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Citations de Emil Cioran (2664)


Comme il est agréable de rester ainsi, sans rien faire, et de penser à la fatalité !
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Dans l'histoire de la pensée, je n'ai trouvé aucune catégorie contre laquelle m'appuyer le front.
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Seuls les hommes sans talent tirent les dernières conséquences : le suicide, la sainteté, le vice — autant de formes d'impuissance à s'exprimer. La confession par l'écriture empêche l'agglomération des forces intérieures et leur naufrage dans l'absolu. C'est que le don de révéler le non-dit nous propulse sur le second plan de l'existence. Le drame, au lieu de se dérouler entre l'individu et le monde, se déroule entre l'individu et la feuille qu'il a devant lui. Toute forme de « talent » est une manière de déserter — et d'échouer…
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Le devoir du penseur — comme du poète — n'est pas de corriger, de proposer ni de prophétiser, mais d'être irréductible et irrémédiable comme l'être. Shakespeare ne saurait vieillir, car il traduit ce qu'il y a de précisément implacable dans la nature, création et destruction sans finalité ni résultat. Tout ce qui essaie d'escamoter la mort est voué à une existence purement historique. Les « idéalistes » paraissent nobles et séduisants, mais ils périssent avec l'irréalité de leur monde — tandis que les sceptiques défient le temps, parce que leurs doutes, s'ils ne l'emportent pas sur lui, perdurent tout aussi longtemps. Ainsi comprend-on pourquoi tout en Nietzsche est passé de mode, sauf ses angoisses, sauf l'orgueil de sa solitude, sauf sa négation, sauf ses quelques extases pures, anti-prophétiques, sauf ses idées de maladie et de catastrophe...
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Le jugement que nous formons dans nos années de maturité ne dépend plus des leurres du devenir : la fonction du temps finit par être illusoire, quant au regard que nous posons sur le monde. L'espoir que nourrissent tant de créateurs en quelque chose qui serait essentiellement nouveau nous semble puéril, injustifiable et injustifié. Leur côté négatif — leur étonnement devant l'inévitable — nous le considérons au contraire comme irrécusable. Ils ne nous intéressent plus que lorsqu'ils trahissent leur défaite — devant l'amour, devant les idéaux, devant la mort ; lorsqu'ils sont arrivés à quelque chose, ils se perdent dans l'anonymat ou dans une singularité stérile.
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La rébellion est un signe de vitalité, mais elle trahit aussi un manque d'esprit métaphysique. Nos instincts se soulèvent contre les formes de la vie, parce que notre regard nous a révélé la monotonie incurable du devenir et l'inutilité de tout effort de bigarrure. Notre contact avec le monde est une négation du monde. Nous passons nos premières années de sensations et de pensées en désaccord avec les choses ; la nostalgie ou la passion se consument dans l'attente d'autre chose.
Quand, plus tard, nous voyons trop clairement la vanité de la dépense que nous faisons de nos forces, la rébellion devient froide, lucide, dépouillée de tout acte. Nous laissons alors la place à d'autres. Pourquoi faire obstacle à leur élan avec nos propres révoltes désillusionnées, desséchées comme de la jalousie née sans amour, par simple orgueil ! Les motifs de révolte sont coextensifs au monde. Chaque individu et chaque génération apparaissent comme un capital d'illusions. Une fois ces illusions broyées, tout rentre dans la norme. D'autres continuent à jouer le jeu ; nous ne pouvons plus. C'est que notre raison d'être devient passive. Nous endurons alors — même la vie.
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Dans la confusion générale, seul le vaincu — par la vertu philosophique de la déception — est capable d'objectivité. Toute victoire est signe de fatuité, d'arrogance et de destruction totale de l'horizon intellectuel. Celui à qui rien ne réussit perçoit la connaissance comme seule compensation de son échec. L'être lui a été interdit, mais il l'a reconquis en esprit. Toute défaite est un réveil hors de l'inconscience de la vie, c'est la révélation d'une situation et non une situation créée par un sentiment. Tel est le sens de l'objectivité : une incapacité à participer encore à nous-même, et donc à falsifier la réalité. Devant toute chose nous sommes impartiaux, car nous ne participons plus à rien. Nous voyons tout ce qui se présente à nous avec des yeux qui ne sont plus les nôtres.
