Catherine Millot vous présente son ouvrage "Un peu profond ruisseau..." aux éditions Gallimard.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2526219/catherine-millot-un-peu-profond-ruisseau
Note de musique : © mollat
Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/
Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux :
Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/
Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts
Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat
Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/
Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat
Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/
Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
« C’est la solitude la plus délicieuse, la plus paisible, que celle où l’autre est présent et ne vous demande rien » ...
lire est une vie surnuméraire pour ceux à qui vivre ne suffit pas.
C'est la solitude la plus délicieuse, la plus paisible que celle ou l'autre est présent et ne vous demande rien.
(A propos de sa mère très âgée)
Je ne cesse de me demander quelle est cette étrange pulsion de vie qui la tient, dans la diminution de toutes ses capacités, la réduction à presque rien de sa vie. Cet amenuisement, me dis-je, est peut-être une concentration. L'entièreté de sa vie resserrée, ramassée en un point, sur l'ici et maintenant, sur l'instant présent, est une forme de plénitude. La réduction à l'élémentaire dégage la pure essence, l'irréductible du désir de vivre. Être vivant est un absolu qui ne requiert ni comment ni pourquoi. J'en viens à me dire que la grande vieillesse, la sénilité même, est une sorte d'ascèse, non éloignée de ce qui m'a captivée chez les mystique.
Pendant les longs mois où j'étais occupée par ma mère, je lisais "La cérémonie des adieux" de Simone de Beauvoir, et relisais "Les derniers jours d'Emmanuel Kant" de Thomas De Quincey, qui est le grand chef-d’œuvre du déclin, où l'humour et le tragique se côtoient. Mais c'est surtout Beckett qui m'a retenue, en particulier sa correspondance, dont j'ai passé des mois à lire et relire les quatre volumes, ainsi que sa biographie par James Knowlson. Une vie exemplaire sur la voie de la simplification à laquelle toute vie devrait tendre, me disais-je.
Le fait d'être nue sous le regard de deux hommes en avait perdu toute signification érotique et leurs gestes prenaient pour moi le sens d'un acte d'humanité envers le prochain démuni que j'étais devenue : une œuvre de miséricorde, qui me rappelait le tableau de Caravage, au Pio Monte de Naples, que j'avais longuement contemplé autrefois avec Paola. C'était réconfortant et doux, et me donnait un sentiment de gratitude. Ce sentiment, d'ailleurs, je devais l'éprouver durant toute mon hospitalisation.
la solitude rêvée est une solitude entourée...
Kant et avant lui Burke ont développé, avec la notion de sublime, ce paradoxe du plaisir que nous prenons à la contemplation de ce qui peut nous détruire. Kant parle, à ce propos, de "plaisir négatif" et Burke propose le terme "delight". Tous deux notent que plus le spectacle est effrayant, plus le plaisir est grand, mais à condition d'être à l'abri, comme le disait déjà Lucrèce.
Sublime est, ainsi, le spectacle des éléments déchaînés. (...)
Plus encore que Kant, Burke est sensible au malin plaisir que recèle le sublime. Selon lui, "il n'est guère de spectacle que nous recherchions avec plus d'avidité qu'une calamité extraordinaire et rigoureuse." Il se dit même "convaincu que les malheurs et les douleurs d'autrui nous procurent du délice (delight) et qu'il n'est pas de faible intensité. (...)
Une "horreur délicieuse", telle est la meilleure définition du sublime.
L'émotion la plus profonde que puisse donner la nature ne vient-elle pas de ce qu'elle se passe si bien de vous ? Votre existence, d'apparaître aussi superflue, en devient légère comme un nuage. La solitude n'est jamais aussi grande ni aussi sereine que lorsque l'indifférence des choses ouvre à l'absence de soi.
Ne pas sortir de chez soi relève de l'exercice d'une liberté. Est-ce pour cela que c'est si mal vu ? On soupçonne le réfractaire, celui ou celle qui se soustrait à la loi du recrutement, à la loi commune. I prefer not to, je préfère ne pas - comme disait Bartleby de Melville. Ne pas sortir de chez soi, c'est un peu faire secession, comme ne plus allumer la télévision.