Deepti Kapoor

Quelques kilomètres plus haut, un village plus modeste, plus paisible, émerge, émaillé de maisons de couleur sombre typiques du style montagnard traditionnel – toits de chaume, grosses pierres, charpentes en bois, balcons richement sculptés et décatis –, que menacent de nouvelles constructions en béton intimidantes, flanquées de tas de cailloux et de sable de rivière protégé par des bâches en plastique.

Cette fois-ci, les garçons n’ont nulle part où fuir.
Ils sortent donc et errent sans but, lèvent la tête vers le couloir de roche calcaire, inspirent à pleins poumons de longues goulées d’air pur et frais. Ajay entend la rivière, invisible, qui se déverse du sommet du monde.

Quelques garçons bougent comme s’ils émergeaient d’un sommeil médicamenteux, ils chuchotent entre eux, tentent de se protéger de l’éclat du soleil, de la poussière et du vent. Ajay plisse les yeux et ne parle à personne ; il cherche à se rappeler le visage de son père, le visage de sa sœur, le visage de sa mère. Il cherche à se rappeler le chemin pour rentrer chez lui.

Tous les jours, le gamin se rend à pied à l’école publique, une structure vieillissante et délaissée ; espoir déçu de béton sans portes ; fenêtres aux volets de bois fragmentés et criblés de trous ; pièces trop exiguës pour la multitude d’enfants morveux, cheveux peignés, cheveux huilés, aux uniformes décousus mais propres et luttant contre l’usure à tout-va. Le maître d’école est absent, souvent soûl, souvent parti,encaissant souvent son salaire de fonctionnaire sans avoir bougé de chez lui.

Des centaines de prisonniers émergent de leurs cellules et se rassemblent. Des mecs le jaugent. Ajay est une sorte de célébrité. Tous ont entendu parler du Tueur à la Mercedes. Ils veulent le voir de plus près, juger par eux-mêmes de son innocence ou de sa culpabilité, voir si c’est un vrai dur, s’il a peur et quelle place lui attribuer. Une minute leur suffit pour comprendre que c’est un innocent, qu’il sert de bouc émissaire à son riche patron.

Du sang coule d’entre ses jambes, là où il y avait de la vie.

Ce qu’ils remarquent en revanche, c’est que ce gars n’est pas un riche. Pas du tout. C’est plutôt un fac-similé, un homme vêtu pour suggérer la richesse, pour la servir. Les vêtements, les détails soignés, la voiture ne peuvent masquer la pauvreté fondamentale de sa naissance ; elle sent plus fort que n’importe quel alcool ou eau de toilette.

He says, It’s just you and me. No one else in the world. Fuck Them, he says. Fuck every one. We’ go crazy, we’ll show them all. And I say, Yes, Yes, we’ll do it. Show them all. He says it’s time to leave the world behind, leave society behind […]
And I say, Yes.
It’s a heady world of make believe.
But I am a coward and I’ll never leave.