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3.57/5 (sur 192 notes)

Nationalité : Argentine
Né(e) à : San Isidro, Buenos Aires , le 04/11/1968
Biographie :

Gabriela Cabezón Cámara est une écrivaine et journaliste.

Diplômée en lettres de l'Université de Buenos Aires, elle a publié plusieurs romans. "Pleines de grâce" ("La Virgen Cabezaen", 2009), son premier roman, rencontre dès sa parution un grand succès public.

Elle est l’une des instigatrices du mouvement NiUnaMenos et participe activement aux luttes féministes argentines de ces dernières années.

Elle collabore à plusieurs journaux, dont le supplément "SOY" du journal Página/12 qui traite de questions LGBT.

Source : http://www.editionsdelogre.fr
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Explorez la richesse de la créativité littéraire avec la Gabriela Cabezón Càmara ! Dans cette interview exclusive, la romancière et professeure de creative writing argentine partage son parcours, ses inspirations, et offre des conseils précieux pour tous ceux qui rêvent d'écrire. 00:07 Vos études vous ont-elles appris de la fiction ? 01:21 Que faut-il étudier pour écrire ? 01:46 Lisez-vous d'une façon particulière ? 02:00 Pourquoi réécrire plutôt qu'inventer, avec "Les Aventures de China Iron" ? 02:18 Qu'avez-vous gardé et transformé du texte original ? 03:53 Comment avez-vous travaillé l'arc du personnage de China Iron ? 04:37 Comment avez-vous construit votre protagoniste ? 05:44 Procédez-vous toujours ainsi ? 06:14 Travaillez-vous le roman avec votre éditeur ? 06:59 Qu'est-ce qu'une bonne histoire, pour vous ? 07:41 Quelles sont les choses les plus difficiles à enseigner ? 07:53 Quelle est la différence entre la volonté et le désir ? 09:43 Faut-il éviter de lire pour ne pas être influencé ? 10:09 Quels conseils donneriez-vous à des apprentis écrivains ? Cette interview a été réalisée durant Littérature Live Festival 2022. Chez les Artisans de la Fiction, situés à Lyon, nous valorisons l'apprentissage artisanal des techniques d'écriture pour rendre nos élèves autonomes dans la concrétisation de leurs histoires. Nous nous concentrons sur les bases de la narration inspirées du creative writing anglophone. Nos ateliers d'écriture vous permettent de maîtriser la structure de l'intrigue, les principes de la fiction et la construction de personnages. Pour plus d'informations sur nos stages d'écriture, visitez notre site web : http://www.artisansdelafiction.com/ #écrire #écrireunroman #ecrire #écriture #ecriture #écrire

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Nos premières heures ensemble, nous les avons passées sous la caresse de cette lumière dorée. Un very good sign, a-t-elle dit, et je l’ai comprise, je ne sais pas comment je m’y prenais pour toujours tout comprendre ou presque, et je lui ai répondu, oui, la Rousse, ça doit être de bon augure, et on a répété chacune la phrase de l’autre jusqu’à la prononcer correctement, on formait un chœur en langues différentes, semblables et différentes comme ce qu’on disait, identique et pourtant incompréhensible jusqu’à ce qu’on le dise ensemble ; un vrai dialogue de perroquets, on répétait ce que disait l’autre jusqu’à ce qu’il ne reste plus que le bruit des mots, good sign, bon augure, good augure, bon sign, bood augiure, bood augiure, bood augiure, à la fin on riait et ce qu’on disait ressemblait à un chant qui pouvait partir loin : la pampa est aussi un monde conçu pour que le son voyage dans toutes les directions. Peu de choses s’y ajoutent au silence. Le vent, le cri d’un chimango et les insectes lorsqu’ils marchent tout près de notre visage ou, presque toutes les nuits sauf les plus rudes de l’hiver, les grillons.
On est partis tous les trois. Je n’ai pas eu la sensation de laisser quoi que ce soit derrière moi, à peine la poussière soulevée par la charrette qui, ce matin-là, n’était pas très fournie ; on avançait lentement sur un vieux sentier, un de ces chemins tracés par les Indiens à l’époque où ils allaient et venaient librement, jusqu’à ce que la terre en devienne si ferme qu’après tant d’années elle était encore tassée ; j’ignorais de combien d’années il s’agissait, certainement plus que celles que j’avais vécues.
