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Critiques de Forough Farrokhzad (9)
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Je suis la flamme

Opération mass critique littérature : la poétesse iranienne Forough Farrokhzâd, comète littéraire d’un Iran d’avant les turbans.



Décédée au seuil de sa trentaine, dans un accident de voiture, l’actrice et écrivaine reste un symbole de la parenthèse libérale qui précède le régime des Mollah, de ce qu’aurait pu devenir le Moyen-Orient plus généralement, on pense aussi à l’Afghanistan, si la propagande fanatique n’avait pris le dessus sur la multitude des ânes, euh pardon, des âmes (comme disait Anatole France).



“Le désir comme une flamme.” En effet, difficile d’imaginer aujourd’hui l’enseignement dans les écoles persanes d’une poésie féminine libre, non seulement de désirer, mais encore et surtout d’écrire son désir, de mettre l’amour en mots. Car c’est bien de cela qu’il s’agit dans cette courte sélection bilingue, de poèmes enflammés :



“Mon amant

est un homme nu

au pays des merveilles maudites

un homme nu

dernier symbole d’une religion fabuleuse

que j’ai caché

dans le buisson de mes seins”



Dans “Mon Amant”, la poétesse vante “les lignes obliques et impatientes” des “membres insoumis” de l’homme qu’elle aime. Dans “L’Union”, c’est “la chaleur rougeoyante du feu” que Farrokhzâd voit “ondoyer sur tout son corps”, elle constate la “dilatation de l’amour” et abdique face aux voluptés de la passion jusqu’à se “dissoudre sous le souffle de ses caresses”, son écriture suit le “sillon du désir - et ce spasme mortel jusqu’au plus profond de moi” avant de conclure : “comme des fous nous avons vécus l’un dans l’autre tous les instants fugaces de l’union”.



C’est donc une poésie farouchement sensuelle, décoiffée, écrite dans les draps encore tiédis par le troisième péché de six heures et demi du matin. Après l’amour, la poétesse se rêve en “oiseau mortel”, d’incantations en fuites, quelques battements d’ailes suffiront-ils pour ramener cette hirondelle de Téhéran sous le ciel de l’Iran d’aujourd’hui ?



Qu’en pensez-vous ?
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Saison Froide

Iran, 1950, Forough Farrokhzad a 16 ans. C'est une jeune fille de bonne famille dont le destin semble tout tracé. Elle se mariera avec un bon parti, fera des enfants et tiendra bien sa maison. Mais cette vie confortable et sans éclat, la jeune Forough n'en veut pas. Adolescente ombrageuse au fort caractère, elle se refuse à un mariage de raison et obtient d'épouser son cousin dont elle est amoureuse, un poète de 12 ans son aîné, sans fortune. De cet amour naîtra un garçon. Mais très vite Forough, qui a commencé à écrire et à publier ses poèmes se sent à l'étroit dans son couple. Quatre ans après son mariage, les deux époux divorcent donc et Forough obtient enfin cette liberté à laquelle elle a toujours aspiré.



Mais la liberté acquise a toujours un prix, surtout pour une femme. Pour Forough, qui devra abandonner son fils, le prix sera exorbitant et lui laissera une blessure vive, une douleur jamais apaisée. Forough se jette alors à corps perdu dans la vie, les rencontres et l'écriture. Avait-elle le pressentiment d'une mort précoce? Entre 20 et 30 ans, Forough écrit beaucoup et sa poésie s'accorde à sa vie. Au cours de ces années, elle voyage, elle aime, elle expérimente les métiers d'actrice et de réalisatrice. Elle a soif de voir et de connaître le monde. Elle fuit également le pays qui lui vola son fils. Elle réclame l'oubli. "Je m'en vais pour me perdre comme une larme chaude dans les plis de la jupe noire de la vie", écrit-elle. La jeune fille devient femme et s'épanouit tandis que ses poèmes quittent la tradition de la poésie persane très codifiée pour acquérir une liberté de forme et de fond. Sensuelle, rebelle, la poésie de Forough affirme alors le droit à la liberté et le rejet de la société patriarcale. Mais tout s'arrête brutalement le 13 février 1967. Forough meurt dans un accident de voiture. Elle n'avait que 33 ans.



