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Critiques de Fawaz Hussain (50)
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A mon père, mon repère

« Je continuerai à espérer des jours meilleurs pour l'humanité. Je me comporterai comme Maurice Zilberstein, ce vieux juif qui depuis plus de soixante ans va prier deux fois par jour au Mur des Lamentations. Emerveillée par une telle constance, une jeune journaliste venue d'une chaîne américaine va le trouver. Eh quoi ! Prier depuis tant d'années ! Que demande-t-il donc ? le vieil homme répond : « Je prie pour la paix entre les chrétiens, les juifs et les musulmans. Je prie pour la fin de toutes les guerres et de la haine. Je prie pour que nos enfants grandissent en sécurité et deviennent des adultes responsables qui aiment leur prochain ». La journaliste lui demande alors ce qu'il ressent après soixante ans de prières. La réponse du vieux Zilberstein est un chef-d'oeuvre à la fois de sagesse orientale et d'humour juif. Comme s'il avait l'habitude de répondre à ce genre de question, il dit « j'ai l'impression de parler à un mur ! ».



Confiné entre les quatre murs (ah !!!) de son appartement parisien du 20éme arrondissement, le calme, la solitude incite Fawaz Hussain à la méditation, à l'introspection. Dans cet immeuble de briques rouges cohabite tout un monde issu des quatre coins du globe. L'auteur pose un regard empreint de tendresse autour de lui, sur son quartier, sur ses voisins. Il revient sur cette période compliquée, crise sanitaire oblige, et sur tout son cortège d'incohérences, d'avalanches d'informations anxiogènes se contredisant les unes les autres, sur des statistiques en chaîne, sur un traitement médiatique désastreux, entraînant des effets dévastateurs sur la santé psychologique de certaines personnes, alimentant ainsi le repli sur soi sans parler du désastre économique. Eprouvante période où nous nous sommes tous retrouvés projetés, ballotés d'un avis d'expert à un autre, de quoi être totalement déboussolé ce qui fait dire à l'auteur « Si je me montre critique à mon tour envers la gestion de cette crise, c'est que je m'inclus dans cette vieille nation que j'aime ». Merci Fawaz Hussain pour ce sentiment d'unité.



Dans la solitude de l'exil, comment se maintenir lucide au milieu de cette tourmente, à qui peut-on se confier quand tout devient autour de vous aussi confus. D'où ce très joli titre « A mon père, ce repère ».

Fawaz écrit à son père. C'est comme une nécessité impérieuse, un besoin de retrouver, de sentir le contact indicible de cet homme qui a toujours été une référence, un sémaphore qui indique la bonne direction même si ce père n'est plus, il y a tous ces souvenirs qui sont là, tapis au fond de la mémoire, alors Fawaz Hussain cherche à esquisser le portrait de son père dans son silence intérieur, à rassembler les morceaux épars de la personnalité de celui-ci qui seraient un peu comme des bittes d'amarrage lorsque l'homme désemparé se compare à un bateau en proie aux vagues successives que vous imposent une pandémie. « Etre ensemble contre vents et marées ».



L'auteur évoque tout à la fois son quotidien parisien, ses amis, Monique la Marseillaise, Martine L ex-assistante juridique, ses voisins de quartier, ses rencontres, la vie de son arrondissement dans cette période difficile. Il raconte simultanément sa vie en Syrie, sa famille, ses racines kurdes. Il revient sur ses échanges avec ses frères. L'évocation de sa famille restée en Syrie est empreinte de tristesse, d'inquiétudes. La dualité de l'auteur se fait sentir, il est comme morcelé entre Paris et Amouda, sa ville. Mais d'écrire à son père lui donne la force de traverser cette épreuve. Son esprit voyage entre les paysages syriens, l'histoire des kurdes, la guerre en Syrie et son effroyable pouvoir de destruction, tout en retraçant un magnifique voyage en Ouzbékistan. Il revit et raconte les grands moments d'émotion intense comme celui vécu au pied du cimetière de la petite bourgade de Khiva en Ouzbékistan.



Tout ce récit est un hommage à son père, disparu, sans qu'ils aient pu profiter pleinement l'un de l'autre. La douleur et les regrets bien que tenus à distance, transparaissent entre les lignes mais la bonté de l'auteur s'exprime clairement. En écrivant cet ouvrage, Fawaz a renouvelé sa piété filiale, celle qu'il taisait mais qui demeurera à jamais « gravée dans le marbre ».



J'ai reçu ce livre dans le cadre d'une masse critique et je tiens à remercier les Editions du Jasmin et Babelio de m'avoir accordé ce livre de Fawaz Hussain qui sera aux Rencontre Méditerranéennes!

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Le Kurde qui regardait passer les nuages



Je remercie chaleureusement les Éditions Zinédi et Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une opération masse critique.



Fawaz Hussain est d'origine kurde, né en 1953 dans le nord-est de la Syrie. Il a obtenu un doctorat en langue et littérature française à la Sorbonne en 1988 et a enseigné le Français en Syrie, en Suède et en France. En Suède, il a été lié au fondateur du roman kurde moderne, Mehmed Uzun, né la même année que lui, mais décédé à l'âge de 54 ans d'un cancer. L'auteur de "La Poursuite de l'ombre" a été un écrivain prolifique. Fawaz Hussain, qui vit actuellement à Paris, a écrit en Kurde et en Français des romans, tels "Le Syrien du septième étage", "Les sables de Mésopotamie". Il a traduit en Kurde ses oeuvres favorites des auteurs français : "L'étranger" d'Albert Camus et de Saint-Exupéry "Le Petit Prince".



