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Critiques de Ece Temelkuran (17)
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Comment conduire un pays à sa perte

Alors que le populisme monte en puissance en Europe et aux États Unis, et que les dictateurs sévissent un peu partout, Temelkuran partant de son propre pays , La Turquie ,analyse ce qui mène au pouvoir ces nouveaux leaders populistes sans idéologie , sans programmes économiques et sociaux définis, uniquement à la poursuite d’un pouvoir absolu, mobilisant des foules , souvent à leur détriment .



« Le respect revient souvent chez les gens qui ont voté pour Trump. L’idée est la suivante : « Trump est peut-être un abruti, il ne tiendra peut-être pas ses promesses, mais il agit comme si les gens comme moi étaient importants et que les gens qui ne me respectent pas ne l’étaient pas. » Cette citation à elle seule peut expliquer l’engouement d’un vaste troupeau d’abrutis pour un leader populiste, qui en faites lui-même vient d’une situation ou d’un passé qui nécessiterait un fort lifting moral et éducatif pour mériter ce dit respect . Or à leur opinion, le respect qui leur convient n’a pas besoin d’être mérité il suffit de l’exiger. Un respect à sens unique : on le reçoit sans le donner. Cette explication du mécanisme populiste par Temelkuran malheureusement est une vérité fondamentale et non une opinion personnelle . Ce respect exigé découle de la victimisation abreuvé de « ressentiments » dont la nature change constamment , selon ce qui est dicté aux masses par les spin doctors des leaders populistes. Les contradictions ne sont aucunement un problème, «  quand le chef est un maître de « l’hyperbole véridique « , le contenu même n’a plus guère d’importance. »



La question qui taraude est quand même «  comment les masses ont-elles pu commencer à agir contre leurs propres intérêts, et se tromper de cibles dans leur quête de grandeur, oubliant ainsi l’histoire mondiale ? ». Une question de base posée fréquemment et encore plus récemment, suite aux dernière élections turques, bien que ces dernières furent largement truquées. Ici «  l’infantilisation des masses via l’infantilisation du discours politique est cruciale ….de plus , une fois que vous avez infantilisé le discours politique commun, il devient plus facile de tromper les masses et , à partir de là , vous pouvez leur promettre n’importe quoi. »



Tout est permis pour les chefs populistes, vu que le troupeau est prêt à gober n’importe quoi. Ce qui semble presque une farce devient en faites périlleux vu que la raison devient impuissante face non seulement à la bêtise , la folie d’un seul homme, mais aussi face aux regards hypnotisés de millions de gens croyant aux bêtises de cet homme.

« Quoi qu’il en soit, quand la vulgarité et l’ignorance deviennent des valeurs tenues en estime, que fait-on ? Comment communiquer avec une personne qui accepte que l’inconsistance et l’hypocrisie de son chef soient des éléments d’une stratégie appliquée pour le bien de son peuple ? »

Temelkuran mentionne aussi dans son livre ces intellectuels de gauche qui ont soutenu Erdoğan dans ses débuts, acceptant des alliances peu orthodoxes comme Ahmet Altan ( qui joue les victimes aujourd’hui ) et qui ont fini par la suite en exil ou en prison, “Certains d’entre eux ont réussi à se réinventer comme membres déçus de l’opposition dans des pays occidentaux, créant de nouvelles alliances pour poursuivre leur carrière à l’étranger en tant que victimes exceptionnelles d’un dictateur exceptionnel.”



Dans ces circonstances préserver sa santé mentale devient extrêmement difficile pour ceux ou celles qui ont encore un minimum de sens de l’éthique, de l’honnêteté et une conscience. Tout ce qui paraît insensé, une honte pour nous , devenant très vite la norme, crée un désespoir existentiel infini, « La souffrance d’avoir à être soumis au mal éhonté est une chose, mais c’est autre chose d’avoir l’oppression comme équivalent de la « vraie démocratie », présentée comme telle en réponse à la soi-disant demande du vrai peuple – et supporter de voir le pouvoir politique faire une chose en prétendant faire exactement le contraire ».

