Je remercie chaleureusement les Éditions Zinédi et Babelio pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une opération masse critique.
Fawaz Hussain est d'origine kurde, né en 1953 dans le nord-est de la Syrie. Il a obtenu un doctorat en langue et littérature française à la Sorbonne en 1988 et a enseigné le Français en Syrie, en Suède et en France. En Suède, il a été lié au fondateur du roman kurde moderne,
Mehmed Uzun, né la même année que lui, mais décédé à l'âge de 54 ans d'un cancer. L'auteur de "
La Poursuite de l'ombre" a été un écrivain prolifique.
Fawaz Hussain, qui vit actuellement à Paris, a écrit en Kurde et en Français des romans, tels "
Le Syrien du septième étage", "
Les sables de Mésopotamie". Il a traduit en Kurde ses
oeuvres favorites des auteurs français : "
L'étranger" d'
Albert Camus et de
Saint-Exupéry "
Le Petit Prince".
"
Le Kurde qui regardait passer les nuages" est au choix un roman court ou une nouvelle plutôt longue de 115 pages. Il s'agit d'une histoire racontée à la première personne du singulier. Si ce "Je" représente l'auteur ou est le produit de son imagination, difficile à trancher. Pour les besoins de ma petite chronique, je l'ai baptisé Musa.
À mon avis, c'est avant tout une histoire d'amour, mais malheureusement seulement en sens unique !
En effet, lors d'une exposition à Paris, notre Musa, homme solitaire, rencontre l'artiste peintre Magalie Tenenbaum, d'origine russo-polonaise et juive qui fait des tableaux abstraits des baraquements des camps de concentration nazis. Magalie est une belle rouquine aux yeux verts, au corps svelte et à la démarche féline . Que le solitaire Musa en tombe éperdument amoureux, se comprend, bien entendu.
Au moment où le récit démarre, l'amourette est au point mort et Mussa va consulter son médecin traitant à cause de têtus maux de tête et un début de surdité de l'oreille gauche. Y a-t-il un lien de cause à effet ? Toujours est-il que son toubib lui pose invariablement les mêmes 2 questions : comment est la situation politique au Moyen-Orient et comment va Magalie ?
Pour des analyses approfondies, Musa se rend au service de la sommité médicale, le docteur Babo Bougival à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, mais doit évidemment attendre les résultats de ces analyses. Hôpital que l'auteur qualifie de "sanctuaire dédié à la souffrance humaine et à son soulagement depuis le milieu du XVIIe siècle".
Musa, qui est à la retraite, s'il ne regarde pas passer les nuages à travers les grandes vitres de son HLM au 9e étage d'un quartier populaire du 20e arrondissement de Paris, suit les informations politiques à la télé sur les chaînes françaises et arabes, Al-Djazira et Al-Arabia.
Il n'offre pas une théorie politique d'ensemble, mais lance des pointes à des personnages qu'il a dans le collimateur, tels l'autoproclamé calife Abou Bakr al-Bagdadi de Daech, le sultan Erdoğan de Turquie, Poutine qui défend "bec et ongles" son allié Bachar al-Assad, les Américains en qui on ne peut sûrement pas avoir confiance.
Musa réfléchit que son pays se trouve en plein conflit depuis mars 2011 et que le nombre colossal de réfugiés politiques donne le vertige. Rien qu'en France il y en ait un quart de million de Kurdes (chiffre pour mai 2016). Il sait que les spécialistes pensent qu'il faudrait 25 à 30 ans pour que "le pays panse ses plaies, répare ses infrastructures... et surtout se défasse des haines accumulées".
Musa n'est pas très optimiste et est convaincu que dans cette partie du globe "quand un problème survenait, il ne rencontrait jamais de solution. Il s'aggravait, se compliquait, s'envenimait et s'ajoutait aux autres déjà imbriqués, un vrai casse-tête oriental".
Fawaz Hussain se fait un plaisir de répondre à plusieurs de vos questions :
- pourra Musa un jour rentrer chez lui, au Kurdistan syrien ?
- quel sera le verdict de l'éminent docteur Babo Bougival ?
- est-ce que sa liaison avec Magalie connaîtra une renaissance ?
- ou devra-t-il essayer de gagner le coeur d'une "Marie-Chantal de la Rochefoucauld, Catherine de Montespan, Cécile de la Boétie" ou se contenter d'une Fatima, Aïcha ou Tassadit "vivant dans des trous perdus" ?
- ou tout simplement rester seul ?
Je termine où l'auteur avait commencé, chez le grand poète maudit
Charles Baudelaire en 1869 et une partie de ses "
Petits poèmes en prose" :
- Eh ! qu'aimes-tu donc, extraordinaire étranger ?
- J'aime les nuages... les nuages qui passent... là-bas... les merveilleux nuages !"