"Le Kurde qui regardait passer les nuages" est au choix un roman court ou une nouvelle plutôt longue de 115 pages. Il s'agit d'une histoire racontée à la première personne du singulier. Si ce "Je" représente l'auteur ou est le produit de son imagination, difficile à trancher. Pour les besoins de ma petite chronique, je l'ai baptisé Musa.



À mon avis, c'est avant tout une histoire d'amour, mais malheureusement seulement en sens unique !

En effet, lors d'une exposition à Paris, notre Musa, homme solitaire, rencontre l'artiste peintre Magalie Tenenbaum, d'origine russo-polonaise et juive qui fait des tableaux abstraits des baraquements des camps de concentration nazis. Magalie est une belle rouquine aux yeux verts, au corps svelte et à la démarche féline . Que le solitaire Musa en tombe éperdument amoureux, se comprend, bien entendu.



Au moment où le récit démarre, l'amourette est au point mort et Mussa va consulter son médecin traitant à cause de têtus maux de tête et un début de surdité de l'oreille gauche. Y a-t-il un lien de cause à effet ? Toujours est-il que son toubib lui pose invariablement les mêmes 2 questions : comment est la situation politique au Moyen-Orient et comment va Magalie ?



Pour des analyses approfondies, Musa se rend au service de la sommité médicale, le docteur Babo Bougival à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, mais doit évidemment attendre les résultats de ces analyses. Hôpital que l'auteur qualifie de "sanctuaire dédié à la souffrance humaine et à son soulagement depuis le milieu du XVIIe siècle".



Musa, qui est à la retraite, s'il ne regarde pas passer les nuages à travers les grandes vitres de son HLM au 9e étage d'un quartier populaire du 20e arrondissement de Paris, suit les informations politiques à la télé sur les chaînes françaises et arabes, Al-Djazira et Al-Arabia.

Il n'offre pas une théorie politique d'ensemble, mais lance des pointes à des personnages qu'il a dans le collimateur, tels l'autoproclamé calife Abou Bakr al-Bagdadi de Daech, le sultan Erdoğan de Turquie, Poutine qui défend "bec et ongles" son allié Bachar al-Assad, les Américains en qui on ne peut sûrement pas avoir confiance.



Musa réfléchit que son pays se trouve en plein conflit depuis mars 2011 et que le nombre colossal de réfugiés politiques donne le vertige. Rien qu'en France il y en ait un quart de million de Kurdes (chiffre pour mai 2016). Il sait que les spécialistes pensent qu'il faudrait 25 à 30 ans pour que "le pays panse ses plaies, répare ses infrastructures... et surtout se défasse des haines accumulées".

Musa n'est pas très optimiste et est convaincu que dans cette partie du globe "quand un problème survenait, il ne rencontrait jamais de solution. Il s'aggravait, se compliquait, s'envenimait et s'ajoutait aux autres déjà imbriqués, un vrai casse-tête oriental".



Fawaz Hussain se fait un plaisir de répondre à plusieurs de vos questions :

- pourra Musa un jour rentrer chez lui, au Kurdistan syrien ?

- quel sera le verdict de l'éminent docteur Babo Bougival ?

- est-ce que sa liaison avec Magalie connaîtra une renaissance ?

- ou devra-t-il essayer de gagner le coeur d'une "Marie-Chantal de La Rochefoucauld, Catherine de Montespan, Cécile de la Boétie" ou se contenter d'une Fatima, Aïcha ou Tassadit "vivant dans des trous perdus" ?

- ou tout simplement rester seul ?



Je termine où l'auteur avait commencé, chez le grand poète maudit Charles Baudelaire en 1869 et une partie de ses "Petits poèmes en prose" :

- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?

- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... les merveilleux nuages !"

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Le Kurde qui regardait passer les nuages

Depuis son appartement au 7ème étage d'un HLM parisien, le narrateur – le Kurde du titre – regarde passer les nuages. De jolis moutons blancs dans l'azur en nuées grises et plombées, son esprit et son humeur vagabondent au gré de ses souvenirs. Arrivé en France pour y faire ses études, il est aujourd'hui retraité, un peu solitaire, un peu désabusé. Il se remémore son pays tourmenté depuis si longtemps, l'effervescence de ses années d'études à Paris, la solidarité avec les autre Kurdes émigrés. Il se rappelle surtout son histoire d'amour (récente) avec Magalie, une artiste-peintre dont les grands-parents juifs ont été tués par les nazis, et qui n'a de cesse de reproduire à l'infini les baraquements des camps de concentration dans ses tableaux abstraits. Mais Magalie est une parenthèse désormais refermée, et depuis lors la vie de notre Kurde, comme son récit, semble se répéter. 115 pages, 4 parties qui toutes commencent par un rendez-vous médical, précédé ou suivi de déambulations dans les couloirs d'un hôpital labyrinthique, qui le ramènent, allez savoir pourquoi, à l'histoire tortueuse de son pays et à celle d'un ami kurde qu'il a aidé à obtenir l'asile en France. Puis, inévitablement, de retour à son appartement, il repense à Magalie, et espère. Qui sait, peut-être, un jour,...

