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Citations de Dumitru Tsepeneag (26)


Or le modèle de cette situation [l'onirisme] est le rêve. Jamais abstrait, toujours construit avec des bribes de réel, concret puisqu’on s’en souvient au réveil et qu’il influe sur notre état d’esprit, le rêve est le symptôme réel de quelque chose qui échappe à la raison. Telles les images surgies spontanément dans l’esprit de l’écrivain quand celui-ci ne veut pas faire œuvre d’enseignant ou de prophète et se laisse porter uniquement par son imagination, le rêve est la manifestation d’une réalité intérieure qui se signale sans nous permettre de l’expliquer. De ce fait, la littérature, et l’art en général, ne « dit » pas, elle signale à chacun ce noyau d’inconcevable qui nous met devant l’inconfort de notre condition. Il va de soi que cette façon d’envisager les choses est une contestation des fondements même de l’idéologie qui justifie le pouvoir totalitaire de ceux qui prétendent mener une politique « scientifique » – qui ne l’est pas davantage, disons-le en toutes lettres, que celle de ces technocrates qui invoquent « les lois objectives du marché » –, et qui se flattent d’édifier une société idéale, pour l’heure très hypothétique.
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En ce qui me concerne, et même si je rejette par principe la littérature engagée, je n’ai pas eu un choix facile lorsque dans la discussion avec la direction de l’Union des écrivains, mes interlocuteurs m’ont fait comprendre que si la censure refuse mes livres, que les critiques littéraires m’ignorent et que j’ai à subir toutes sortes de désagréments, c’est justement parce que je me mêle de ce qui ne me regarde pas. Pour ne pas tourner autour du pot, disons franchement que j’ai accepté cet accommodement, ce modus vivendi : m’occuper de mes oignons pour donner une chance à ma littérature. J’ai donc accepté cette espèce de pacte tacite qui était, de mon point de vue, un compromis. Je ne me mêle plus de ce qui ne me concerne pas, j’écris ma littérature onirique et formaliste, d’autant plus que de toute façon mes coups de gueule, les protestations d’un écrivain comme moi, ne peuvent influencer la marche des choses. La belle jambe, mon article du New York Times. Ma littérature est autrement importante. C’était, il faut le dire, le point de vue d’un écrivain qui en avait assez, fatigué. En même temps, pour que l’homme, le citoyen si vous préférez, puisse éviter de protester, ce qui est tellement difficile quand on se trouve confronté à une bureaucratie stupide, obligé de fonctionner dans un milieu engourdi, j’ai demandé le droit de repartir à l’étranger, ce qui m’a été accordé avec une rapidité étonnante. Je suis parti… Mais il y a une seconde raison de mon silence, sans laquelle peut-être que je n’aurais jamais accepté ce compromis. Eh bien, j’ai quitté la Roumanie immensément dégoûtée, déçu par la lâcheté et le conformisme de mes confrères, de mes collègues, comment les appeler ? écrivains !
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Peut-on accélérer un sablier en le secouant ?
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Racle donc les sourires des enfants derrière les vitres
pour regarder la mort comme un luxe des pauvres.

(p. 166, Mircea Dinescu, extrait du poème L'Apothéose des aveugles)
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Attente

L’âme vidée de miracles,
On nous a poussés dans une salle de spectacles
Pour nous distribuer, par un système de tuyaux et moteurs,
À chacun une gamelle de vapeurs.

On était jeunes, on était militaires,
On était morts à peine, dans la grande guerre
Que nous avions livrée au Détroit.
Qui ne meurt pas ? Tout le monde choit…

Mais à quoi bon philosopher ?
Il valait mieux continuer
Le service, interrompu un moment
Jusqu’à l’arrivée du nouveau régiment
Qui devait nous relayer
On ne savait pas combien elle allait encore durer,
Notre attente dans cette grande salle-là,
On savait seulement qu’il y aurait un spectacle de gala
Et avant qu’il commençât
Nous tentions de comprendre pourquoi
Si haut, sur les corniches, furent mises
Les médailles que nous gardions dans nos valises.

(p. 49, Leonid Dimov)
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Au fond, qu’est-ce que la vérité en littérature ? Du point de vue philosophique, la vérité est une notion relative, subjective. Je ne parle pas d’une vérité qui vous a été présentée comme telle, de tel ou tel événement qui a eu lieu à tel ou tel moment. Ce qui compte, c’est la tension qui se manifeste dans l’effort de l’artiste d’harmoniser son être avec la société à laquelle il appartient. Il s’agit du désir d’être soi-même, entier et harmonieux, quels que soient les risques passagers et stupides encourus. Il s’agit de cette tension qui exclut la peur et les tentations matérielles. Cette fièvre… cette fièvre elle seule produit les œuvres d’art. Simple, non ?
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Noces

Les cousettes élancées
Attendent nues dans leurs dentelles
Des taxis de fiancés
Sous les fenêtres parallèles

Adolescents et rieurs
Ils dressent sous le dôme en fête
D’un pas leste à l’intérieur
Des polyptyques de crevettes.