Ce livre écrit en 2019 éclaire parfaitement le pourquoi des résultats des dernières élections turques, bien que généreusement abreuvées de fraudes, désormais une des règles du système établie. Tout ceci montrant à mon avis un Monde à la dérive .

Je remercie infiniment mon ami babeliote Apo qui m’a proposée cette lecture suite à une question que je lui avais posé, et la réponse s’y trouve effectivement. Un excellent livre et une rencontre précieuse avec une femme intelligente et courageuse.



« Deviens fou si tu en as les moyens. »
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Comment conduire un pays à sa perte

Merci à Babelio et aux Editions Stock, pour cette masse critique "Non fiction".

S'il était besoin de nous en convaincre, Ece Temelkuran nous démontre avec force d'exemples, que nos démocraties sont sérieusement en danger et que la situation actuelle de nombreux pays confirme le diagnostic implacable de cette journaliste, elle-même en lutte dans son propre pays contre Erdogan et sa politique rétrograde.

Il est clair que la situation a de quoi alarmer, tant le fossé entre "le peuple" et nos technocrates se creuse inexorablement, l'arrogance (et les privilèges) de nos élus devenant insupportable pour un très grand nombre. Fort de ce constat, pas étonnant que le populisme creuse malheureusement un sillon inquiétant (la tentation du pourquoi pas eux après tout ?) face à une élite de plus en plus déconnecté des réalités.

On est forcément inquiet devant ce tableau pessimisme qui semble apparaitre de plus en plus inévitable.

Un texte qui forcément ne laisse pas indifférent. Espérons seulement qu'Ece Temelkuran se trompe. L'espoir fait vivre.

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Comment conduire un pays à sa perte

Un grand merci à Babelio et aux Editions Stock, pour l'envoi de cet ouvrage.



Journaliste et auteure Turque, Ece Temelkuran, constate la fin de la démocratie en Turquie la nuit du 15 juillet 2016 et tente de nous mettre en garde contre la montée dans «nos»pays, du populisme.



L'auteure analyse la montée du populisme en Europe et aux Etats-Unis et nous explique comment on peut sortir de la démocratie sans s'en apercevoir...



L'auteure semble nous dire que le populisme semble être le contraire des villes c'est- à-dire du cosmopolitisme. Le «vrai peuple» (l'identité, l'authenticité...) lui, vient de la province.



C'est un avis trancher que je ne partage pas tout-à-fait, même si l'exemple des «gilets jaunes» pourrait correspondre à ce constat, cependant leurs revendications bien que très diverses, pour nombre d'entre elles sont justifiées.(mon avis n'est pas très important et qui suis-je pour prétendre le contraire?)



Pendant trop longtemps une certaine catégorie de la population a eu le sentiment d'avoir été mépriser par une autre et d'être les oubliés du «progrès» or, au lieu de s'en prendre aux «vrai» causes: précarité, pauvreté, mondialisation sans contôle,chômage.. Ils s'en prennent aux «élites et aux immigrés» (qu'ils pensent être les responsables de leurs malheurs, et se jettent dans les bras du premier bonimenteur venu: Erdogan,Orban,Trump,Chaves,Salvini,Le Pen, j'en passe et des pires.



Après avoir refermé cet excellent essai, je me dis qu'on a du boulot si on veut réconcilier ces deux mondes. L'histoire balance entre progrès et réaction, j'ai peur que l'on soit rentré dans une sombre période.













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Comment conduire un pays à sa perte



Le grand leader turc semble actuellement (légèrement) en perte de vitesse, comme la laisse supposer son annulation des élections municipales récentes d'Istanbul. Il est vrai que les résultats n'étaient guère favorables à Erdoğan, ce qui est une bonne chose en soi et devrait rendre optimiste la redoutable journaliste turque, Ece Temelkuran. Quoique dans les bleds paumés d'Anatolie ou la carte islamique joue un rôle de première importance, il reste dangereusement populaire.



