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Citations de Daniel Arasse (61)


Si l'art a eu une histoire et s'il continue à en avoir une, c'est bien grâce au travail des artistes et, entre autres, à leur regard sur les œuvres du passé, à la façon dont ils se les sont appropriées. Si vous n'essayez pas de comprendre ce regard, de retrouver dans tel tableau ancien ce qui a pu retenir le regard de tel artiste postérieur, vous renoncez à toute une part de l'histoire de l'art, à sa part la plus artistique.
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Je citerai à nouveau Montaigne, dans son Essai II du livre III, l'essai du repentir : "Le monde est une branloire pérenne, je ne peins pas l'être, je peins le passage." Il traduit ce sentiment de l'instabilité universelle du monde. Dans le fond, le cosmos est en train de se défaire et l'univers n'est pas encore là, pour prendre sa place, comme dirait Koyré. Cette instabilité, l'art est là pour la manifester, et très souvent pour en jouer. Ce qu'on doit bien comprendre avec le maniérisme, c'est qu'il a une dimension ludique, le paradoxe maniériste étant très souvent un jeu.
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page 173 [...] - Vous reprenez l'argument de cette Américaine qui parle d'"insert prospectif" dans la Vénus d'Urbin et qui y voit une sorte d'emblème du déplacement du toucher vers le voir propre au dispositif d'Alberti.
- Mary Pardo ? Tout à fait. Ce qu'elle écrit est très bien et je regrette presque de ne pas y avoir pensé plus tôt, ou tout seul. C'est exactement ce déplacement, ce retrait du toucher pour le voir que la Vénus d'Urbin nous impose par sa mise en scène. La servante agenouillée touche mais n'y voit rien, nous voyons mais nous ne pouvons pas toucher et, pourtant, la figure nous voit et se touche ...
- Une pin-up. C'est exactement ce que je vous disais. Une pin-up.
- Oh, Charles ! J'y renonce. C'est sans espoir. Vous ne voulez rien voir.

Extrait de "La femme dans le coffre" (d'après La Vénus d'Urbin, Titien, 1538, tableau exposé à la Galerie des Offices, Florence).
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Finalement, la Joconde est un de mes tableaux préférés. Il m'a fallu pour l'aimer beaucoup plus de temps que les cinq ans pris par Léonard de Vinci pour la peindre. Moi il m'a fallu plus de vingt ans pour aimer La Joconde. Je parle de l'aimer vraiment, pas seulement de l'admirer. C'est pour moi aujourd'hui l'un des plus beaux tableaux du monde, même si ce n`est pas nécessairement l'un des plus émouvants, quoique, franchement, c'est l'un des tableaux qui ont eu le plus de commentaires enthousiastes, jusqu`à la folie, de la part des gens qui l'aimaient, et cela montre qu'il touche.
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C'est vrai, j'y vois beaucoup de choses dans cet escargot : mais après tout, si le peintre l'a peint de cette façon, c'est bien pour qu'on le voie et qu'on se demande ce qu'il vient faire là. Vous trouvez ça normal, vous?
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Je ne prétends pas que les oeuvres n'auraient qu'un seul sens et qu'il n'y aurait donc qu'une seule "bonne" interprétation....Non, ce qui me préoccupe, c'est plutôt le type d'écran (fait de textes, de citations et de références extérieures) que tu sembles à tout prix, à certains moments, vouloir interposer entre toi et l'oeuvre, une sorte de filtre solaire qui te protégerait de l'éclat de l'oeuvre et préserverait les habitudes acquises dans lesquelles se fonde et se reconnait notre communauté académique.
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J'avais commencé à prendre des photos, sans nécessairement savoir ce que je photographiais, car on trouve toujours ce qu'on cherche, alors que quand on ne sait pas ce qu'on cherche, on a peut-être une chance de trouver quelque chose d'inattendu.

