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EAN : 9782021559422
60 pages
Seuil (02/02/2024)
3.85/5   36 notes
Résumé :
Un texte d'intervention à l'occasion de la panthéonisation de Missak Manouchian, prévue le 21 février 2024, rédigé par une spécialiste de la résistance juive et communiste.
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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La collection LIBELLE des éditions du Seuil est toujours aussi passionnante et riche en termes de débat, de réflexion. C'est Annette Wieviorka qui signe cet opuscule, "Anatomie de l'affiche rouge", qui défend une idée explicitée dans le journal le Monde par de nombreux signataires de cette tribune. En effet, le 21 février 2024, Missak Manouchian et son épouse Mélinee, sont entrés au Panthéon. C'est, bien évidemment, quelque chose qui nous réunit tous et toutes. Mais pour Annette Wieviorka et d'autres intellectuels, il aurait fallut célébrer également les 21 autres jeunes gens, tous résistants étrangers, qui furent fusillés en même temps que Missak Manouchian. Pour quelles sombres raisons cette chape de plomb. Que dire aussi du silence sur l'exécution de Olga Bancic, guillotinée en Allemagne le 10 mai 1944. Pourquoi ne pas rendre hommage à tous ces braves ? Pourquoi seulement Missak et Mélinee ? La question se pose légitimement que l'on soit historien(ne)s ou citoyen(ne). Un court texte qui interpelle, fait réfléchir au "devoir d'histoire", terme que je trouve plus juste que le trop galvaudé "devoir de mémoire." Tout ceci fait vivre le débat démocratique sur la construction du récit historique par nos politiques. Ces derniers n'ont pas toujours la pleine mesure du sens à donner à une leçon d'histoire. Libre à chacun(e) d'y puiser des éléments pour nourrir son avis sur la question.
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Anette Wieviorka livre ce court essai "à propos de l'Affiche rouge" à l'occasion de la panthéonisation ce mois de février 2024 du couple Manouchian. Il ne s'agit pas de remettre en cause leur présence au Panthéon, elle ne souhaite pas polémiquer sur le bien-fondé de cet hommage national. Mais elle cherche à démontrer que mettre l'accent sur un couple contribue à héroïser et "glamouriser" deux personnes, au détriment de tous les autres : le poète, l'amant, l'orphelin arménien survivant du génocide et venu en France par amour pour les écrivains, et "sa Mélinée, son amour, son orpheline" pour citer les "Strophes pour se souvenir" d'Aragon, où certains vers sont une déclaration d'amour bouleversante, par-delà la mort.
Un groupe, le groupe Manouchian - qui n'en était d'ailleurs pas un au sens strict, les différents résistants ne travaillaient pas tous ensemble, mais par petits groupes spéciaux et spécialisés indépendants - est ainsi réduits à deux figures, alors qu'ils étaient "vingt-et-trois quand les fusils fleurirent", vingt-deux en réalité puisque la seule femme, Olga Bancic, a été guillotinée.
Elle cherche donc à montrer toute la diversité de ces résistants étrangers membres de la MOI, la Main-d'Oeuvre Immigrée : hongrois, polonais, espagnols, italiens... qui ont néanmoins pour point commun d'être presque tous juifs - hormis Missak Manouchian, ce qui est l'argument principal de détestation des Nazis. Ainsi, un véritable "casting" est organisé par les services SS pour composer la fameuse affiche rouge, les brochures et les tracts qui l'accompagnent. Il s'agit de mettre en avant les figures qui correspondent le plus à la conception nazie de "dégénération de la race", les noms qui "sonnent" les plus étrangers, les chiffres des attentats étant de plus complétement faux. Il faut des visages "noirs de barbe et de nuit hirsutes, menaçant".
Anette Wievorka retrace donc les figures de ces résistants - et de cette résistante, sans s'attarder sur le couple Manouchian, qui est déjà au centre de nombreux ouvrages historiques. Et, surtout, ce qui m'a particulièrement intéressée, elle insiste sur la construction mémorielle. On ne devient pas un héros de la mémoire nationale comme ça, c'est tout un processus qui se construit à travers l'histoire. Elle présente donc l'histoire même du poème d'Aragon, commandé par l'Humanité, le grand journal communiste, dans le contexte particulier de la mort de Staline. L'identité juive est dissimulée, le ton est certes patriotique, mais aussi un poème d'amour, et une réflexion sur le sens et la fonction même de la poésie. C'est ensuite la chanson qui va mettre en avant les membres de l'Affiche rouge - le titre de Léo Ferré chantant le poème d'Aragon s'est d'ailleurs imposé, jusqu'à ce que l'affiche elle-même devienne un matériel historique, présent notamment dans les manuels de l'enseignement secondaire.
La mémoire - la légende, le mythe, l'histoire d'amour - a donc surpassé l'histoire, et Anette Wieviorka essaye de lui rendre sa place.
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Anatomie de l'Affiche Rouge permet à l'historienne Annette Wierviorka d'analyser l'Affiche Rouge et la propagande nazie. Elle explicite, aussi, son choix de signer la lettre ouverte publiée dans le Monde. (24 novembre 2023).

