Citations de Claude Askolovitch (60)
kathleen se fit sa place sans savoir ce qu'elle provoquait. Elle passait le plus clair de son temps au lit dans ma chambre, les yeux sur son téléphone ou son ordinateur, ne levant pas le regard de peur de croiser les photos de Valérie. Il y en avait tant : Valérie était un dieu lare. (p.156)
Maman était morte et le resterait dans nos éternités. (p.154)
Camille était prisonnière d'un père fourbu et d'un frère éclopé. Serait-on qu'elle aussi pouvait sombrer ? Elle se battait chaque jour. Elle étudiait. Elle portait sa part du monde. (p.154)
Valérie morte, Camille perdit celle qui l'écoutait. Je n'étais pour lui parler qu'un ours maladroit. (p.153)
Théo adolescent ressemblait à Valérie. Il avait ses yeux noirs, le voile rouge de ses colères, sa tendresse éraflée, et au fond de lui la certitude de l'abandon. Je redoutais d'autres ressemblances : une destinée marquée. (p.151)
Kathleen et Camille s'aiment désormais. Kathleen dit qu'elle reste avec moi pour s'occuper un jour des bébés de Camille. Elle le pense vraiment. La vie a plus d'imagination que nous, me dit parfois Catherine ma psy. (p.140)
Je sursautais d'un nom, d'un regard, d'une silhouette. Je savais des mondes que nul ne connaissait. (p.133)
Des amis gentils me disaient que j'avais le droit de vivre et que Valérie, sans aucun doute, me voulait heureux. "Elle me cassera la gueule à ma mort si elle m'attend là-haut", répondais-je, j'y crois encore. (p.132)
Dans nos premiers mois, dans notre amour caché, entre mes larmes et l'impossibilité des autres, Kathleen le répétait souvent. "On n'y arrivera pas". C'était le refrain de nos débuts, quand elle avait peur de poursuivre avec moi. Etions-nous un miracle ou une erreur tragique ? Rien n'avait donc changé. (p.129)
Je pleurais encore quand j'avais appelé Kathleen qui ne demandait rien et qui m'avait quitté l'après-midi même, me laissant ce viatique : "Laisse-toi pleurer et va voir un psy." (pp.121-122)
Nous étions synchrones au premier jour de nous. A la fin, il me manqua quelques minutes pour voir tes yeux noisette et entendre ta voix. (p.105)
J'ai roulé le plus doucement possible pour ne pas effrayer les esprits. (p.100)
Cinq minutes seulement, et tout aurait changé, ce jour-là et tant d'autres ; cinq minutes encore et encore cinq minutes à ne pas être là, un peu distrait, à peine en retard, et pour tant de riens, pour d'infimes anecdotes, pour un monde inutile, manquer à Valérie. (pp.92-93)
Ma fille me ressemble. Nos vérités nous commandent. Nous ne les empêchons pas. (p.86)
Je n'ai pas pensé que je pouvais aider nos proches qui l'avaient aimée. Je n'imaginais pas qu'à travers moi, nos amis retrouvaient Valérie, et qu'en m'abritant d'eux, je les volais d'une part de chagrin. (p.83)
Recommencer n'est pas abolir. (p.69)
Une psychanalyste, un soir, sur Facebook, me dit que Valérie, morte si vite, partirait lentement.
[Le rabbin] nous dit enfin - il regardait Camille, je pense - qu'il fallait après Valérie illuminer notre maison des bougies de chabbat : les vendredis soir, les femmes, dans les foyers religieux, allument des lumières qui séparent la semaine du jour préservé où l'on peut préférer sa famille au monde. (p.49)
A l'automne 2009, Camille, Théo et moi avons retrouvé au Lotus de Nissane le doux rabbin qui en juillet avait enterré Valérie . Nous aimions bien Olivier Kaufmann, son teint pâle, son autorité ironique, ce qu'il laissait paraître d'une vie qu'on devinait pas simple. Un an plus tôt, il avait suivi Théo pour sa bar-mitzva. Théo le faisait rire, croyant comme son père qu'être aimé arrange tout ; peut-on charmer sans les apprendre les lettres de la Torah ?
Elle n'est pas revenue non plus la nuit pour me donner la main ; je en l'aurais dit à personne.