Tout en sobriété, léger comme de l'ouate ou comme le coeur d'un amoureux, ou sombre comme un jour sans paix, "le Kurde qui regardait passer les nuages" rappelle le triste sort des habitants de cette région du monde, tyrannisés par les terroristes de l'Etat islamique et coincés entre leurs encombrants voisins turc et syrien, plus ou moins manipulés par leurs alliés respectifs. Ce texte très court, teinté d'humour, est pétri de nostalgie pour le pays, la jeunesse et l'amour perdus. Mais qu'importe la perte s'il y a le souvenir, et les nuages : "Sans regretter le moins du monde la "parenthèse" Magalie Tennenbaum, j'allais continuer à l'aimer et à regarder passer les nuages. Oh, la chance que j'avais ! Les quatre fenêtres de mon appartement du septième étage m'offraient une vue imprenable sur le vaste ciel, ses signes fébriles, et ses nuages sans fin."



En partenariat avec les Editions Zinédi via une opération Masse Critique de Babelio.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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A mon père, mon repère

Rentrée littéraire 2021

Un récit, comme une longue lettre écrite par Fawaz Hussain, à son père, un vibrant hommage filial , c’est aussi un exutoire littéraire pathétique pour s’évader d’un quotidien parisien devenu, au fil des jours, atone puis douloureux, torturant, mortifère  : les confinements à répétition liés à la pandémie , l’angoisse d’être contaminé par la covid, les grèves multiples , autant d’obstacles réitérés qui se dressent entre les hommes de bonne volonté , les empêchant de communiquer, de se fréquenter, d’échanger, moments douloureux qui n’empêchent pas les attentions amicales , les petits gestes de solidarité, de complicité, de fraternité.

Le fils se confie à son père , il lui raconte son environnement habituel, ses voisins, dans ce XXème arrondissement , melting-pot- animé, tout à la fois, interlope , coloré, sympathique.

Il lui dit aussi ses états d’âme, sa nostalgie, égrène leurs souvenirs heureux, révèle ses regrets de n’avoir pas pu vivre plus intensément à ses côtés pour mieux le connaître, pour recueillir, se nourrir de plus de racines familiales paternelles.

Ce livre-épître est aussi l’occasion d’évoquer l’histoire de ce peuple kurde éclaté, privé d’un territoire souverain, leur diaspora, les exactions dont les Kurdes sont victimes, leur exil sans fin…

Une missive, ardente, touchante, d’une grande sensibilité, où affleure l’humour, l’humanité camusienne dont Fawaz est forgé . Une narration qui redonne vie lumineuse à ce père disparu en 2000, à l’âge de quatre-vingt quinze ans. Une lecture ressourçante, instructive, dépaysante qui invite à espérer.

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Murcie, sur les pas d'Ibn Arabi

Dans ce roman (comme pour bien d' autres me semble-t-il) Fawaz Hussain se glisse dans la peau du narrateur Hajari Faramarz, gémellité multiple : ainsi comme lui, il est Kurde, comme lui venu du Nord-Est de la Syrie, tout comme lui enseignant le français…

Hajari, auteur d’un roman « le souffle du silex » est invité par Fulgencia ( prénom désuet " la brillante", en latin) pour participer à un colloque à Murcie sur l’exil .Trois jours , tous frais payés pour rencontrer aussi Ibn Arabi (1165 – 1240)  ouléma, juriste, soufi, métaphysicien  philosophe et merveilleux poète, murcien comme elle, ayant vécu, comme lui, en Syrie ( mort à Damas) .

Voyage réel, rencontres fantasmagoriques ?

Déambulation mystique dans les dédales de la ville, pour retrouver traces de ce personnage dont les œuvres font l’objet de centaines de mémoires et de thèses en Espagne, promenade touristique, historique,cheminement intellectuel pour revivre quelques rêves, pour se confronter à la nostalgie.



Un roman à la sagesse riante, pétrit de poésie et d’humour. Un beau voyage. J'ai humé , moi aussi , avec ferveur, le parfum à la fois subtil et volumineux des citronniers.



Avec mes remerciements à Babelio et aux éditions du Jasmin.



J'ai découvert cet auteur avec une certaine émotion et suis ravie de savoir qu'il est le traducteur de Camus en kurde. Un grand grand merci Monsieur Fawaz pour permettre ainsi, de faire connaître et promouvoir l'oeuvre camusienne parmi le peuple Kurde.
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Le Syrien du septième étage

Fawaz Hussain raconte, sous forme de saynètes bigarrées , son quotidien, immergé dans ce Paris cosmopolite , ce qu'il voit, ce qu'il entend, ce qu'il pressent, sa cohabitation avec ses voisins venus de tous les horizons, dans cette tour HLM , qu'il compare avec humour à la tour de Babel . C'est à la fois drôle, mais aussi émouvant, pathétique. Tantôt sa plume s 'exalte dans une fantaisie poétique généreuse , tantôt elle redevient chagrine, chafouine, mélancolique, nostalgique, tragique quand elle évoque la routine de la vie, la guerre, les exactions , les destructions , la tristesse de la ville sous la pluie, la douleur de la séparation, la misère ambiante . Mais Fawaz sait aussi rêver, imaginer, pour s'échapper de ces effluences mortifères ,dessinant ainsi un coin de ciel bleu dans la grisaille parisienne.

