AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Annette Wieviorka (74)


Dans des temps inhumains, être simplement humain relève parfois de l'héroïsme.
Commenter  J’apprécie          210
Le juge Landau, après qu’Eichmann eut prononcé une phrase longue de 140 mots, l’interrompt : le style dans lequel il s’exprime ne regarde que lui, mais s’il souhaite être compris, il doit s’exprimer en phrases plus courtes. « Il est vrai qu’en allemand le verbe vient toujours à la fin de la phrase, mais il faut bien dire que cela dure vraiment trop longtemps »
Commenter  J’apprécie          160
P. 230 - Se rendre à Auschwitz pour un homme politique, c'est y chercher un certificat de moralité. Peu importe la façon dont il gouverne, que ses prisons soient pleines de détenus politiques qu'on y torture.
Commenter  J’apprécie          120
P. 224 - Qu'Auschwitz soit devenu un musée est en soi incongru. Si un musée a pour objet de montrer au public et de conserver des oeuvres d'art, des produits de la culture, celui d'Auschwitz témoigne au contraire d'une éclipse dans la culture, d'un épisode de dé-civilisation.
Commenter  J’apprécie          110
Dans un premier temps, rares ont été les auteurs qui récusent le portrait d'Eichmann que fait Hannah Arendt. Cependant, pour le procureur Gidéon Hausner (...) Eichmann n'a rien du fonctionnaire consciencieux. "Eichmann était un fourbe, un amateur de combinaisons fatales, doté d'un caractère démoniaque, parfaitement indifférent aux souffrances qu'il infligeait, que ce soit collectivement ou personnellement, et qui se délectait dans l'exercice de son propre pouvoir."

Se fondant sur des tests soumis à un expert qui ignore l'identité du sujet qui les a exécutés, Hausner affirme que le spécialiste lui a déclaré : "Vous êtes en présence d'un homme des plus dangereux." "Tout confirmait, poursuit le procureur, que légalement sain d'esprit et responsable de ses actes, Eichmann présentait une personnalité dangereuse, perverse, avec une tendance anormale et sans contrainte à user de ses frères humains comme autant d'objets inanimés pour parvenir à ses fins."
Commenter  J’apprécie          102
Pourtant, cet été-là, elle eut un choc en voyant un numéro sur l'avant-bras gauche de Berthe, tatoué d'une encre bleue un peu délavée. Brutalement, tout ce qui circulait à la maison, à la télévision, dans les films ou à l'école s'incarnait, devenait en quelque sorte réel.
Commenter  J’apprécie          100
Encore !
Cet adverbe, nous l'entendons chaque fois qu'est proposé sur Auschwitz un livre, un film, un voyage de lycéens... Encore ! Mémoire saturée, fascination perverse pour l'horreur, goût mortifère du passé, instrumentalisation politique des victimes... Sortir enfin d'Auschwitz... Oublier que cela fut. Ou alors en parler, à la condition d'inscrire les morts d'Auschwitz dans la litanie des assassinés en masse : Indiens d'Amérique, morts des champs de bataille de la Première Guerre mondiale, Arméniens, paysans ukrainiens, Kosovars, hommes de Sebrenica, Tutsi, Herero, Cambodgiens, jusqu'à ce qu'ils se dissolvent.
" Encore ! vont dire les blasés, ceux pour lesquels les mots chambres à gaz, sélection, torture, n'appartiennent pas à la réalité vivante, mais seulement au vocabulaire des réalités passées."
Commenter  J’apprécie          90
[ La déportation des enfants. ]

