« Mon père a disparu il y a vingt et un ans. Depuis, il n'a jamais donné de nouvelles. La dernière fois que nous nous sommes vus, c'était l'été 1995, à Minsk, j'avais onze ans, il en avait cinquante.
Il a disparu la nuit du 7 novembre 1995. »
Ce petit livre a été écrit en français par l'auteure qui dit … « Les gens parlent russe et moi, j'écris en français. J'entends des mots séparément dans ma tête, j'ai trouvé un endroit silencieux au sein d'une autre langue, un endroit où je peux réfléchir. »
Cet endroit elle le découvre grâce à Jean-Pierre un journaliste français rencontré en 2010. A partir de cette rencontre, en tâtonnant, cherchant, la narratrice va se mettre à écrire.
Par bribes de souvenirs épars qui viennent du plus profond d'elle-même mais aussi de son entourage, l'auteure essaie de réunir les pièces du puzzle éclaté qu'est devenu son père disparu. Elle va de cette manière tenter de recomposer une image de ce père qui l'a quittée lorsqu'elle n'avait que onze ans.
Ce livre m'a touchée car il montre parfaitement ce qu'engendre la disparition, cette incertitude, cet égarement où elle laisse ceux qui, restés au loin et n'ayant pas de preuve de la mort, ne peuvent que supposer, questionner et attendre un possible retour du disparu et tenter de comprendre.
« C'est inimaginable, les pères ne disparaissent pas comme ça. »
« …J'aurais voulu me rappeler plus et chercher moins. Je ne peux m'empêcher de m'adresser directement à toi, comme si c'était toujours possible, comme si la disparition était un endroit où je pouvais venir pour te parler dès que j'en ai vraiment besoin. »
En progressant à travers l'écriture de ce livre en français, la narratrice réussit à libérer, du silence où il était enfoui, son père disparu et à se libérer elle-même en le retrouvant.
J'espère que ce premier livre ne sera pas le dernier car je serais heureuse de suivre la progression de cette jeune auteure.
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C'est un livre court, un premier roman obsédant , celui de Aliona Gloukhova , hantée par la disparition de son père , lors du naufrage d'un voilier au large d'Istanbul le 7novembre 1995 alors qu'elle a onze ans .
Devenue adulte, elle tente de recomposer son image par petites touches en convoquant ses souvenirs de petite -fille , par bribes plus ou moins venues de loin, dans des phrases précises , parfois décousues ou enveloppantes ......
Elle mène sa quête douloureuse à partir de lambeaux de souvenirs , elle a retrouvé les cahiers où il avait collé des fragments d'articles et des photos de voyageurs, et d'autre cahiers lignés ou des phrases répétées à satiété comme des formules conjuratoires : "Il Faut que j'arrête de boire", il les réécrit pour leur donner plus de force , arrive un moment où il n'y arrive plus.........
Lors de cette attente entêtante , elle est privée de deuil puisque aucune preuve matérielle n'a confirmé la mort de son père ........
Pourquoi ce titre aquatique ?
Parce qu'elle évoque l'absence de l'eau dans le corps de son père, au profit constant de la vodka .
Une absence béante qui peut être une présence ......obsédante .
Resurgit la Biolorussie post soviétique , ses barres d'immeubles vieillots et miteux , ses murs à la chaux craquelée, elle exhume les détails concrets de la vie avec lui, elle , petite - fille fêtant ses deux ans le jour de la catastrophe de Tchernobyl , lui, qui ne peut pas occuper de poste de dirigeant car il n'est pas au Parti Communiste , elle le répète plusieurs fois dans le récit .........
Une quête initiatique qui suit toutes les pistes , même les fausses, une contre - enquête intuitive , parfois décousue, floue , rêvée, par bribes arrachées au pays de l'enfance ......
"Oú et quand tout a basculé pour son père ?"
" Se tenir debout quand tout tombe " ......même sous l'eau . La critique ne fut pas facile ......
Un ouvrage qui permit peut- être à son auteur de trouver l'apaisement ?
Un premier roman paru aux éditions verticales , attendons son deuxième ouvrage .......
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Lenka a 5 ans, elle habite à Minsk, elle a appris à nager avant de marcher. Elle ressemble à son père, dans la vie elle se dandine, mais dans l’eau elle est chez elle. C’est pourquoi on la surnomme le pingouin. Son père a un besoin maladif d’alcool et toute la famille vit au rythme de ses crises.