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Le Kurde qui regardait passer les nuages

Un roman autobiographique qui ouvre le coeur, et nous montre des bribes de ce qui se trouve derrière cette ligne d'horizon qui nous nargue en permanence, des nuages qui surplombent des paysages, des parfums, des souvenirs…



Mr Fawaz Hussain est de naissance kurde syrien, la politique les ayant désignés, lui et les siens, étrangers sur la terre qui les a vu naître, il a du s'exiler et a atterri en France plus précisément à Paris où il rencontre et expérimente des pans de la vie sociale. Car être étranger, exilé, c'est être en un lieu où les liens avec le sol et avec les êtres aimés sont rompus momentanément ou définitivement de manière physique mais intensifié par le cœur, l'absence renforce et uni autrement.



Avec poésie, observations, amour, humanité et humour on le suit dans Paris:

Liens d'amour

Lien de sang

Lien fraternel et amicaux

Lien d'humanité dans un monde qui va parfois cahin-caha.



Existence croisée avec d'autres, regards sur le monde et adaptations à l'existence, dont celles de son compatriote Azad Berwari, de Magalie, ….



Les médias nous montrent régulièrement l'horreur de combat dans un ‘ailleurs', mais ne nous montre pas les tombes d'aïeux qui ne sont plus visitées par l'interdiction d'être dans un lieu donné, des terrains de jeux d'enfants toujours vivant dans les mémoires, ni la nouvelle lecture de la réalité imposée par un déplacement....



Ne connaissant pas l'auteur, j'avais choisi ce roman sur base de la couverture qui me plaisait beaucoup.



Un vif merci à la très humaine plume de Mr Fawaz Hussain, aux éditions Zinédi ainsi qu'à Babelio pour son opération masse critique.

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Orages pèlerins

Dans ce roman, et cela de manière rigoureusement construite (deux parties, une par monde, et quatre chapitres par partie, un par voyageur), nous assistons à la confrontation entre deux mondes bien différents : l’Orient, terre de conflit, de manque d’avenir, à laquelle veulent échapper nos quatre voyageurs, alors que pourtant cette terre est aussi celle du merveilleux, de la magie, et donc du rêve, de l’imaginaire ; l’Occident, la destination rêvée pour nos quatre épris de liberté et d’une vie meilleure, alors qu’au contraire c’est là que se trouvent la véritable violence, le manque d’avenir et le cynisme d’une société de plus en plus autarcique.



Ou comment, par ce roman magnifiquement écrit, qui mime les contrastes entre ces deux univers par le choix même, très différent entre les deux parties, des mots, des couleurs, des phrases, Fawaz Hussain décrit avec beaucoup de justesse l’illusion première, et la réalité tragique finale, pour beaucoup, de l’exil en terre européenne. J’ai adoré, autant dans le fond que sur la forme : une nouvelle belle découverte que cet auteur en somme, que je vais désormais suivre de près.
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les kurdes aussi savent rever

Quatre jeunes Kurdes, vivant dans un pays écartelé entre Syrie, Iran, Turquie et Irak, vivant... la tête pleine de rêves... rêves de liberté, de fortune et d'amour. Objectif : l'Europe et, surtout, Paris, la ville-lumières.



On a donc Sino, de Kotiya, au Kurdistan turc... Grand lecteur du Prince de Machiavel, fils d'un mollah (imam) défroqué qui tire le diable par la queue mais qui, en «fabriquant» des amulettes, arrive à (bien ) s'en sortir et accepte, le gamin ayant décroché son bac, de le laisser partir... avec le secret espoir, bien sûr, de le voir revenir au pays au volant d'une belle voiture et, peut-être même demander en mariage une jouvencelle de la région issue d'une famille aisée et noble.



Il y a Dara, de Taliké, au Kurdistan irakien... Fils unique de la famille, né le 6 mars 1975, le même jour de l'Accord d'Alger qui avait mis fin aux hostilités entre l'Iran et l'Irak et à la révolte kurde.



Il y a Sherko, de Mahabad, au Kurdistan iranien... Né le 1er février, l'année de retour de Khomeini en Iran après quinze ans d'exil. Il voulait mettre fin à une vie dépourvue de sens et il aspirait à vivre heureux «non comme un poisson dans l'eau , mais plutôt comme un toutou choyé dans un appartement somptueux de Paris».



Il y a, enfin, Rustemé Zal, né en Syrie. Marié et père d'enfants qui le comblaient de joie... Il ne supportait pas d'être privé de ses droits civiques et d'être considéré comme un étranger sur le sol où lui et ses ancêtres avaient vu le jour. Tous les quatre ont le même passeur (un métier florissant avec ses rabatteurs !) et empruntent la même filière mise en place par la même organisation.



Pour tout bagage (selon les consignes strictes du passeur !) un maillot de corps, un caleçon, une paire de chaussettes, une chemise de rechange et une trousse contenant le strict minimum pour se raser devant un bout de miroir cassé... et donner une apparence de propreté à son arrivée.



Paris, enfin ! D'autres tracasseries... administratives, surtout pour obtenir le statut de réfugié politique... Quatre aventures humaines douloureuses, émouvantes, avec leurs espoirs de lendemains meilleurs, de rêves inaboutis... Quatre autres histoires qui se croisent mais qui ne se ressemblent pas... avec trois échecs - des décès - et une seule réussite... celle du mieux armé (bachelier et connaisseur de Machiavel... devenu «croque-mort», spécialisé dans les inhumations et les rapatriements des corps de ses compatriotes)... Moralité : l'exil n'est jamais doré pour les damnés. Il est bien souvent mortel !

