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Critiques de Gaspard Koenig (288)
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Humus

«Sans vers de terre, plus de terre»



Gaspard Koenig, au meilleur de sa forme, nous offre une satire des milieux économiques et écologiques en imaginant deux ingénieurs agronomes désireux de sauver la planète. Mais Arthur et Kevin vont avoir bien de la peine à réussir dans une France éco-anxieuse. La terre n’a pas fini de souffrir.



Marcel Combe a trouvé en Arthur et Kevin deux étudiants passionnés par son cours sur le ver de terre, qu’il trouve plus précis d’appeler lombricus terrestris. Cet inépuisable retourneur de terre pourrait bien être le sauveur de l’humanité. Comme leur professeur, ils sont persuadés que «le productivisme agro-industriel avait ruiné la fertilité naturelle ; et l’humanité était parvenue à détruire en quelques décennies le subtil équilibre obtenu par des millions d’années d’évolution biologique.» Ce que le scientifique résumait de cette formule: «Sans vers de terre, plus de terre.»

Impressionnés par leur nouveau savoir, les deux garçons vont se lier d’amitié et décider de leur consacrer toute leur vie. Mais pas du tout de la même manière. Après leurs années d’études à AgroTech Paris-Saclay et à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, l’INRAE, les deux ingénieurs agronomes vont voir leurs chemins se séparer, même si tous deux croient en la terre pour sauver la planète.

Arthur, le fils d’avocat parisien, choisit de partir avec Anne s’installer dans le bocage normand. Il avait rencontré cette «brune au corps débordant, avec une bouille ronde et jolie qu’elle s’efforçait maladroitement de profaner (..) prête à tout pour s’encanailler et qui professait l’anticapitalisme» lorsqu’elle était étudiait à Sciences-Po. Avec son écolo-rebelle, il va faire la dure expérience du passage de la théorie à la pratique dans des sols brûlés par des années d’épandage de pesticides en tous genres. Car les néo-ruraux sont déterminés à mettre en œuvre une agriculture raisonnée, avec des techniques qui n’appauvrissent pas la terre et, bien sûr, sans chimie. En s’inspirant du cours de Combes, il va commencer par chercher les vers de terre dans le sol, à partir d’un mètre carré de test. Mais le résultat de sa «régénération lombricienne» est bien décevant. Le voilà contraint d’essayer autre chose. Il ensemence sa prairie. Mais loin de lui l’idée de demander conseil aux agriculteurs locaux, considérés comme héritiers de pratiques qui ont conduit au désastre écologique. Le productivisme, très peu pour lui. Peut-être que la petite épicerie bio de Laurent et Maria pourrait lui offrir un modèle, ayant finalement réussi à perdurer avec son idéal de décroissance. Anne semble du reste séduite par leurs idées et rêve de faire de leur propriété un modèle autosuffisant.

Kevin, quant à lui, veut rester à Paris, sans doute pour se prouver qu’un enfant de la classe ouvrière peut réussir. Dans la capitale, lui qui ne veut rien savoir du mariage et préfère les liaisons éphémères, se rêve entrepreneur. Sa start-up va produire des vermicomposteurs design. Il imagine déjà des usines un peu partout en France pour produire des millions de vers de terre capables de digérer des millions de tonnes de déchets. Mais il peine à trouver des capital-risqueurs pour financer ses premiers modèles. Puis il rencontre Philippine, qui s'enthousiasme pour son projet plus que pour ses performances sexuelles. Elle va lever des fonds et offrir à Kevin un poste de directeur dans l'usine qu'elle a réussi à financer, persuadée que malgré son ophiophobie, la théorie darwinienne était juste: «le lombric est l’animal le plus important de l’évolution naturelle». Ensemble, ils vont réussir à lever des fonds dans la Silicon Valley.

Gaspard Koenig a su trouver le ton idéal pour ce roman, entre idéalisme et dérèglement climatique, entre défense de la biodiversité et capitalisme conquérant. La satire convient parfaitement aux grandes envolées lyriques de ces deux héros imaginant ne pas se laisser entraîner dans l’éco-anxiété ambiante mais bien décidés à sauver la planète. Eux viendront démontrer, chacun à sa place, qu’il n’est pas trop tard ! Mais loin du manifeste écolo, l’auteur montre bien les paradoxes de cette transition écologique plus rêvée que concrètement mise en œuvre. Roman d’une génération inquiète, Humus esquisse des réponses, mais livre surtout un constat : il est vraiment temps d’agir !