L'auteure est née à Izmir, il y a 45 ans, et après ses études de droit à l'université d'Ankara est devenue chroniqueuse au quotidien "Milliyet" (= La Nation) de 2000 à 2009 et pendant les 3 ans suivants pour "Habertürk" (= nouvelles turques), jusqu'à son renvoi, début 2012, pour sa critique à l'adresse du gouvernement Erdoğan III et le bombardement du village kurde d'Uludure, faisant 34 morts. N'empêche qu'elle a raflé 2 fois le prix de la journaliste politique la plus lue dans son pays. Craignant pour sa liberté (et peut-être même sa vie), Ece a pris la fuite et continue, à partir de Zagreb en Croatie, ses chroniques pour Le Monde Diplomatique et le Guardian.



Selon le Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ), la Turquie est restée en 2017 le pire geôlier du monde avec 73 journalistes derrière les barreaux. Donc, pour elle rester dans son pays relèverait de la pure insouciance.



Parallèlement, elle a (déjà) publié 12 livres, dont 2 ont été traduits en Français : "À quoi bon la révolution si je ne peux danser", en 2016 et cette année l'ouvrage commenté ici. Ece est également l'auteure d'un roman fort original et intéressant "The Time of Mute Swans" (le temps des cygnes muets), paru le 7-11-2017 et pas encore traduit.



Ece Temelkuran démarre son ouvrage à Istanbul, le 15 juillet 2016, la nuit du fameux coup d'État militaire manquė.

Pour elle "ce n'est pas un coup d'État, nous le savons bien. ...il s'agit d'une mise en scène pour légitimer le régime présidentiel - aux dépens du régime parlementaire - que réclame le président Recep Tayyip Erdoğan..."



Dans ce plutôt long exposé (7 chapitres + une introduction, en tout 315 pages), l'auteure veut mettre en alerte les pays tiers où un mouvement populiste est apparu qui menace plus ou moins sérieusement à bref ou à moyen terme les acquis démocratiques. C'est le cas de la Hongrie de Viktor Orbán par exemple.



Elle met en exergue la référence à ce qui est appelé faussement le "vrai peuple", les gens qui soutiennent les populistes. Il y a 3 ans, le petit rigolo de Nigel Farage parlait aussi de "victoire du vrai peuple" après le stupide référendum du Brexit du 23 juin 2016. Il célébrait d'ailleurs "l'indépendance de l'Angleterre" ( ? !), mais ne mentionnait plus sa promesse que la contribution du Royaume-Uni au budget de l'Union européenne irait maintenant intégralement à la caisse maladie nationale britannique ! Un gros mensonge délibéré, dit nonchalamment en passant, pour influencer le résultat du vote.



En Turquie, le "vrai peuple" ne sont sûrement pas les citadins d'Istanbul et d'Ankara qui osent voter pour un autre parti que l'AKP (Parti de la justice et du développement) du bey Erdoğan ou tout individu critique à l'adresse de l'homme qui contrôle le pays depuis 2003, soit depuis déjà 16 longues années. Pour Erdoğan, le vrai peuple est à l'opposé de ce qu'il qualifie "d'élite oppressive", comme si lui ne serait pas l'oppresseur principal de la nation.



D'après la journaliste turque, les ouvrages de George Orwell et Hannah Arendt se retrouvent de nouveau sur la liste des best-sellers, ce qui est évidemment révélateur. En ce qui concerne "Les origines du totalitarisme" de la grande philosophe allemande, cela se comprend, bien entendu. Et d'Orwell elle fait référence à "1984", "big brother" et le contrôle de la presse par Erdoğan et sa fine équipe.



Un point sur lequel je suis légèrement en désaccord avec Ece Temelkuran se réfère au rôle des personnes. Selon elle, remplacer des Trump, Orbán..... ne changera pas grand-chose, parce qu'ils seront aussitôt succédés par des gugusses du même gabarit. Je pense personnellement que dans la pratique ce n'est pas si facile de trouver des remplaçants qui soient en mesure de continuer purement et simplement la même politique de la même façon.



L'intérêt de cet ouvrage réside à mon avis dans la finesse de la description du système Erdoğan : comment il s'est débrouillé pour assurer la mainmise sur un État dont l'importance stratégique, à cheval entre 2 continents, ne saurait être surévaluée. Tandis que Mustafa Kemal Atatürk (1881-1938) a essayé d'introduire la Turquie dès 1923 dans le monde moderne, Erdoğan lui, préfère un retour en arrière, une politique rétrograde, qui lui permet de maintenir et d'accroître son propre pouvoir. Ses 2 atouts majeurs : l'islam et le populisme.



