de métaphores et de périphrases à l'image du titre de l'ouvrage désignant sous une forme plus lyrique, le cimetière où débute et se conclut l'intrigue.



Le Verger de Marbre se distingue également au niveau des protagonistes qui habitent le roman. Ainsi Beam Sheetmire, jeune homme plutôt maladroit et irréfléchi, n‘inspire aucun sentiment d'empathie tant il sème le chaos et la désolation auprès des proches qui tentent de lui venir en aide. de ses maladresses ne résultent qu'une succession de tragédies à la fois déroutantes et violentes qui ne cessent de heurter le lecteur. Quant à son adversaire, Loat Duncan, une espèce de Némésis démoniaque, flanqué de ses chiens féroces, il apparaît bien plus vulnérable qu'il n'y paraît, particulièrement lorsqu'il côtoie cet étrange routier vêtu d'un costume noir. Avec ce personnage au symbolisme exacerbé, on perçoit une aura étrange, presque fantastique qui plane au-dessus de cette histoire intrigante. Au-delà d'une thématique basée sur la vengeance, Alex Taylor pimente l'intrigue en intégrant d'autres enjeux qui se révèlent plutôt originaux pour un roman riche en péripétie. Abruptes, singulière et très souvent cruelles, les confrontations permettent de révéler les caractères de protagonistes dont le côté manichéen est atténué par les veuleries des uns et le courage des autres que l'on ne retrouve pas forcément là où l'on pourrait les déceler.



Les rivières écumantes charrient leurs lots de déchets et autres objets hétéroclites, tandis que les terrains instables s'affaissent alors que l'eau prend une étrange couleur orangée dans ce comté du Kentucky parsemé de maisons abandonnées. Alex Taylor dépeint ainsi d'une manière plus subtile, notamment par le biais de brillantes plages descriptives, les affres d'une région rongée par les maux insidieux de la pollution. Allégorie sur le mal qui se décline sur tous les plans, le Verger de Marbre exhale les relents malsains d'individus qui n'ont plus grand-chose à perdre dans cette lente agonie silencieuse et inquiétante émanant d'un obscur territoire dépourvu d'avenir.



Alex Taylor : le Verger de Marbre (The Marble Orchard). Editions Gallmeister 2016. Traduit de l'anglais par Anatole Pons.



A lire en écoutant : Love de G. Love & Special Sauce. Album : Philadelphonic. Sony Music Entertainement Inc. 1999.
Lien : http://monromannoiretbienser..
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Le Verger de Marbre

Le verger de marbre, un premier roman d’exception



Un nouvel auteur vient de rejoindre la collection NeoNoir des éditions Gallmeister : Alex Taylor.



Son premier roman, le verger de marbre, sent la sueur et la poussière. On pourrait croire que toutes les malédictions du monde pourraient s’abattre sur les habitants de cette région du Kentucky. Le malheur et la douleur semblent être le lot quotidien des personnages issu de l’imagination de l’auteur.



Rarement, un roman m’aura fait ressentir son atmosphère à ce point. C’est lourd, pesant, et cette histoire nous fait ressentir le mal-être qui règne sur les berges de cette rivière.



Tout commence une nuit, quand Beam Sheetmire prend sur son ferry un passager qui s’avère être violent. Lorsque celui-ci tente de le voler, le combat s’engage. Beam vient de commettre son premier meurtre. Lorsqu’il en parle à son père, celui-ci lui conseille de fuir, car les foudres des caïds locaux ne vont pas tarder à s’abattre sur lui.



Qui est cet inconnu qui git au fond de la rivière ? Quels sont les secrets qui hantent la famille de Beam ? Et pourquoi le terrible Loat Duncan veut-il sa peau ?



