Dialogues, émission littéraire 25
Numéro 25 de l'émission Dialogues littéraires de décembre 2012, produite par la librairie Dialogues et réalisée par Ronan Loup en collaboration avec la chaîne Tébéo. Invités : Colombe Schneck, Bernard Berrou et Laurent Binet.
Et ma vie danse aussi.
Car en Bretagne, le soleil a du tact : il n’impose ni sa tyrannie ni son ennui. Cet ennui du soleil punaisé sur un ciel bleu n’est pas pour nous.
Je préfère un ciel gris, riche en lumière en Bretagne, à la monotonie du soleil partout ailleurs.
Et quand je suis loin de ces lumières de Bretagne, tout devient sombre pour moi et je m’éteins.
‘'Lumières’’ – Stéphane Hoffmann
Le millefeuille du Faou
Philippe Le Guillou
Oui, ce gâteau mémoriel porte bien son nom, authentique feuilleté d'archives intimes, grimoire aux feuillets épars, tabernacle d'un royaume d'arbres et d'eaux, de forêts et de vagues, à l'exacte suture de l'Armor et de l'Argoat. Et, si le millefeuille, au glaçage rose, de feu Bernard Postollec reste pour moi une merveille inégalable et à jamais perdue, ses indignes avatars ont, malgré tout, un mérite : celui de restituer magique et intact, le mystère de mon enfance au Faou.
Collines raisonnables, baie profonde, forêts, vallons, patchwork de prairies, contrastes étourdissants entre terre et mer, il n'en faut pas plus pour éprouver une émotion paysagère sans nuances. Quand elle se décline avec tant de générosité, la géographie est une belle et chère compagne qui nous conduit naturellement vers l'exaltation du temps poétique.
Un matin, c’est sûr, j’irai à Pen Hat creuser la colline (un manuscrit du poète y a été enfoui en 1940 dans un coffre), et, avec un brin de chance, si le vieux poète barbu et translucide [Saint-Pol-Roux] venait à réapparaitre, je serrerai la main à notre roi-lyre. Me précédent dans le chemin dégringolant vers la mer, entre hier et aujourd’hui, nous aurons alors une conversation dans les bourrasques et les intermittences de la lumière. Un peu comme de vieux amis qui savent que, parfois, le temps n’a pas de prise au pays de Bretagne.
‘’Je me souviens de vous, Saint-Pol-Roux’’ – Jean-Luc Coatalem
...le mot Portugal se posait dans mon esprit comme un point d'appareillage vers les cinq océans, un pays regroupant les portulants, les astrolabes, les caravelles, les abris de grands navires de croisière.
La peinture est bien une affaire mentale. L'abstraction d'une oeuvre ne se mesure pas à son degré de ressemblance avec la réalité extérieure, mais par ce que l'artiste transmet de personnel en y apportant tout ce qu'il a de plus profond en lui, ses désirs, ses sensations, ses pulsions, ses frustrations, ses faiblesses, ses espoirs...
L'occasion d'observer les petites choses qui nous environnent devient de plus en plus rare, l'écoute du silence de moins en moins possible. A tous ceux qui souhaitent réveiller l'imaginaire qui sommeil en eux, je conseille de commencer par voyager dans leur jardin, s'ils ont la chance d'en posséder un. C'est un voyage sans tapages et sans trop de rêves déçus. Il coûte moins cher que d'aller en Patagonie, et l'on risque pas d'être énervé par les attentes aux aéroports et les formalités de douane.
Moderne celtitude
Xavier Grall
Ce n'est que dans le milieu de ma vie que j'ai réalisé la chance que j'avais, la grâce singulière dans ce monde bouleversé, éthniquement brassé, sociologiquement uniformisé, de porter une identité aussi manifeste, comme inscrite dans l'onde et la feuille, et d'être raccordé par un monosyllabe divin au Moyen-Age superbe de la Table ronde.
L'artiste qui croit se réaliser à l'intérieur d'un cocon ne sera jamais un créateur. Il lui faut à tout prix se replacer sur une lisière qui touche à l'incertitude sous peine de mentir à lui-même. Le tableau peut naître de la lutte du peintre contre ses propres faiblesses. C'est le seul élan prometteur.
Je fais partie de ces voyageurs solitaires qui s'épanouissent dès que le sol s'élève et que s'élargit l'horizon.