Citations de Damien Luce (37)
Le galet
Le silex est la pierre de la guerre,
Le galet est celle de l'amour,
polie par les eaux de la tendresse.
Si le silex est la pierre de la guerre, le galet est celle de l'amour, polie par les eaux de la tendresse.
Mon professeur de piano me faisait jouer du Ravel. Un Prélude. Papa n'était pas tendre avec Ravel. Je crois surtout qu'il était un peu jaloux. Il le traitait de fakir. Il lui reprochait de vouloir "épater son monde". Il disait : "Qu'est-ce que c'est ce que ce compositeur qui n'écrit qu'un seul prélude, une seule fugue, une seule sonatine ? Moi, quand j'écrivais des préludes, j'en écrit vingt-quatre." Mais il admirait les Jeux d'eau et les jouait en cachette quand il se croyait seul. Le Prélude est une petite chose toute fragile, une boîte à musique qu'on a peur de casser en jouant trop fort. C'est très différent de papa et pourtant ça lui ressemble. Comme deux peintres qui dessineraient le même paysage, l'un à la gouache (papa), l'autre au crayon (Ravel).
Ecrire est comme une respiration. La plume respire une gorgée d'encre, et parle sur le papier. Au bout de quelques phrases, elle s'étouffe, et il faut l'abreuver à nouveau.
Mon épanouissement, je le dois à des parents qui ont su me pousser vers mon naturel, vers ce qu je sais faire, et m'inculquer le sens du dévouement. L'école s'obstine souvent à te mettre le nez dans tes points faibles, quand ce sont tes points forts que tu dois identifier et nourrir. Car à travailler davantage tes points faibles que tes points forts, tu en deviens médiocre en tout.
Un lit, ça doit être assez petit pour qu'on puisse passer facilement d'un bord à l'autre, quand nos rêvent changent de cap.
Pourquoi une fille comme moi s'est retrouvée à faire le trottoir? D'abord,on ne fait pas le trottoir,c'est le trottoir qui nous fait.Il nous fabrique à son image:sale,piétiné par tout le monde,dur,insensible.C'est l'avantage du métier on ne sent plus rien.
A chaque enfant naissant avec un défaut de fabrication, c'est deux handicaps qui sont créés, le sien, et celui du monde qui l'entoure, qui avance estropié sur ces terres hors nomes
Oui,ma vie
Ce fut d'être celui qui souffle-et celui qu'on oublie!
(Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac)
Les lumineuses Collines d'Anacapri ont parfaitement trouvé leur place dans mon paysage. Jour après jour, elles surplombent mon bonheur.
Ne t'inquiète pas Chouchou. Quand on nous mettra à la porte, nous irons tendre nos guirlandes et nos chaînes d'or ailleurs.
Je n’aime pas mon visage. On dirait une tête de poupon sous une perruque de jeune fille. Mes joues sont si gonflées que j’ai toujours l’air d’avoir la bouche pleine.
Papa avait raison : les arbres sont beaux. Les hommes ne comprennent pas toute la patience qu’il faut à un arbre pour sortir de la terre, les sacrifices qu’il doit faire pour se rapprocher du soleil. Et leur manière de faire semblant de mourir chaque année…
Les poètes n'aiment pas le bonheur.Ils se fabriquent de tristes cathédrales dans leur caboche,et s'y enferment avec leurs muses.Chez un poète, ça sent toujours le renfermé.
-Votre Picasso,il peint des femmes avec une bouche à la place de l'oreille!
-Ca prouve qu'il les connaît bien.
Être vieux, c'est renoncer à apprendre.
Le jugement de Jeanne en matiére d'art est altéré par le goût de sa mére.Ce goût s'exprime principalement dans la décoration de l'appartement familial.Il est gouverné par un concept aussi fumeux qu'arbitraire: celui de la modernité. Papa Chemin a beau lutter pour faire comprendre à son épouseque l'adjectif ne comporte aucune connotation esthétique, seulement une indication temporelle, rien à faire. Chaque fois qu'un achat important est nécessaire, le conflit refait surface.
- Peux-tu me dire ce que tu trouves de si attrayant à ce canapé?
- Il est moderne, ça me plait.
- Ce qui signifie que tu ne l'aimeras plus dans cinq ans ?
- Et alors ?
-Ton goût change donc tous les cinq ans ?
-J'évolue avec mon temps.
- Moi, j'appelle ça ne pas avoir de goût, s'il suffit de quelques tours de cadran pour te faire changer d'avis.
- Toi, tu es rétro.
- Non, je juge simplement les choses selon des critéres subjectifs et sûrs: la couleur, la forme, l'équilibre, et non pas selon des critéres objectifs et précaires, comme le temps.(...) J'aimerais un jour que tu m'expliques ce qui fait qu'un objet est moderne à tes yeux.
- Tu ne peux pas comprendre.
- J'ai l'impression qu'il suffit que cela soit incongru, bizarre.
- J'aime la nouveauté.
- Mais ce n'est pas un critère de qualité, ça! Une chose peut-être nouvelle et laide!
- Tu ne peux pas comprendre.
Cela peut durer des heures...Le résultat est toujours le même: l'achat d'un canapé moderne, d'une lampe moderne, d'une table moderne...
Cloches à travers les feuilles est peut-être ce que papa a écrit de plus beau. Ca caresse et ça tinte à la fois. C'est tout le robinier de Notre-dame. Papa avait raison: les arbres sont beaux. Les hommes ne comprennent pas toute la patience qu'il faut un arbre pour sortir de la terre, les sacrifices qu'il doit faire pour se rapprocher du soleil. Et leur manière de mourir chaque année... Si les hommes en faisaient autant, ils trouveraient peut-être d'autres passes-temps que de se faire la guerre.
La Terrasse des audiences du clair de lune a des accents funèbres. Si je savais où se trouve cette terrasse, j'irais plaider ma douleur. La lune m'accorderait peut-être de revoir papa.
Papa, qui ne parlait pas beaucoup, était très bavard sur le papier à musique.