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Citations de Claude Duneton (151)


Mettre en capilotade

Autre mésaventure, autre ragoût. L’expression sort directement des fourneaux. Une capilotade est une « sausse qu’on fait à des restes de volailles et de pièces de rôt dépecées ». (Furetière.) Le mot a été emprunté au XVIe siècle à l’espagnol capirotada, « ragoût fait avec des œufs, du lait et d’autres ingrédients ». Dans sa jeunesse Gargantua déjeunait dès le matin « pour abattre la rozée et maulvais air : belles tripes frites, belles carbonnades, beaux jambons, belles cabirotades et force souppes de prime ». En 1626 Charles Sorel emploie déjà l’expression dans son sens agressif actuel : « Comment, coquins, estes vous bien si osez que de vous battre devant moy ?... Si j’entre en furie, je vous mettray tous deux en capilotade. » Trois ans plus tôt le même Sorel gardait le mot plus près de la marmite, lorsque Francion raconte ses études, à une époque où les collèges n’étaient pas encore devenus des lieux de création tout en fleurs et poésie. Son professeur, le Régent, « estoit le plus grand asne qui jamais monta en chaire. Il ne nous contoit que des sornettes, et nous faisoit employer nostre temps en beaucoup de choses inutiles, nous commandant d’apprendre mille grimauderies les plus pédantesques du monde... S’il nous donnait à composer en Prose, nous nous aydions tout de mesme de quelques livres de mesme estoffe, dont nous tirions toutes sortes de pièces pour en faire une capilotade a la pedantesque : cela n’estoit il pas bien propre a former nostre esprit et ouvrir nostre jugement ? Quelle vilennie de voir qu’il n’y a plus que des barbares dans les Universitez pour enseigner la jeunesse ? Ne devraient-ils pas considérer, qu’il faut de bonne heure apprendre aux enfants à inventer quelque chose d’eux mesme, non pas de les r’envoyer a des recueils a quoy ils s’attendent, et s’engourdissent tandis » ?
Ces réflexions, trois siècles et demi plus tard, paraissent bien démodées !...
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Connillant de jour dans les draps.

C’est au point que dès le XVe siècle, le pauvre petit quadrupède avait un nom imprononçable, et qu’il fallut lui en trouver un autre. On l’appela « lapin », ce qui d’ailleurs lui allait bien. Néanmoins le connil, animal, avait eu le temps de léguer au connil, sexe, toute sa fâcheuse réputation de niaiserie, de lâcheté ! (Ha ! connil, tu as peur ?), voire de manque de cervelle – on disait « avoir une mémoire de connil », etc. Il semble bien qu’au travers de diminutifs tels que connaud, coniche ou conart, « pleutre et ballot », quelque chose de cette réputation lamentable soit passé sur le « con » moderne : le parfait imbécile, avec toutes ses variantes, grand, vieux, pauvre, etc.
Ce con-là – si j’ose dire – était déjà bien connu dans la langue vigoureuse au XVIIIe siècle. J. Cellard, qui est allé sur ses traces, cite un vers du cher Alexis Piron, qui mourut en 1773 : « Pour un Docteur, tu parles comme un con » – il faut en convenir, c’est là un visage de la poésie qui n’a pas pris une ride en deux cents ans. Le mot devait être d’un usage courant, quoique grossier, dans les couches populaires les plus mal embouchées du début du XIXe ; il faut noter du reste que les classes sociales avaient alors si peu de contacts entre elles que Stendhal se croyait, de bonne ou de mauvaise foi, l’inventeur du terme, comme en témoigne la phrase célèbre que lui écrivait Mérimée le 31 mars 1831 : « Ainsi ne me croyez pas trop con. Cette expression dont vous êtes l’inventeur me plaît. »
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A se demander si, en transformant en drame ce qui relevait de l’histoire de fou, la justice a fait preuve d’un grand bon sens. Et si c’est en prison qu’il fallait caser quelqu’un à qui manque une case. 