"Saison Froide" regroupe ses derniers poèmes. Ce sont pour moi les plus graves, les plus émouvants et peut-être aussi les plus sincères. La poétesse s'y livre dans une forme libre qui ne s'encombre plus du souci de plaire. Elle creuse sa douleur, celle de l'absence du fils qu'elle n'a plus revu depuis son divorce, celle aussi d'un certain exil volontaire, loin de ses racines et de sa famille.

"C'est une promenade mélancolique

Dans le jardins des souvenirs" qu'elle partage avec son lecteur.



Ces poèmes sont d'une grande sensibilité, presque à fleur de peau et parfois au bord des larmes. Forough souffre depuis toute jeune de troubles bipolaires qui lui font traverser des déserts d'ombre et de glace. Cette souffrance, cette vie qui parfois se met à distance sont la matière de ces poèmes de la saison froide.



"Je parle du fond de la nuit

Je parle du fond de I obscurité

Et je parle du fond de la nuit

Si tu viens chez moi, mon amour,

Apporte-moi la lumière et une lucarne

Pour que je regarde

La foule de la

ruelle heureuse" (Poème "Cadeau")



A cela s'ajoute une colère, celle d'une femme qui n'accepte plus de faire semblant.



"On peut être comme des poupées mécaniques,

Regarder son monde avec deux yeux de verre.

On peut dormir des années dans une boîte de feutre

Avec un corps plein de pailles

Parmi paillettes et voiles.

Et par la pression de n'importe quelle main dévergondée

crier sans raison et dire

Ah que je suis heureuse" (Extrait du poème "Poupée mécanique")



Ces poèmes de la maturité nous laissent imaginer la richesse de ce que Forough aurait encore pu nous offrir. Fauchée en plein élan, sa poésie subversive a fait d'elle, à jamais, une icone féministe. Pourtant, celle qui me touche, ce n'est pas tant la rebelle que cette femme à la fois forte et fragile, cette femme blessée douée d'un incroyable pouvoir de résilience. Avec ses grands yeux couleur de nuit, Forough incarne tout à la fois la liberté des femmes, l'envie d'aimer et le courage d'être soi. Pour de nombreuses femmes, cette liberté est encore un combat à mener tandis que pour d'autres, qui la croyaient acquise, elle se fissure dangereusement. Alors pour toutes, qu'elles soient d'Afghanistan, du Texas ou de la rue d'à côté, la poésie de Forough Farrokhzad libère une formidable énergie, celle de la résistance.



Enfin je tiens à rendre hommage aux traducteurs, Valérie et Kéramat Movallali. Traduire n'est jamais chose aisée, particulièrement lorsqu'il s'agit de poésie et leur approche sensible a, me semble-t-il, su rendre à la poésie de Forough Farrokhzad toute sa fluidité et sa musicalité.

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Je suis la flamme

C'est un pays où toutes les habitantes et habitants connaissent au moins un poème. Un pays où les poèmes sont des choses vivantes, les poètes célébrés. Un pays où la poésie est vénérée.



On se dit que ça doit être un endroit formidable. Et pourtant…



C'est un pays où on obtient le divorce uniquement parce que sa femme écrit son désir:

« je te désire mais jamais je le sais

Contre toi je ne me blottirai

Toi vaste ciel éclatant

Moi dans sa cage oiseau captif »



Un pays où plaisir et péché sont synonymes:



« J'ai péché un péché lourd de plaisir

Dans une étreinte ardente incandescente

J'ai péché dans des bras

D'acier brûlants et triomphants



En un lieu écarté sombre et silencieux

J'ai regardé ses yeux où tremblait un mystère

Mon coeur fébrile a frémi dans ma poitrine

À sentir le désir de ses yeux où tremblait une soif »



C'est un pays où il n'est pas permis d'être poétesse. Pas permis d'être une femme libre. Pas permis non plus d'être femme …



« Cet être marqué au fer du déshonneur, qui se riait

Des sarcasmes absurdes, c'est moi

Je disais « je veux être le cri de ma propre existence »

Hélas ! hélas ! femme je suis »



C'est un pays où on assassine les jeunes femmes parce qu'elles portent des vêtements inappropriés.