Une combinaison néfaste (religion + populisme) contre lequel Ece Temelkuran, avec beaucoup de clairvoyance et de fougue, en donnant le triste sort de son pays en exemple, s'insurge et veut éviter qu'un système analogue de gouvernement s'instaure dans d'autres pays occidentaux lors des prochaines élections.

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Comment conduire un pays à sa perte

Lecture de travail pour préparer mon cours de Spé Histoire/Sciences-Po.

Commençons par dire que j'éprouve le plus grand respect pour le combat que mène Ece Temelkuran depuis des années en faveur des libertés et de la cause féminine en Turquie. Je partage avec elle l'avis que le régime autoritaire imposé par Recep Tayyip Erdogan et son parti l'AKP constitue une tragique catastrophe dans la longue histoire de ce pays.

L'auteure est incontestablement une fine analyste de la société et de la politique turques. C'est sur ce sujet que son livre est précieux et particulièrement intéressant. Je reste pourtant sur une semi-déception car le titre m'avait fait espérer une analyse plus structurée et de type plus universitaire. De ce point de vue, si l'approche journalistique est tout à fait percutante pour décrire par petites touches le basculement de la Turquie vers la dictature, la démarche est moins féconde lorsqu'il s'agit d'élargir le sujet à d'autres pays et d'autres situations. En d'autres termes, le livre fait une promesse qu'il ne tient pas vraiment, et à mes yeux il ne réussit pas son pari de l'essai politique capable de transcender les frontières. Ece Temelkuran se montre toujours pertinente et bien informée quand elle parle de la situation turque, mais le lecteur doit en revanche se contenter de papillonner autour de considérations bien plus générales lorsqu'elle tente les comparaisons. Difficile ainsi de dire qu'on trouve dans ces pages une analyse approfondie et structurée du populisme dans ses invariants par delà les particularismes nationaux : piocher des éléments dans les États-Unis de Trump, la Hongrie d'Orban ou la Russie de Poutine (en attendant, on peut le craindre, la France de Le Pen) ne suffit pas à faire un tout. Or il y a incontestablement un tout derrière ces phénomènes...

Lecture très profitable, donc, mais qui n'épuise pas le sujet et devra être complétée par d'autres.
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À quoi bon la révolution si je ne peux danser

Ece Temelkuran est une journaliste turque qui n'hésite pas à mettre le doigt là où cela fait mal et Dieu sait si les agissements du gouvernement de son pays sont de nature à susciter l'indignation. Sauf que ce sont désormais les journaux occidentaux qui la publient tellement ses papiers sont politiquement incorrects pour le pouvoir en place. A quoi bon la révolution si je ne peux danser ne parle de la Turquie qu'incidemment et évoque sur un plan plus large le statut des femmes dans les pays qui ont vécu les printemps arabes. On est très vite embarqué dans une road story, de la Tunisie au Liban en passant par la Libye et l'Egypte. Autant dire que le voyage ne manque pas d'attraits, du moins dans ses premières pages. Hélas, à mesure que les kilomètres et les pages défilent, une certaine lassitude s'installe. Est-ce à cause de l'écriture, à mi-chemin entre le réalisme et le symbolisme, ou bien de la personnalité fuyante de ses héroïnes qui cachent chacune un secret, ou plusieurs, qui nous les rendent malaisées à comprendre ? Il y a un côté Shéhérazade dans le roman d'Ece Temelkuran et beaucoup de péripéties qui surchargent le livre beaucoup trop dense et épuisant pour la patience du lecteur.
Lien : http://cin-phile-m-----tait-..
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Comment conduire un pays à sa perte