(Le Canard enchaîné, 3 mars 1982.)
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Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le monde du travail n’a pas donné grand-chose à la langue, du moins dans le domaine des locutions courantes. L’artisanat a eu beau fourmiller en façons de parler pittoresques, en images, en comparaisons alertes prises aux outils, aux gestes quotidiens, c’est une parole qui, en France, n’a jamais été reconnue. Au fond, c’est assez logique ; à aucun moment le langage du travail ne s’est trouvé en contact étroit avec les deux pôles extrêmes qui ont été les véhicules majeurs de notre langue : le monde des voyous d’une part, plus hostile encore aux travailleurs qu’à quiconque parce qu’ils en étaient plus proches et aussi les victimes les plus ordinaires – et à l’opposé celui de la bonne société, le beau monde qui ne pouvait avoir que mépris souverain à l’égard des besogneux.
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Les trottoirs furent inventés plus tard et ne se généralisèrent qu’au siècle dernier. Il est curieux de noter qu’ayant pris la place du « haut du pavé » ils en eurent d’abord le prestige. « Etre sur le trottoir : être dans le chemin de la considération, de la fortune », dit curieusement Littré, qui ajoute ce bel exemple : « Cette fille est sur le trottoir, ancienne locution qui signifiait : elle est bonne à marier, elle attend un mari... » Ça alors ! On a raison de dire que l’enfer n’est pavé que de bonnes intentions !
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Faire amende honorable

L’amende honorable, la vraie, réparation destinée à « rendre l’honneur », était une aussi rude entreprise. Elle consistait autrefois en une peine particulièrement infamante, réservée aux traîtres, parricides, faussaires, sacrilèges et séditieux de tout bois, qui devaient faire aveu publiquement de leur crime. Le condamné était conduit par le bourreau en personne, nu-pieds, tête nue, en chemise, la corde au cou, un cierge à la main pour faire bonne mesure, parmi les huées de la foule ravie. Car ce traitement de faveur était réservé au beau monde ; on ne montait pas un tel cortège pour le premier diable venu – on l’exposait tout simplement sur la place, le carcan au cou. C’était l’aristocratie de la honte que l’on menait ainsi. Le menu peuple accourait donc – souvent sans chemise du tout, et pieds nus lui aussi, mais pour d’autres raisons. Il ne pouvait guère que se réjouir d’assister aux infortunes d’un maître, qui de toute façon lui en avait fait baver des vertes et des pas mûres !
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À force de prendre des coups dans les gencives, les hommes ont essayé d’inventer la justice. Longue et vieille histoire, qui est loin d’être terminée. Voici quelques façons de parler les plus courantes glanées au fil d’anciennes atrocités.
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La fascination pour le jouet s’est transportée naturellement sur les amusettes et autres idées fixes du monde adulte, qu’il s’agisse d’une collection de castagnettes andalouses, ou bien des obscurs branchements des radioamateurs. Notons en passant que l’anglais hobby, de hobby-horse (cheval de petite taille), a exactement le même sens et la même évolution. Enfourcher son dada est donc à peine une métaphore. « Un homme qui n’a point de dada ignore tout le parti que l’on peut tirer de la vie », affirme Balzac. Je dirai que dans bien des cas un dada aide à vivre, tout simplement.
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Si l’on considère tous les pièges où l’on peut tomber, les embûches de la vie courante, les traquenards qui nous attendent, si l’on songe à tous les appeaux vers lesquels on court, les leurres, miroirs aux alouettes, attrape-nigauds de tous bords – sans parler des peaux de banane et des planches pourries – on se dit qu’un homme averti en vaut une bonne demi-douzaine !
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Le limier – de « liem », lien – est un chien en laisse. « Il ne doit pas être un chien comme les autres. Sa première qualité est d’être haut de nez, mais il doit également être obéissant et secret, c’est-à-dire ne donner de la voix, et encore de façon discrète, qu’à bon escient. » Mais c’est son maître qui, tel un Sioux, utilisant différents indices (traces au sol, branches froissées, etc.), détermine, sans l’avoir vu, la nature, l’emplacement, et même l’âge de l’animal à traquer. Le limier au bout de sa laisse lui sert pour ainsi dire de pifomètre avancé !
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C’est du béton

