Citations de Christopher Priest (206)
La Sécurité sociale estimait à quatre mille cinq cents le nombre des survivants qui furent transportés dans des hôpitaux ou des centres de soins d'urgence. Il était impossible de calculer le reste, quoique j'entendis dire une fois que l'on évaluait à trois mille le nombre de ceux qui avaient quitté le bateau pour tenter de survivre par leurs propres moyens.
Peu après que le bateau eut été amarré, nous fûmes chassés du Pont de Londres par la police qui nous dit qu'il risquait de s'écrouler. Pourtant, le lendemain, il était à nouveau ouvert à la circulation.
Par la suite, lorsqu'on se référaità ces événements auxquels j'avais assisté, on disait : le premier débarquement Afrim.
EXTRAIT DU JOURNAL HOLOGRAPHE DE J.L. SAWYER
(COLLECTION BRITANNIQUE, MUSEE DELA PAIX, GENEVE; www.museepaix.ch/croix-rouge/sawyer)
10 avril 1940
Hier, Hitler a envoyé son armée au Danemark et en Norvège. Je suis persuadé qu'en fin de compte, c'est ce belliciste de Churchill le responsable. Il n'y a pas une semaine que le Premier Ministre lui a confié la responsabilité de l'effort de guerre, comme Churchill lui-même n'a pas manqué de le clamer haut et fort, mais il n'a pas fait mystère de son intention de miner les fjords norvégiens. D'après lui, les navires neutres les utilisent pour livrer du minerai de fer aux Allemands. Le simple bon sens me permet aussi de dire que les navires neutres les utilisent pour livrer aux Allemands des fournitures médicales, de la nourriture, des vêtements, le pétrole de première nécessité. Le Reich a autant besoin de ce genre de choses que n'importe quelle autre nation. Pas étonnant que les Allemands aient entrepris de prendre le contrôle des routes de navigation. Churchill ferait la même chose à leur place.
-Que vous as-t-on enseigné ?
-Que le soleil est une sphère.
Ainsi ils racontent toujours cela !Eh bien ,vous avez maintenant constaté qu’il n’est pas sphérique. Qu’en déduisez-vous ?
-Rien.
Accompagné on ne voit jamais autant de choses que seul.
Foncièrement, je demeurais convaincu que les exhalaisons industrielles allaient continuer de lentement s'accumuler à tous les niveaux de l'atmosphère et former un miasme qui filtrerait et repousserait la chaleur du soleil. Cela entraînerait une atténuation solaire et un refroidissement de la planète. Cela ouvrirait la voie à ce que je craignais depuis bien des années : l'Holocène prendrait fin et serait suivi par dix mille ans de glaciation.
,mais jusqu'à cette cérémonie je n'avais pas imaginé que la construction d'un pont fût un évènement auréolé de rites et de mystères .
En quoi un pont était-il indispensable à la survie de la cité ?
Je voudrais devenir topographe du futur, dis-je.
J'avais atteint l'âge de mille kilomètres.
Certains réfugiés atteignaient néanmoins les côtes mais ils ne devaient s'attendre qu'à une arrestation quasi certaine ,une incarcération inhumaine et , au final,un renvoi vers les fournaises inhabitables qu'ils avaient fuies.
Voilà ce qu'est devenu le journalisme :nous choisissons de quoi nous allons parler ,et d'autres choisissent de ne pas le programmer.
La vie à Hastings et dans les autres parties de la Britannie qui survivaient au changement se poursuivait dans un sentiment de normalité consensuel .En ,fait,c'était une sorte de dissonance cognitive collective. Le rste du monde était dans un piteux état ,nul ne pouvait prétendre l'ignorer .La litanie des nouveaux désastres s'égrenait chaque jour,chaque semaine.
Il demeura longtemps éveillé, à revivre des choses qu'il n'avait jamais vécues, des souvenirs injustifiés. Puis il finit par s'endormir. (p. 203)
Il avait été estimé par l’UNESCO et le bureau des affaires humanitaires de l‘ONU que, durant les cinq dernières années, au moins deux cents millions de personnes étaient mortes des effets dévastateurs du climat, soit directement, soit indirectement en cherchant à se réfugier dans un lieu supposé meilleur, quelque part au nord, un endroit comme la Brittanie ou la Norvège, comme Oslo ou Hastings.
L’horizon se parait d’une brume romantique, mais elle n’était qu’un mensonge fait de fumées et de brouillard. Une véritable menace pour le bien-être. Les plus mauvais jours, il y avait un brouillard épais, jaunâtre, aveuglant, abject à la respiration. Si l’on se couvrait la bouche et le nez avec un mouchoir ou une écharpe, un sédiment poisseux se formait aussitôt, une concrétisation terrifiante de ce qui pénétrait les poumons. Ls gens étaient nombreux à se présenter dans les hôpitaux avec de vilaines toux persistantes, et il se disait que le taux de mortalité chez les enfants des quartiers pauvres était élevé.
Au début de ce siècle, Hastings s’était réinventée en lieu de prédilection pour les arts et la culture. En comparaison de Londres ou des autres villes côtières, y louer ou y acheter un bien restait bon marché. Les écrivains et les artistes s’y étaient précipités, attirés non seulement par le prix des logements, mais aussi par les vieilles bâtisses spacieuses et l’aura prometteuse et inspiratrice de son charme décrépit et désuet.
C’est là que je subis ce que j’en vins plus tard à appeler une intrusion. Ces intrusions allaient se reproduire bien souvent au fil des années, mais celle-ci, sur la terrifiante paroi glacée de cette crevasse, fut la première. Il ne fut sur le moment pas question de trouver les mots pour la décrire : cela arriva et manqua de me tuer.
S’il existe une certitude quant au climat, c’est bien qu’il est toujours changeant. De nos jours, en cette seconde moitié du XIXe siècle, il semble stable, le soleil brille quotidiennement, les glaciers sont paisibles – du moins en apparence, pour la plupart des gens.
Je fus soudain paralysé : mes membres se pétrifièrent, mes yeux restèrent fixés sur ce que je voyais à cet instant-là. Je pouvais encore respirer, mais au prix d'un grand effort. Il m'était évidemment impossible de crier ou d'appeler à l'aide. Il n'y avait personne alentour, de toute façon. Par chance, je venais d'assurer l'appui d'un pied et la corde était tendue au-dessus de moi. Je ne tombais donc pas, mais si cette intrusion avait eu lieu un peu avant ou un peu après, c'eût été ma fin. Je me cramponnais malgré moi. Mes mains étaient irrémédiablement crispées sur les prises de l'instant précédent. Respirant à peine, je regardais le firn qui se trouvait devant moi.
Puis vint la voix.
Qu'est-ce qui est le plus authentique : le souvenir ou le fait ?
Vivre n'est pas un art, mais mettre la vie par écrit en est un.