Le 28 mai dernier, Erdoğan et son parti ont remporté les élections présidentielles et législatives en Turquie. De nombreux observateurs et simples citoyens, dans ce pays et en Europe, ont été surpris de ce résultat, voire scandalisés. Ainsi donc, une crise financière de proportions historiquement inégalées, pas plus que la catastrophe du séisme dans le Sud-Est, géré de manière criminelle et ayant révélé des malversations systématiques dans le secteur du bâtiment, dans la concession des permis de construire en dépit de la législation anti-sismique, ni même l'état physique-sanitaire très diminué d'Erdoğan n'ont eu raison de son régime, devenu progressivement dictatorial au cours des vingt dernières années. Si des fraudes électorales se sont produites, elles n'ont pas non plus été déterminantes cette fois-ci. On dirait que, dans certaines circonstances qui ne sont pas sans rapport avec la notion même de « régime », quels que soient le contexte économique et les politiques mises en place par le gouvernement, un certain blocage de la macro-structure composée par une petite majorité de l'électorat et par le pouvoir dans son ensemble (pouvoir étatique civil et militaire, économique, corps intermédiaires ou ce qui en tient lieu – en Turquie, à mon avis, les sectes religieuses d'abord et surtout) rend inefficaces et caduques les mécanismes de la démocratie représentative.

Essayant d'y voir plus clair avec l'amie de Babelio Bookycooky, nous nous sommes accordés (sur) la lecture commune de cet essai de la journaliste dissidente Ece Temelkuran, publié en anglais en 2019 et aussitôt traduit en français. Rédigé à l'époque où Donald Trump était encore président des États-Unis, où l'actualité britannique était dominée par le Brexit, et où une partie considérable du monde était gouvernée par des leaders populistes de droite, cet essai pose la thèse que la situation politique de la Turquie ne constitue pas une exception, qu'au contraire elle représente et exemplifie un paradigme d'instauration d'une dictature qui, dans un parcours en sept étapes, est redoutablement reproductible par-delà les spécificités des pays en question, y compris leur histoire démocratique et l'apparente solidité de leurs institutions. Ces étapes, qui nomment les chap. du livre, sont : I. « Créer un mouvement », II. « Détraquer la raison et affoler le langage », III. « Dissiper la honte : dans le monde post-vérité, l'immoralité est "hot" », IV. « Démanteler les dispositifs judiciaires et politiques », V. « Façonner ses propres citoyens », VI. « Les laisser rire devant l'horreur », VII. « Construire son propre pays ». Chaque étape est illustrée à la fois par des événements qui se sont produits dans la Turquie d'Erdoğan que dans différents pays gouvernés par des populistes, avec une attention particulière pour Donald Trump ; des anecdotes vécues par Temelkuran, surtout dans l'exercice de sa profession de journaliste politique sont également reportées, qui caractérisent assez précisément sa personnalité, son parcours et son origine socio-familiale. Même si les événements contés ne suivent pas nécessairement une succession chronologique, la progressivité des étapes influe sur le ton de l'autrice : la première moitié du livre est très factuelle et la démonstration est très précise, ensuite le désespoir gagne la narratrice (et le lecteur) à mesure que s'installe le sentiment que la métamorphose du régime et enfin de la société devient irréversible. On comprend très bien ce sentiment, on se laisse persuader notamment par la longue et subtile analyse de la transformation du rire des opposants politiques : pour la Turquie, l'humour grinçant des manifestant du parc Gezi (en 2013) n'est déjà plus le même que l'humour noir des élections de 2015, et ce rire se transforme en un rictus abominable à mesure des persécutions deviennent plus horribles et que l'espoir n'a plus sa place (cf. cit 8). Toutefois, si l'on se laisse entraîner et l'on compatit avec ce crescendo émotionnel, la démonstration de la thèse en est proportionnellement affaiblie, notamment par le fait que nous savons aujourd'hui que le processus n'est pas irréversible, partout et en toute circonstance : Trump a été battu en 2021. Toutefois, en lisant attentivement l'intitulé des étapes, il apparaît assez clairement qu'alors que les trois premières, tout en s'inscrivant dans la longue durée autant que les successives, peuvent se développer avant que les populistes n'accèdent au pouvoir, les quatre dernières requièrent une période d'exercice du pouvoir longue, voire très longue pour la toute dernière, durant laquelle des « anticorps » peuvent heureusement se produire malgré tout, selon les contextes. Les dernières décennies devraient nous avoir appris à nous méfier de tout déterminisme historique dans les théories politiques... Cette éventualité n'est d'ailleurs pas totalement exclue par l'autrice, puisque sa démarche est présentée à plusieurs reprises comme sa propre contribution à enrayer le processus, par la conscientisation et un ultime appel à la création d'un agora mondial, au-delà de la Turquie...
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Comment conduire un pays à sa perte

Particulièrement d'actualité, cet essai assez pointu illustre point par point, chapitre après chapitre, le mécanisme d'apparition du populisme dans le monde.