(p. 48, Leonid Dimov, traduit du roumain par Alain Paruit)
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Je me dis qu’il faudrait prendre d’assaut les maisons d’édition parisiennes pour les obliger à regarder avec plus d’intérêt la littérature roumaine.
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Je veux commencer par ce qu’on nomme le groupe onirique, auquel appartiennent les poètes Leonid Dimov, Virgil Mazilescu, Daniel Turcea, et les prosateurs Sorin Titel, Florin Gabrea, Virgil Tanase. Je ne doute pas qu’avec le temps, petit à petit, ce groupe traité avec une certaine légèreté en Roumanie où l’on met en doute la qualité esthétique de leurs écrits apportera la preuve, ici, en Occident, de la pertinence de leurs œuvres. Ce n’est certainement pas un hasard si parmi les écrivains roumains traduits ces dernières années en Occident, la majorité appartient à ce groupe : Sorin Titel, Leonid Dimov, Virgil Mazilescu, Daniel Turcea, Florin Gabrea, Virgil Tanase.
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C'est moi le propriétaire des ponts
sous lesquels j'ai dormi […]

(p. 163, début du poème Troubadour de Mircea Dinescu)
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La littérature est un art de la successivité, l'information est distillée au lecteur graduellement, au compte-gouttes. Sans compter que peuvent survenir toutes sortes de rebondissements, de coups de théâtre qui changeront le sens de l'ensemble, ou du moins l'une de ses interprétations possibles. Quant au dénouement, ne tournons pas autour du pot : on n'a pas le choix, on est contraint de l'attendre.
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Mona se moque de mon assiduité à remplir les pages de ce journal. « N’oublie surtout pas de mentionner que tu viens de casser un cendrier ! » me dit-elle. Elle a parfaitement raison. À quoi bon un journal de plus en plus superficiel ?
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N’ai-je pas raison de croire que la littérature roumaine n’existe pas encore ?! De quel droit demander qu’elle soit reconnue à l’étranger ? Je me demande franchement si, débarrassé en français de cette « vulgarité poussiéreuse » (je ne trouve pas mieux pour la définir), ce roman, publié par Gallimard sous le titre La Forêt interdite, fait meilleure impression. J’en doute. Il faut reconnaître qu’après quinze ans de proletkult et de réalisme socialiste, les écrivains roumains retrouvent à peine leurs moyens. Mais je vois mal comment on pourrait rattraper le retard, même à supposer que les conditions sociales et politiques redeviennent normales (ce qui ne peut pas se faire du jour au lendemain).
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Sorin Mărculescu hante, halluciné, les librairies, capable de donner son dernier sou pour acheter des livres. Je me suis rendu compte à cette occasion – en essayant de les lui procurer à l’œil ou au moins à moindre prix – que mes pistons dans les maisons d’édition sont réduits et peu sûrs.
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Irisation

Rose poussière sur le mental
Musique aux blancs jardins
Je veux me souvenir
Des empereurs byzantins.

Voilà, une rivière j’ai passé
Voilà les soldats qui arrivent
Voilà, nous attend une fosse
Là-bas, parmi les ronces.

On s’y trouve des amis
Serrés entre des femmes blanches
Tous sur plans d’aiguilles de pin
Tous récitant des épopées.

Tiens, quelque chose de bien qui me passe
Doucement par l’âme entière !
Pâles, d’anciennes disciplines
Troublement y brouillent. Je comprends

(p. 36, Leonid Dimov, traduit du roumain par Michel Deguy et Dumitru Tsepeneag)
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J’ai lu les Entretiens avec Eugène Ionesco de Claude Bonnefoy. Mélange de génialités et d’idioties, d’éclats prodigieux et de platitudes, un invraisemblable tohu-bohu, d’une étonnante superficialité culturelle et surtout philosophique, un fatras d’idées réactionnaires et en même temps un formidable courage de se montrer tel qu’il est, avec sincérité et honnêteté. Il faudrait que j’étudie de plus près son œuvre et cette personnalité si contradictoire, surtout que j’ai promis (maintenant je le regrette) de participer au colloque Ionesco de Cerisy.
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25 janvier 1978