Mon avis



Ce roman est addictif. Dès la première page, on se retrouve plongé en enfer, pourtant, ce n’est qu’un début et la chute est encore longue. Un seul roman m’avait fait ressentir une ambiance si malsaine : « Le diable tout le temps » de Daniel Ray Pollock. J’ai fortement apprécié les personnages. Alex Taylor a eu le génie de rendre les ordures parfois touchantes. J’ai pu imaginer que certains allaient changer, que d’autres allaient devenir amis, et que même au Kentucky l’espoir existe. J’ai été bien naïve.



Cette chasse à l’homme, dans laquelle Beam rencontre des personnages tous plus abjectes les uns des autres est contrebalancée par une histoire familiale complexe. Le Personnage de Derna, la mère de Beam, est également très spécial. Cette femme est un feu qui couve dont les sentiments semblent s’être taris depuis si longtemps...



Vous l’aurez compris, « Le verger de marbre » d’Alex Taylor est un roman qui rejoint ma catégorie « Coups de cœur ».



Je vous conseille ce roman pour :



— L’atmosphère pesante



— Les personnages si particuliers



— L’histoire familiale



— La description des scènes et paysages qui est juste magique


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Le sang ne suffit pas

Rares sont les romans d'aventure où la question de la survie monopolise à ce point les actions des personnages. Il s'agit de la la survie la plus primaire,  la nourriture à trouver,  et l'instinct de survie ne recule devant aucune violence,  aucun tabou.

Il fallait sans doute à l'auteur situer son récit soit dans un passé lointain,  soit dans un avenir dystopique pour oser décrire une cruauté aussi sordide et une faim aussi dévorante.



En Virginie, dans cette  terre sauvage que se disputent Français, Anglais, colons et Shawnees, l'hiver est si rude que même les ours sont réveillés par la faim. Cet hiver 1748, un homme qui a tout perdu, arrive devant une cabane où il espère trouver de la nourriture.  Il tue le locataire du lieu et s'installe avec Della,  une métisse sur le point d'accoucher dont il attend la mort. A la naissance du bébé,  il pourra au moins manger le placenta assaisonné de sel.

Mais des chasseurs de prime minables veulent récupérer Della,  et surtout son bébé,  qui a été promis au chef indien en échange de nourriture.

Car c'est la famine qui ronge ce monde,  il faut tuer pour manger.

« Des hommes étaient déjà morts pour une demi-pomme de terre, Reathel le savait. Certains tombaient au nom de la principauté, pour une trahison commise contre un roi, mais ils étaient aussi nombreux à être expédiés dans la tombe pour un biscuit rassis ou une demi-tranche de couenne de porc. La faim engendrait le meurtre. Telle était apparemment la seule règle qui gouverne encore le monde. »

N'importe quoi pour une bouchée de nourriture.  Même s'il faut pour cela découper petit morceau par petit morceau le corps de sa compagne.  Comme Simon,  ce français qui vit dans la montagne et a pris son épouse comme garde-manger.



La nature que décrit Alex Taylor dans ce western glauque est d'une terrible sauvagerie,  mais les hommes en sont les plus féroces prédateurs.

Mais le refus de Della de livrer son enfant va introduire une étincelle d'humanité dans ce pays impitoyable où la morale est bafouée.
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Le Verger de Marbre

J'ai lu le verger de marbre comme on lirait une tragédie : c'est le récit d'une fuite, celle d'un homme qui en tue un autre.

Beam Sheetmire est décrit dès les premières pages comme différent des membres de sa famille : il ne ressemble pas vraiment à son père Clem dont le métier consiste à faire traverser à quelques clients, à bord d'un ferry, la Gasping River dans le Kentucky.

Clem en Charon, faisant franchir le Styx aux morts s'ils veulent trouver la paix de l'âme ? le rapprochement est bien tentant…

Cinq dollars le passage, à peine de quoi se payer une bière et un paquet de cigarettes : « Beaucoup de peine pour pas grand-chose »…

Parfois, c'est Beam, son fils, qui s'en occupe. Encore ado, « un sang fiévreux dans les veines » et souffrant de narcolepsie, il ne sait pas trop quoi faire de lui.

