Je découvre avec plaisir une poète iranienne qui n'a vécu qu'une trentaine d'années, de janvier 1935 à février 1967 soit avant la révolution islamique. Sa poésie ardente est magnifique. J'ai aimé « Sur Terre » et « Poupée mécanique » Ce second poème est autobiographique et évoque la condition de la femme iranienne sous la domination du Shah. Sa poésie est très attachée à la nature. Elle convoque le ciel, la lumière, les rochers, des eaux vertes. Elle aime l'automne ; l'hiver est une ombre sèche et menaçante. le chagrin rivalise avec le bonheur. Elle se décrit comme une fille de feu, comme un chant, un cri. Sa poésie est marquée par le désespoir « Je viens du pays des poupées, / et de l'ombre des arbres en papier / d'un jardin dans un livre illustré. » Mais son poème le plus important et qui est célébré par toutes les femmes s'appelle « le Péché ». C'est une histoire d'amour ; il est toutes les histoires d'amour.
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La révolte de Dieu
(...)
Si j'étais Dieu,
je convoquerais un soir les anges
pour qu'ils fassent bouillir l'eau de Kowsar
dans le four de l'enfer
et torches brûlantes en main
expulsent le troupeau des gens pieux
du pâturage du paradis vert.
Lassée de ma piété divine,
la nuit j'irais me réfugier dans le lit de Satan
pour commettre encore une faute !
J'échangerais le plaisir noir et pénible
de l'étreinte d'un péché
contre la couronne d'or de ma majesté !
(Kowsar, nom d'une source du paradis)
Fuir et souffrir
Je m'en vais.
Pardonne-moi et ne dis pas :
"Elle était infidèle".
Je n'ai pas d'autre choix que de m'en aller.
Cet amour passionné plein de souffrances
et sans espérance m'avait engouffrée
dans le péché et la folie.
Je m'en vais pour laver, de mes larmes,
la brûlure de ton baiser enviable sur mes lèvres.
Je m'en vais pour rester inachevée
dans cet hymne d'amour
et je m'en vais pour me racheter
par mon silence. (...)
La journaliste, réalisatrice et écrivaine, Abnousse Shalmani explore le lien entre l'intime et le politique dans son livre "J'ai pêché, pêché dans le plaisir". L'ouvrage met à l'honneur deux femmes poètes qui défient les conventions de leurs époques et se retrouvent autour d'un point commun : assumer leur désir en même temps que leur quête de liberté. D'un côté, Forough Farrokhzad qui vit en Iran dans les années 1950 et de l'autre Marie de Régnier, muse maîtresse du poète Pierre Louÿs au temps de la Belle Epoque. Ces deux femmes, dans leurs vies respectives, ont trouvé la liberté dans l'amour du point de vue de la chair. Un combat toujours d'actualité aujourd'hui, dans une époque marquée par "le retour d'un discours puritain", selon Abnousse Shalmani, qui ne conçoit pas la liberté de penser sans la liberté du corps et va même plus loin en abordant la liberté sexuelle des femmes et leur rapport au plaisir. Un exemple parlant entre liberté du corps et liberté de penser, et qui donne espoir, est le droit d'avortement, sacré quelques jours plus tôt dans la Constitution française.
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous :
https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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