Somme toute, si j’avais un peu plus de courage, je pourrais finir ma vie en « écrivain errant », comme Joseph Roth, cet Autrichien que Negoițescu admirait tant. Sa fin tragique – il s’est suicidé, m’a-t-on dit, mais je n’en suis pas sûr – est tragique uniquement d’un point de vue du bourgeois ordinaire qui voit les choses en spectateur, de l’extérieur… il n’y a rien de tragique dans un suicide. Ce n’est même pas une question de courage mais d’une certaine nonchalance. Ainsi, par exemple, je ne me soucie pas – ce qui veut dire que je ne me considère pas tenu à avoir de tels soucis (au nom de quoi ?!) – du fait que je n’ai pas les sous pour le billet de train jusqu’à Paris où Mona doit accoucher dans deux semaines, et cela lui fait un peu peur, la pauvre. Commencer par ne plus considérer ce genre de choses comme des obligations. Même si de toute évidence je retournerai à Paris dans quelques jours. Je trouverai bien l’argent pour le voyage : je demanderai à Ivănceanu ou bien, au téléphone, à Alain [Paruit]. On pourrait croire que je suis déjà entravé par trop de liens, attaché (par des dizaines et des centaines de fils plus ou moins épais) à un certain mode de vie. En définitive, ce n’est pas uniquement par fainéantise mais aussi par souci d’une certaine sécurité : il est difficile – à supposer que cela soit possible – de vivre au jour le jour (Ivănceanu faisait le même raisonnement pour justifier sa façon de vivre). Ce qui pose une fois de plus la question du binôme lâcheté/courage. On n’y peut rien, à cela près que l’appréhension est une sensation relative, toujours en rapport avec autre chose : à moins d’être psychopathe, et même dans ce cas extrême, la peur que l’on ressent n’est jamais abstraite. Elle est toujours le résultat d’une angoisse profondément enracinée dans l’inconscient ou qui a des implications métaphysiques profondes. Nous avons peur du lendemain lorsque nous avons pris l’habitude de le savoir assuré. Ce n’est pas une peur authentique. Je veux dire que cette peur peut être maîtrisée par l’éducation. Nous ne sommes pas nés avec. Nous ne l’avons pas ressentie dans notre enfance (et parfois ni même dans notre jeunesse). Pour faire bref, il va de soi que je dois me désembourgeoiser, ne plus me soucier du jugement des autres. C’est le nœud de la question.
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Au bout

Tourmente, un siècle carré,
Avec de l’or dans les ravins,
Le haut bocage fut détruit
Par les insectes xylophages.

Des fruits durs tombent des arbres
Sonnant dans des cordes de lyres :
Des aèdes pauvres s’égaraient :
Et, le dos appuyé, admirent

Comme il attrape les faines
En calme perplexité
Un bras de chasseur illyr[ien].
Aux pustules vives dans la paume.

(p. 42, Leonid Dimov, traduit du roumain par Michel Deguy et Dumitru Tsepeneag)
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Le féliphone bavard

Dans l’espace héraldique où parfois il médite
Entre-en-nuit a rencontré le féliphone bavard
(linguam felium sonans) : il ressemble au magnétophone,
on lui parle à voix basse cependant qu’il vous fixe.
Plus tard et de la façon la plus inattendue,
il vous répète, fidèle, avec la voix d’Entre-en-nuit
les paroles mêmes d’Entre-en-nuit. Plein de tact,
le féliphone peut apprendre à chanter quelque peu :
de là vient le nom qu’il porte en langue latine.
Entre-en-nuit discute avec le féliphone, lui expose
certaines de ses pensées, il argumente
et fait l’éloge des étoiles qui scintillent
au ciel de l’espace héraldique. Pendant ce temps,
le féliphone ne l’interrompt jamais ;
il ne cesse de le regarder, fixement, sans cligner l’œil.

(p. 53, Mircea Ivănescu, traduit du roumain par Christian Audejean et Dumitru Tsepeneag)
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Essai

Écrire encore un bref poème sur ce matin d’automne, avec du vent et un ciel marin et blanc, pour dire comment sur son visage les pensées chantaient l’une après l’autre, et parler aussi de l’ombre bleue qui devant ses grands yeux se courbe.

On pourrait ajouter quelques mots, n’importe lesquels, à propos de ce qu’elle racontait (tout comme la nuit quand l’on passe dans une rue inconnue et que, sous de grands arbres lourds d’amertume et d’automne, on s’arrête pour écouter quelqu’un jouer du piano dans une vieille maison). Elle raconte qu’elle regardait une carte et elle se souvient que de sa longue main il lui montrait un cercle. Sur lui-même là-bas – il a des mains de sainte disait-elle. Écrire un poème là-dessus. Essayer.

(p. 55, Mircea Ivănescu, traduit du roumain par Bernard Noël et Dumitru Tsepeneag)
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