Or, une nuit, il est abordé par un inconnu qui refuse de payer, finit par accepter et tente finalement de lui voler sa caisse. Beam le tue. Son père lui dit de fuir. Il obéit.

Cette fuite sera, pour le jeune garçon un peu paumé, un espace de rencontres, d'apprentissages et de révélations. La lumière se fera progressivement. Il me fait penser à Oedipe fuyant les prédictions des prêtres de Delphes afin d'échapper à son destin et qui découvre, mais trop tard, qu'il a assassiné son père et épousé sa mère. « Plus on s'éloigne de la vérité, plus c'est dur d'y revenir » dira un des personnages… Il y a de l'Oedipe dans Beam et de la mythologie dans Le verger de marbre.

Beam rencontrera des hommes et des femmes qui lui voudront du bien parfois, du mal souvent. Il ne comprendra pas pourquoi on veut l'aider et finira progressivement par saisir, mais trop tard, pourquoi on veut le tuer.

Et puis, il y a ce personnage étrange et fascinant qui porte un costume trois-pièces, un chauffeur de camion, dont personne ne comprend les propos métaphoriques, énigmatiques et lourds de sous-entendus, un homme toujours présent là où on ne l'attend pas, dans un lieu où il n'a rien à faire, où il ne connaît personne. Est-il le Mal, est-il la Mort, celui qui dira au shérif : « Vous pouvez trouver ça difficile à croire, mais il y a un ordre qui vous dépasse. Vous en faites pas partie. », celui qui apparaît et disparaît « comme s'il n'avait jamais été » ?

Beam rencontre aussi Pete Daugherty, le ramasseur de ginseng, celui qui raconte des histoires et semble vouloir le prévenir : les terres sont devenues maudites, il faut partir, s'éloigner… le vieil homme soigne, apaise, rassure : il est l'incarnation du Bien.

Autre figure du Bien : celle du shérif Elvis Dunne, un pauvre Créon fatigué, chargé de faire régner un ordre auquel il ne croit plus vraiment, lui qui, comme l'oncle d'Antigone, se plaît à collectionner les antiquités et à les admirer, unique moment de paix …

Qui va gagner dans ce combat de forces antagonistes ?

Les tragédies antiques données lors des fêtes de Dionysos commençaient par le sacrifice du bouc, le mot « tragédie » signifiant d'ailleurs en grec « chant du bouc ». Or ici, l'animal est bien présent, attaché au poteau du bar de Daryl où règnent les caïds du coin, les prostituées et les paumés. Il ne sera pas mis à mort mais, dans une scène quasi surréaliste, on lui enlèvera un rein qu'on lui donnera à manger.

Ultime perversion.

Est-ce à dire que le monde moderne ne cherche même plus à apaiser la colère des dieux par des offrandes, que le destin -le fatum- nommé ici misère, alcoolisme, banditisme, prostitution, meurtre est devenu inéluctable ?

Le verger de marbre est un roman fort, puissant qui met en scène des déshérités, des gens usés par la vie, piégés par une existence glauque dans laquelle ils s'enfoncent irrémédiablement chaque jour.

C'est une tragédie : la règle des trois unités n'est pas loin d'être respectée.

Unité de temps : en quelques jours, l'affaire est bouclée.

Unité de lieu : les personnages semblent incapables de quitter les terres maudites où ils vivent. Ils semblent tourner en boucle et revenir sans cesse au point de départ comme piégés dans un monde hors du monde, un monde dont on ne sort pas.

Unité d'action : fuir, fuir, fuir.

C'est fort parce que c'est serré, étouffant, mystérieux, tendu, comme habité par un mal dans lequel les personnages semblent empêtrés.

Beam l'innocent ne fait finalement que payer les fautes de ses géniteurs. En cela, il est un homme tragique. Il subit. « - J'ai bien essayé de vivre comme il fallait, dira sa mère, mais il y a ce monde. Il te piège, il t'attrape des fois, tellement qu'on dirait que les choses qu'on fait sont pas vraiment nous. Elles sont ce que quelqu'un d'autre aurait fait. »

Façon naïve de sentir qu'on est pris dans les filets, qu'un oiseau de mauvais augure plane au-dessus de notre tête comme pour signifier qu'on est le prochain sur la liste.

