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Citations de Alice Moine (58)


Quand je faisais les vendanges, j’ai découvert le plaisir du cognac. De jour, je souffrais dans les parcelles, les mains meurtries par les sarments malgré mes gants. De nuit, avec les autres saisonniers dans nos tentes en bordure du domaine, nous buvions des bouteilles volées autour d’un feu de camp. Grande Champagne, Petite Champagne, Borderies, Fins Bois, Bons Bois et Bois Ordinaires, en quelques automnes, on les a tous goûtés. Ma préférence allait aux Bons Bois pour leurs arômes fruités. J’avais vingt-trois ans et peu d’idées concernant la suite. Mon diplôme des Beaux-Arts en poche ne valait pas grand-chose sur le marché du travail et je n’avais pas la moindre idée par où commencer.
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En public, il me disait que j’étais jolie mais dans l’intimité, c’était autre chose. Puisque la seule chose à préserver de notre mariage était notre image, ensemble nous l’avions choyée. Joshua y tenait. Que seraient devenues les créations de Stella Morte de la galerie de Joshua Stamp sans cet accord tacite ? Sans l’aura de notre duo, moins de presse et moins de commandes. Par orgueil, nous nous étions piégés l’un l’autre.
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C’est ce que je fais quand ça ne va pas.
Je bois.
Dans le milieu de l’art, ces choses-là ne choquent personne, d’autant plus qu’en public je sais donner le change. Tard dans la nuit, quand Joshua m’a ramenée à Bordeaux, l’alcool est monté. Je crois bien que je lui ai parlé de toi. Il m’a aidée à me coucher. M’a bordée. M’a laissée seule dans l’atelier.
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 Les artistes ne devraient jamais conduire. Premièrement, ils sont trop précieux ; deuxièmement, conduire empêche leurs pensées de vagabonder là où elles devraient. » Quant au « troisièmement », il l’avait oublié. Pour cette soirée, il avait réuni des partenaires privilégiés : deux galeristes de renom, trois journalistes spécialisés et leurs conjoints respectifs, ainsi qu’une acheteuse d’art d’origine japonaise de passage à Bordeaux.
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Un enfant, c’est des soucis. Il faut s’en occuper constamment. C’est comme le lait sur le feu, ça peut déborder à tout moment et l’élément se répandant partout – c’était souvent à l’élément liquide auquel j’avais pensé quand la question de l’enfant s’était posée – pouvait provoquer l’extinction de la flamme et par conséquent la fuite d’un gaz indécelable, inodore et invisible, capable de souffler biens et personnes d’un coup. Avec un enfant, il suffisait de si peu pour qu’il ne reste rien de tout ce qui avait été. Voilà pourquoi à l’aube de mes trente-sept ans, je n’avais pas d’enfant et que je n’en aurais jamais.
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Une personne qui doit réparer les dommages qu’elle a causés. Même cet homme que tu avais probablement aimé allait devoir réparer les dommages que tu lui causais, de nouveaux écueils sur son chemin de croix que je me figurais devant ses traits tirés et ses soupirs las de toute cette fatigue accumulée, le dos courbé sur ses chantiers de-ci de-là, jamais au même endroit, alors que toi tu n’avais rien fait d’autre que ça : attendre l’homme et nourrir l’enfant.
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Il avait bien appris la leçon avec toi comme seule professeure. Toi, le gros lot qu’on décroche au premier pied posé sur le continent sacré, un brin de femme dont jamais on n’aurait osé rêver.

Une belle plante.
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Des yeux pourtant aguerris aux dangers dans lesquels j’ai cru lire le courage de ceux qui franchissent les mers et n’abandonnent jamais, la peur vissée au ventre mais qu’importe, puisqu’ils sont nés du mauvais côté et qu’il faut bien le passer, ce gué, sans aucun cairn pour se guider.
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Parfois je me demandais si tu avais toujours été ainsi. À dormir si peu. À parler si fort. Parfois j’avais l’impression que, depuis l’accident de maman, en toi tout avait changé, tandis que moi, j’étais presque la même. Du temps où maman, vêtue de sa blouse à carreaux, empilait encore les assiettes sales sur la table à roulettes, j’imaginais que les adultes seraient toujours là pour prendre soin de nous.
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Tu te penchais si près de la voie que le conducteur faisait tinter son avertisseur dans la ligne droite, deux notes bien distinctes qui faisaient vibrer la membrane de nos tympans longtemps après son passage. Ça disait de s’écarter. Ça disait que la vie est précieuse et qu’on ne joue pas à la risquer. Ça disait de faire des choses de filles de notre âge. De rire. De jouer. D’apprendre à l’école pour devenir quelqu’un. Ça disait d’aimer, et qu’aimer c’est aussi prendre soin de soi. Mais toi, tu n’écoutais pas, et moi, chaque jour, j’avais un peu plus peur pour toi.