L'arrivée des enfants en provenance des camps de Pithiviers et Beaune-la-Rolande bouleverse tous ceux qui sont à Drancy. Georges Wellers, nommé chef du service d'hygiène de l'administration juive du camp, a été le témoin de l'arrivée le 15 août et les jours suivants de 4000 enfants juifs de 2 à 12 ans, mêlés en quatre convois à 200 adultes, un pour vingt enfants. Il témoignera de cet épisode au procès Eichmann le mai 1961. Auparavant, André Schwartz-Bart avait intégré son récit à son chef-d'oeuvre " Le dernier des Justes " .
Les enfants ont été conduits de la gare d'Austerlitz à Drancy en autobus. Les baluchons oubliés dans les véhicules sont jetés dans la cour et, dans cet amoncellement, ils tentent, souvent en vain, de retrouver leurs biens. Puis, ils sont " parqués par 110-120 dans des chambres sans aucuns mobilier, avec des paillasses d'une saleté repoussantes étalées par terre. Sur les paliers, on disposait des seaux hygiéniques parce que beaucoup étaient trop petits pour descendre l'escalier tout seuls et aller aux WC se trouvant dans la cour, écrit Georges Wellers, un des rares adultes autorisés à pénétrer dans les chambrées d'enfants après 21 heures. A cette époque, l'ordinaire du camp se composait de soupe aux choux. Très rapidement, tous les enfants furent atteints de diarrhée. Ils salissaient leurs vêtements et les paillasses sur lesquelles ils restaient assis toute la journée et sur lesquelles ils dormaient la nuit. [ . .. . ] Leur sommeil était agité, beaucoup criaient, pleuraient et appelaient leur mère et, parfois, la totalité des enfants d'une chambrée hurlaient de terreur et de désespoir ".
( . . . )
L'internée Odette Daltroff-Baticle accompagne les enfants dans les épreuves qui précèdent leur déportation. " On recrute parmi nous des femmes de bonne volonté pour s'occuper de ces enfants, raconte-t-elle. Nous sommes munies de brassards et de laissez-passer signés par la gendarmerie, qui nous donnent droit de circuler dans le camp. Des autobus arrivent, nous en sortons des petits êtres dans un état inimaginable. Une nuée d'insectes les environne ainsi qu'une odeur terrible [ . . . ] les trois quarts sont remplis de plaies suppurantes : impétigo. [ . . . ] Pour 1000 enfants nous disposons de 4 serviettes, et encore, avec difficulté. Par groupe nous menons ces enfants aux douches, une fois nus ils sont encore plus effrayants, ils sont d'une maigreur terrible [ . . . ] ils ont presque tous la dysenterie. Leur linge est souillé d'une manière incroyable et leur petit baluchon ne vaut guère mieux. [ . . . ] après le départ de ces 3000 ou 4000 enfants sans parents, il en restait 80 vraiment trop malades pour partir avec les autres : mais on ne pouvait les garder plus longtemps. "
Comme les adultes, les enfants subissent la veille de leur déportation la fouille par le SEC et la tonte. Puis, comme le raconte Odette Daltroff-Baticle : " Vers 5 heures du matin il fallait les descendre dans la cour pour qu'ils soient prêts à monter dans les autobus de la STCRP qui menaient les déportés à la gare du Bourget. Impossible de les faire descendre ; ils se mirent à hurler, une vraie révolte, ils ne voulaient pas bouger, l'instinct de conservation. ( . . . ) . "