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Toi qui a utilisé ton temps à déchiffrer le sens des événements et qui a vu l'inanité de toutes les choses qui naissent et qui meurent, toi qui est mort avec chacune d'entre elles, ta participation à leur déroulement dépouillé de toute raison d'être te rejette en dehors de tout, te voici maintenant l'homme du dehors. Tu ne te trouves plus à l'intérieur d'aucun événement, ni dans la sphère ni dans le piège d'aucune « histoire ». Ta fascination pour les apparences du temps diminue jusqu'à disparaître ; ton âme ne coïncide plus qu'avec elle-même, et maintenant qu'elle n'assimile plus le monde, elle a perdu tout objet. C'est là la victoire du doute en tant que tel, du doute appliqué à n’importe quoi. Toi qui ne portes plus le fardeau de la moindre erreur, te voici finalement devenu l'homme dépourvu de toute conviction.
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Jamais jusqu'à aujourd'hui il n'a existé aucun martyr qui ne soit devenu officiel, ni aucun héroïsme qui n'ait pas été enterré dans une institution. Toutes les souffrances ont finalement été récupérées par l'État ; les visions fantastiques pour lesquelles on a versé un sang absurde ont moisi dans des codes. L'histoire universelle est une succession de mystifications vitales légalisées. Les paragraphes ont tout ingurgité, tout sauf les doutes... Ces derniers seuls y sont extérieurs, comme ceux qui les ont conçus.
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Le besoin de salut engendre autant de mal dans le monde que la tendance à la destruction. Leurs moyens diffèrent, mais les dommages sont identiques. Un homme qui cherche le salut est aussi peu tolérant que celui qui piétine tout. C'est que n'importe quelle visée conduit à la tyrannie. Les crimes commis au nom de l'empire des cieux ne sont pas moins nombreux que ceux commis au nom du paradis terrestre. Exclure quelque chose — en fonction de n'importe quoi — signifie vouloir supprimer automatiquement tout ce qui ne t'appartient pas. Chaque existence porte en elle un fanatisme incurable ; chaque être à soif de victimes.
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Qui est capable de quelque chose est capable de tout. À partir du moment où l'on a fait un pas dans le monde, on a virtuellement adhéré à tout ses aspects.
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Le problème n'est pas tant de savoir comment l'on peut mourir pour quelque chose, que d'expliquer comment l'on peut vivre pour rien. La raison d'être apparente de l'homme est de servir, d'épuiser son ridicule dans un certain but, de se frotter à la bassesse de l'utilité. Tout contribue à l'empêcher de se détacher de toute cible, de s'émanciper de l'utile. Le courage ne consiste pas à faire quelque chose, mais à ne pas le faire ; à refuser de servir, à ne pas vouloir servir. Ou bien à accepter la lutte avec une conscience de suicidaire, et non de héros. — L'humanité a jusqu'à présent assez fait de choses bonnes ou mauvaises pour que l'homme se permette de mettre un point à sa fatigue et à son cynisme.
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Avoir une âme tendancieusement rebelle ; haïr convulsivement les injustices à l’œuvre sous le soleil ; trembler devant le souffle bestial de ses semblables ; être étranglé par le ricanement assassin de la créature et maudire la Création, solidification trop visible de l'idée d'injustice...
Et être empêché par un reste de philosophie et par les enseignements de l'expérience de faire quoi que ce soit, renoncer à l'acte de révolte, capituler dans l'inconsolation ou dans le dans le réconfort de la vacuité.