Un roman certes mais, à travers lui le récit de la «harga» kurde... une région écartelée et écrasée par les dictatures nationalistes et des populations écrasées par la misère... et une Europe idéalisée pas si accueillante que ça !
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Orages pèlerins

Un récit magistral sur l'épopée du peuple kurde à travers ses quatres personnages venu de différente parties d'Orient et qui a l'occasion de leur périple vers l'Europe recompose ce peuple morcelé et apatride qu'est le peuple Kurde .c'est à la fois un récit passionnant et envoûtant .l'auteur a su ménager nos émotions en prenant soins de nous faire survoler la misère et la détresse de ce peuple .Fawaz Hussein nous dépeint un environnement sombre ,lugubre et désolant avec doigté ce qui contraste avec l'optimisme de nos quatres personnages en quête d'un avenir radieux.Il y a aussi une allusion au côté mercantile et para normal de la chose religieuse un monde ou les âmes simples et crédule ne peuvent qui adhérer malheureusement .tout ceci est savamment distillé par l'auteur que je qualifierai d'habile et percutant .Je recommande chaudement cet ouvrage qui vous fera entrer dans un monde envoûtant et Ô combien captivant..
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Les sables de Mésopotamie



Tout l'intérêt de ce livre est d'abord dans le regard de l'enfant sur le monde : un regard qui découvre avec étonnement les bienfaits familiaux, le charme des traditions et les instants volés aux préoccupations étranges des adultes qui, eux, vivent dans un monde tragique et pourtant, parfois, drôle, mais d'un humour intime, à peine marqué dans une image, une rupture de ton, une situation, grâce à ce talent propre à l'écrivain Fawaz Hussain qui est de sourire avec modestie des ratages, des rendez-vous manqués de la vie.

On sent une jubilation à écrire, un goût pour la langue, son véritable pays d'adoption. J'ai lu presque tous ses livres, et celui-ci, enfin en poche, est un des plus réussis, car il incarne la capacité de découverte d'un enfant, et l'acquisition de la sensibilité qui fera sa vocation, ce qui l'appellera : raconter.

L'autre intérêt, et non des moindres, pour nous qui ne savons souvent rien ou presque de ces contrées, hormis le bruit et la fureur qui apparaissent dans nos médias, c'est de voir sous nos yeux se dérouler la vie des kurdes de Syrie, ses rythmes, ses cérémonies intimes ou collectives, ses espoirs. Ce peuple courageux trouve là un émissaire qui, avec élégance, sans esbroufe, partage sa culture avec nous.
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Murcie, sur les pas d'Ibn Arabi

« Un matin du début décembre… » Premier pas, première sensation, premier éclat de lumière. « Murcie sur les pas d'Ibn Arabi » est le levant. Ce récit est un entrelac. A peine romancé, on pressent l'auteur Fawaz Hussain au coeur des pages. Double du narrateur Faramarz Hajari qui conte l'histoire subrepticement. Faramarz Hajari romancier kurde résident à Paris est invité par une femme espagnole méconnue de lui, Fulgencia pour être acteur d'une conférence. Fulgencia désire que Faramarz Hajari énonce Ibn Arabi, que ce dernier soit le liant de son discours. La conférence se situant à Murcie terre natale de Ibn Arabi mais pas que. Cette dernière n'est pas qu'exil, quête et humanisme. Ibn Arabi, Maître du soufisme, modèle donc la conférence. Faramarz Hajari foule Murcie et rassemble l'épars. Symbiose de l'idiosyncrasie espagnole, son habitus, les images chaleureuses ou tourmentées. Ce que ce philosophe théologien a laissé sur les citadelles mystiques, son tracé existentiel indélébile. « Le ballot à l'épaule, Ibn Arabi était un homme dont l'existence n'était que pérégrination. » « Et puis il revoyait souvent des villes qu'il connaissait comme La Mecque, le Caire, Jérusalem et Alep. L'importance de la thématique de la nostalgie dans son oeuvre poétique, aussi impressionnante que ses écrits ésotériques, en témoigne. » Faramarz Hajari s'éveille à propre intériorité, foule les ruelles de ses questionnements. « Sa découverte Akbarienne » « L'unicité de l'Existence » Les similitudes avec Ibn Arabi sont des métamorphoses, une renaissance avérée pour cet homme en recherche parabolique. Ses rencontres avec l'intrigante Elvira, avec Fulgencia, inspirante et grave. Les citrons métaphoriques offerts à Faramarz Hajari sont -ils oecuméniques ? Etant agnostique, rationnel, va -t-il se métamorphoser ? Vivre l'initiation, celle qui ouvre au monde, au partage, à l'accueil universel ? Des croisées des religions qui font de l'homme l'être macrocosme ? On aime plus que tout, les points d'alliage entre Don Quichotte et Ibn Arabi. Tous les deux animés par « L'esprit de la quête ». Les pages philosophiques, paraboliques où l'herbe qui bruisse, l'écho de ces hommes renforcent la symbiose de ce grand livre qui retourne la terre et cherche le sens vrai. « La quête de la transcendance » « Murcie sur les pas d'Ibn Arabi » est un récit dont les degrés sont des invitations. Chacun (e) y trouvera l'écho désiré. Ibn Arabi disait : « Je crois en la religion l'Amour. Où que se dirigent ses caravanes. Car l'amour est ma religion et ma foi. » La littérature est un seuil grandiose. Entrez les amis, l'écoute est noble et apprenante. Ce récit est régénérant, magistral, mémoriel. Publié par les majeures Editions du Jasmin.
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Le Syrien du septième étage