« Tout le monde boit à cette époque dans cette ville. Les pères de mes copines de classe boivent, nos voisins boivent, nos profs à l’école, eux aussi, boivent. Dans cette ville, il faut boire pour trouver du courage. »
Son père rêve de voilier et de voyage en mer. Un jour de tempête il y a 21 ans, Lenka a alors 11 ans, le voilier sur lequel il se trouve a coulé en Turquie. Son corps n’a jamais été retrouvé
Lenka doit inventer ses souvenirs, elle imagine sans cesse son retour. Avant sa disparition, il était à peine existant. Elle cherche des photos, des lettres pour le faire revivre. Elle questionne sa mère, sa sœur, elle essaye de retracer les événements juste avant l’accident. Et puis un jour, elle prend l’avion pour la Turquie, elle se rend là où son père a été vu pour la dernière fois, pour se mettre à sa place, pour comprendre.
J’ai beaucoup aimé ce premier roman où la narratrice est hantée par la disparition de son père et s’efforce d’en recomposer l’image. Elle sait parfaitement décrire le vide de l’absence, la quête de cette femme pour faire le deuil impossible de ce père insaisissable. Ce récit nous décrit aussi la Biélorussie post soviétique où tout le monde boit pour oublier la noirceur des immeubles et de la vie en général. L’écriture est fluide comme l’eau omniprésente dans ce livre.
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Par bribes, écrites en français par une jeune autrice venue de Biélorussie, la recherche de "qui je suis avec ce père disparu en mer de Turquie pendant l'enfance ?"
Un livre court, avec une écriture assez poétique : une histoire qui tourne un peu en rond comme les cercles concentriques autour d'un galet lancé dans l'eau qui finissent par toucher la rive. On peut passer à côté et trouver cela un peu vain (même si le thème psychologique est intéressant en lui-même) si on ne voit pas l’arrière-plan : le portrait d'une société où "tout le monde boit" (cf. dans les citations), Minsk "ville grise" (même expression pour raconter Lviv en Ukraine dans Une ville à cœur ouvert...) où l'individu semble noyé dans un système collectif de non-dits et d'interdits...
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Curieux livre auquel on adhère ou pas .
Bielorusse, en voyage à Minsk, la narratrice reçoit un message de son mari resté à Pau lui annonçant qu’il ne l’aimait plus. Très courageux comme démarche.
Précisons, la trentaine probablement, 7 ans de mariage, vie en France et mari français.
S’en suit le livre, une multitude de petits chapitres d’une demie à deux trois pages. Indépendants les uns des autres ou poursuivant un récit ou une idée sans forcément que cela soit le chapitre d’avant ou encore d’avant. Idem, présent passé et futur s’entremêlent tout comme les lieux Bayonne Haute Savoie et ainsi de suite.
La narratrice- un chouia- Aliona, est déséquilibrée, perdue, ses repères ont chuté, ce qu'elle écrit est à l’image de cette cacophonie émotionnelle.
Qu’a donc voulu nous montrer l’auteur. Les affres d’une finitude et pas le moindre début d’un recommencement.
Fleur sur la trottinette ou cerise sur le gâteau comme vous le voudrez, la narratrice se prend pour une comète qui traversant des vies éclaire chacune d’elles de sa présence avant de se fondre dans le néant du non être.
Exemple afin de vous faire comprendre ce que j’ai mal compris.
Une page au hasard. Allez 64.
P 64 : le lendemain soir, je suis sortie avec mes amis.
Elle croise un type qui peste car il a une tâche de vin sur son manteau.
Conversation sur Proust .
Retour en vélo et un pot de fromage blanc se renverse dans son sac à dos.
Depuis la séparation je sentais un tremblement de terre en moi.
Qu’un autre espace apparaisse en moi ou je pourrais m’abriter.
Idem, rehasard, p 154
p 154. C’est si agréable de chuter dis je aujourd’hui à mon téléphone. Ps la narratrice soliloque avec son téléphone pense bête.
Quand on chute on apprend qui l’on est :
une étoile filante,
un corps lourd,
une nuit ?
N’es tu pas fatigué d’être toujours le même , demandé-je.
Donc, nos coeurs lumineux.