Les personnages de l'oeuvre sont présentés comme des êtres complexes, difficiles à cerner : on les découvre progressivement, au détour du chemin, d'une phrase, d'une histoire qu'ils racontent. On ne comprend pas toujours leurs motivations, on cherche des raisons, on émet des hypothèses… Ils ont une épaisseur et une force incroyables.

Les dialogues acquièrent parfois une dimension philosophique. Les acteurs de cette tragédie peinent souvent à se comprendre, à comprendre les autres, à saisir le sens de leur propre existence.

Leur malheur est à l'image de la Gasping River, sans fond. « Les choses peuvent pas couler sans s'arrêter » fait remarquer Beam. La vie lui apprendra que si, que l'on peut tomber longtemps, très longtemps, sans jamais s'arrêter…

Et puis enfin, seul refuge finalement dans ce monde terrible, la nature. Elle est là, omniprésente, dans sa beauté irréelle, sa sensualité infinie, sa force et sa violence sauvages et la langue d'Alex Taylor ainsi que la superbe traduction d'Anatole Pons l'enchantent, la poétisent, la transforment en personnage quasi central de l'histoire dans une langue lyrique envoûtante…



Je finirai en citant les paroles du Choeur dans Antigone d'Anouilh qui dit ceci : « Dans la tragédie on est tranquille. D'abord on est entre soi. On est tous innocents en somme ! Ce n'est pas parce qu'il y en a un qui tue et l'autre qui est tué. C'est une question de distribution. Et puis, surtout, c'est reposant la tragédie, parce qu'on sait qu'il n'y a plus d'espoir, le sale espoir ; qu'on est pris comme un rat, avec tout le ciel sur son dos, et qu'on n'a plus qu'à crier,-pas à gémir, non, pas à se plaindre,- à gueuler à pleine voix ce qu'on avait à dire, qu'on n'avait jamais dit et qu'on ne savait peut-être même pas encore. »



Pas de doute, on y est… et c'est sublime !


Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Le Verger de Marbre



La famille Sheetmire, Derna, la mère, Clem, le père, et Beam, le fils de dix-sept ans gère le bac qui permet de traverser la Gasping River, quelque part au fin fond du Kentucky. À l’occasion, Clem ne rechigne pas à dépouiller un ivrogne monté sur son bateau. Ni ça, ni le chômage devenu endémique dans ce coin qui se désertifie ne facilite les affaires. Et quand Beam, une nuit, tue un client un peu trop agressif, tout commence à partir en vrille. Car Beam n’a pas tué n’importe qui. La victime n’est autre que le fils de Loat Duncan, l’homme le plus puissant du comté. Trafiquant, usurier, psychopathe tenant la région dans sa main, Loat, même s’il n’éprouve pas grand-chose pour son fils, a des principes : on ne touche pas aux siens, car c’est remettre son autorité en question. Clem l’a bien compris, qui pousse Beam à fuir à travers bois pour aller au Diable qui est certainement moins dangereux que Loat. Mais, on s’en doute, Duncan n’est pas près de lâcher prise ; d’autant plus qu’il a un autre intérêt vital à mettre la main sur Beam.

Et là, le lecteur qui aime Daniel Woodrell, William Gay, Chris Offut, ou Frank Bill, pour n’en citer que quelques-uns se dit qu’il a déjà lu cette histoire plusieurs fois. Pour peu qu’il ait été comme moi un peu déçu par quelques-unes des dernières nouveautés estampillées « rural noir » – oui, je pense à Bull Mountain – il y a des chances pour qu’il aborde Le verger de marbre avec circonspection.

Et, de fait, l’entrée en matière du Verger de marbre laisse à penser qu’Alex Taylor ne fait pas forcément dans l’originalité.

