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EAN : 9782021497472
60 pages
Seuil (18/02/2022)
4.23/5   24 notes
Résumé :
Un décryptage de la dénaturation de certains termes et de leur usage politique qui permet de prendre conscience des distorsions de la réalité imposées par certains pour fausser le débat politique.
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Ce que fait Zemmour avec le langage n'est que la plus répugnante version spectaculaire concentrée de la novlanguisation généralisée des mots par les médiatiques et les politiques.
Tous font de même, maniant hors-sol les "éléments de langage" utiles à la manipulation des affects névrotiques de la masse.
"On a tous besoin d'un bouc-émissaire" à notre insondable détresse, et c'est là-dessus que tablent les serviteurs - c'est-à-dire les dominateurs - du peuple doubleplusbon.
Le mode dominant d'utilisation des mots par les médiatiques et les politiques puis, à la suite, par une immense quantité pyramidale de commentateurs, se situe à nouveau, comme au bon vieux temps des idéologies totalitaires, au croisement :
- de l'hypnose,
- du discours performatif (lorsque l'énoncé d'une chose la fait advenir),
- de la prédiction autoréalisante (lorsque l'énoncé active une réaction),
- et du principe de proférence (à force de proférer un fait, on l'inscrit comme fait dans la tête des gens).
De sorte que se dessinera et se diffusera, dans l'ombre des mots, le fantôme de la chose.
C'est ainsi que le Covid est devenu une hantise bien plus contagieuse qu'un virus, que « l'invasion islamiste » a effectivement envahi les esprits, et que la guerre civile est déjà là, puisqu' il suffit de le dire.
L'orchestration n'a évidemment rien de compliqué : elle relève simplement du martèlement monocorde à haute intensité.
Quant à vouloir y répondre, on voit assez dans quel combat perdu d'avance on s'engagerait. Car se lancer dans le rappel de ce qu'est une invasion, ou bien l'islam, ou encore une guerre civile, etc., demande, dans un ordre croissant de difficultés ; beaucoup de temps, une considérable dépense d'énergie, assez de rigueur et de constance pour produire des démonstrations, croiser et synthétiser des références ; et enfin trouver un espace pour l'exposer, et des oreilles encore capables d'écouter - tout en sachant qu'en face, on effacera le tout d'un seul biais.
Car on ne lutte plus, à ce stade de chosification de toute pensée, contre des idées, ni même des slogans, mais contre des bombes à fragmentation : chaque « mot » se répand et pénètre les consciences en y produisant dans toutes les directions la chose dont il parle.
La représentation de la chose agit dès lors au même titre que la chose, et produit ainsi des comportements identiques à ceux que produirait l'existence réelle de la chose.
On appellera cela la prestidigitation verbale volontaire, et c'est juste la version linguistique de la servitude du même nom.
Enchainé à une représentation performative, le spectateur en devient le défenseur fanatique. A ce stade, la réalité n'a plus aucune importance : le spectateur la bombarde de dénis enthousiastes.
Vous pouvez alors faire de lui à peu près tout ce que vous voulez. D'ailleurs il le fait maintenant tout seul. Il est temps de passer au vote : et la « démocratie » verrouillera le tout.
La confection zemmouriste d'une rhétorique calibrée pour déclencher non plus des réponses et encore moins des réflexions, d'emblée vaines, mais, au sens le plus primaire, des réactions d'attraction-répulsion, parfois ornées de l'idéologie ad hoc est donc juste une illustration parlante - si l'on peut dire - de cette politique de destruction du langage qui sied à la société de l'apparence.
Dans cet usage sciemment perverti de la parole, il s'agit juste de vider les mots de toute vérité, pour y injecter du venin.

(écouter éventuellement en complément l'analyse audio mise en lien)
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La collection "Libelle" du Seuil commence décidément très fort ! Si sa grande soeur, "Tracts" de Gallimard, monopolise l'attention - et c'est très bien - avec "Zemmour contre l'histoire", voici un autre texte qui mériterait une large diffusion.

Cécile Alduy y dissèque la langue de Zemmour. le choix du verbe n'est pas anodin : elle découpe littéralement le verbe du verbeux Z. Une autopsie en place publique pour exposer toutes les moisissures, obsessions et manipulations. Avec mordant, panache et intransigeance, l'autrice ne laisse rien passer et analyse les grands traits des pratiques langagières de Z, proposant un pot-pourri (hum...) de ses livres.