Paris, 20° arrondissement, entre deux boulevards dont celui des Maréchaux, se dresse un immeuble HLM, facilement qualifiable en tour de Babel tant les origines des habitants sont diverses. Des Français, des Maliens, des Maghrébins, un Serbe ou Bosniaque voire Croate, une Tamoule, un Sénégalais, une Russe, celle du premier à laquelle le Syrien du septième étage n'est pas insensible. Mais chaque fois, elle trouve une parade pour ne pas l'inviter.



C'est la vie dans cet immeuble vétuste que le Syrien raconte, mais aussi ses peurs et angoisses face à la situation dans son pays, d'autant plus que sa famille y réside encore.



On n'est pas dans La vie mode d'emploi de Georges Perec, inévitable lorsqu'on parle des habitants d'un immeuble, mais le Syrien fait le tour de tous ses voisins. Les liens qu'il entretient avec eux, ou pas, leurs particularités ethniques mais aussi physiques, leurs traits de caractère. Il raconte aussi les habitués du square pas loin, les commerçants qu'il visite régulièrement de façon tragi-comique.



Tragique parce que le Syrien ne peut s'empêcher de suivre sur les chaînes infos la guerre dans son pays, de constater que le pouvoir ne fléchira pas malgré les nombreux morts et les encore plus nombreux exilés, il est horrifié de voir que Daech détruit des sites remarquables, tue des gens qui n'ont rien demandé que de vivre paisiblement.



Comique parce que ses gentilles tentatives pour séduire sa voisine russe se heurtent à une femme décidée. Parce que certains voisins sont drôles dans leurs habitudes, que leurs dialogues sont parfois surréalistes par manque de compréhension des langages. Mais aussi tragique parce que l'immeuble abrite des gens pauvres, souvent seuls éloignés de leurs pays, de leurs familles qu'ils ne sont pas sûrs de revoir un jour. Tragique parce que leurs vies auraient pu être tout autres dans leurs pays s'ils n'étaient en guerre ou de régimes dictatoriaux ou encore pauvres qui ne peuvent plus nourrir leurs habitants obligés donc d'émigrer sous des cieux a priori plus cléments. La question du déracinement, de la solitude, de la vie loin des siens et de son pays est posée tout au long du roman, elle est centrale.



Fawaz Hussain parle assez peu de racisme tant les origines sont mélangées et la cohabitation marche bien. La solidarité même entre les résidents de l'immeuble, notamment face au bailleur qui traîne à faire les travaux. Un roman des petits moments de tous les jours, du quotidien d'un grand immeuble parisien pas vraiment de haut standing. Belle écriture qui joue avec les mots, les phrases toutes faites, les expressions. Et belle couverture signée le serpent à plumes.
Lien : http://www.lyvres.fr/
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Orages pèlerins

Orages pèlerins Fawaz Hussain / Le serpent à plumes Décembre 2016



Ces « orages pèlerins » sont quatre, quatre kurdes emblèmes de la diaspora kurde, de la résistance d’un peuple épars, pillé, ils viennent des quatre plus importantes communautés kurdes : celles de Syrie, d’Iran, de Turquie et d’Irak. Tous les quatre ont décidé de tenter l’aventure de l’exil, tels des Rastignac de la mondialisation, ils rejouent en mode demandeurs d’asile le fameux « à nous deux, Paris ! ».

Le récit de leurs picaresques périples vers la France constitue la première partie du roman. On les suit chacun à leur tour jusqu’au lieu commun de rendez-vous avec leur passeur : Sino a « pris la décision de quitter la misère kurde, la violence de la Turquie » pour rejoindre une « Europe qui souriait aux entrepreneurs »; Dara, lui, abandonne ses montagnes d’Irak pour « réussir ce grand saut vers l’inconnu…réclamer sa part à la vie», pour lui, Paris est un portrait de femme, une photo/appât du passeur ; Shérko Shikaki, l’iranien, aspire lui « à vivre heureux non comme un poisson dans l’eau mais plutôt comme un toutou choyé dans un appartement somptueux » ; enfin Rustemé Zal, kurde de Syrie c’est à dire « étranger sur le sol où lui et ses ancêtres avaient vu le jour » poursuit son rêve d’un « monde juste ».

Ce qui est retenu, vécu ou rêvé, du parcours de chacun d’eux, illustre un imaginaire collectif des migrants où se mêlent espoirs et peurs, persécutions et projets, un espace mental où l’on choit, où l’on se noie et où, malgré tout, on poursuit le chemin.

L’arrivée à Paris, la vie qu’on tente de se bâtir en France, forment une deuxième partie dans laquelle les illusions viennent se cogner aux réalités triviales du quotidien, une poursuite de l’histoire où le réel agrippe sans ménagement les quatre héros et fait main basse sur leurs rêves. Eux aussi ont donc participé à ce « scénario séculaire », se déplaçant « dans la vie comme des pions sur l’échiquier noir et blanc de l’absurde » selon la formule finale de Fawaz Hussain.