L'autrice et journaliste turque, opposante au régime d'Erdogan, utilise l'exemple de son pays natal pour mettre en lumière les dérives d'une société devenue insensible, égocentrique et divisée.



Le livre est bien construit et la plume presque romanesque par moment, les réflexions de l'auteure font suite à des citations de personnages publics et de proches l'ayant particulièrement interpellée.

Ce procédé permet ainsi à l'auteure de compiler toutes les manifestations plus ou moins subtiles du populisme dans le langage et les actes d'individus divers, dans le but d'y sensibiliser le lecteur.

Trump, Poutine et autres autocrates sont sur le devant de la scène, leurs actions et discours décortiqués faisant ressortir une multitude de ressemblances frappantes.



La géopolitique et la sociologie m'intéressant bien davantage que la politique politicienne, j'ai trouvé cet ouvrage très enrichissant notamment en ce qui concerne les questions de société.

Les réflexions d'Ece Temelkuran sur le pouvoir du rire dans la résistance populaire, sur la disparition de l'empathie ou la transformation du langage sont aussi angoissantes que stimulantes.



Après avoir dressé un constat des plus pessimiste, la journaliste enjoint le lecteur à rentrer en résistance, à ne plus subir son destin mais bien à agir en s'informant d'abord puis en cultivant l'esprit de solidarité, l'empathie.

Le message final que je retiendrai est celui-ci : la justice sociale et la réduction des inégalités sont le fondement d'une démocratie sereine, les divisions affaiblissent quand l'union fait la force.



Un livre engagé et engageant, dont la lecture est plus que nécessaire aujourd'hui.
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Comment conduire un pays à sa perte

Dans cet ouvrage à la plume engagée, Ece Temelkuran s'évertue à décrire le processus par lequel la Turquie est passée d'un État laïque à un État gouverné par un parti populiste conservateur se réclamant du "vrai peuple" turc. Elle souligne la difficulté à interrompre le cours de tels mouvements, et à tenter d'argumenter face à leurs propos illogiques, paradoxaux, et pourtant totalement assumés.



Dépassant les frontières de la Turquie, l'auteur met en garde les pays occidentaux que se croiraient à l'abri du populisme de droite, et reprend les exemples de l'élection de Trump et du vote du Brexit pour étayer sa "méthodologie" pour faire passer un régime de populiste à dictatorial. La recette : créer un mouvement, qui se distingue d'un parti, forcé de concilier avec la politique existante, manipuler et vider de son sens le langage, jouer sur la honte, démanteler les institutions politiques et judiciaires, ne pas lésiner sur la propagande et sur la figure du "bon citoyen", qui est d'ailleurs très souvent une "bonne citoyenne", les femmes étant des cibles plus faciles au premier abord, puis rire de l'horreur, et enfin modeler son propre pays.



On y apprend donc comment l'AKP a apporté son aide aux défavorisés en échange d'un vote assuré, la mainmise du parti sur l'économie et la fuite des hommes d'affaires refusant la complaisance à l'égard du régime vers Londres et donc la création d'une nouvelle diaspora, la persécution des journalistes et des intellectuels au cours entre autres de simulacres de procès, ou encore un très intéressant questionnement sur l'expression "mon pays", et la manière qu'ont les habitants, ou les exilés, de définir cette patrie dans laquelle ils ne parviennent plus à se reconnaître.



