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Citations de Claude Duneton (151)


A se demander si, en transformant en drame ce qui relevait de l’histoire de fou, la justice a fait preuve d’un grand bon sens. Et si c’est en prison qu’il fallait caser quelqu’un à qui manque une case. 

(Le Canard enchaîné, 3 mars 1982.)
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Connillant de jour dans les draps.

C’est au point que dès le XVe siècle, le pauvre petit quadrupède avait un nom imprononçable, et qu’il fallut lui en trouver un autre. On l’appela « lapin », ce qui d’ailleurs lui allait bien. Néanmoins le connil, animal, avait eu le temps de léguer au connil, sexe, toute sa fâcheuse réputation de niaiserie, de lâcheté ! (Ha ! connil, tu as peur ?), voire de manque de cervelle – on disait « avoir une mémoire de connil », etc. Il semble bien qu’au travers de diminutifs tels que connaud, coniche ou conart, « pleutre et ballot », quelque chose de cette réputation lamentable soit passé sur le « con » moderne : le parfait imbécile, avec toutes ses variantes, grand, vieux, pauvre, etc.
Ce con-là – si j’ose dire – était déjà bien connu dans la langue vigoureuse au XVIIIe siècle. J. Cellard, qui est allé sur ses traces, cite un vers du cher Alexis Piron, qui mourut en 1773 : « Pour un Docteur, tu parles comme un con » – il faut en convenir, c’est là un visage de la poésie qui n’a pas pris une ride en deux cents ans. Le mot devait être d’un usage courant, quoique grossier, dans les couches populaires les plus mal embouchées du début du XIXe ; il faut noter du reste que les classes sociales avaient alors si peu de contacts entre elles que Stendhal se croyait, de bonne ou de mauvaise foi, l’inventeur du terme, comme en témoigne la phrase célèbre que lui écrivait Mérimée le 31 mars 1831 : « Ainsi ne me croyez pas trop con. Cette expression dont vous êtes l’inventeur me plaît. »
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Mettre en capilotade

Autre mésaventure, autre ragoût. L’expression sort directement des fourneaux. Une capilotade est une « sausse qu’on fait à des restes de volailles et de pièces de rôt dépecées ». (Furetière.) Le mot a été emprunté au XVIe siècle à l’espagnol capirotada, « ragoût fait avec des œufs, du lait et d’autres ingrédients ». Dans sa jeunesse Gargantua déjeunait dès le matin « pour abattre la rozée et maulvais air : belles tripes frites, belles carbonnades, beaux jambons, belles cabirotades et force souppes de prime ». En 1626 Charles Sorel emploie déjà l’expression dans son sens agressif actuel : « Comment, coquins, estes vous bien si osez que de vous battre devant moy ?... Si j’entre en furie, je vous mettray tous deux en capilotade. » Trois ans plus tôt le même Sorel gardait le mot plus près de la marmite, lorsque Francion raconte ses études, à une époque où les collèges n’étaient pas encore devenus des lieux de création tout en fleurs et poésie. Son professeur, le Régent, « estoit le plus grand asne qui jamais monta en chaire. Il ne nous contoit que des sornettes, et nous faisoit employer nostre temps en beaucoup de choses inutiles, nous commandant d’apprendre mille grimauderies les plus pédantesques du monde... S’il nous donnait à composer en Prose, nous nous aydions tout de mesme de quelques livres de mesme estoffe, dont nous tirions toutes sortes de pièces pour en faire une capilotade a la pedantesque : cela n’estoit il pas bien propre a former nostre esprit et ouvrir nostre jugement ? Quelle vilennie de voir qu’il n’y a plus que des barbares dans les Universitez pour enseigner la jeunesse ? Ne devraient-ils pas considérer, qu’il faut de bonne heure apprendre aux enfants à inventer quelque chose d’eux mesme, non pas de les r’envoyer a des recueils a quoy ils s’attendent, et s’engourdissent tandis » ?
Ces réflexions, trois siècles et demi plus tard, paraissent bien démodées !...
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Je dédie ce livre à l'inconnu qui, un soir de juillet 1977, à la cafétéria d'un supermarché de la banlieue-sud, alors que, les yeux un peu vagues, je rêvassais à la composition de ces pages, m'a pris pour un paumé, et avec beaucoup de délicatesse, m'a donné dix francs.
Je ne lui avais parlé ; j'avais simplement expliqué à son petit garçon que les corbeaux qui évoluaient au bord de la piste de l'aéroport étaient les petits du Boeing 707 qui venait d’atterrir.
Il faut toujours dire de jolies choses aux petits garçons.
(dédicace de l'auteur placé en début du volume paru aux éditions "Balland" en 1991)
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Claude Duneton
Il y a, à mon avis, une lente érosion du sens des mots et des phrases que l'on peut attribuer à l'habitude qu'ont prise les gens normalement lettrés de ne plus chercher à comprendre dans le détail. Pourquoi ? Parce que depuis un demi-siècle on a trop abusé du charabia pseudo-scientifique, qui s'est propagé comme un chancre mou dans tous les domaines de la vie courante. L'individu de langue française subit depuis deux ou trois générations une mithridatisation au pédantisme. À force de ne comprendre qu'à moitié, il s'est empoisonné le cerveau !