Il n’a pas fallu longtemps pour que le soleil cesse sa caresse dorée et qu’il se mette à nous transpercer la peau. Les choses projetaient encore une ombre presque constante, mais le soleil de midi commençait déjà à se faire brûlant ; on était en septembre et le sol craquait sous les poussées vert tendre des tiges nouvelles. Elle a mis un chapeau, m’en a mis un et j’ai découvert la vie à l’air libre sans cloques. Et la poussière s’est mise à voler : le vent nous apportait celle que soulevait la charrette et celle de la terre alentour, elle couvrait nos visages, nos vêtements, les animaux, la charrette entière. La maintenir fermée, préserver son intérieur en l’isolant de la poussière, je l’ai compris aussitôt, c’était ce qui importait le plus à mon amie et ce qui aura été un de mes principaux défis pendant toute notre traversée. On a perdu des journées entières à tout épousseter, il fallait défendre chaque objet contre la poussière : Liz vivait dans la crainte d’être avalée par cette terre sauvage. Elle avait peur qu’elle nous dévore tous, qu’on finisse par en être une partie comme Jonas était une partie de la baleine. J’ai appris que les baleines étaient des sortes de poissons. Un peu comme un dorado, mais gris, avec une grosse tête, grand comme toute une caravane de charrettes et capable aussi d’avoir des choses à l’intérieur ; elle transportait un prophète, cette baleine de Dieu, et elle sillonnait la mer tout comme nous on sillonnait la terre. Elle entonnait un chant grave, un chant d’eau et de vent, elle dansait, elle faisait des sauts et lançait de la vapeur par un trou qu’elle avait dans la tête. En avançant avec une telle liberté, juchée sur la charrette, entre terre et ciel, j’ai commencé à me sentir baleine : je nageais.
Le premier prix à payer pour un tel bonheur, c’était la poussière. Moi qui avais vécu tout entière dans la poussière, moi qui n’avais été qu’une des multiples formes que prenait la poussière là-bas, moi qui avais été contenue par cette atmosphère – la terre de la pampa est aussi le ciel -, j’ai commencé à la sentir, à la remarquer, à la détester quand elle me faisait grincer les dents, quand elle se collait à ma sueur, quand elle alourdissait mon chapeau. On lui a déclaré la guerre tout en sachant que cette guerre, on la perdrait toujours : nous sommes nées de la poussière.
Mais notre guerre n’était pas éternelle, elle était quotidienne.
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C'était l'éclat. Le chiot sautillait, lumineux parmi les pattes poussiéreuses et usées des rares aux habitants qui traînaient encore là-bas : la misère encourage la fissure, l'élagage ; elle égratigne lentement, à l'air libre, la peau de ceux qu'elle a fait naître ; elle en fait du cuir sec, la craquelle, impose une morphologie à ses créatures.
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Ma petite aimait déjà les discours de la plus queer de ses mères, elle semblait danser tandis qu’on l’écoutait. Et moi, elle me plongeait dans la perplexité, comment pouvait-elle citer L’Odyssée presque mot pour mot ? Impossible qu’elle l’ait lue dans sa putain de vie misérable. D’où, bordel, sortait-elle des trucs comme ça ? La Vierge existait et elle était branchée classiques et putes pauvres ?