Sauf que, une fois le personnage de Beam et la situation initiale mis en place, Taylor ne se contente pas de copier ses estimables confrères. Si les influences sont bien là, l’auteur n’en arrive pas moins à offrir au lecteur un roman original et, pour tout dire, drôlement bien ficelé. D’abord parce que ce roman initiatique met en scène un héros, Beam, qui n’a a priori pas un grand potentiel de séduction. Adolescent à la masse, un peu lâche, pas très malin, il aimante les ennuis et, généralement, ce sont les autres qui pâtissent à sa place. C’est en fait avant tout l’opposition à Loat Duncan, pourriture de classe internationale et candidat à la couronne du plus gros méchant de la littérature de ces dernières années qui finit par susciter chez le lecteur une once de sympathie à l’égard de Beam. C’est aussi certainement le personnage de Derna, formidable femme malmenée par la vie mais droite dans ses bottes et l’amour qu’elle porte à son fils qui finit par faire voir Beam d’une manière plus indulgente.

Autour de ces personnages principaux tourne aussi toute une procession d’hommes et de femmes que Taylor ne néglige pas et auxquels il donne chair avec talent. Le shérif Dunne et Pete Dougherty, partagés entre leur crainte de Loat et la révolte que sa tyrannie inspire, Ella, rugueuse et fragile, Daryl et son désir de vengeance, et ce mystérieux routier qui porte au roman une certaine aura fantastique au point que l’on peut se demander si l’on est face à un roman noir ou à une histoire horrifique.

Car Alex Taylor plante aussi une ambiance particulière dans cette Amérique profonde abandonnée des dieux et dans laquelle, abondante littérature et surenchère dans la violence oblige, on ne sait plus si l’on navigue dans le fantasme, le mythe ou la rude réalité. Si le décor, construit avec rigueur et sens du détail semble en effet ancrer le récit dans une matérialité triviale, l’écriture de Taylor, pas dénuée de poésie et qui se plaît à laisser autour du réel des zones d’ombre, rend tout cela étrangement onirique et mouvant.

Et c’est avec une certaine délectation que l’on se laisse entraîner dans ce Kentucky hors du temps et parfois cauchemardesque à la suite de personnages de tragédie.


Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Le Verger de Marbre

Une traque, une chasse à l’homme avec un côté tragédie antique, le Hasard s’étant chargé de piper les dés.

Un monde désenchanté, glacial, d’une pâleur maladive et d’une lassitude fiévreuse et illusoire

Des hommes et des femmes enchainés à leur destin et une rivière, peut-être le seul personnage qui soit libre.

Du noir, du vrai noir, porté par une langue âpre, rugueuse, magnifique.

« Il sentit de nouveau le whisky, la bouse et la boue, et quelque chose de plus ancien et de plus fort, et puis il sut que c’était l’odeur du sang. »

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Le Verger de Marbre

Sombre, sombre, sombre!



Au fin fond du Kentucky-mais le Kentucky n'est-il pas le fin fond (avec quelques autres états) de l'Amérique...- un jeune homme sans ambition et somme toute assez fade tue un homme.



Pas de chance cet homme est le fils de la terreur du coin !



Pas d'autre solution que de fuir dans un coin où tous se connaissent, où les embrouilles se multiplient à loisirs et où chaque personnage est plus tordu, retors,violent, malhonnête que le précédent.



La traque du jeune Beam nous promène dans des lieux glauques où la nature, pourtant très présente, n'est même pas une source d'espoir et les humains encore moins.
Lien : http://theetlivres.eklablog...
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Le Verger de Marbre

Quel bonne lecture ! Mais bon, ce n'est pas une surprise avec cette maison d'édition que j'affectionne... Une histoire sombre, mais captivante... On croise des laisser pour comptes, des salauds, de la noirceur, de la crainte, de la peur... Mais c'est tellement bien écrit... On ne sort pas indemne de cette histoire... qui nous grafigne, qui nous érafle, qui nous marque...
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