Commenter  J’apprécie          81
Isoler un seul nom, c'est rompre la fraternité de leur collectif militant. Distinguer une seule communauté, c'est blesser l'internationalisme qui les animait. Ce groupe de résistants communistes ne se résume pas à Manouchian, qui certes en fut le responsable militaire avant que la propagande allemande ne l'eut promu chef d'une bande criminelle. Et le symbole qu'il représente à juste titre pour nos compatriotes de la communauté arménienne est indissociable de toutes les autres nationalités et communautés qui ont partagé son combat et son sacrifice.
Commenter  J’apprécie          70
J'ai commencé à écrire ce récit, auquel je pensais depuis des dizaines d'années, sous le signe du COVID : confinement, couvre-feu, masques, pass sanitaire. La pandémie m'avait donné un sentiment d'urgence : il fallait le terminer avant de disparaître. Ce serait mon dernier livre. Un écrit-testamentaire. Mes tombeaux et mon tombeau. Je le terminé alors que la guerre fait rage en Ukraine. Elle manque de m'en détourner. Cette guerre au coeur de l'Europe, que la réthorique poutienne - nazis, génocide, pogroms... - ramène autemps de la Seconde Guerre Mondiale, frappe de dérision mon entreprise de redonner vie aux miens et risque de me paralyser. Je lis pendant des heures la presse et regarde la télévision. Sur les cartes, les noms des lieux que j'ai visités par le passé, certains qui évoquent l'histoire de ma famille, comme Kiev (aujourd'hui Kyiv) où se deroulère t les obsèques nationales de mon grand-père Avrom Wievorka, ou Odessa où vécut Roger après sa libération d'Auschwitz.
Commenter  J’apprécie          70
"Isoler un seul nom, c'est rompre la fraternité de leur collectif militant".
Commenter  J’apprécie          60
En 2014, il avait été question de faire entrer au Panthéon les vingt-trois condamnés à mort. C’est ce que les signataires de la tribune publiée dans Le Monde auraient souhaité. Le président Macron en a décidé autrement. Avec l’entrée du seul Missak Manouchian, accompagné par son épouse devenue, dans les ouvrages parus à la faveur de l’évènement, une grande résistante, on peut se demander si la légende et le mythe n’ont pas définitivement triomphé de l’histoire. À moins que ce ne soit l’amour.
Commenter  J’apprécie          50
(p.63)
La fonction du crématoire n'est jamais de mise à mort. Il sert à l'incinération, comme au cimetière du Père Lachaise par exemple. Sa fonction peut être banale; elle ne l'est pas dans les camps. D'abord pour des raisons culturelles. L'incinération des corps n'est pas alors une pratique courante dans les divers pays de culture catholique, en France, par exemple. Elle ne l'est pas non plus pour les Juifs. Les morts sont censés reposer dans leur intégrité -pour les Juifs religieux jusqu'à la venue du Messie - dans la terre, la leur, celle de leur village, de leur pays. La réduction en cendres rend la mort anonyme. Elle signe l'achèvement du processus de négation de l'individu qui commence dès l'entrée au camp. "Plus rien ne nous appartient, écrit Primo Levi dans Si c'est un homme, ils nous ont pris nos vêtements, nos chaussures et même nos cheveux [...] Ils nous enlèveront jusqu'à notre nom." Et on peut rajouter : jusqu'à notre mort, jusqu'à notre dépouille. Pour le concentrationnaire, le crématoire est la matérialisation permanente de la mort, le rappel permanent, par la fumée et par l'odeur, de la précarité de son existence. Le" crématoire est devenu un symbole majeur du camp de concentration. Tous les récits l'évoquent : "On sort par la cheminée."
Commenter  J’apprécie          50
Le père de Marcel Rajman a été arrêté à 1941, alors que la rue ouvrière des Immeubles Industriels, dans le 11e arrondissement, peuplés d'immigrés juifs, avait été barrée par la police française dans le cadre de la rafle dite parfois "de Drancy" car c'est alors que le camp, installé dans la cité de la muette, inaugure son rôle de canp pour Juifs. .
Commenter  J’apprécie          42
Tout l’enseignement était fait pour intégrer les enfants à la France. La phrase de Heine, « tout homme a deux patries, la sienne et la France » était répétée comme un mantra. Les enfants devaient devenir « de bons Français de confession israélite ». Ils chantaient La Marseillaise, le Chant du départ. Il fallait être très patriote.
Commenter  J’apprécie          40
Lionel Rochman, jeune Juif alors à Guéret, dit qu'il ressentit de la honte devant l'affiche. Honte devant la désignation des visages comme juifs et étrangers. Et il soutient que l'affirmation selon laquelle la France communiait «secrètement dans la douleur » au moment où l'affiche fut apposée est un « pieux mensonge » entretenu par « notre bonne conscience nationale ». Et il affirme que la propagande a « le pouvoir de créer une vérité seconde qui peu à peu supplante la vérité tout court ».
Commenter  J’apprécie          31
Ce dernier (Missak Manouchian) a survécu enfant au génocide perpétré par les turcs, grandi dans un orphelinat du Liban sous mandat français, gagné Marseille, puis Paris. Poète, traducteur en arménien de poésie française, il adhère au parti communiste en 1934, devient permanent d'une des associations liées à la sous-section arménienne de la MOI ( Main-d'oeuvre immigrée). C'est tardivement, en février 1943, qu'il est versé dans les FTP ( Francs-tireurs partisans) -MOI dont le responsable militaire est alors Boris Alban. Quand ce dernier est démis de ses fonctions parce qu'il critique une tactique qu'il juge trop coûteuse en vies humaines, Missac Manouchian le remplace. Nous sommes en août 1943. Manouchian est donc pendant trois mois le chef militaire des FTP-MOI de la région parisienne, sous la direction de Joseph Epstein.
Commenter  J’apprécie          30
Qu’on me comprenne bien. Oui, l’histoire du génocide des Arméniens et celle de l’immigration arménienne en France méritent d’être connues et reconnues. Oui, Missak le poète, le militant, le résistant est une magnifique figure digne d’être honorée. Mais je ne peux m’empêcher d’être saisie par un double sentiment : celui d’une injustice à l’égard de la mémoire des autres fusillés de février 1944 et d’Olga Bancic, guillotinée le 10 mai 1944 à Stuttgart, et de leurs familles ; et celui d’un malaise devant un récit historique qui distord les faits, voire les occulte au profit de la construction d’une légende. Or à l’époque est qui est la nôtre, celle des « faits alternatifs », il me semble que si on souhaite donner une leçon d’histoire, la moindre des précaution est d’établir les faits.
Commenter  J’apprécie          30
(p. 305)

"Nous entendions prononcer une damnation éternelle contre la mémoire du nazisme et des diaboliques humains qui l'avaient incarnée. À cette différence près que, pour nous, le souvenir des hommes et des crimes devait être, pour cette malédiction, non pas anéanti mais, bien au contraire minutieusement conservé".
Edgar Faure
Commenter  J’apprécie          30
Qu'on imagine maintenant un homme privé non seulement des êtres qu'il aime mais de sa maison de ses habitudes de ses vêtements de tout enfin littéralement tout ce qu'il possède: ce sera un homme vide réduit à la souffrance et au besoin dénué de tout discernement oublieux de toute dignité car il n'est pas rare quand on a tout perdu de perdre soi-même ce sera un homme dont on pourra décider de la vie ou de la mort le coeur léger sans aucune considération d'ordre humain, si ce n'est tout au plus un critère d'utilité.
Commenter  J’apprécie          30



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Annette Wieviorka (443)Voir plus

Quiz Voir plus

Jefferson

Quel animal est Jefferson?

une chèvre
un cochon
un hérisson

9 questions
103 lecteurs ont répondu
Thème : Jefferson de Jean-Claude MourlevatCréer un quiz sur cet auteur

{* *} .._..