« Sens donc, Cleo, comme ta fille bouge. » Cleo a lâché son empanada et son ton prophétique et m’a caressé le ventre. « Salut, princesse, je suis ta mère, Cleopatra, celle qui vous donne à manger à toutes les deux, celle qui te coud tes petits vêtements. On va partir d’ici, ma fille. » Cleo est devenue solennelle et la voix du prophète lui est revenue : « On va aller dans un autre pays. Toi, tu vas naître là-bas, c’est un pays avec beaucoup de soleil, de palmiers, une mer verte. Le seul truc qui craint, m’a dit Sainte Marie, Qüity, c’est qu’il est plein de gusanos. » « Ah, non, chérie – j’ai pris un ton ferme – tu peux aller dire à ta Vierge que moi, à Cuba, je n’y fous pas les pieds. » « J’ai dit gusanos, Qüity. » « Et ils ne sont pas tous de Cuba, ces types-là, ma chérie ? » « Oui, mais pour en partir, Qüity, ne sois pas conne. »
C’est alors que je l’ai su et nous y voilà, à Miami, entourées de vers, comme si nous tous qui avions fait partie de la villa avions été condamnés d’une façon ou d’une autre à un même destin. Évidemment, nos vers ne sont pas les mêmes que ceux du cimetière de Boulogne : ceux-là sont humains, ils prétendent vivre dans une perpétuelle nostalgie de Cuba, ils sont pleins aux as et travaillent comme des fous. Les autres, la plupart des Cubains de Miami, vivent des subsides du gouvernement en échange du rôle d’illustration vivante de la dimension néfaste des révolutions socialistes et ils ne font que se pochtronner, se droguer et battre leurs femmes. Pourtant, il est habituel de voir au petit matin ces femmes parcourir la 8e Rue à la recherche de leurs hommes dans tous les bouges où ceux-ci s’effondrent comme des arbres abattus : à partir du septième rhum, le reste n’est que coups de hache. Ils commencent par perdre hauteur et équilibre, donnent un coup à quelqu’un, trébuchent, balbutient une insulte, semblent douter un instant, tombent par terre et c’est fini, ils restent là jusqu’à ce que quelqu’un les soulève. C’est ainsi, d’un bouge à l’autre, qu’Helena était allée, jusqu’à ce que meure le Petit Taureau, même si le Petit Taureau n’était pas un ver et ne frappait pas Helena. Ils ont été, eux, les seuls des nôtres à avoir fait le même trajet que Cleo et moi : bidonville-massacre-Miami.
Les vers suivent Cleo partout, elle et la tête de la Vierge, ce pauvre hommage de pauvres qu’on qualifie maintenant de relique, ce morceau de ciment peint qui a également survécu au massacre et que Cleo a trimbalé à travers toute l’Amérique et toute l’échelle sociale, jusqu’à parvenir au nord et à la propriété de nombreux comptes bancaires.
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L'arôme des feuilles de thé, marron, presque noires, arrachées aux montagnes vertes de l'Inde; il voyageait jusqu'en Angleterre sans perdre son humidité ni son parfum astringent qui était né de la larme que le Boudha avait versé pour les malheurs du monde; des malheurs qui voyageaient également avec le thé : on buvait la montagne verte et la pluie et on buvait aussi ce que boit la reine, on buvait la reine et on buvait le travail et on buvait le dos brisé de celui qui se baisse pour couper les feuilles et de celui qui les porte. Grave aux moteurs à vapeur, on ne buvait plus les coups de fouet sur le dos des rameurs. Mais on buvait l'asphyxie des mineurs de charbon.
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On a passé l’hiver entier là-bas, plongées dans la brume des îles du Paraná, tandis que le fleuve allait et venait. On parlait peu. Moi, la douleur m’a fait me fondre avec les choses et m’a coupée de tout. Je flottais, étrangère à ce qui me soutenait : les arômes de la cuisine et la chaleur du poêle, les affaires de Cleopatra, qui a exercé tous ses talents à l’ombre de la tête de la Vierge et en dépit de ma stupeur face à l’indifférence de la vie et de la mort, de la matière qui gaspille mondes et frêles créatures dans ses propres aventures.
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On a passé l’hiver entier là-bas, plongées dans la brume des îles du Paraná, tandis que le fleuve allait et venait. On parlait peu. Moi, la douleur m’a fait me fondre avec les choses et m’a coupée de tout. Je flottais, étrangère à ce qui me soutenait : les arômes de la cuisine et la chaleur du poêle, les affaires de Cleopatra, qui a exercé tous ses talents à l’ombre de la tête de la Vierge et en dépit de ma stupeur face à l’indifférence de la vie et de la mort, de la matière qui gaspille mondes et frêles créatures dans ses propres aventures. Je suis restée repliée sur moi-même en position fœtale, pareille à celle qui se faisait en moie et malgré moi : mon ventre était vivant de cette enfant qui y grandissait, mais moi je n’étais qu’un cimetière de morts chéris. J’avais l’impression d’être une pierre, un accident, un état de la matière, une roche consciente qu’elle sera fondue, solidifiée et transformée en autre chose et j’avais mal de me savoir ainsi. Je n’ai pas étudié le sujet, mais sans doute n’existe-t-il pas une seule roche identique à une autre. Ou si, mais qui, bordel, pourrait comparer toutes les pierres de tous les temps ? Et je ne vois pas en quoi cela atténuerait la douleur de cette roche de savoir que peut-être, une fois, il y en a eu une autre identique dans la démesure du temps – ce qui n’est pas vrai, ce qui l’est, c’est l’avénement de la matière, l’inquiétude fondamentale des éléments.
