Avec « Nous en resterons là » , qui traite notamment de la psychanalyse et de l’emprise du thérapeute sur son patient, on se trouve rapidement happé par ce huis clos psychologique, étouffant, qu’on lit presque en apnée. On découvre l’histoire de Margot Cellier, 17 ans, ses secrets, son calvaire, qu’elle va partager avec son psychiatre, le Dr Achille Donnelheur.
Achille Donnelheur est très patient. Il demande sans cesse à Margot de répéter, de reformuler, pour aider la jeune adolescente à une certaine prise de conscience. Il fume sa pipe et observe minutieusement sa patiente. Chaque semaine, il a rendez-vous avec elle pour quarante-cinq minutes. Il attend cette cure de parole avec impatience, et elle aussi. Il décortique, il associe, met des mots. Margot lui fait confiance. Petit à petit, Achille devient pour elle un régulateur, une référence, elle finit par ne plus pouvoir se passer de cette séance hebdomadaire de cure de la parole. Elle fait tout ce qu’il lui demande ou recommande, sans recul, sans se poser de questions.
Ce roman traite de confiance, de sidération, de déni, de culpabilité, de double victimisation, d’aveuglement, de transfert et de contre-transfert, de manipulation et de perversité. Pour arriver au cabinet feutré du Dr Donnelheur, Margot doit passer chaque fois devant un miroir public et ce miroir parfois déformant va révéler régulièrement la manière dont Margot se perçoit, ses doutes, ses réflexions.
Margot doit « tout dire comme ça vient, sans rien censurer » alors que pour son psychiatre le silence est d’or et chaque mot est pesé. Cette asymétrie dans la relation psychiatre/patient est au cœur de ce roman, où chaque protagoniste s’attache à l’autre, avec sensibilité ou déraison. On ressent avec désolation la domination, la supériorité, la manipulation du médecin sur sa patiente. Et pourtant, le Dr Donnelheur parle beaucoup des limites de l’analyse ou de la psychanalyse, des frontières à ne pas dépasser, de l’interdiction de transgresser certaines règles. Où doit s’arrêter la thérapie ? A quel moment est-il préférable qu’elle s’arrête ? Comment doit-elle s’arrêter ? Il semble difficile de « couper le cordon » avec son thérapeute …
Un roman déroutant sur des sujets délicats, une lecture en apnée pour découvrir cette relation analyste/analysant, une histoire difficile qui (malheureusement) se répète, « Nous en resterons là » est un roman relativement court qui ne vous laissera pas indifférent(e).
Je remercie les Editions du Rocher et Netgalley pour cette lecture dont je retiens, pour Margot, l’espoir d’une guérison.
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