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Citations de Eileen Chang (40)


Un pâle soleil avait fait son apparition et se répandait dans l'appartement en lumière bleue, brumeuse comme de la fumée de cigarette. Sur le lit étaient éparpillés des coussins de soie colorée, au chevet il y avait une radio et des magazines, et devant, des mules, un petit tapis rouge et bleu de Pékin et une corbeille à papier en forme de lanterne de palais. Des tables gigognes en acajou sculpté, emboîtées les unes dans les autres. Un masque d'opéra de Pékin suspendu à un angle du mur. Sur la table, une paire de chandeliers d'étain. La pièce était pleine de petites fantaisies, on aurait dit le boudoir d'une prostituée de luxe russe blanche. Des fétus de Chine picorés brin par brin pour bâtir un petit nid sûr et douillet. Le plus raffiné, c'était la série de verres en cristal mauve posés sur la commode, de différentes tailles pour des alcools variés. Ou encore un assortiment de bouteilles parfaitement alignées et fermées par de gros bouchons en forme d'oeuf, en bois laqué de rouge, bleu ou vert. Il y avait aussi, dans la salle de bains, une panoplie d'au moins sept ou huit peignes en verre d'un gris jaunâtre, rangés par ordre de taille, avec des dents qui aillaient s'amincissant. La vision de ces peignes faisait assez mal au coeur, parce que le patron commençait déjà à se dégarnir, il semblait que plus il prendrait un soin jaloux de sa chevelure, plus elle s'éclaircirait au moindre contact, rare et fragile comme des cils.

Extrait de "Ah Hsiao est triste en automne" (L'étuve aux fleurs d'osmanthe)
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Appuyé au rebord de la fenêtre, Liu-yuan tendit une main qu'il posa sur le carreau pour intercepter la vue aux yeux de Lio-su, sans cesser de la regarder avec un sourire. Lio-su baissa la tête. Liu-yuan s'adressa à elle en souriant :
- Vous savez ? Votre talent particulier, c'est de baisser la tête.
Elle releva la tête.
- Pardon ? dit-elle. Je ne comprends pas.
Il reprit :
- Certains ont un talent particulier pour parler, d'autres pour rire, d'autres pour tenir une maison, le vôtre, c'est de baisser la tête.
- Je ne sais rien faire, dit Lio-su, je suis quelqu'un de parfaitement inutile.
- Les femmes inutiles sont de loin les plus redoutables, répondit-il en souriant.
Elle s'éloigna de lui.
- Je ne veux plus parler avec vous, dit-elle en souriant, allons jeter un coup d'oeil à côté.
- A côté ? Dans la chambre de madame Hsu ou dans la mienne ?
Lio-su sursauta de nouveau.
- Vous êtes logé dans la chambre voisine ?
Tout en lui tenant la porte, Liu-yuan répondit :
- Ma chambre est dans une telle pagaille qu'elle ne peut recevoir aucune visite.


Extrait de "Love in a fallen city"
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Madame Liang enfila ses mules, jeta son mégot dans un pot d'azalees, puis elle s'en alla. L'azalee était couverte de fleurs, serrées et denses. Le mégot tomba sur l'une d'entre elles dont les pétales roussirent en un instant.
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Une femme qui, malgré de grandes qualités, ne parvient pas à s'attacher les sentiments de l'autre sexe, ne s'attire pas non plus le respect du sien. Les femmes ont ce rien de bassesse.