Un livre bien obscur. Je suppose les états d’âme post séparation d’unetelle qui a du mal à s’y faire, déprime un peu probablement et d’une fragilité qui incite à la protection. On adhère ou pas à l'intérêt de cette démarche..
La phrase de la fin comme j’aime bien à les citer. Quand on s’est rencontré quelque part, on ne se perd plus. Il suffit de fermer les yeux. Je ferme les yeux.
Commentaire. Effectivement, afin de ne pas voir la réalité mais ce que l’on veut, c’est ce qu’il faut faire pour ne pas avancer.
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Un premier roman dans lequel la narratrice évoque son père disparu en mer. Elle lui invente une vie d'après son naufrage tout en essayant de construire un puzzle de ce qu'il fut à partir de bribes de souvenirs. Pas désagréable mais un peu décousu.
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« Un phénomène particulier se produit dans un coeur désaimé : les cellules du muscle cardiaque se figent, la contractilité du ventricule gauche ne fonctionne plus. La base du coeur continue pourtant à pomper, féroce, pendant que sa pointe reste immobile, gonfle. Un coeur désaimé est une force interdite, une naine brune, une étoile qui n'a pas eu lieu. Si on ne donne pas assez de place aux coeurs forts, ils risquent de partir en l'air, de nous faire exploser.
Que ferait-on pour arriver à toucher l'autre – on se jette dans l'inconnu, on entre dans son système solaire. On dévie, on croise ce chemin parallèle rien que pour une caresse imperceptible – celle de l'air sur la peau d'une étoile, un salut de proximité. » ( pp. 162-163)
La narratrice de ce récit, en voyage à Minsk en juillet 2019, reçoit un appel téléphonique de son mari, resté à Pau dans l'appartement du couple, un mari qui lui annonce qu'il a cessé de l'aimer. L'événement inaugure de longs mois d'errance émotionnelle, au cours desquels la jeune femme se sent vivre comme « suspendue », l'esprit parfois comme séparé du corps, en quête d'un impossible « chez soi ». Loin d'être pourtant expérience malheureuse, cette perte des repères quotidiens, ce sentiment de détachement, qui, tantôt, lui permet de s'imaginer « étoile filante », tantôt, lui confère une conscience « liquide », est vécu comme l'occasion de revisiter son passé, les lieux et les liens de son existence.
« Les nuits aux yeux fermés, ouverts, sans le vouloir, je réaménage mes souvenirs. « Une séparation est une étape, une porte, dis-je à ma mère le matin par Skype, une pâte à modeler. J'attends une vie nouvelle comme une robe, une aventure, une occupation. » (p.95)
Au fil de ses changements de résidences, faisant de son téléphone le confident de ses états d'âme, avant de retranscrire ces réflexions dans un texte kaléidoscopique, elle parcourt ainsi, de Minsk à Barcelone, en passant par Pau, Paris ou Saint-Pierre d'Albigny, les lignes de sa vie, songeant que son point d'équilibre se trouve peut-être au croisement virtuel de toutes ces trajectoires, tissées autant par les autres, parents, amis, ou ce voisin, Julien, croisé dans son séjour savoyard, que par elle-même.
Nourri d'étrange étrangeté, et, à l'évidence, de nombreux éléments autobiographiques – il y a du vécu personnel, assurément, quand son personnage évoque la vie en Biélorussie et l'exil des membres de la famille -porté par une écriture d'une singulière poésie et une construction en fragments, dont chaque paragraphe apporte à l'ensemble son éclat particulier, le roman d'Aliona Gloukhova, à l'image de ses deux précédents textes, enchante le lecteur, l'amenant à réfléchir sur la fragilité des identités, une instabilité paradoxalement féconde, avant de nous inviter à retrouver « notre forêt ». Et si nous n'étions, les uns pour les autres, que « des corps lumineux de passage » ? Un livre, oui, comme cet Atlas de la face cachée de la lune, le seul ouvrage que la narratrice – Aliona ? – aura, héritage de son grand-père, emporté dans son exil du Belarus, et qu'elle consulte toujours pour deviner de quoi son futur sera fait, puisque « rien n'est certain, tout est possible, nos points d'atterrissage sont à réinventer », un livre comme une invitation à ce voyage-là, celui de l'imagination ?
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La narratrice relate les recherches d'Anna, une étudiante portugaise, partie en Russie enquêter sur un poète russe méconnu Guennadi Gor (auteur d'un recueil "Blocus", écrit lors du siège de Leningrad par les troupes nazies).
