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Citations de Catalin Mihuleac (63)


Je l’admets, ces préparatifs répandent un halo sinistre, mais nous deux, nous avons lu tant de pages sur la guerre, bien plus sinistres que ce qui se passe maintenant.
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Dans mon pays, être une femme seule qui a franchi le cap de la trentaine suffit pour vous assurer une place de stationnement dans le secteur des personnes handicapées. Célibataire sans enfants. Pas de voix quotidienne pour vous dire "b'jour" et "pardon". Personne à qui donner un petit bisou doux ou acidulé pour vous avoir réparé un tuyau percé. Ou changé la robinetterie qui joue au supplice de la goutte d'eau et vous met les nerfs en boule.
Non, ce ne sont pas des fantasmes érotiques avec le plombier. On a besoin d'un plombier avec un bonus sentimental.
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Le printemps commence le 1er mars, secondé par son grand frère, le 8 mars, Journée de la femme. Enfin, c’est le temps du petit lapin, annonciateur des fêtes de Pâques.
Toute cette kyrielle de jours festifs s’accompagne de cadeaux. Les hommes offrent, les femmes sont en position de recevoir. Les hommes sont des martyrs. Mettez-vous à la place de celui qui a à la fois une épouse et une maîtresse. Ou deux maîtresses. Vous ne croyez pas qu’il réclame à tue-tête son internement dans un hôpital psychiatrique ? J’ai évoqué plus haut cette idée dégradante : que l’amour était un mot inventé par les Juifs pour un peu de sexe gratos.

(p. 87)
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Golda n'avait jamais vu d'autre nu masculin que les statues grecques des œuvres d'art. Où ce n'est ni bon ni mauvais, puisqu'elles représentent cet état muet de l'organe qui ne dit rien à une petite fille curieuse. Ce qu'elle savait de la sexualité se limitait pour l'essentiel au mode poétique et elle avait entendu, en riant de bon cœur, la blague sur l'amour, mot inventé par les Juifs pour obtenir gratuitement ce qu'au bordel ou au coin des rues ils ne pouvaient obtenir qu'en payant. Éperdue, elle regardait au cinéma les lèvres des femmes se fondre dans celles des hommes, mais savoir ce qui se passait exactement une fois le baiser achevé, c'était de l'ordre de l'imagination.
Toujours attentif aux signaux du marché, Lev avait proposé plusieurs fois de lui dévoiler son zizi, à divers tarifs, mais ce bête vermisseau, posé timidement sur un petit sac à œufs, craintif à l'idée de fêler leur coquille, n'avait en rien pu l'éclairer. Une fois, Lev lui avait demandé mille lei (...) pour réveiller son vermisseau, et alors Golda avait contemplé la magie qui enchantait les femmes depuis la création du monde. Caressé comme il faut, stimulé depuis les chancelleries secrètes du cerveau, le vermisseau s'était redressé fièrement, avançant vers le public sa poitrine de danseur, les billes du sac s'étaient mobilisées elles aussi, prêtes à soutenir en coulisse l'évolution scénique du danseur étoile.
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L'automne d'après le pogrom, certains sont rentrés chez eux ; ils étaient les seuls à savoir de quelles tanières ils sortaient. Des ombres écrasées par la culpabilité d'avoir survécu, comme au détriment de la majorité. Les autorités qui souhaitaient leur mort à l'entrée en guerre de la Roumanie demandaient à présent leur retour en ville, pour remettre l'économie locale sur ses anciens rails. Ca va mal quand les youpins sont là mais c'est pire quand ils ne sont pas là !
P. 270
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Venue de nulle part, Tincoutza apparaît triomphante, les bras chargés d'écharpes, de cravates, de taies d'oreillers et de culottes de couleur rouge, rouge bolchevique. - V'là c'qu' j'ai dégoté, chez ces bolchoviks!
Au-dessus de leurs têtes, des volumes incriminants d'Essenine, de Gogol, de Tchekhov, deux ou trois en édition bilingue, voisinant avec le subversif Petit Chaperon rouge, alias Chaperon bolchevique. Et quelques partitions de Tchaïkovski et de Rachmaninov.
P.180
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J'y apprends que la ville de mon époque estudiantine a subi les horreurs d'un pogrom au cours de la Seconde Guerre mondiale. Et quel pogrom ! 13 266 victimes, dont 40 femmes et 180 enfants. Selon le rapport n° 1503 du Service spécial d'information du 23 juillet 1943.

