Citations de Fabrice Lardreau (32)
L'ensauvagement a débuté sur la grande boucle où les premiers signaux sont rapidement devenus palpable. Dès la semaine suivant les attentats, des herbes adventices ont surgi à travers les fissures, les interstices et, utilisant parfois les passages les plus ténus, insoupçonnables, ont pris possession du territoire.
Il avait tout lu sur le sujet, dévorant récits, romans et monographies, traquant le moindre article : il était incollable et m'a vite initié.
Si j'ai bien compris, le terme (sauvagine) englobe les animaux surgissant au crépuscule, oiseaux sauvages, carnassiers à fourrure comme la martre, l'hermine et, bien sûr, le renard ...
Portrait de Pascal Bruckner :
"J'adore les tempêtes de neige. J'éprouve dans ces circonstances une sensation euphorique - à condition évidemment que la vie ne soit pas mise en danger." Et de raconter ces nuits d'hiver, en Autriche, pendant lesquelles le vent soufflait des heures, le bonheur de se sentir isolé du monde, dans une ruche, puis la joie profonde, au petit matin, de se reveiller devant un paysage gris-blanc où tous les reliefs étaient estompés.
« Comme quoi, des fantômes de Gogol aux épaules de Spiderman, de l’Empire russe à la Grosse Pomme, il n’y a qu’un pas. »
Ma seule bouffée révolutionnaire avait jailli lors d'un passage à la Fête de l'Humanité - concert calamiteux, soit dit en passant, sur une scène alternative, un jour de pluie, pendant lequel ma batterie s'était renversée. En brave judéo-chrétien, je pensais, que dis-je, j'étais certain qu'un travail acharné ouvrirait toutes les portes. Fatale erreur. Qu'as tu fait de ton talent, mon cher Petrovitch ? Et la chance, y as-tu pensé ? tu crois encore à la justice divine ? Aux récompenses de fin d'année ? Allons donc !
« La guerre au métissage est la clé de voûte du système : c’est en se mélangeant que les êtres, les œuvres ou les sociétés déclinent. Ce qui vaut pour l’humain ou l’écosystème s’applique à la musique, à la peinture et à la littérature. Retrouver la pureté originelle, le monde d’avant, voici le problème et la solution, disent-ils. » (p. 62)
"Savez-vous pourquoi on vous a affectés dans la promotion Spiderman ?"
Notre formateur a entamé son cours, ce matin par cette question. Un grand silence. Même le fayot s'abstenait de répondre.
« Le nouveau régime a-t-il aussi l’ambition de remodeler la Terre ? Le centre de plusieurs villes du pays, dont l’architecture était jugée d’influence norda, a été totalement rasée et reconstruit selon les normes : la cité est notre reflet. » (p. 113)
« Les gouvernements qui s’en prennent aux immigrés et, peu à peu, dans l’hypocrisie la plus totale, sous prétexte de leur « couper l’herbe sous le pied » disent-ils, d’éviter l’avènement d’une dictature, imitent les extrémistes. » (p. 38)
« L’immigration zéro, la lutte contre le terrorisme et la politique familiale sont devenus des modèles pour de nombreux pays. » (p. 25)
Une autre face de l'inhabitable... Comme la mer et le désert, explique Michel Serres, la haute montagne est une manière de découvrir le monde tel qu'il est, sans présence humaine, l'inhabité.
Je couche avec Spiderman, enfin, pour être un peu plus précis, et Dieu sait qu'il faut l'être en ce monde, la précision est une vertu, une bénédiction moderne, je dors, toujours sur le ventre, la tête tournée vers l'est, dans une position vaguement fœtale, à la perpendiculaire de son épaule gauche.
Tout d’abord, le nouveau contexte : la sauvagerie urbaine. Devenu ennemi public numéro un, le Roux électrisait les Lutétiens, notamment les banlieues. Objet de haine et de convoitise (sa fourrure se vendait à bon prix), il était insulté, pourchassé, traqué sans relâche. Goupil avait réveillé quelque chose chez mes concitoyens : le goût du sang, le besoin d’action, l'envie de remettre les corps en jeu. C’était une occasion inespérée, d’une certaine façon : la ville les avait castrés, anesthésiés. Lassés du béton, des centres commerciaux et des zones climatisées, ils dépérissaient. L’ennui infectait les banlieusards et, désormais, une violence illimitée semblait l'ultime remède : elle seule les sortirait du monde civilisé. ils retrouveraient leur animalité, et, par là même, un soupçon d'humanité. Qui sait ?
Lundi 1er décembre à 10 h 18, une dépêche AFP fut diffusée :
LAMMARTIN VA FAIRE SÉCESSION
À l’issue d’un conseil municipal extraordinaire, Lammartin, commune de 288 habitants située dans le département Nord-Est, a annoncé qu’elle reniait toute appartenance à la France et allait faire sécession.
Vous vous rendez compte que ce type, ce sale type qui a empoché l'année dernière deux millions d'euros de stock-options- deux millions notez bien!, exploite ces pauvres gens à longueur d'année pour des salaires de misère ! Maupertuis est un prédateur de la pire espèce, un nuisible et un hypocrite...
Version rupestre de Terminator; mi-robot, mi-animal, il est sensible au mouvement, doté d'une ouïe extraordinaire et d'une vue nocturne hors norme - le fameux tapetum lucidum. (...) cette membrane supplémentaire qui réfléchit à nouveau la lumière à travers l'œil...
« Notre pays a toujours hésité entre une politique d’assimilation et semi-autonomie à l’égard de la République du Nord. » (p. 69)
Cette mise à nu inquiète. Plusieurs ONG ont récemment dénoncé un risque de pollution: la terre extraite pour le Grand Métro contiendrait des métaux lourds. Un militant écologiste a même affirmé qu'avec la pluie, ces particules issues des pro fondeurs pourraient contaminer les nappes phréatiques via un « phénomène de ruissellement ». Nous avons dû intervenir. On ne peut pas tout laisser dire, quand même... À écouter ce mon sieur, la Compagnie aurait commis une faute technique, mais aussi morale, mettant en présence des strates de temps ennemies, organes incompatibles et inflammables.
Goupil avait réveillé quelque chose chez mes concitoyens : le goût du sang, le besoin d'action, l'envie de remettre les corps en jeu. C'était une occasion inespérée, d'une certaine façon : la ville les avait castrés, anesthésiés. Lassés du béton, des centres commerciaux et des zones climatisées, ils dépérissaient. L'ennui infectait les banlieusards et, désormais, une violence illimitée semblait l'ultime remède : elle seule restaurerait leur santé mentale, elle seule les sortirait du monde civilisé. Ils retrouveraient leur animalité, et, par là même, un soupçon d'humanité. Qui sait ?
A quoi ressemblait le premier d'entre eux ? Comment est-il parvenu ici ? J'ai souvent imaginé son aventure, me racontant le monde d'avant. Difficile de nos jours, d'imaginer une ville sans renards, une cité sans la horde. Ce temps, heureux pour les uns, maudit pour les autres, a pourtant existé.