L'auteur imagine le parallèle entre ces deux jeunes femmes.
Le résultat est un texte haché, très hermétique.
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« Dans l'eau je suis chez moi » Aliona Gloukhova (117p, Verticales)
Récit autobiographique ( ?) plus que roman, premier texte de ce jeune auteur d'origine biélorusse. C'est le livre d'une absence, d'une disparition, d'une mort qui n'en est peut-être pas une. Aliona passe son enfance dans la triste capitale, Minsk, d'un pays gris, le Belarus. Avec sa sœur et son demi-frère aîné, elle doit souvent faire avec l'alcoolisme (une forte coutume locale qui touche tous les milieux) de son fantasque de père, adepte de la version locale du « plutôt des remords que des regrets ». Elle a onze ans quand celui-ci disparaît en mer du côté d'Istanbul, en 1995. Le petit voilier sur lequel il avait pris place a coulé, on n'a jamais retrouvé son corps alors que ses deux compagnons s'en sont sortis. Aliona grandit dans le doute, l'incertitude, la présence-absence permanente, et c'est le fil de ce récit, très touchant. A-t-il fui un monde qu'il ne supportait plus, est-il vraiment mort ? Entre le poids de l'alcoolisme vu par une enfant, l'imagination qui réinvente en permanence le désir et l'espérance, la description d'Istanbul où plus tard la jeune femme ira sur les traces perdues de son père, c'est une belle lecture. L'écriture est simple, directe, le livre se lit très vite, et même si la fin, belle métaphore du dépassement de la douleur, sent un peu trop « le Grand Bleu », l'émotion passe bien, sans que jamais l'auteur ne tombe dans le misérabilisme. Une première prometteuse pour Aliona Gloukhova ?
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Premier roman d'Aliona Gloukhova, jeune biélorusse, qui écrit une sorte d'autobiographie à partir des souvenirs qu'elle a de son père disparu en mer lors d'un naufrage au large de la Turquie en 1995. Aliona n'a que onze ans lorsqu'elle apprend que son père a disparu en mer, les deux compagnons qui naviguaient avec lui ont été retrouvés sains et saufs. Comment faire son deuil dans de telles conditions ? Au fond, Aliana garde toujours une petite lueur d'espoir de retrouver un jour son père. Elle imagine diverses hypothèses et évoque des épisodes de sa vie avec sa famille, avant cette tragique disparition.
Une histoire dans laquelle je n'ai pas vraiment réussi à entrer, je me suis rapidement ennuyée dans l'évocation de la vie d'Aliona et ne me suis pas attachée aux personnages. L'écriture de ce livre a dû aider Aliona Gloukhova à surmonter cette épreuve, mais l'intérêt de ces bribes de souvenirs pour les lecteurs est moins évidente.
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Formidable récit sur la perte d'un père. Ou plus exactement sur la disparition d'un père. Comment peut-on vivre, se construire avec un père disparu en mer ? Ces questions sont très intéressantes et très bien traitées dans le livre. L'écriture est très belle et j'ai été conquis par ce récit.
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Par bribes, l'auteur tente de recomposer l'image de son père disparu au large d'Istambul.
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Un premier roman, mais beaucoup de talent et un bagage littéraire font de cet ouvrage d'Aliona Gloukhova une petite pépite. Elle trouve les mots justes pour nous raconter son douloureux vécu, la disparition en haute mer de son père et sa quête pour en apprendre davantage, son désir de l'imaginer survivant. Tout sonne vrai et nous émeut.
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La littérature de Biélorussie ne s’impose pas aisément à nous alors que les habitants de ce pays sombré en esclavage par son dictateur, caniche de Poutine ne demanderaient pas mieux que de trouver le chemin de l’Europe libre. Aliona Gloukhova a opté pour le français. Elle évoquait si bien son libre dans l’émission « Dans quel monde on vit ? » que je me suis mis à la lire et à découvrir ces réflexions d’une femme dont le mari vient de lui dire qu’il ne l’aime plus et qu’il la quitte. Les réflexions sont riches, subtiles, humaines pour dire cette rupture. Mais à la fin, je ne sais pas si j’ai aimé ce livre. J’ai souvent un avis plus clair sur mon appréciation mais ce livre m’a désarçonné. Je m’en réfère donc à l’avis des autres lecteurs.
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