Ça ne craint rien, c’est du solide ! – d’une résistance à toute épreuve. Il est sans doute surprenant de voir cette locution robuste classée en fin d’une section futile, où il n’est que des balles au bond. C’est que malgré l’apparence elle ne vient pas des chantiers de construction, mais du monde du sport – un domaine si fertile qu’il demanderait un livre à lui seul. Il y a là d’ailleurs une parfaite illustration du fonctionnement des métaphores : on ne dit pas « c’est du béton », dans le bâtiment, pour dire « c’est solide », puisque, précisément... ça en est ! Le béton est ici une image – construite à l’origine sur la technique du « mur » au football. Les joueurs « font le mur » lorsqu’ils se placent en un rang serré devant leurs buts, pour parer un coup franc tiré par l’équipe adverse. De là l’idée qui s’est développée chez les joueurs de rugby d’une défense si compacte, si infranchissable, qu’elle paraît une barrière de « béton armé  ». Faire du béton, pour les rugbymen, c’est s’incruster, s’accrocher au sol (souvent boueux, du reste !), soit dans une mêlée, soit dans une tactique de défense destinée à résister à un adversaire plus mobile. L’expression était déjà en usage dans les années 1950 parmi le monde agité et loquace des supporters de rugby. De là s’est développé au cours des années 60 un second degré de la métaphore, pour désigner un système de défense sans faille dans toutes sortes d’autres domaines. Ce peut être une documentation riche et complète : « Son dossier, c’est du béton ! » Ce sont aussi des arguments solides, étayés par des preuves indiscutables, dans la défense d’une cause controversée : « Ses arguments, tu peux y aller, c’est du béton ! »...
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Je dédie ce livre à l'inconnu qui, un soir de juillet 1977, à la cafétéria d'un supermarché de la banlieue Sud, alors que, les yeux un peu vagues, je rêvassais à la composition de ces pages, m'a pris pour un paumé, et, avec beaucoup de délicatesse, m'a donné dix francs.
Je ne lui avais pas parlé ; j'avais simplement expliqué à son petit garçon que les corbeaux qui évoluaient au fond de la piste de l'aéroport étaient les petits du Boeing 707 qui venait d'atterrir.
Il faut toujours dire de jolies choses aux petits garçons.
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« Je le dis un jour à la Reine, et que si Sa Majesté l’avait agréable, je lui lirais quelques bons livres ; que s’il s’endormait, à la bonne heure ; mais que s’il ne s’endormait pas, il pouvait retenir quelque chose de la lecture. Elle me demanda quels livres : je lui dis que je croyais qu’on ne pouvait en lire un meilleur que l’Histoire de France ; que je lui ferais remarquer les rois vicieux pour lui donner de l’aversion du vice, et les vertueux pour lui donner de l’émulation et l’envie de les imiter. La Reine le trouva fort bon et je dois ce témoignage à la vérité, que d’elle-même elle s’est toujours portée au bien quand son esprit n’a point été prévenu. M. de Baumont me donna l’Histoire faite par Mézeray, que je lisais tous les soirs d’un ton de conte, en sorte que le Roi y prenait plaisir et promettait bien de ressembler aux plus généreux de ces ancêtres, se mettant fort en colère lorsqu’on lui disait qu’il serait un second Louis le Fainéant ; car bien souvent je lui faisais la guerre sur ses défauts, ainsi que la Reine me l’avait commandé. »

Épilogue
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Anne d’Autriche, en prenant le pouvoir, changea radicalement ses habitudes et son comportement ; elle prit d’emblée son rôle de Régente très au sérieux. Ce fut Mazarin, son véritable éducateur, complice et sans doute amant, qui dirigea les affaires, plus complètement encore que Richelieu ne l’avait fait avant lui. Les affaires de l’État et les siennes propres : l’astucieux Italien se construisit une fortune considérable en peu de temps et fit venir de Rome une partie de sa parenté afin d’en jouir en famille.

Épilogue
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Le nouveau Cardinal, éliminant avec beaucoup de maîtrise tous les princes ses rivaux dans la course au pouvoir, s’empara peu à peu de l’esprit et du cœur de la Reine régente. Il régna bientôt sur elle aussi sûrement que la précédente Éminence avait dominé entièrement la volonté du feu Roi. Tout de suite, Hautefort et La Porte, inséparablement unis dans la défense de la veuve et de l’orphelin, se placèrent dans le parti hostile à Mazarin. Ils jugeaient, et bien d’autres personnes avec eux, que le Cardinal compromettait la Reine et qu’il faisait même pis… Ils lui faisaient de strictes remontrances morales sur la manière dont elle perdait l’honneur, en compagnie trop assidue du galant homme. Mazarin, cependant, de très loin le plus habile, balaya toutes les cabales qui se formaient contre lui – dont certaines avaient pris la résolution d’attenter à sa vie. Déjouant les pièges et manœuvrant à la tête de l’État, il détacha insensiblement, mais irrémédiablement, la Reine de tous ses anciens amis. Un an plus tard, la belle Marie, à force de pieuses remontrances, fut de nouveau disgraciée, cette fois-ci par Anne elle-même, qui lui signifia son congé. Elle fut alors épousée en secondes noces par le maréchal de Schomberg. Mmc de Chevreuse, revenant de Bruxelles, toute remuante et emplie d’expectation, se vit refuser, par ordre de la souveraine, l’accès de la Cour…