13 266 sur les près de 50 000 Juifs que comptait la ville. La moitié de la population totale de lași. Deux mois plus tôt, ils étaient encore 51 200, mais les plus inspirés avaient pris la fuite. Inversement, juste avant l'entrée en guerre de la Roumanie, il en était venu 3 000 à laşi. Suite à l'ordre d'évacuation de la population judaïque des villages.
Presque tous les juifs adultes furent massacrés au cours de ce pogrom.
P. 71 & 72
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Nous sommes devenues amies en moins de deux. Elle était triste, elle venait de perdre son mari. Tchekhov ne lui était d'aucun secours, car lui aussi avait laissé veuve sa femme. Elle souffrait comme une aristocrate. Comme si son mari n'était pas mort mais emprisonné pour les vingt-cinq ans à venir au fin fond de la Sibérie. Je l'admirais. Moi, un mec à cheveux longs m'avait quittée pour une morue à gros nichons de Targu Frumos. Je n'ai pas souffert comme une aristocrate, mais comme une idiote. Que voulez-vous, je suis fille de moujiks.
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Abandonnées au foyer, réduites à l’état de simples gouvernantes et cuisinières, les épouses se retrouvent oubliées dans une gare maritale où plus rien n’est sûr, à commencer par leur statut. (…)
Certaines épouses se résignent, mais la plupart décident de prendre les armes. (...)
L’une des armes classiques d’une épouse intelligente, c’est l’attente. Le mari doit être persuadé de façon subtile et non brutale de revenir au duvet du nid conjugal. Là est sa place et non sur une branche nouvelle qui peut céder au premier coup de vent. Le mari est un avion qui doit être ramené à sa base, après les raids de bombardements qu’exige la tradition masculine. Les munitions antiaériennes que tire l’artillerie de la Maîtresse ne doivent en aucun cas l’abattre.
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Ce que tu entends dire, ce ne sont que des rumeurs trompeuses, comme dans toutes les guerres, ma fille.
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Avant de m’endormir, je pense à ma famille à Onești. Papa est plombier au Combinat pétrochimique. Maman vend des tickets dans une guérite des transports en commun. Maintenant, ils sont à la retraite. Terme tragique en Roumanie. Mon petit frère vient tout juste de finir sa formation d’électricien. Il n’a lu qu’un seul livre de toute son existence, Winnetou. Mais il l’a lu des centaines de fois.
Ils n’ont pas obtenu de visa pour les USA afin que nous puissions faire la fête tous ensemble. Un visa pour les USA, ce n’est pas à la portée du premier pousse-mégots. Un pays d’émigration ancienne a horreur des nouveaux immigrants. Je leur ai envoyé deux cents dollars pour qu’ils fêtent l’événement sur place. Je crois qu’ils n’auront pas eu le cœur de les dépenser. Mes parents font des économies pour un caveau. Un caveau-revanche. Au musée des Contrefaçons de Paris, leur vie pourrait avoir une place légitime sur une étagère. Une fausse vie. Mais le caveau sera grandiose.
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Il y a d’autres produits vintage en plus des vêtements. Les disques vinyle par exemple. Un client hollandais a acheté une fois vingt-cinq tonnes de vinyles. Il a mis vingt mille dollars sur la table pour vingt-cinq tonnes de musique. Un disque vinyle vous fait déguster un son authentic. Vous détenez l’art dans toute sa pureté. Réservé aux connaisseurs. Le disque vinyle, c’est un drap lavé à la rivière. Peut-on le comparer à un drap sorti d’une machine automatique ?
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Hitler peignait, lui aussi, de jolis paysages, et maintenant s'apprête à peindre des natures mortes,
Mortes pour de bon.
P. 98
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Il existe en ce monde des sages-contrebandiers qui prétendent que rien n’est dû au hasard sous le soleil. Ils en ont la certitude. Ils ont reçu des garanties de Dieu en personne. Qui leur a expliqué le plan de développement de la planète. Tout est pensé d’avance, là-haut. Chaque événement important fait partie d’un projet céleste. Je ne suis pas d’accord. Au contraire, moi, je vois partout la main d’un ravaudeur. Il s’appelle hasard. Un tailleur qui sort d’une machine Singer contrefaite des vêtements qui ont l’apparence du neuf. En se servant de vieux morceaux usés. Un chiffonnier. 
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L'effervescence de ces années-là donne naissance, dans la Roumanie masculine, à une institution respectable et durable : celle de la Maîtresse. Sur ce point aussi, le pays doit bien s'aligner sur les normes internationales. Rois, ministres, écrivains, professeurs d'université, banquiers, industriels, mettent en lumière la distinction entre la femme pondeuse à la maison, à la mamelle desséchée au fil des ans, et la femme d'à côté, au sein bombé comme l'aile d'une auto. L'air confiné de la vie conjugale est confronté au délicat zéphyr de l'inconnu.
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– J’ai cru comprendre que tu venais d’Europe de l’Est, Suzy ?
– D’un pays appelé Roumanie.
– La Roumanie ? Mon père y connaissait un rabbin.
– Comment se fait-il qu’il l’ait connu ?
– Ils ont vécu un certain temps dans la même ville.
– Ton père était roumain ?
– Il l’a été mais ça lui a passé.
– Et toi ?
– Moi aussi. J’y suis né, j’étais haut comme trois pommes quand je suis venu ici.
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Le doyen de la faculté de droit, le professeur A. C. Cuza, membre de la société Junimea, brandit le poing, recale en masse les Israélites et lance le slogan : « Pas un seul youpin aux examens ! »
– Vous pourrez bien repasser vingt fois votre examen, vous serez blackboulés quand même ! dit-il pour clarifier sa position.
Parmi ses victimes, on compte l’étudiant Beniamin Wechsler, nul autre que le futur grand écrivain français Benjamin Fondane, en personne.

(p. 51)
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Quand on a choisi la haine comme secteur d'activité, les pages de la Constitution ne servent qu'aux lieux d'aisances. (p51)
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Il se passe quelque chose de déplaisant qui perturbe la paix de Jacques Oxenberg. Il a toujours considéré l'antisémitisme comme une lubie passagère. Comme un modèle de chapeau ou une épingle à cravate qui donne un genre aux jeunes, mais ne peut leur donner indéfiniment, parce que les jeunes mûrissent et laissent place à d'autres jeunes...
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Dans les films réalisés à Hollywood, il y a un paquet de phrases standards. Quel que soit le film, elles sont obligatoires. L'une est : We need to talk. Elle est surtout prononcée dans la vie de couple ou en famille. Quand quelque chose ne marche plus comme il faut et qu'on ne peut absorber directement le sujet sans le secours de cette phrase. C'est un lubrifiant de communication.
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