Eleanor qui vient de décéder, a laissé à ses enfants Byron et Bunny un drôle de testament : un gâteau noir, à partager en temps voulu, accompagné d’un message :
« B&B, il y a un petit gâteau noir dans le congélateur pour vous. Ne le jetez pas. Je veux que vous vous asseyiez ensemble et que vous partagiez ce gâteau. Vous saurez quand le moment sera venu. Je vous aime, Ma. »
Tout ne va pas pour le mieux entre le frère et la sœur, qui est partie de la maison quelques années auparavant, après une dispute familiale. Depuis, leur père est décédé, et leur mère quelques années plus tard. Byron est devenu spécialiste incontesté du climat, mais quand on est Noir, les promotions passent curieusement sous votre nez. Bunny, pourtant très douée pour les études s’est mise en échec et n’a pas trouvé sa voix, mais elle refusait d’en parler avec la famille, préférant son statut de « marginale ».
B&B vont devoir faire taire leur rancœur pour écouter l’enregistrement laissé par leur mère, ce qui ne va pas sans mal. Charles Mitch, le notaire choisi par leur mère va devoir s’armer de patience et jouer les pacificateurs.
On apprend ainsi qu’Eleanor n’a pas toujours été Eleanor, mais dans une vie antérieure, elle s’appelait Covey et vivait sur une île des Caraïbes, dont l’auteure ne nous donnera pas le nom. Elle est la fille d’un émigré chinois et d’une jeune caribéenne. Avec son amie, Bunny elle s’évade de sa vie compliquée en nageant en haute mer, surfant… mais son père, criblé de dettes, décide de la vendre à un caïd de la mafia locale, alors qu’elle est amoureuse d’un homme de son âge, Gibbs, qui doit partir en Angleterre à l’université.
Le jour du mariage, le marié est assassiné et tous les soupçons se portent sur Covey qui ne peut que fuir. Tout le monde va la croire morte, même sa meilleure amie, c’est sa seule chance d’échapper aux poursuites.
Charmaine Wilkerson articule son récit en plusieurs parties, alternant présent passé, au rythme des confessions d’Eleanor qui arrivera, via l’Italie, dans un premier temps à Londres : nouvelle identité, nouvelle vie mais semée d’embûches. En gros, trois périodes : sur l’île, en Angleterre où elle aura déjà une vie, puis les USA, direction la Californie, avec toujours en fil conducteur, le fameux gâteau noir, réservé aux anniversaires et aux fêtes dont la recette se transmet de génération en génération et joue un rôle de « Madeleine de Proust ».
A travers ce récit qui se dévore, l’auteure aborde le drame de l’exil, les secrets de famille, dont on retarde jour après jour, la révélation jusqu’à ce qu’ils explosent au visage, avec leur cortège de répétitions de scenarii de vie. Elle aborde également le racisme tant en Angleterre dans les années soixante-dix, que de nos jours en Californie : Byron s’interdit de sortir le soir, car il a peur, non de la délinquance mais d’être arrêté pour délit de faciès.
Le statut des femmes dans les années soixante sur l’île est terrifiant : elles n’ont droit à rien, doivent obéir, se taire, régner sur la cuisine et supporter la violence des hommes, alors que la mer est un appel à la liberté. La mer est un personnage du roman également avec tout ce qu’elle symbolise, et Eleanor n’arrêtera jamais de nager, surfer.
J’ai beaucoup aimé ce roman fleuve, car il présente tous les thèmes qui m’intéressent depuis toujours, des liens familiaux aux secrets et aborde la construction, la reconstruction et finalement la résilience des personnages auxquels on s’attache rapidement.
Ce premier roman est très réussi, prometteur et pour la petite histoire, il figure parmi les meilleures lectures de Barack Obama en 2022.
Un grand merci à NetGalley et aux éditions Buchet Chastel qui m’ont permis de découvrir ce roman et son auteur
#Lespartsoubliées #NetGalleyFrance !
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