Un personnage secondaire du livre, Ali Réza, tente de maîtriser la place de l’adjectif épithète dans la langue française, comme son ami Shérko tente de maîtriser sa place dans la société française mais voilà il n’y a pas de règle absolue et dans cette grammaire de la géopolitique, les Kurdes depuis si longtemps survivent, tenaces et admirables exceptions. N’est-ce pas là ce que nous disent ces pages alertes d’un auteur pèlerin en voyage permanent entre deux langues ?





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Le Kurde qui regardait passer les nuages

Au détour d’une rue de Paris, d’un café, d’un rendez-vous chez le médecin, Fawaz Hussain entraîne le lecteur sur les chemins de la mémoire. À cœur ouvert.

Fawaz Hussain continue avec ce livre son travail de mémoire. Sans misérabilisme aucun ni pathos, il nous parle, par petites touches légères et dans une langue directe et poétique, du malheur kurde, de son parcours de déraciné, de l'exil, de la difficulté de vieillir, mais aussi de l'amour, et dieu qu'il en parle bien !

« Malgré la distance, pour le moins vertigineuse, qui nous sépare désormais, je parviens à te garder auprès de moi, contre mon épiderme, une pelote de soie tendrement posée sur la poitrine, un moineau confiant dans le creux de ma main, une passion ardente dans le tréfonds de mon âme. Élisant domicile fixe dans ton nom, je me blottis dans la douceur de ses consonnes, je m’étire, comme un chat aboulique dans la mélodie de ses voyelles. »

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Un Kurde à Ithaque

Ce roman m'a pris aux tripes , je ne connaissais pas l'histoire du Kurdistan , sinon de façon nébuleuse , j'ignorais l'ampleur des massacres perpétrés par Saddam Hussein (185000 personnes , un véritable génocide ) , et voilà que j'ai ce livre entre les mains .

Car Fawaz Hussein , l'auteur de "un Kurde à Ithaque" , a vécu dans sa chair le martyre de cette bourgade , Halabja , 5000 personnes massacrées en 5 minutes avec de l'ypérite , le gaz moutarde . Comme des rats , pour éliminer des éléments indésirables . Fawaz Hussein est resté aveugle pendant trois mois , et il a gardé seulement 30 pour cent de ses capacités pulmonaires . Sa famille et sa fiancée ont tous été assassinés , sa ville de naissance a été rayée de la carte .

C'est à un double voyage que l'auteur nous invite , un voyage mémoriel et un voyage à travers l'histoire de la Grèce et de sa mythologie . Fawaz Hussein est un érudit , il connait l'histoire d'Ulysse comme sa poche , il va à la recherche de Pénélope et de Télémaque , tout en sachant que de ces personnages mythiques , il ne reste plus rien , même pas quelques ruines du palais d'Ulysse .

Ce qui est fascinant , c'est qu'il tombe , en allant chez les Hellènes , sur des sirènes grecques tout à fait contemporaines , et dont les noms sont ceux des muses de la mythologie , Calliope , Clio , Euterpe , ne manque qu'Aphrodite .

Puis il y a tous ces noms qui évoquent l'Odyssée , Ménélas , Agamemnon , Hector , le Péloponnèse , Mycènes , ou encore la bataille de Salamine .

Retour en arrière dans la période faste de cette Hellas de Périclès ou d'Alexandre le Grand .

Un ami parisien le surnomme "Kurde atypique , réfugié apolitique et rêveur éthylique" , ce qui n'est pas loin de la vérité , car Fawaz Hussein a adopté la France comme son nouveau pays , et la France l'a adopté . Mais notre Kurde reste toujours entre plusieurs cultures , celle de son Kurdistan irakien , celle de la France , mais aussi la culture hellénique .

Malgré ses désillusions et sa tristesse , Fawaz Hussein garde son humour , cela transparait à chaque page , il n'hésite pas à se moquer des mollahs et de leurs promesses de houris dans l'au-delà .

Son humour est peut-être la lucidité du désespoir .

Merci aux Editions Zinédi et à Babelio sans lesquels je n'aurais pu découvrir un auteur attachant et un roman qui m'a profondément touché .
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Murcie, sur les pas d'Ibn Arabi

Il s'agit ici d'un livre facile à recommander et délicieux à lire. Fawaz Hussein est un auteur remarquable, doté d'un talent fulgurant, qui ne supporte aucune contestation. L'âme généreuse de cet artiste, qui aime écrire à la main, est sans doute la clé qui explique le succès de ses oeuvres. Il se laisse guider par le coeur pour nous offrir les fleurs de l'imaginaire fertile. Le rêve au bout de la plume, il nous invite dans ce dernier livre à un voyage fabuleux qui permet d'explorer une Andalousie harmonieuse, emplie d'énigmes savoureuses...A découvrir absolument. Un livre profond et riche qui éveille l'esprit et ouvre de belles perpectives...
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Le Syrien du septième étage

J'ai reçu ce livre à l'occasion d'une masse critique. C'est un roman très mélancolique, très triste, très désespéré. le narrateur est syrien et vit au 7e étage d'un HLM à la périphérie de Paris. Venu à Paris pour ses études dans les années 70, il était prof dans un lycée, il aimait la vie, avait une compagne japonaise. Mais depuis le début de la guerre en Syrie, le Syrien du 7e étage déprime, il s'est esseulé et éloigné des gens qu'il connaissait et aimait. Sa famille est restée là-bas, sa mère est âgée, il ne peut plus aller lui rendre visite et passe ses journées à regarder la guerre en direct à la télévision. Il s'inquiète, il pense à son pays, il est désœuvré. Sa vie part en déliquescence comme son HLM et son pays. Le narrateur nous fait partager son errance. Il se promène dans les mêmes endroits, croise les mêmes personnes, ressasse les mêmes pensées, les mêmes colères. Il fait la chronique de son immeuble et de son voisinage, il raconte ce qu'il voit, ce qui se passe.



