La collection "Libelle" du Seuil commence décidément très fort ! Si sa grande sœur, "Tracts" de Gallimard, monopolise l'attention - et c'est très bien - avec "Zemmour contre l'histoire", voici un autre texte qui mériterait une large diffusion.
Cécile Alduy y dissèque la langue de Zemmour. Le choix du verbe n'est pas anodin : elle découpe littéralement le verbe du verbeux Z. Une autopsie en place publique pour exposer toutes les moisissures, obsessions et manipulations. Avec mordant, panache et intransigeance, l'autrice ne laisse rien passer et analyse les grands traits des pratiques langagières de Z, proposant un pot-pourri (hum...) de ses livres.
De son usage du présent historique pour brouiller les pistes avec le présent réel, à son recours obsessif à l'anecdote pour maculer de véridicité l'ensemble de ses textes en passant par sa vision romanesque et fanatique (le terme n'est pas dans le livre) de l'Histoire.
Et toujours la race biologique, et toujours la guerre.
Et constamment des comparaisons historiques de contorsionniste effarouché - finalement étonnantes vu sa raideur.
Un court texte qui se lit facilement, nonobstant les vertiges et nausées que les manœuvres présentées et les citations haineuses ou mensongères procurent.
Cécile Alduy arrache la langue de Z et nous offre le (macabre et horripilant) loisir de l'observer à ses côtés.
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au delà d'une critique du programme du candidat Zemmour, c'est une analyse de l'usage de la langue de ce polémiste. une torsion du sens des mots pour mieux appuyer sa vision du monde, ses convictions. A lire donc au delà de toute pensée politique, pour être plus compétent dans les débats de tous ordres avec des gens convaincus.
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Ce que fait Zemmour avec le langage n'est que la plus répugnante version spectaculaire concentrée de la novlanguisation généralisée des mots par les médiatiques et les politiques.
Tous font de même, maniant hors-sol les "éléments de langage" utiles à la manipulation des affects névrotiques de la masse.
"On a tous besoin d'un bouc-émissaire" à notre insondable détresse, et c'est là-dessus que tablent les serviteurs - c'est-à-dire les dominateurs - du peuple doubleplusbon.
Le mode dominant d’utilisation des mots par les médiatiques et les politiques puis, à la suite, par une immense quantité pyramidale de commentateurs, se situe à nouveau, comme au bon vieux temps des idéologies totalitaires, au croisement :
- de l’hypnose,
- du discours performatif (lorsque l’énoncé d’une chose la fait advenir),
- de la prédiction autoréalisante (lorsque l’énoncé active une réaction),
- et du principe de proférence (à force de proférer un fait, on l’inscrit comme fait dans la tête des gens).
De sorte que se dessinera et se diffusera, dans l’ombre des mots, le fantôme de la chose.
C’est ainsi que le Covid est devenu une hantise bien plus contagieuse qu’un virus, que « l’invasion islamiste » a effectivement envahi les esprits, et que la guerre civile est déjà là, puisqu’ il suffit de le dire.
L’orchestration n’a évidemment rien de compliqué : elle relève simplement du martèlement monocorde à haute intensité.
Quant à vouloir y répondre, on voit assez dans quel combat perdu d’avance on s’engagerait. Car se lancer dans le rappel de ce qu’est une invasion, ou bien l’islam, ou encore une guerre civile, etc., demande, dans un ordre croissant de difficultés ; beaucoup de temps, une considérable dépense d’énergie, assez de rigueur et de constance pour produire des démonstrations, croiser et synthétiser des références ; et enfin trouver un espace pour l’exposer, et des oreilles encore capables d’écouter - tout en sachant qu’en face, on effacera le tout d’un seul biais.
Car on ne lutte plus, à ce stade de chosification de toute pensée, contre des idées, ni même des slogans, mais contre des bombes à fragmentation : chaque « mot » se répand et pénètre les consciences en y produisant dans toutes les directions la chose dont il parle.
La représentation de la chose agit dès lors au même titre que la chose, et produit ainsi des comportements identiques à ceux que produirait l’existence réelle de la chose.
On appellera cela la prestidigitation verbale volontaire, et c’est juste la version linguistique de la servitude du même nom.
Enchainé à une représentation performative, le spectateur en devient le défenseur fanatique. A ce stade, la réalité n’a plus aucune importance : le spectateur la bombarde de dénis enthousiastes.
Vous pouvez alors faire de lui à peu près tout ce que vous voulez. D’ailleurs il le fait maintenant tout seul. Il est temps de passer au vote : et la « démocratie » verrouillera le tout.
La confection zemmouriste d'une rhétorique calibrée pour déclencher non plus des réponses et encore moins des réflexions, d'emblée vaines, mais, au sens le plus primaire, des réactions d'attraction-répulsion, parfois ornées de l'idéologie ad hoc est donc juste une illustration parlante - si l'on peut dire - de cette politique de destruction du langage qui sied à la société de l'apparence.
Dans cet usage sciemment perverti de la parole, il s'agit juste de vider les mots de toute vérité, pour y injecter du venin.
(écouter éventuellement en complément l'analyse audio mise en lien)
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