Cet ouvrage fourmille donc d'exemples intéressants, même si j'ai trouvé le style de l'auteur plutôt désagréable, parsemé d'anecdotes ou de citations parfois bancales pour introduire un sujet qui lui tenait à cœur. On demeure glacé le livre refermé, et très triste vis-à-vis de ce que pouvait représenter la Turquie en termes de laïcité à une époque qui semble désormais bien lointaine.
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Comment conduire un pays à sa perte

Dans son nouvel essai « Comment conduire un pays à sa perte – Du populisme à la dictature » paru chez Stock en avril 2019, Ece Temelkuran détaille en sept étapes le processus utilisé par le populisme de droite pour tuer la démocratie .

Au soir du 15 juillet 2016, en Turquie, Ece Temelkuran sait que son pays, la Turquie, vient de sombrer dans la dictature. Alors, telle une Cassandre des temps modernes, elle se demande « Et, moi que puis-je faire ? ».

Du coup, depuis deux ans, de son exil volontaire en Croatie, elle dissèque, analyse, relève les parallèles entre les événements internationaux et l’arrivée de la dictature en Turquie. Appelée pour parler de son engagement et de ses livres, elle témoigne pour que chacun trouve moyen de combattre l’implacable processus.

Car, ce sont les mêmes mécanismes qui sont à l’œuvre : créer un mouvement, dire qu’on parle au nom du « vrai peuple », établir une relation directe avec celui-ci, n’avoir honte de rien, dévaloriser les institutions politiques et judiciaires, définir ce qu’est un vrai citoyen et construire sa dictature. Et, lorsque le rire parait, seule réponse à autant d’horreurs, Ece Temelkuran nous dit qu’ils ont alors gagné ! Ça vous rappelle quelqu’un ? Moi, j’en vois plusieurs …

C’est une lecture nécessaire et un livre important tant la réalité qu’elle décrit nous concerne tous, en tant qu’européens et aussi en tant que citoyens du monde, car son crédo est de dire qu’aucun pays n’est immunisé contre ces dérives autoritaires. Les inégalités néolibérales produisent des ressentis qui, s’ils ne sont pas réellement entendus (et on voit comment en France, la crise des Gilets Jaunes a été gérée…), produiront des citoyens otages d’un mouvement populiste, d’un homme(ou une femme), qui promet de redonner leur fierté. Ece Temelkuran rappelle comme un antidote qu’il faut dire à chacun qu’il est important et qu’il n’a besoin de personne pour lui rappeler sa dignité. En donnant les clefs du schéma de la montée du populisme, Ece Temelkuran donne les moyens de le combattre et de ne pas se laisser faire!

Je vous rassure le ton de ce livre ne ressemble en rien à une thèse: l’auteure en racontant ses souvenirs les entremêlent avec l’actualité mondiale. Du coup, c’est mi- autobiographique, mi- enquête journalistique, mais toujours très pertinent et écrit de façon vivante.

Je remercie très sincèrement Babelio et les Éditions Stock de m’avoir soumis ce livre. Les nombreuses citations doivent permettre à ceux qui les découvriront de comprendre les sept étapes relevées par l’auteur pour aller du populisme vers la dictature.
Lien : https://vagabondageautourdes..
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À quoi bon la révolution si je ne peux danser

Le sujet de ce roman m'attirait, je pensais vraiment en apprendre plus sur le printemps arabe et ses conséquences. Je pensais également en apprendre davantage sur la condition féminine dans différents pays. Le constat est simple : pas vraiment.

J'ai vécu plusieurs faux départs avec ce roman. Je l'ai commencé trois fois, avant de poursuivre, m'attendant à lire autre chose que des promesses.

La narratrice ? On ne sait pas grand'chose d'elle. Elle se contente de raconter et d'écouter. La plupart des chapitres s'ouvrent sur une anticipation, qui gâche un peu la lecture, puisqu'on la retrouve après, dans le bon ordre chronologique, sans que cela ne nous apporte grand'chose. Les fins de chapitres promettent beaucoup aussi, et je n'ai rien vu venir.

