Ce rêve passait et repassait, chaque nuit, cérémonie silencieuse dans l’œil du sommeil.
Elles sont jeunes comme toi. Eternellement jeunes tandis que je dérive avec le temps sur la barque que tu as quittée, gracieuse, pour disparaître comme Eurydice sur le rivage interdit. Mes genoux désirent la pierre froide. La stupeur fait de moi le plus naïf parmi ces fervents qui te cherchent, les yeux fermés, le front collé à l'invisible. Obstiné.
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L’homme d’argent avisé ne doit pas affronter la force des choses. Juste la pressentir, si possible avant les autres, s’en prémunir et, si faire se peut, la mettre de son côté pour en tirer quelque profit. Le doute est donc utile et sa sœur inquiète, la méfiance, nécessaire. Seuls les imbéciles assènent et foncent au lieu de réfléchir.
Au fond de lui, il aimait cet effort dérisoire pour vendre, convaincre et vendre encore. Ses faibles connaissances historiques ne bornaient pas sa propension à penser par lui-même la destinée des hommes : il la voyait tout entière divisée, depuis la nuit des temps, entre les gens à statut qui l’avaient dominée par la seule force de l’ordre et du symbole, les princes, les prêtres, les soldats, d’un côté, et les commerçants de l’autre, des types comme lui qui devaient, chaque jour, réinventer quelque chose, un argument, un récit, pour vivre, vendre et faire leur chemin.
et ton corps traversé reste accroché aux berges
les étoiles refluent dans ta bouche
tes vêtements dociles aux partages du fleuve
dansent lourdement dans nos yeux
le froid aux armures féeriques déchire
la fleur étale du silence
l'enfant te cherche dans le vide
le visage collé à la grille
où ses yeux se forment pour toujours
épuisé en lisière de soi
quand buissonnent alentour
les abois aux épines sanglantes
quand les battements de cœur de l'oiseau traqué
s'impriment sur la membrane du monde
mon ami, ouvre-moi
entre les chiens de garde
un passage dérobé
Toute misère du monde n’est-elle pas, au fond, la contrepartie malheureuse d’une liberté utile, le préalable historique nécessaire à de lointains progrès qui exigent le sacrifice de quelques générations laborieuses ?
(...) trouver la tombe de sa mère, dont personne ne lui a montré le chemin, qu’il n’a jamais osé demander (...)