L'article dénonçait le fait que Mélina et Missak Manouchian entraient, seuls, au Panthéon. Alors qu'ils étaient vingt et un autres à être fusillés le même jour, le 21 février 1944, au Mont-Valérien. En plus, la seule femme du groupe, Olga Bancic, condamnée à mort, fut, elle, guillotinée le 10 mai en Allemagne.

Cette tribune dans le journal fut signée par des anciens descendants de résistants étrangers, membres des FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – main-d'oeuvre immigrée), et des intellectuels. Je suis effarée que dans les différents reportages ou articles, ces jours-ci, MOI soit gommé.

Ils sont venus nombreux entre les deux guerres, fuyant souvent l'arbitraire de leur pays. Ces hommes et ces femmes se sont engagés pour la libération de la France. Ils représentent toute la diversité française. Et, encore, on « oublie » de les panthéoniser ! Comme les harkis ! Comme les tirailleurs sénégalais !

Légende ou histoire
Annette Wieviorka a écrit l'essai, Ils étaient juifs, résistants, communistes, paru en 1986 et réédité depuis, qui fait autorité. Historienne spécialiste de la Shoah et de l'histoire des juifs au XXè siècle, elle a reçu de nombreux prix, distinguant son travail de précision et de rigueur.

Dans Anatomie de l'Affiche Rouge, Annette Wieviorka raconte aussi la véritable histoire de cette affiche, complétée par un tract et un fascicule, qui étaient distribués largement. En détaillant la propagande nazie, l'expression « armée du crime » est explicitée. Elle explique aussi la fabrication du « mythe » Manouchian.

L'objectif de la propagande est de pousser à la vindicte populaire, les dix personnes dont les portraits, sombres, sont exposés. Les nazis falsifient leur histoire et même l'inventent. Qu'importe la véracité, la propagande nazie prône le mensonge pour retourner l'opinion. Alors, utiliser cette affiche comme une illustration de leur combat est, pour moi, une nouvelle violence infligée à leurs dépouilles !

Annette Wieviorka précise comment la chanson de Léo Ferré, en reprenant le poème d'Aragon, strophes pour se souvenir, a sorti de l'oubli le sacrifice de ses hommes. Et, on ne peut oublier l'interprétation d'Arthur Teboul qui l'a modernisée. Seulement, c'est la légende construite par le poète que l'on retient et non, la véritable histoire.