Le Figaro, 19 mai 2017



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Faire amende honorable

L’amende honorable, la vraie, réparation destinée à « rendre l’honneur », était une aussi rude entreprise. Elle consistait autrefois en une peine particulièrement infamante, réservée aux traîtres, parricides, faussaires, sacrilèges et séditieux de tout bois, qui devaient faire aveu publiquement de leur crime. Le condamné était conduit par le bourreau en personne, nu-pieds, tête nue, en chemise, la corde au cou, un cierge à la main pour faire bonne mesure, parmi les huées de la foule ravie. Car ce traitement de faveur était réservé au beau monde ; on ne montait pas un tel cortège pour le premier diable venu – on l’exposait tout simplement sur la place, le carcan au cou. C’était l’aristocratie de la honte que l’on menait ainsi. Le menu peuple accourait donc – souvent sans chemise du tout, et pieds nus lui aussi, mais pour d’autres raisons. Il ne pouvait guère que se réjouir d’assister aux infortunes d’un maître, qui de toute façon lui en avait fait baver des vertes et des pas mûres !
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Ainsi, toujours en décalage sur la mode, ces petites communautés sylvestres causaient encore le magdalénien sous les celtes, le celte sous les empereurs romains, le gallo-romain très couramment après tout le monde - et en tous cas l'occitan sous Poincaré, Philippe Pétain et Charles de Gaulle !
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(p.46-7.)

Un tunnel :