Je dis son nom : Mahsa Amini.

Je dis son nom : Mahsa Amini



Mahsa Amini.



Alors à la mémoire de Mahsa Amini je cite Forough Farrokhzad:



« Je boirai de tout mon être assoiffé

Le sang brûlant de tes instants

Je jouirai si fort de toi

Que ton dieu sera fou de rage ! ».

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Je suis la flamme

Forough Farrokhzâd était une poétesse de langue persane des années 50, avant la révolution islamique, de l'époque où les femmes pouvaient se vêtir à l'occidentale, mais elle est décédée jeune, à 32 ans, sans avoir vécu la répression de ses idées.

Car à la lecture de ces poèmes, rassemblés ici par la maison d'édition Maelström Reevolution (que je remercie au passage ainsi que Babelio et sa Masse critique pour cette lecture), on devine une jeune femme intense, passionnée, amoureuse et se rêvant libre dans ses passions.

Son écriture, très moderne, parle d'amour et de sensualité, balance entre culpabilité et revendication et pourrait être celle de n'importe quelle jeune femme amoureuse dans le monde d'aujourd'hui.

Tout jusqu'au titre et l'illustration de couverture résonne de cette intensité, une couverture, au passage, que je trouve très belle, comme tout le recueil d'ailleurs, un bel objet qui présente le texte en alphabet persan d'un côté et dans sa traduction de l'autre.

Cet auteure, dont je n'avais jamais entendu parler, est une figure majeure de la poésie persane, et sachant l'importance de la poésie en Iran, ce n'est pas rien. Je tenterai sans doute de lire d'autres recueils dans le futur.

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La conquête du jardin

Je découvre avec plaisir une poète iranienne qui n’a vécu qu’une trentaine d’années, de janvier 1935 à février 1967 soit avant la révolution islamique. Sa poésie ardente est magnifique. J’ai aimé « Sur Terre » et « Poupée mécanique » Ce second poème est autobiographique et évoque la condition de la femme iranienne sous la domination du Shah. Sa poésie est très attachée à la nature. Elle convoque le ciel, la lumière, les rochers, des eaux vertes. Elle aime l’automne ; l’hiver est une ombre sèche et menaçante. Le chagrin rivalise avec le bonheur. Elle se décrit comme une fille de feu, comme un chant, un cri. Sa poésie est marquée par le désespoir « Je viens du pays des poupées, / et de l’ombre des arbres en papier / d’un jardin dans un livre illustré. » Mais son poème le plus important et qui est célébré par toutes les femmes s’appelle « Le Péché ». C’est une histoire d’amour ; il est toutes les histoires d’amour.
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Je suis la flamme

Poésie sombre, dans laquelle la mort, la terre, la sensualité, l'absence, l'espoir, la tradition et l'avenir se rencontrent. Vous trouverez ainsi, sous cette plume persane, des questions, des promesses et des douleurs universelles, fortement marquées par la fusion entre l'humain et la nature. Vous croiserez aussi, à l'inverse, des textes plus hermétiques, témoignant sans doute d'un ressenti ou d'une illumination de l'autrice qu'elle a voulu rendre inaccessible.

Mais n'est-ce pas cela la poésie : assembler des mots qui émeuvent, qui racontent ou qui ne désirent que chanter, sans chercher à se laisser comprendre ?

Forough Farrokhzad joue sur tous ces tableaux. Nous n'avons qu'à suivre les chemins qu'elle choisit et à savourer les phrases qu'elle nous offre.
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Je suis la flamme

Recueil de petits poèmes très sombres, évoquant la tristesse, le chagrin, la perte de l’autre, le deuil, l’emprisonnement… La répétition multiple de certains mots imprime un rythme lancinant à la prosodie. La mélancolie de la poétesse se ressent très fort et nous sentons son âme emprisonnée dans bien des tourments. Pourtant, je ne suis jamais parvenue à entrer en véritable communion avec elle, probablement l’effet de la traduction.
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Let Us Believe in the Beginning of the Cold..

Grave cute et joli
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Oeuvre poétique complète

le mur
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