Bref, un tout petit essai à mettre entre toutes les mains pour retrouver la véritable histoire de ces hommes et non le roman national qu'on veut qu'on retienne !
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Pour tout savoir sur L'affiche rouge : un très court essai extrêmement documenté par l'historienne Annette Wieviorka.
Je vous invite également à écouter toujours et encore la chanson interprétée par Léo Ferré ou Catherine Sauvage ou Catherine Ribeiro.
Restez et restons curieux, apprenons tous les jours pour enrichir notre culture générale.
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Je reste très sceptique sur les motivations et les objectifs de l'écriture de cet opus qui cherche avec son titre, un clin d'oeil pour le moins déplacé avec l'actualité cinématographique.
Ce n'est pas là le moindre défaut de cette publication.
Cette anatomie respire surtout une opposition de principe à l'entrée au Panthéon de Missak Manouchian.
On peut poser la question du pourquoi cette démarche.
Annette Wievioka s'insurge parce que Mélinée entre au Panthéon aux côtés de son mari. Elle a des mots glaçants sur le « couple glamour » mis en avant dans l'actualité et des propos blessants sur Mélinée, mineure en résistance à ses yeux. Que ne s'est t-elle révoltée quand Antoine, le mari de Simone Weil entrait au Panthéon aux cotés de Simone. Quelle logique y a t-il et de quel droit peut -on séparer les restes des corps morts de ceux qui ont vécu ensemble?
Annette Wieviorka s'insurge car les restes des 21 compagnons de Manouchian fusillés avec lui ce jour de février 1944, et ceux d'Olga Bancic, décapitée (et non guillotinée comme elle le dit) en Allemagne en mai 44, n'entrent pas physiquement au Panthéon.
Annette Wievioka s'insurge sur le peu d'actions armée à mettre à l'actif de Missak Manouchian, elle évoque rapidement l'action contre Ritter, qui lui parait, finalement, bien peu de chose.
Depuis quand mesure t-on l'héroïsme des résistants au nombre de tués qu'ils ont pu faire dans les rangs allemands. Elle sait pourtant comme historienne, que ces actions étaient périlleuses et qu'il y en eu peu….
Jean Moulin ne mériterait donc pas les honneurs qui lui ont été rendus.
Non, Il s'agit bien de se situer sur la question du sens. Ce qu'elle ne fait pas.
Le sens de la panthéonisation de Manouchian est universel.
Manouchian, apatride, communiste, résistant, à la tête des FTP-MOI de Paris au moment de la troisième filature qui conduit à l'arrestation des 23. Manouchian comme un symbole.
Un symbole qui n'a pas échappé à Aragon, à Ferré, dont les écrits et la musique sont venus le souligner.
Un symbole fort aujourd'hui, pour les citoyens attachés aux droits humains à l'heure de la loi récente contre l'immigration.
Avec Manouchian, il s'agit bien de l'entrée au Panthéon de la résistance communiste, armée, internationaliste, à égalité de droits avec ceux de la résistance qui n'étaient rien de tout cela.
Ils sont bien 23 à y entrer pour moi le mercredi 22 février 1944.
Et au delà ils sont des millions, tous ceux qui se battent pour la dignité humaine, qui verront dans ce symbole la légitimité de leur lutte..
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critiques presse (2)
Culturebox
22 mars 2024
Dans un tout petit livre qui ne paie pas de mine, elle réaffirme son sentiment d'"injustice" et de "malaise", et elle développe son argumentaire sur quelques dizaines de pages.
Lire la critique sur le site : Culturebox
LeMonde
20 février 2024
Un bref volume de l'historienne replace l'entrée au Panthéon, le 21 février, de Missak et Mélinée Manouchian dans son contexte historique, qu'elle juge insuffisamment pris en compte.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Isoler un seul nom, c'est rompre la fraternité de leur collectif militant. Distinguer une seule communauté, c'est blesser l'internationalisme qui les animait. Ce groupe de résistants communistes ne se résume pas à Manouchian, qui certes en fut le responsable militaire avant que la propagande allemande ne l'eut promu chef d'une bande criminelle. Et le symbole qu'il représente à juste titre pour nos compatriotes de la communauté arménienne est indissociable de toutes les autres nationalités et communautés qui ont partagé son combat et son sacrifice.
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Ce dernier (Missak Manouchian) a survécu enfant au génocide perpétré par les turcs, grandi dans un orphelinat du Liban sous mandat français, gagné Marseille, puis Paris. Poète, traducteur en arménien de poésie française, il adhère au parti communiste en 1934, devient permanent d'une des associations liées à la sous-section arménienne de la MOI ( Main-d'oeuvre immigrée). C'est tardivement, en février 1943, qu'il est versé dans les FTP ( Francs-tireurs partisans) -MOI dont le responsable militaire est alors Boris Alban. Quand ce dernier est démis de ses fonctions parce qu'il critique une tactique qu'il juge trop coûteuse en vies humaines, Missac Manouchian le remplace. Nous sommes en août 1943. Manouchian est donc pendant trois mois le chef militaire des FTP-MOI de la région parisienne, sous la direction de Joseph Epstein.
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Qu’on me comprenne bien. Oui, l’histoire du génocide des Arméniens et celle de l’immigration arménienne en France méritent d’être connues et reconnues. Oui, Missak le poète, le militant, le résistant est une magnifique figure digne d’être honorée. Mais je ne peux m’empêcher d’être saisie par un double sentiment : celui d’une injustice à l’égard de la mémoire des autres fusillés de février 1944 et d’Olga Bancic, guillotinée le 10 mai 1944 à Stuttgart, et de leurs familles ; et celui d’un malaise devant un récit historique qui distord les faits, voire les occulte au profit de la construction d’une légende. Or à l’époque est qui est la nôtre, celle des « faits alternatifs », il me semble que si on souhaite donner une leçon d’histoire, la moindre des précaution est d’établir les faits.
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En 2014, il avait été question de faire entrer au Panthéon les vingt-trois condamnés à mort. C’est ce que les signataires de la tribune publiée dans Le Monde auraient souhaité. Le président Macron en a décidé autrement. Avec l’entrée du seul Missak Manouchian, accompagné par son épouse devenue, dans les ouvrages parus à la faveur de l’évènement, une grande résistante, on peut se demander si la légende et le mythe n’ont pas définitivement triomphé de l’histoire. À moins que ce ne soit l’amour.
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Lionel Rochman, jeune Juif alors à Guéret, dit qu'il ressentit de la honte devant l'affiche. Honte devant la désignation des visages comme juifs et étrangers. Et il soutient que l'affirmation selon laquelle la France communiait «secrètement dans la douleur » au moment où l'affiche fut apposée est un « pieux mensonge » entretenu par « notre bonne conscience nationale ». Et il affirme que la propagande a « le pouvoir de créer une vérité seconde qui peu à peu supplante la vérité tout court ».
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Videos de Annette Wieviorka (23) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Annette Wieviorka
A quelques jours de la panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian, "La Grande Librairie" propose une réflexion sur la mémoire. Pourquoi et comment se souvenir ? Deux historiennes, deux témoins et une romancière livrent autant de récits sensibles et nécessaires. Augustin Trapenard accueille ainsi Michelle Perrot pour "S'engager en historienne", publié chez CNRS Editions, Annette Wieviorka pour "Anatomie de l'Affiche rouge", paru au Seuil, Robert Birenbaum pour "16 ans, résistant", édité chez Stock, Marie Vaislic pour "Je ne savais pas que j'étais juive", publié chez Grasset, et Claire Deya pour "Un monde à refaire", paru aux Editions de l'Observatoire.
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