Extrait de "Love in a fallen city"
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La vraie vie, la vie humaine faite de chair et de sang, lui faisait peur. Évidemment, les êtres humains sont vivants, même si nous préférons nous en souvenir le moins souvent possible.
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Retrouvez chez vous, s'il vous plaît, un vieux brûle-parfum de famille, tout constellé de vert-de-gris, allumez-y des copeaux d'aloès et écoutez-moi vous raconter une histoire de Hongkong d'avant-guerre : lorsque les copeaux auront fini de brûler, mon histoire, elle aussi, sera terminée.
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- Vous voulez que je sois une femme irréprochable en compagnie d'autrui, et une femme de mauvaise vie en votre compagnie.
Il réfléchit , et répondit:
- Je ne comprends pas.
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Le monde entier paraissait une dent cariee, engourdie et sans grande sensation, hormis une douleur sourde, quand le vent se levait.
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Au même moment retentit une déflagration qui ébranla ciel et terre, le monde entier devint noir, comme pris dans un coffre gigantesque dont le couvercle venait de se rabattre brutalement, avec tout un trousseau de chagrins et de haines inépuisables, en flots chatoyants, enfermé à l'intérieur.
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A se distribuer tous les deux mutuellement des claques, ils attrapèrent le fou rire. Soudain, Lio-Su se sentit offensée, elle se leva et se dirigea vers la pension, et cette fois Liu-Yuanne la suivit pas. Arrivée à couvert sous les arbres, sur un chemin dallé qui passait entre les abris de canisses, elle s'arrêta, secoua le sable de sa courte jupe, se retourna et regarda: Liu-Yuan n'avait pas bougé, il s'était allongé face au ciel, les deux mains croisées derrière le cou, visiblement replongé dans ses rêves ensoleillés, et de nouveau transformé en une feuille qui se dore aux rayons du soleil. Lio-Su regagna l'auberge et se mit à la fenêtre pour regarder à la jumelle: cette fois, quelqu'un était venu s'allonger auprès de lui: une femme, avec une tresse enroulée sur la tête. Sahayini. Même réduite en cendre, Lio-su l'aurait reconnue.
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- Moi-même, je ne me comprends pas - mais je voudrais que vous, vous me compreniez, je voudrais que vous me compreniez !
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Soudain elle se retourne et s'allonge contre lui, le serre dans ses bras à travers la couverture ouatée. Il sort un bras et tend la main pour saisir la sienne. Le regard qu'ils posent l'un sur l'autre est parfaitement lucide et clair. C'est un simple instant de compréhension absolue, pourtant cet instant si court peut leur suffire à vivre en harmonie, ensemble pendant des années.
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Mais oui, (...) je suis une sang-mêlé, moi aussi j'en souffre. Regardez, les seuls partis que nous pourrons trouver, ce sont des garçons comme nous. Certainement pas des Chinois, parce qu'avec notre éducation étrangère nous ne pouvons pas nous entendre avec les Chinois de souche. Pas des étrangers non plus ! Lequel parmi les Blancs qui vivent ici n'a pas de préjugés raciaux ? Et même si l'un d'entre eux voulait un tel mariage, la société s'y opposerait. Celui qui épouse une Orientale, il peut faire une croix sur sa carrière. Personne, de nos jours, ne serait encore assez stupidement romantique pour s'y risquer."(p.69/70)
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L'ère où elle venait d'entrer n'avait plus rien à voir avec son passé, on aurait dit une chanson à la radio, interrompue par des craquements du fait de mauvaises conditions météo : quand cela cesse et que la chanson devrait reprendre, les craquements ont pris fin mais la chanson est terminée, il n'y a plus rien à écouter.
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Liu-Yuan fit une longue pause et resta à contempler, il ressentait la terreur qui surgissait au milieu de la banalité, et se mit à frissonner soudain.
- Maintenant tu dois vraiment me croire, dit-il. "Pour la vie, pour la mort, pour le temps d'une longue séparation", pouvons-nous avoir la capacité d'en décider nous-mêmes ? En plein bombardement, si par malchance...
Lio-su protesta :
- Arrivé là où nous en sommes, tu parles encore de ne pas être en mesure de décider !
- Mais je ne fais pas machine arrière ! Je voulais simplement dire...
Il la regarda, vit son expression, et se ravisa :
- Non, non, je n'ai rien dit.
Ils poursuivirent leur chemin, et il reprit :
- Avec l'intervention divine, nous y sommes pourtant arrivés, à nous aimer !
- Tu m'as déjà dit depuis longtemps que tu m'aimais, répondit Lio-su.
- Cela ne comptait pas, répondit-il en souriant, nous étions trop occupés, alors, à tomber amoureux, comment aurions-nous eu le temps de nous aimer ?

Extrait de "Love in a fallen city"
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"Ça, pour avoir de l'ambiance, il va y en avoir, répondit-elle. Cette bande de gens, avec leurs voix de bambous fendus, un seul d'entre eux qui chante et on dirait qu'il y en a déjà sept ou huit."
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Il faisait sombre maintenant, la lune se levait, toute jaune dans le satin vert jade de la nuit, comme une petite trace de brûlé laissée par une braise d'encens tombée sur un ouvrage de broderie.
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来了! 他太太一点都不同情他! 世上有了太太的男人,似乎都是急切需要别的女人的同情。
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封锁期间的一切,等于没有发生。整个上海打个盹,做了个人不近清理的梦。

(Tout ce qui s'était passé pendant le temps du blocage semblait ne s'être jamais jamais produit. Tout Shanghai avait somnolé et fait un rêve irrationnel)
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Le patron avait raccroché et consultait le calepin où elle notait le numéro des personnes qui appelaient en son absence. Il composa un numéro, mais l'appel n'aboutit pas.
- C'est embêtant, amah ! lui lança-t-il en insistant sur chaque mot. Vous n'écrivez jamais les numéros clairement !
Il avait un doigt levé et l'agitait d'un air menaçant. Les deux mains glissées dans son tablier, Ah Hsiao affichait un sourire écarlate.
Il jeta un coup d'oeil vers le pain que l'enfant avait laissé et Ah Hsiao comprit qu'il la soupçonnait. En fait elle l'avait acheté avec des tickets de pain que la maîtresse de maison d'à côté lui avait donnés parce qu'elle en avait trop. Ah Hsiao piquait un fard avant même que son patron n'ouvre la bouche. Les ménagères de Soochow sont fières, sans même parler de se faire réprimander, elles ne supportent pas le moindre signe de réprobation. Surtout que dès qu'elle rougissait, Ah Hsiao avait l'air d'avoir été giflée, ses pommettes étroites enflaient et se marquaient de stries rouges, comme l'empreinte de cinq doigts. Elle offrait alors le portrait d'une souffre-douleur, ses yeux gracieux et largement fendus semblant s'ouvrir vers un monde lointain où de délicates beauté "charment les oies et les poissons, détrônent la lune et les fleurs."
"J'aurais du mal à en retrouver une comme elle, si je veux qu'elle reste à mon service, il faut que je la soigne", se dit le patron.

Extrait de "Ah Hsiao est triste en automne" (L'étuve aux fleurs d'osmanthe)
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