C'est là toute la contradiction entre la réaction spontanée de ton être et la pétrification qui résulte d'une réflexion désabusée. — Lucifer a été le moins philosophe d'entre tous les anges. Ses ailes n'ont pas connu l'éreintement d'un vol lucide ; ses connaissances n'ont pas épuisé sa fraîcheur, dont émane la naïveté sublime de n'importe quelle contestation. Un ange sans expérience, noble proie de quelque amertume qui n'est pas incurable. Car croire que l'on peut améliorer quelque chose, que la créature et la Création peuvent figurer dans un meilleur ordre, c'est ne connaître la temporalité que dans ce qu'elle a d'amer, et imaginer à son terme une issue qui ne serait pas illusoire. Ses camarades qui sont restés au sein du Tout-Puissant ce sont eux qui ont tout su, parce qu'ils ont connu la vanité de toute tentation : ce sont eux qui se reposent dans le doux sommeil de l'irréparable éternité, gouvernés par la chaleur à jamais insipide, mais sûre, de leurs ailes réactionnaires. Ils logent encore dans le vieux bien divin, qui est notre mal.
Renverser le monde, impossible ; l'accepter, encore moins. Ce conflit est la formule qui résume la vie terrestre, dont le caractère irréparable fait figure de seule solution.
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L'humanité n'existe que dans l'atmosphère douce et clémente du doute. Enveloppant l'âme et le monde dans une toile tendre qui jamais ne s'achève, le doute nous protège contre la brutalité des croyances et contre l'intolérance inhérente à tout délire. Certes, le fanatisme est le moteur de l'histoire, mais le rythme qu'il impose aux événements comme aux gens est payé si cher, et pour un résultat si maigre, qu'une dissolution interminable est infiniment préférable à l'épilepsie éternelle de ce faux renouvellement. Alors que le scepticisme tolère et endure la folie propre à chacun, le fanatisme convertit la furie individuelle en norme. L'instinct convulsif devient autorité ; la pathologie, loi. Qu'il s'agisse de religion, de politique ou de morale, il crée des absolus monstrueux, succédanés sanguinaires de la divinité. Celui qui croit en quelque chose sans réserve ni peur de l'éventualité d'une objection devient l'esclave de sa propre inspiration, ou de sa propre démence — et devient un danger direct pour son entourage. Car seul est véritablement mauvais l'homme qui ne doute pas de sa propre foi, l'homme à qui « la vérité » est apparue par miracle, dans son incapacité à jauger les valeurs. Qui ne considère pas son « idéal » sans un sourire ni un ricanement simultanés prend nécessairement place en dehors de l'esprit. Seule une dévotion ironique envers nos ferveurs peut nous sauver de la vulgarité. Par ses conséquences, une foi incontrôlée est plus bestiale que la dernière passion. Celle-ci peut mener au remords ; l'autre mène assurément à l'intolérance. Ainsi y a-t-il dans toute adhésion à la vie un côté abject...
Dans n'importe quel idéal, il y a quelque chose d'indécent.
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Dieu est une maladie du cœur. Notre besoin de trouver de l'aide a conçu ce soutien incertain qui conforte les êtres faibles et impuissants dans leur faiblesse. Les forts — ceux qui portent sur leur dos leurs incertitudes, ceux qui ont du courage dans leur absence de fondement — se trouvent toujours en dehors de Lui ; ils vivent sans la superstition d'aucune majuscule. […] La diversité des formules par lesquelles nous exprimons le bien suprême reflète sous sa véracité apparente un même élan, en profondeur. Dieu ou les dieux ; l'État ou la civilisation ; l'autorité ou le progrès ; une nation, une classe ou bien un individu ; l'immortalité ou le paradis terrestre — autant de visage de l'éternel Veau d'or. Le désir d'isoler un concept hors d'une suite abstraite, ou bien un objet hors du monde concret, et de le couronner d'une majuscule, est le fruit d'une soif profonde ; son résultat : l'Histoire. De la chaîne universelle des êtres et des choses, quelqu'un ou quelque chose doit s'extraire et s'élever à l'indépendance ; il faut qu'un chaînon ne soit plus attaché aux autres. Ainsi le cœur proteste-t-il contre le déterminisme. Il crée un symbole de liberté dont tout dépend. De la sorte, il assure son confort dans le cosmos et trompe sa faiblesse. […] En Dieu nous ne faisons que fuir la lumière incurable et stérile de ce monde, nous nous réfugions dans une obscurité chaude et germinative, productive à l'infini et inaccessible, nous nous défendons contre les tentations qui nous mangent et nous rongent, qui nous révéleraient une vérité irrespirable et un ciel sans consolation. La force nous manque pour endurer l'épreuve des visions lucides. La santé parfaite de la raison qui en toute chose contemple le rien, l'esprit qui fraternise avec le vide à l'entour — sont fatals à l'âme. Aussi enfante-t-elle Dieu et tous ses succédanés terrestres, pour garder son équilibre, lequel n'est, à la lumière de la raison, que déficience et construction démente.