p.267
20 La peinture au détail
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De Giotto, en 1337, à Léonard de Vinci, dont la première œuvre date de 1472, la peinture italienne connaît un profond changement, un bouleversement même, qui touche tous les aspects de la création picturale. Entre les deux « génies », 135 ans seulement s'écoulent et les conditions mêmes du métier de peintre sont radicalement transformées. Les « techniques » ont changé, avec l'introduction de la « peinture à l'huile » qui remplace la « détrempe » et le succès de la toile qui, sur la fin du Quattrocento, tend à se substituer au panneau de bois traditionnel bien que la mutation ne soit pas encore définitive en 1500. Transformation aussi dans les « sujets » abordés par les peintres : le thème religieux demeure prédominant, mais toute la mythologie se voit reconnaître droit de cité, de même que l'histoire antique ; le paysage n'existe pas encore vraiment comme « genre indépendant », mais on le sent s'introduire avec une force grandissante dans l'arrière-plan des images et il enveloppe de plus en plus la « scène » représentée, tandis que les personnages deviennent souvent portraits déguisés... A travers ce renouvellement des thèmes abordés, c'est le « traitement » des sujets qui change ; une souplesse, une variété et une abondance d'invention se développent, qui en arrivent a rendre très rapidement « archaïques » des images « modernes » au moment de leur création. En fait, une vision nouvelle du monde se met au point, qui emporte avec elle une refonte complète de l'image picturale.

(INCIPIT)
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Saviez-vous que les gastéropodes y voient mal? Pire encore, il paraît qu'ils ne regardent rien. Ils se repèrent autrement. Malgré leurs deux yeux au bout de leurs cornes bien tendues, ils n'y voient pratiquement rien; ils distinguent, toutau plus l'intensité de la lumière et fonctionnent " à l'odeur".
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Je vous vois venir : vous allez encore dire que j'exagère, que je me fais plaisir, que je surinterprète. Me faire plaisir, je ne demande pas mieux, mais, quant à surinterpréter, c'est vous qui exagérez. C'est vrai, j'y vois beaucoup de choses dans cet escargot ; mais, après tout, si le peintre l'a peint de cette façon, c'est bien pour qu'on le voie et qu'on se demande ce qu'il vient faire là. Vous trouvez ça normal vous?
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Cette espèce d'extraordinaire tragédie - car le dieu se rendant visible signifie qu'il va mourir - est confiée à des visages d'enfants.
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Parmi les différentes cités où s'élabore la Renaissance, Florence occupe une place effectivement exceptionnelle. Son primat est peu contestable : le nombre des œuvres, leur nouveauté, et surtout peut-être, l'importance de la réflexion théorique dans le travail des peintres, ainsi que le rapport étroit entre peinture, sculpture et architecture, en font le chantier artistique le plus actif de la péninsule. Très tôt, la cité trouve « son » peintre, architecte et sculpteur, Giotto, qui fait faire à l'art un pas immédiatement considéré comme décisif, le poète de la cité l'enregistre moins comme tel :

                                                   Credette Cimabue nella pittura 
                                          tener lo campo, ed hora ha Giotto il grido 
                                                   si che la fatna di colui oscura.

« Cimabue se croyait le maître de la peinture, mais aujourd'hui Giotto, en vogue, obscurcit sa renommée, »

Le prestige de la citation dantesque est tel que, pour plus d'un siècle, Giotto est le seul peintre cité comme référence digne des Anciens. Cette vision florentine de la Renaissance s'installe dès lors, et aujourd'hui encore, l'idée que l'histoire de l'art italien s'est faite à partir de Florence et en fonction d'elle, est ancrée dans les esprits.
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Dire que Madeleine était une fausse blonde, franchement, ça ne résoudrait rien.
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BOTTICELLI/ Annonciation. 1489-1490 / Florence, Offices