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Tu ne pensais qu’à fuir notre pays « trop lisse », comme tu disais, celui dans lequel on était nées pourtant. Un pays que tu avais aimé à mes côtés avant que noircissent tes pensées.
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Faute de n’avoir rien osé dire, Julie avait cédé sa place à cette autre femme. A quoi bon contempler le désastre quand tout est définitivement perdu ?
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Cela fait des jours qu’elle attend ça: l’eau, sa mère, le plaisir d’être ensemble. Aujourd’hui, Charlotte va lui faire une belle surprise dès qu’elles seront dans le bassin. Elle a réussi à contenir son secret à grand-peine, c’est pire qu’un supplice, mais l’enfant a des prédispositions. Une volonté de fer, dirait Paul. Aux yeux de son père, ce trait de caractère qu’ils partagent est une qualité. Pour Julie, une question de survie.
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S'il n'y avait pas eu ce rendez-vous, j'aurais sûrement suivi le mouvement vers la cantine. Désormais, la pause déjeuner était le seul moment où l'on se parlait : enfin, le téléphone ne sonnait plus, les messages sur l'ordinateur n'empilaient plus de nouveaux problèmes à résoudre tout aussi urgents que les précédents. J'aurais accompagné les autres dans l'illusion qu'ils pouvaient me donner les clefs pour rattraper mon retard : savoir qui faisait quoi dans les autres services, savoir à qui s'adresser dans tel ou tel cas, et surtout savoir à qui refiler l'impossible quand trop souvent il se présentait. Car depuis trois ans, la cadence était telle que nul employé ne pouvait désormais tenir ses objectifs. Trouver une solution aux problèmes se résumait désormais à s'en débarrasser pour passer au suivant, et ainsi de suite, sans jamais pouvoir enrayer la roue incessante des tâches à accomplir. Abolie l'époque où je pensais pouvoir être à jour et disposer sereinement du temps libre après les services obligatoires rendus à la fourmilière. Nous le savions tous, mais aucun n'en parlait : brasser du vent, c'était la nouvelle loi du travail.
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Avec le temps, mon nom n'était plus qu'une donnée administrative que personne ne disait avec douceur.
"Madame Loiret."
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Nicolas n’avait jamais mis les pieds dans la ville où se trouvait Jane. Comme beaucoup de ses relations, il ne s’aventurait en région PACA que pour certains événements culturels comme le festival de Cannes, la mode à Hyères ou Arles pour la photo. Par deux fois, il y avait embarqué pour la Corse mais ne gardait de Toulon qu’un souvenir de zones portuaires et de bateaux militaires.
En attendant, il se prépara un thé et observa par la fenêtre les embouteillages du carrefour. Un bip l’attira. Sur l’écran s’afficha une image rafistolée comme un puzzle. Malgré la laideur de son déguisement, la fille entourée d’un trait de marqueur rouge semblait intéressante mais qu’est-ce que Jane pouvait bien espérer de ce collage malmené ? C’était ça sa trouvaille ? On aurait plutôt dit l’œuvre d’un fou.
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Jane sentit tout son corps se raidir d’un bloc. D’ordinaire, elle savait contenir ses foutues émotions sans rien laisser paraître, ni sourire, ni tristesse, rien qu’un visage neutre qu’aucune expression ne trahissait mais cette fois-ci, le sang a ua sur ses joues dans une vague de chaleur. Par chance, Brice abrégea la conversation d’un « On se reparle plus tard » et raccrocha. Jane resta là sans bouger. Ce que Jane avait sous les yeux l’empêchait d’agir. Le temps s’écoula ainsi jusqu’à ce qu’elle s’empare de son portefeuille pour en extraire la photo dont elle ne se séparait jamais. Ses yeux vacillèrent, parcourant la courte distance de l’écran au cliché, aller puis retour, jusqu’à ce que prise de panique elle sorte au grand air. Elle courut jusqu’à la rambarde au bout du jardin, gravit les marches de la gloriette et là, face à la mer, prit une profonde respiration.
Se calmer.
Sur le tirage aux coins abîmés qu’elle tenait dans sa main, la ligne d’horizon disparaissait dans la brume qui ne s’était pas levée ce jour-là. Parcourant la digue de béton, Jane avançait, tête baissée, nue sous sa tunique pourpre qui ottait dans la brise marine. La vibration du portable la ramena au présent.
Désormais, Jane savait que ce souvenir porterait un nom : lafemmededos.pdf
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Décidément, tout ce cirque est ridicule. Tout ça n'existe que pour nous rassurer, nous faire croire que le manque ne s'efface pas et que les âmes en réchappent. (p.54)
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