Quant aux trois femmes que nous suivons, elles ne sont que des femmes. Amoureuses ? Parfois. Mais l'on ne saura que peu de choses sur les hommes qui les ont aimés - et qu'elles ont aimés aussi, parfois. A force de distiller peu à peu les révélations, voire de refuser de révéler la fin d'une histoire, l'attention du lecteur retombe. Femme fatale ? Madame Lilia en est une, les hommes qu'elle a aimé n'ont pu l'oublier, et le seul qu'elle a vraiment aimé l'a brisée. J'ai presque envie de dire que c'est très classique. Mères ? Non. Là aussi, être mère de personnes que l'on a choisi est vraiment trop classique à mes yeux. Quant au road trip, il m'a paru un peu décousu.

Un rendez-vous manqué.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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Comment conduire un pays à sa perte

Intéressant, sans plus. En regard de ses combats contre les populismes de tout bord et en particulier contre le régime islamiste (pseudo)libéral du président turc Recep Tayyip Erdogan, l’auteure met trop l’accent sur un féminisme de bon aloi – qui au fur et à mesure des pages a de quoi exaspérer tout lecteur un tant soit peu empreint de neutralité et d’objectivité…
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À quoi bon la révolution si je ne peux danser

Je connais Ece Temelkuran en tant que journaliste engagée. Démocrate, femme de gauche, je l'apprécie pour son ton et sa parole toujours libre - ce qui n'est pas chose facile en Turquie. C'est donc avec un certain empressement que j'ai emprunté son premier roman traduit en français. Enthousiaste, heureuse de l'avoir entre les mains, j'ai fini, malheureusement, par ne plus supporter son poids. Je ne l'ai pas aimé. Il est long, lent, lourd, difficile à lire. Je ne comprends pas ce roman, je ne sais pas ce qu'il veut dire, raconter. Je ne sais pas ce qu'Ece Temelkuran a voulu écrire. L'histoire n'a, pour moi, aucun intérêt. Elle m'a ennuyée, agacée. Elle est insipide, assommante. Elle est, à mes yeux, mal racontée, mal écrite, mal construite. C'est, pour moi, une incompréhension totale. Je ne comprends vraiment pas ce qu'à voulu faire l'auteure; auteure dont le travail manque ici de subtilité. J'ai eu l'impression qu'elle voulait "jouer" à l'écrivaine, ses efforts étaient visibles, apparents; ce qui est, pour moi, fort désagréable à lire. Je ne peux conseiller ce roman que j'aurais aimé apprécier.
Lien : http://kanimezin.unblog.fr/2..
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À quoi bon la révolution si je ne peux danser

Le début de ce livre ne m’aura pas du tout atteint, touché, transporté. Je m’attendais sûrement à quelque chose de plus chaleureux, moite, transcendant, je fus déçue par la froideur des phrases, le néant de l’intrigue sur la portion lue et le pessimisme dégagé par les personnages. Après, je ne suis pas une experte dans le genre contemporain, je ne pense pas que mon avis soit réellement à prendre en compte.



Plus d'infos sur ma chronique :)
Lien : http://la-riviere-des-mots.b..
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Comment conduire un pays à sa perte

Un livre absolument passionnant !
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À quoi bon la révolution si je ne peux danser

Quatre femmes embarquent dans un road-movie pour venger l'une d'elle d'un ancien amour déçu.

Ce livre est un conte des milles et une nuit, chaque chapitre vous laisse sur un non dit qui vous incite à continuer. Le récit est loufoque, irréaliste, baroque, on aime ou on abhorre, il faut se laisser porter par une mi-poésie, mi-livre d'aventure à deux sous.

Amira est tunisienne, danseuse, amoureuse femme-enfant et peut être tueuse. Mariam est égyptienne, universitaire spécialiste de Didon, androgyne et cache un mal incurable. Lilla est aussi égyptienne, une vieille dame, une ex-femme fatale, une guerrière. Elle va embarquer ces "dames" dans une quête, une recherche de soi. Quant à l'auteur elle est turque et s'est sauvé de son pays pour fuir la dictature, c'est elle qui raconte, enjolive, manipule le lecteur.

Je me suis laissée porter par cette histoire complètement loufoque.
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À quoi bon la révolution si je ne peux danser

Bavardage ennuyeux, insipide et incohérent qui raconte un pseudo road-movie à ravers plusieurs pays lors des révolutions arabes. Je n'ai pas pu terminer ! A FUIR !
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