Épilogue
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Pierre est un vieil homme blanchi de soixante-dix ans passés, aux rides creusées, profondes ; il parle peu. Il est songeur. Il écrit. Depuis quelque temps, il note dans des carnets, à l’intention de ses descendants, l’histoire de sa vie… L’histoire de celui qui fut longtemps le porte-manteau de feu la vieille Reine – et qui faillit mourir pour elle. Celui qui fut premier valet de chambre du roi Louis, quatorzième du nom, du temps qu’il était un jeune enfant.

Épilogue
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Pour la dernière semaine du mois, le Roi changea de confesseur. C’était une idée du secrétaire d’État Des Noyers : le petit bonhomme lui avait présenté un jésuite plein d’entrain, bien causant, pieux et entreprenant, bien différent du Père Sirmond, qui était un brave et honnête homme, certes, mais totalement dépourvu d’allant et d’intérêt pour les choses du monde. Aussi le Père avait-il été mis à cette place par feu le Cardinal, qui lui avait fait promettre de ne jamais s’occuper de quoi que ce fût d’autre que d’absoudre spirituellement les péchés que le Roi pouvait avoir commis ; il s’était constamment tenu à ces limites étroites de sa tâche, au point qu’il en devenait fade et lassant. Des Noyers suggéra à Sa Majesté de recourir aux services d’un homme plus chaleureux et d’une compagnie agréable.

Deuxième partie. Des châteaux en Espagne
Chapitre VII
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Ce fut à l’occasion de ces négociations délicates pour le compte du Saint-Père que Giulio Mazarini rencontra Richelieu à Lyon, en 1630 ; le Cardinal se prit d’une vive estime pour l’habile courtoisie du jeune homme et pour l’efficacité de son admirable talent. Il songea dès lors à se l’attacher. Quelques mois plus tard, à Chambéry, l’Italien avait été présenté à Louis XIII, auquel il avait beaucoup plu. Les brillantes interventions du diplomate, qui avaient fini par conduire à la paix en Italie du Nord à la fin d’octobre de la même année, établirent Mazarini dans une solide réputation de négociateur international. Récompensé par la charge de vice-légat du pape Urbain VIII, puis devenu nonce à Paris en 1634, il était entré, dès 1640, au service de Richelieu, qui l’avait fait nommer cardinal, bien qu’il ne fût point prêtre.

Deuxième partie. Des châteaux en Espagne
Chapitre VI
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Giulio Mazarini venait tout juste d’avoir quarante ans ; c’était un Italien de Rome, plein d’esprit et de charme, dont le père était d’origine sicilienne. Sa mère appartenait à une famille de la société romaine dans la mouvance de l’illustre et puissante maison de Philippe Colonna, grand connétable du royaume de Naples. Giulio était un personnage heureux depuis sa venue au monde, le jour de saint Bonaventure, car il était né coiffé, comme l’empereur Néron, et déjà muni de deux dents de lait – il ne pouvait exister d’augure plus favorable à l’accomplissement de ses futurs desseins ! La chance, en effet, lui avait souri dès l’enfance ; précoce et étonnamment doué, il avait fait de brillantes études au collège romain des jésuites, où, âgé de seize ans seulement, il avait soutenu des thèses publiques sur la comète de 1618, avec une adresse et une éloquence dans l’argumentation qui avaient fait l’admiration d’un auditoire de princes, de cardinaux et de lettrés. Quelque temps plus tard, il avait joué, au cours d’une représentation dramatique, le personnage de saint Ignace lui-même, lors des fêtes de canonisation du fondateur de l’ordre ; il avait été fêté et célébré comme le meilleur comédien de tous les temps…

Deuxième partie. Des châteaux en Espagne
Chapitre VI
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— Les prêtres ne peuvent-ils donc faillir, maman ?
— Non, Louis, les prêtres ne peuvent faillir pour la raison qu’ils sont prêtres et que Dieu les inspire. Il les faut donc croire toujours. Le Dauphin méditait gravement avant de s’endormir sur l’infaillibilité des prêtres…

Deuxième partie. Des châteaux en Espagne
Chapitre VI
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