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C’était l’éclat. Le chiot sautillait, lumineux, parmi les pattes poussiéreuses et usées des rares habitants qui traînaient encore là-bas : la misère encourage la fissure, l’élagage ; elle égratigne lentement, à l’air libre, la peau de ceux qu’elle a fait naître ; elle en fait du cuir sec, la craquelle, impose une morphologie à ses créatures. Ce n’était pas encore le cas du chiot, il irradiait la joie d’être en vie, d’une lumière n’ayant pas encore souffert la triste opacité d’une pauvreté qui, j’en suis convaincue, était davantage un manque d’idées que de quoi que ce soit d’autre.
On n’avait pas faim, mais tout était gris et poussiéreux, tout était si trouble qu’en voyant le chiot j’ai immédiatement su ce que je souhaitais pour moi : quelque chose de radieux. Ce n’était pas la première fois que j’en voyais un, j’avais d’ailleurs mis au monde mes propres petites créatures, et on ne peut pas vraiment dire que la plaine ne brille jamais. Elle resplendissait avec l’eau, revivait bien qu’elle se noyait, tout en elle cessait d’être plat, elle se cambrait de grains, de campements, d’Indiens culs par-dessus têtes, de captives déchaînées et de chevaux qui nageaient avec leurs gauchos sur le dos, tandis que tout près les dorados sautaient, rapides comme l’éclair, avant de disparaître dans les profondeurs, vers le cœur du lit en crue. Et dans chaque fragment de ce fleuve qui grignotait les rives se reflétait un morceau de ciel ; on avait du mal à croire à un tel spectacle, à cette façon qu’avait le monde tout entier d’être entraîné dans un vertige boueux qui chutait lentement et tourbillonnait sur des centaines de lieues en direction de la mer.
C’était d’abord la lutte des hommes, chiens, chevaux et veaux, fuyant ce qui asphyxie, ce qui engloutit, la force de l’eau qui tue. Quelques heures plus tard, la guerre était finie, elle était longue et large, cette meute ; il était aussi sauvage que le fleuve lui-même, ce bétail déjà perdu, entraîné plutôt que guidé, les moutons emportés à saute-mouton et tout le reste ; les pattes en l’air, devant, dessous, derrière, comme des toupies sur un axe horizontal ; ils avançaient en rangs rapides et serrés, entraient vivants et ressortaient en kilogrammes de viande pourrie. C’était un torrent de vaches en rapide chute horizontale : ainsi se précipitent les fleuves dans mon pays, à une vitesse qui est aussi un approfondissement, et me voilà revenu à la poussière du début, celle qui opacifiait tout, et à l’éclat du chiot que j’ai vu comme si je n’avais jamais vu un éclat et comme si je n’avais jamais vu des vaches nager, ni leurs cornes étincelantes, ni toute la plaine éclatante de lumière comme une pierre humide au soleil de midi.
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Quelques jours de charrette, de poussière et d'histoires auront suffi à faire de nous une famille. Emberlificotées dans les liens de l'amour qui naissait en nous, on riait en conjurant la menace de se retrouver livrées aux éléments, d'être épuisées, de s'effondrer par terre sans plus de forces que pour rester là, collées au sol, à la merci des chimangos, d'être réduites à cette structure osseuse, minérale, pareille aux pierres, ce que nous sommes aussi. Occupées qu'on était à tramer nos liens, on a mis du temps à remarquer que ce presque rien qu'on traversait avait des allures de cimetière abandonné ; on le sillonnait, réjouies, comme si on traversait le paradis, encore que là je me plante peut-être, peut-être que le paradis ne se traverse pas, on doit y être, tout simplement, où pourrait-on avoir envie de voyager depuis un tel port ?