Ce roman donne la parole aux exilés, à la souffrance et la peur que peut apporter la guerre.

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Le rêveur des bords du Tigre

Farzand, la cinquantaine, est un kurde de Syrie. Il est arrivé à Paris il y a 25 ans et rêve de retourner dans son village natal Amoudé. Cependant, cette région est en pleine guerre depuis 2011 et s’y rendre est quasi impossible. Farzand décide de s’en approcher par la Turquie et se rend à Diyarbakir, capitale du Kurdistan de Turquie, au bord du Tigre. Il y fait la connaissance de Mirza, un gamin d’une dizaine d’années, vendeur pauvre de pépins de pastèque bouillis.

Par ce livre, on découvre la situation du peuple kurde, un peuple de 50 millions d’habitants qui n’a jamais eu la chance d’avoir un territoire indépendant. Il est actuellement séparé et une partie du Kurdistan se situe en Turquie, en Syrie, en Iran et en Irak. La lecture de ce livre était d’autant plus émouvante que, ces dernières semaines, les Kurdes de Syrie ont été fortement réprimés par les Turcs du dictateur Erdogan.

Farzand insiste beaucoup sur la culture et plus particulièrement sur la langue kurde qui disparait au profit de la langue de l’occupant turc.

Ce livre m’a beaucoup touché. Le personnage de Farzand est pessimiste sur l’avenir du peuple kurde ; heureusement, la jeunesse de Mirza apparait comme un signe d’espoir.

Le style est assez oriental ; c’est un conte où les oiseaux parlent… C’est une Odyssée kurde. Farzand rentre chez lui après un long exil, tel Ulysse retournant à Ithaque.

Si vous aimez découvrir des peuples meurtris par l’histoire, n’hésitez pas…

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Le rêveur des bords du Tigre

Farzand, kurde d’origine, est porteur d’une filiation silencieuse et rassemble les chaînons de son histoire familiale. Le déraciné quitte Paris pour revoir Amoudé, une ville syrienne à la frontière turque, sous le joug de la guerre civile. C’est à Diyarbakir, capitale du Kurdistan en Turquie qu’on lui souhaite, tel un étranger, la bienvenue. C’est l’ enfant d’une histoire douloureuse, celle d’un peuple éclaté entre plusieurs pays.

Le Kurdistan c’est l’histoire des morts, celle de l’opération Anfal et d’incessants massacres , c’est l’histoire d’ une géographie absente et morcelée . Le narrateur fait résonner la mémoire des lieux et donne corps et décor à des voix silencieuses, comme celles de Stèr et du mystérieux oiseau. À chaque famille, ses fantômes.

La carte postale de Farzand est un chromo bien fatigué « [...] je vis le Tigre charriant ses eaux boueuses et sa résignation face à tant d’injustice. »

Du déracinement au déchirement, notre identité change-t-elle quand nous passons d’un pays à l’autre, d’un monde à l’autre? La déchirure fait de Farzand un oiseau migrateur avec la littérature comme boussole. La littérature est puissante et les petites histoires humanisent cette grande Histoire du Kurdistan, entre poussière et vent. Sa rencontre avec Mirza, jeune vendeur de pépins de pastèque bouillis lui offre l’errance où s’agrègent les réminiscences du Petit Prince de Saint Exupery. Même s’il pressent le cataclysme pour son peuple, l’auteur crie dans ce texte sa confiance en l’imaginaire comme éternel socle commun.

Lire Fawaz Hussain c’est écouter ce que les exilés ont à nous dire avec cette conscience aigüe de la contingence du monde. On ne naît pas seulement d’un père et d’une mère mais d’une histoire. Quand la religion du journaliste est celle de l’individu quelconque, celle de l’auteur fait ressurgir la sève de l’âme kurde. L’exilé attrape des langues en passant. Il dissocie la chose et le mot qui la définit. Ainsi la langue n’est pas fiable, seuls comptent la parole et le récit. Au cœur du déchirement se soulève la question capitale du rapport à langue. Elle devient langue de soumission et du camouflage comme celle du faux sage du caravansérail de Hasan.

Une plume virevoltante entre réminiscences et mystérieux permet une éclatante exploration de la question kurde et celles sous-jacentes de l’exil et de la langue. Le livre se déploie autour des rencontres dans les ruelles d’un pays perdu, le long des eaux tumultueuses du Tigre. Mêlant l’individuel et le collectif, Fawaz Hussain élève la tragédie de son peuple au rang d’un conte universel. De vent et de sable sont les pas de Farzand, il est le voyageur et le chemin, plein de son présent au-dessus de la terre qui le porte, royaume de poussière et de vent.

Le Rêveur des bords du tigre de Fawaz Hussain , Les Escales, Octobre 2017.
Lien : http://lemondedemirontaine.h..
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