Le tunnel a beaucoup voyagé. En français du Moyen Âge la tonne est une grosse barrique, et le tonnel une « petite tonne ». Or, dans l’ancien français, beaucoup de mots changeaient de terminaison selon leur fonction dans la phrase, ou s’ils étaient au singulier ou au pluriel – vous connaissez journal et journaux. De cette façon le groupe de terminaison en el et eau représente le même mot infléchi différemment : bel et beau, le nouvel an et l’an nouveau, ainsi de suite avec des mots dont le sens a légèrement bifurqué comme appel et appeau, castel et château, ou encore bordel et bordeau […]
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Contrairement à ce que l’on pourrait croire, le monde du travail n’a pas donné grand-chose à la langue, du moins dans le domaine des locutions courantes. L’artisanat a eu beau fourmiller en façons de parler pittoresques, en images, en comparaisons alertes prises aux outils, aux gestes quotidiens, c’est une parole qui, en France, n’a jamais été reconnue. Au fond, c’est assez logique ; à aucun moment le langage du travail ne s’est trouvé en contact étroit avec les deux pôles extrêmes qui ont été les véhicules majeurs de notre langue : le monde des voyous d’une part, plus hostile encore aux travailleurs qu’à quiconque parce qu’ils en étaient plus proches et aussi les victimes les plus ordinaires – et à l’opposé celui de la bonne société, le beau monde qui ne pouvait avoir que mépris souverain à l’égard des besogneux.
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A première lecture on pourrait penser que Stendhal raconte la scène en simple témoin, en chroniqueur impartial puisqu'il décrit tour à tour les deux personnages en présence.
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Les trottoirs furent inventés plus tard et ne se généralisèrent qu’au siècle dernier. Il est curieux de noter qu’ayant pris la place du « haut du pavé » ils en eurent d’abord le prestige. « Etre sur le trottoir : être dans le chemin de la considération, de la fortune », dit curieusement Littré, qui ajoute ce bel exemple : « Cette fille est sur le trottoir, ancienne locution qui signifiait : elle est bonne à marier, elle attend un mari... » Ça alors ! On a raison de dire que l’enfer n’est pavé que de bonnes intentions !
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Si l’on considère tous les pièges où l’on peut tomber, les embûches de la vie courante, les traquenards qui nous attendent, si l’on songe à tous les appeaux vers lesquels on court, les leurres, miroirs aux alouettes, attrape-nigauds de tous bords – sans parler des peaux de banane et des planches pourries – on se dit qu’un homme averti en vaut une bonne demi-douzaine !
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Il y a le flirt verbal, tout en caquet et minauderie, et l’autre. L’autre, si l’on peut dire, met la main à la pâte, la bouche partout, et le cœur aux abois. Ce que l’on avait fini par appeler « flirt », avant que ce mot ne régresse quelque peu dans l’usage de la dernière décennie, c’était toutes les relations amoureuses entre un garçon et une fille, baisers et caresses inclus, qui n’allaient pas jusqu’à l’acte final, le coït.
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Page 158. Prendre ombrage : Le cheval est un animal soupçonneux, qu'un rien inquiète. Il a fallu toute la persévérance et la ruse humaine pour le convaincre de participer, par exemple, aux batailles. Normalement le cheval est effrayé par tout ce qui bouge de façon soudaine, même si c'est une ombre, ce qui fait placer sur son harnais des oeillères, spécialement destinées à éviter qu'il ne "prenne ombrage", à tort et à travers.
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Le pyjama est un vêtement d’autant plus agréable à porter qu’on ne l’emmène pas à l’école, ni au travail. Il est synonyme de sommeil, de repos et de rêves… Le mot et la chose ont été introduits en France à la fin du 19e siècle — d’abord sous la forme de pajama (1882) puis pyjama (1895). Il vient de l’anglais pyjamas, mot que les Britanniques ont adopté d’une langue de l’Inde, pâê-jama signifiant vêtement des jambes. Il s’agit, en Inde, d’un pantalon ample et léger porté par les femmes.
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Pour les soucis d’argent Clément était d’un réconfort médiocre. Ses discours sur la société capitaliste, intéressant en eux-mêmes, ne valaient pas le diable dans les moments de pénurie. Je trouvais que ce garçon populaire s’acheminait lentement, mais sans remède , vers le Secours du même nom.
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À force de prendre des coups dans les gencives, les hommes ont essayé d’inventer la justice. Longue et vieille histoire, qui est loin d’être terminée. Voici quelques façons de parler les plus courantes glanées au fil d’anciennes atrocités.
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La fascination pour le jouet s’est transportée naturellement sur les amusettes et autres idées fixes du monde adulte, qu’il s’agisse d’une collection de castagnettes andalouses, ou bien des obscurs branchements des radioamateurs. Notons en passant que l’anglais hobby, de hobby-horse (cheval de petite taille), a exactement le même sens et la même évolution. Enfourcher son dada est donc à peine une métaphore. « Un homme qui n’a point de dada ignore tout le parti que l’on peut tirer de la vie », affirme Balzac. Je dirai que dans bien des cas un dada aide à vivre, tout simplement.
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À l’âge où la raison m’accable,pour être devenu un homme dont le poil est gris ,il arrive dans mes rêves,que je caresse des chiens morts.
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(...) lorsque de Gaulle a lancé à la télévision en 68, devant des millions de Français, son célèbre "Non à la chienlit", tout le monde a cru que, descendant soudain de l'Olympe, il se mettait à parler argot ! ça a fait comme un choc !... Certains commentateurs se sont même indignés dans la presse le lendemain ! Il ne s'agissait pourtant que d'un vieux mot qui signifie "mascarade", et depuis longtemps. Mais comme il est pittoresque, on n'a pas cru qu'il était français.
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