Léonard pense peut-être à cette image quand il écrit : « Je vis... un ange de l'Annonciation qui semblait vouloir chasser Notre Dame de sa chambre, avec des mouvements brutaux comme on pourrait en avoir contre le dernier des ennemis... » (Chastel). Mais le geste de la Madone s'inscrit en fait dans une longue tradition iconographique et sa pose mouvementée ne fait qu'exprimer lyriquement les interrogations religieuses qui agitent la cité. Contre Léonard, Botticelli semble vouloir « arrêter l'histoire » (Argan). De plus, la structure architectonique de l'image constitue une variation sur le thème connu de la colonne ou du pilier séparant l'ange de la Vierge, Cet axe vertical est devenu encadrement de la fenêtre, mais les mains des protagonistes s'y rejoignent ; la fenêtre, ouverte sur la campagne italienne, offre une veduta bien humaine, pourtant, l'arbre nettement détaché devant le ciel, prend évidemment un relief significatif, Grand inventeur d'images cultivées, Botticelli sait aussi manier un attirail figuratif bien répertorié.
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Cette partie gauche du tableau de Fragonard, ce rien, est un détail qui prend tout de même la moitié de la toile et qui est lui-même composé d'une multiplicité de détails qu'on pourrait démultiplier à leur tour. Tout ce que je peux dire de ce détail qui occupe la moitié du tableau, c'est que c'est un lit à baldaquin en désordre, et si je commence à nommer la chose, mon discours se teinte d'une vulgarité qui ne correspond pas du tout au tableau. Or, ce n'est rien d'autre que de la peinture, du drapé, et l'on sait que le drapé est le comble de la peinture. Être confronté à l'innommable est aussi ce qui m'a passionné dans Le Verrou. Nommer le lit comme genou, sexe, sein, sexe masculin dressé, est scandaleux, car c'est précisément ce que ne fait pas le tableau. Il ne le dit pas, ne le montre même pas, à moi de le voir ou non.
Je suis donc confronté à l'innommable, non parce que la peinture est dans l'indicible, ce qui impliquerait une notion de supériorité, mais parce qu'elle travaille dans l'innommable, dans l'en deçà du verbal.
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La peinture n'ayant pas à conceptualiser, à verbaliser son contenu, elle se veut seulement une représentation du visible, une imitation, mais elle peut aussi par cette représentation du visible aller autrement que les concepts du temps. Elle n'est pas obligée de représenter les concepts du temps: elle le peut, mais comme elle n'est pas verbalisée, elle peut figurer autre chose qui se conceptualise à l'époque.
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Et puis, il y a le sourire ... En fait, c'est Léonard qui a inventé l'idée de faire un portrait avec un sourire. Il n'y a pas de portrait souriant avant La Joconde, à l'exception du tableau d'Antonello de Messine, L'homme qui rit.
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Il suffit que Gaspard soit plus proche de Marie pour qu'une force étrange se dégage de la scène – à tel point l'habitude de voir le roi noir à l'écart a été vite prise, comme si cette distance, par-delà celle de la lointaine Afrique, trahissait un reste de prudence par rapport à ce nouveau venu de couleur, une réluctance à l'admettre de plein pied dans la cour des grands. Ces trois éléments (luxe vestimentaire ostentatoire, jeunesse, mise à l'écart) lui paraissent confirmer l'opinion de Richard Trexler selon lequel le troisième roi formerait le «pôle exotique» d'une représentation «duelle» de la trilogie «nominale» des Mages.
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Un des pièges de ce genre d'exposition, c'est qu'on passe de la valeur d'exposition de l'oeuvre à la valeur de culte de l'exposition. Je fais ici référence au fameux texte de Walter Benjamin sur l'oeuvre d'art à l'époque de sa reproductivité mécanique. Il explique le passage dans la peinture européenne d'une valeur de culte de l'oeuvre, où elle n'est pas visible mais où on lui rend un culte, à une valeur d'exposition, où elle est visible mais n'a plus de culte, car elle se rapproche à travers la reproduction indéfinie et mécanique. Ce texte est magnifique mais a maintenant soixante-dix ans, et de même que Duccio ne pouvait pas prévoir que sa 'Maestà' serait un jour dans un musée, Benjamin ne pouvait prévoir ce que sont aujourd'hui les expositions de masse. À présent, on ne passe pas d'une valeur de culte avec invisibilité de l'oeuvre à la valeur d'exposition, on passe d'une valeur d'exposition à une valeur d'invisibilité qui est le culte de l'exposition elle-même, et dans le fond, de la culture. On ne va plus rendre hommage à la peinture, qu'on ne voit plus - c'est devenue une image mise dans une boîte en verre aseptisée pour protéger le sacro-saint objet qu'il ne faut pas toucher parce qu'on pourrait lui inoculer des bacilles quelconques -, mais plutôt à la mise en scène de la culture.
il en va de même pour les chapelles en Italie. Il y a une quinzaine d'années encore, on pouvait y passer des heures pour les regarder tranquillement, désormais elles ont été restaurées, donc on les voit mieux, donc on ne les voit plus parce qu'on n'a plus qu'un quart d'heure pour ce faire, au-delà duquel on doit circuler, sinon, avec la chaleur, on augmente l'hygrométrie de la chapelle et on abîme l'oeuvre. Je me demande comment les futurs historiens de l'art pourront aller voir ces chapelles restaurées où on leur dira, "circulez", non pas "y a rien à voir", mais "vous avez assez vu".

p.265
On y voit de moins en moins
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L'art y est une véritable puissance, il peut apporter des réponses aux inquiétudes ou aux questions que pose le monde.
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