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Difficile de savoir si l’on se souvient de ce qu’on a vécu ou du récit qu’on a fait, refait et poli comme une gemme au fil des années, je veux dire ce qui resplendit mais est aussi mort qu’une pierre morte. S’il n’y avait pas les rêves, ces cauchemars dans lesquels je suis de nouveau une fillette crasseuse aux pieds nus, n’ayant pour toute possession que deux chiffons et un petit chien beau comme un ciel, s’il n’y avait pas le coup que je sens ici, dans la poitrine, à cause de ce qui me noue la gorge les rares fois où je me rends en ville et que je vois un de ces enfants maigres, mal peignés et presque absents ; bref, s’il n’y avait pas les rêves et les frissons de ce corps qui est le mien, je serais incapable de savoir si ce que je vous raconte est vrai.
Qui sait quelle intempérie avait marqué Elizabeth. Peut-être la solitude. Deux missions l’attendaient : sauver le gringo et prendre en charge l’estancia qu’il devait administrer. Qu’on la traduise, ça lui faciliterait la vie, avoir une interprète dans la charrette. Il y avait un peu de ça, mais aussi quelque chose de plus. Je me souviens de son regard, ce jour-là : j’ai vu la lumière à travers ces yeux, elle m’a ouvert la porte du monde. Elle avait les rênes dans la main, elle parlait sans trop savoir où, dans cette charrette qui contenait lit, draps, tasses, théière, couverts, jupons et tant de choses que je ne connaissais pas. Je me suis dressée et l’ai regardée d’en bas avec une confiance identique à celle avec laquelle Estreya me regardait de temps en temps lorsqu’on marchait ensemble le long d’un champ ou de plusieurs champs dans cette campagne ; comment savoir sur une plaine aussi égale quand user du pluriel et quand du singulier, une question qui finirait par être tranchée un peu plus tard : on s’est mis à compter à l’arrivée des clôtures et des patrons. Mais à cette époque-là, c’était différent, l’estancia du patron était tout un univers sans patron, on marchait dans la campagne et parfois on se regardait, mon petit chien et moi ; il y avait en lui cette confiance des animaux et Estreya trouvait en moi une certitude, un foyer, quelque chose lui confirmant que sa vie ne serait pas abandonnée aux éléments. J’ai regardé Liz comme ça, comme un chiot, avec la folle certitude que si elle me retournait un regard affirmatif, il n’y aurait plus rien à craindre. Il y a eu un oui chez cette femme aux cheveux roux, cette femme si transparente qu’on voyait son sang circuler dans ses veines quand quelque chose la réjouissait ou la mettait en colère. Ensuite, je verrais son sang congelé par la peur, bouillonnant de désir oui lui faisant bouillir le visage de haine.
Je suis montée avec Estreya, et elle nous a fait une place sur le siège du cocher. L’aube se levait, la clarté filtrait à travers les nuages, il bruinait, et lorsque les bœufs se sont ébranlés, nous avons vécu un moment pâle et doré, les minuscules gouttes d’eau qui s’agitaient avec la brise ont scintillé, les herbes folles de cette campagne ont été vertes comme jamais, il s’est mis à pleuvoir dru et tout était étincelant, même le gris sombre des nuages ; c’était le commencement d’une autre vie, un augure splendide. Ainsi baignées dans de si lumineuses entrailles, nous sommes parties. Elle a dit « England » et à ce moment-là, pour moi, cette lumière s’est appelée light et c’était l’Angleterre.
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Ma petite aimait déjà les discours de la plus queer de ses mères, elle semblait danser tandis qu’on l’écoutait. Et moi, elle me plongeait dans la perplexité, comment pouvait-elle citer L’Odyssée presque mot pour mot ? Impossible qu’elle l’ait lue dans sa putain de vie misérable. D’où, bordel, sortait-elle des trucs comme ça ? La Vierge existait et elle était branchée classiques et putes pauvres ?
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