De son usage du présent historique pour brouiller les pistes avec le présent réel, à son recours obsessif à l'anecdote pour maculer de véridicité l'ensemble de ses textes en passant par sa vision romanesque et fanatique (le terme n'est pas dans le livre) de l'Histoire.
Et toujours la race biologique, et toujours la guerre.
Et constamment des comparaisons historiques de contorsionniste effarouché - finalement étonnantes vu sa raideur.

Un court texte qui se lit facilement, nonobstant les vertiges et nausées que les manoeuvres présentées et les citations haineuses ou mensongères procurent.
Cécile Alduy arrache la langue de Z et nous offre le (macabre et horripilant) loisir de l'observer à ses côtés.
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au delà d'une critique du programme du candidat Zemmour, c'est une analyse de l'usage de la langue de ce polémiste. une torsion du sens des mots pour mieux appuyer sa vision du monde, ses convictions. A lire donc au delà de toute pensée politique, pour être plus compétent dans les débats de tous ordres avec des gens convaincus.
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critiques presse (1)
Bibliobs
04 mai 2022
La sémiologue poursuit son travail de décryptage des discours politiques en se penchant sur les écrits du polémiste devenu candidat d'extrême droite. Elle décrit une langue qui banalise la violence et qui dissout tous nos repères éthiques.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (23) Voir plus Ajouter une citation
Depuis plus de quinze ans, il propage non seulement des thèses et des idées d’une rare violence, mais une langue qui porte en germe la possibilité du pire. Une langue qui nous habitue à voir des « races » plutôt que des personnes, des « étrangers » plutôt que des enfants, des ennemis plutôt que des concitoyens.
Sous sa plume, le sens des mots se brouille, les concepts politiques se dissolvent ou s’inversent, l’ironie attaque comme un acide les valeurs humanistes. La torsion des mots et de l’histoire y est la norme. L’obsession raciale omniprésente. Éric Zemmour alterne l’abject et le grotesque pour nous engluer dans la révulsion viscérale et la jouissance sadique et abolir toute possibilité de réflexion.
Son manichéisme identitaire nous conditionne à une logique d’affrontement, tandis qu’une dramatisation apocalyptique fabrique une France alternative. Ses récits ont la puissance explicative du mythe et nous plongent dans un état de sidération. La langue, essorée de sa capacité à nous faire penser, écouter et débattre, devient un instrument de perversion antidémocratique.
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Dans cette "guerre culturelle" assumée, Éric Zemmour utilise les mots comme des armes. Et d'abord contre la langue elle-même. Au-delà des thèmes et des thèses explicites, tirés d'un corpus d'extrême droite nationaliste, autoritaire et xénophobe sans grande originalité, il fait violence au langage même. Insidieusement, il sape notre bien commun et notre capacité à penser. Or son discours est contagieux. Il structure les débats, s'insinue dans les conversations, conditionne le dicible et le crédible, et se diffuse sur une surface médiatique et politique sans précédent. (12)
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Ses textes regorgent d’un vocabulaire identitaire, ethnique, racial ou religieux, et ces notions sont allègrement confondues par amalgame au fil des pages : « juif » est le 16e adjectif le plus utilisé dans ses livres (plus que « social » ou « économique »), mais ce sont aussi « arabe » (37e), « blanc » (39e), « catholique » (40e), « musulman » (41e) qui sont surreprésentés. Tout ceci parsemé de stéréotypes raciaux dans le plus pur style colonial : Obama est « élégant, distingué, racé. Un corps de félin ». D’Omar Sy il souligne le « corps musclé et félin, [le] sourire béat, [le] regard vide » ; d’Assa Traoré la « tignasse de jais ».
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Les livres « d’histoire » d’Éric Zemmour relèvent de l’hagiographie (récit enjolivé des vies de saints et de rois), de l’œuvre à thèse et du roman national. Dans « roman national », expression que revendique l’auteur de Destin français, on retiendra surtout le terme de « roman ». C’est peu de dire qu’Éric Zemmour livre une version romancée de l’histoire de France. De Clovis à de Gaulle, on plonge dans une geste de cape et d’épée qui célèbre une épopée idéalisée de grandeur puis de décadence.
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Chez Zemmour, Pétain c’est de Gaulle et de Gaulle c’est Pétain. Les phrases enlacent les deux hommes au gré de figures de comparaison et d’union : « Pétain comme de Gaulle » (sept fois), « tous deux », « De Gaulle après Pétain ».
Jusqu’à la contamination de leurs noms. Au moment de conclure son chapitre sur de Gaulle, vainqueur en 1944, l’auteur lâche : « C’est la grande inversion. Nous sommes en 1940, mais à l’envers. Pétain est de gaullisé, de Gaulle est pétainisé ».
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