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Sans application, sans sueur, sans l'insouciance d'un métier ni d'un « idéal », sur une terre devenue vide comme un éden sans extase, chaque instant prendrait les dimensions d'un interminable cauchemar. L'homme doit faire pour ne pas voir ; n'importe quoi est préférable au tout ; l'acte est le signe par lequel l'âme vainc et étouffe l'infini.
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Dans la misère, l'homme désire l'indispensable ; s'il a l'indispensable, il désire le nécessaire ; s'il a le nécessaire, il désire le superflu ; s'il a le superflu, il désire le vice — d'où il retombe dans la misère. Tel est le cycle de chaque individu isolé comme de l'humanité en général.
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Es-tu triste, la terre et le ciel sont tristes ; es-tu joyeux, toute la matière rit avec toi. L'âme généralise à une vitesse jamais atteinte par aucune déduction ; un frémissement amène des conclusions devant lesquelles un syllogisme recule. Ce qu'il y a de plus subjectif en nous devient comme par magie la loi et la matière du monde ; nos caprices colorent les choses plus vite et plus violemment que tout enseignement, si précis soit-il, à leur sujet, et dans l'effervescence d'une lubie l'univers s'allume et s'éteint avec une gratuité subite qui effraie même le complice d'un hasard diabolique. L'âme se choie elle-même dans sa propre substance, avec une indécence inspirée ; du point de vue de l'ordre rationnel, c'est une catin sublime, qui enfreint par ses excès les mœurs de l'esprit et qui souille la bienséance de la clarté.
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Quand, dans ta marche parmi les humains, tu en viens, d'injustice en injustice, à comprendre l'Injustice même, son accablante immensité te rend trop anarchiste pour croire encore à l'anarchie. Tu rêves alors d'un Diable technicien sans limite, qui glisserait un explosif dans la matière et d'une allumette salutaire la renverrait au néant hors duquel elle a pris corps. Du principe du Bien nous n'avons plus rien à espérer. Car ce Dieu ressemble à une taupe qui s'est soustraite à la lumière qu'Elle a créée, et qui l'a confié au Malin, lequel s'en est lassé.
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L'histoire de la matière était anonyme et dépourvue de date jusqu'à l'apparition de la douleur. Celle-ci est le seul événement qui nous permette de distinguer les moments du temps ; sans cela, ils demeurent indistincts, vides et insipides. Privé de chronologie, l'éden se transforme en un symbole vide, car nous n'avons pas la faculté de nous représenter comme réelle l'absence de toute souffrance. Comment forgerions-nous l'image d'une vie qui ne se contredirait pas elle-même, ou l'extase intemporelle d'une existence qui serait en paix avec sa propre identité ? La douleur est le souffle génial de la matière, la tentation luciférienne dans la banalité de l'éternité, le temps qui naît du spasme de ses instants et qui s'en isole et les dépasse, une différence de niveau au sein de la tentation de la continuité propre à la médiocrité cosmique ; la douleur est l'angoisse qu'inspire le monde homogène des anges, l'angoisse née de leur fidélité, qui ne connaît ni lassitude ni sarcasme ; la douleur est enfin la forme suprême de l'imagination de la matière, laquelle fait du tourment une aspiration pour ne pas s'annuler dans le Paradis triste et monotone de la supériorité sur le péché.
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