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Simplifions-nous la vie !

Partant de l'exemple d'une ferme auberge dont les propriétaires ont des activités multiples et qui ne rentrent pas forcément dans les cases des dossiers administratifs, nos auteurs font le constat des tracas que rencontrent les français, de plus en plus.



Ici, ce sont des formulaires Cerfa, des inspecteurs de la DDT, de la DREAL, de la DDCSPP, de la DDTM, de la DGCCRF, qui inquiètent les propriétaires, qui font de leur quotidien un chemin de croix et qui mènent parfois à des aberrations contreproductives pour les petits entrepreneurs notamment. "Comme si les pouvoirs publics voulaient tuer les petits".



Cette administration, décrite comme à la fois omniprésente, centralisée, exclusive et paradoxalement impuissante, n'est pas ou plus adaptée selon eux. Il ne peut y avoir que "peu de relation entre nos actions, qui sont en perpétuelle mutation, et les lois, fixes et immobiles" disait Montaigne.

Et c'est ainsi, que fort de ce constat, Gaspard Koenig et Nicolas Gardères en viennent à s'interroger sur la finalité de la bureaucratie (qui concerne tout autant le secteur public que le secteur privé), sur son origine et sur son évolution.



Cette curiosité les a menés à proposer un projet, "pour moins de droit, pour plus de droits, de liberté et de justice" ; le projet Portalis.



Et même si c'est une utopie, "n'est-ce pas l'utopie la plus noble et la plus moderne ? C'est en tout cas celle qu'entend porter notre mouvement, SIMPLE, dans la prochaine campagne présidentielle".



A mon avis :

Quel que soit votre métier, votre activité, il est aujourd'hui impossible que vous n'ayez pas été confronté à la difficulté administrative d'un dossier à remplir, d'une masse d'information à fournir sur des plateformes informatiques incompréhensibles, par nécessité déclarative ou par obligation réglementaire.



Et quelle fut alors votre réaction à la fin de ce processus ? Sans doute la crainte d'avoir mal rempli le formulaire et d'être pénalisé. La peur également d'un retour négatif du fait d'une erreur de ligne de déclaration, qui vous vaudrait d'avoir à tout recommencer et parce que "l'administration sanctionne toujours mais conseille rarement".



Même s'il faut relativiser l'importance de ces obligations, elles peuvent parfois pousser l'administré vers l'incompréhension, voire le rejet. Pour d'autres, tel un Thomas Thévenoud (ancien secrétaire d'Etat au Commerce extérieur), elles peuvent aboutir à une "phobie administrative", qui, si elle n'est pas excusable au titre des obligations déclaratives, peut-être comprise.



Ne nous y trompons pas, cette aberration n'est pas l'apanage de l'administration. Elle se retrouve également dans les grandes entreprises, où les formulaires ont été remplacés par des process, des plateformes et des normes.



Si bien que c'est notre société tout entière qui est noyée sous les obligations réglementaires, qui ne font que s'accumuler malgré une volonté parfois affichée des hommes politiques d'une simplification administrative, mais qui ne voit pas le jour : "une norme laborieusement reconduite à la porte, et dix autres sont déjà revenues par la fenêtre. Travail de Sisyphe, admirable et vain".



Elles mènent ainsi à des circonstances qui vont à l'encontre du bien commun, qui bloquent le système et brouille la compréhension de chacun au regard de la loi, que nul n'est sensé ignorer pourtant.



Le projet porté par nos auteurs est dans ce cadre salvateur. On ne peut qu'être d'accord sur le fonds et sur la nécessité d'une simplification de la vie de nos concitoyens et par conséquent, on s'impatiente au fil de la lecture, de découvrir les solutions proposées.



Elles sont multiples et parfois extrêmement pertinentes. Parfois aussi illusoires. Mais qu'on les prenne de manière optimiste ou pessimiste, elles ont le mérite d'exister.



Pourvu qu'on les retrouve effectivement dans le débat des prochaines présidentielles, car c'est un sujet qui n'y parait sans doute pas, mais qui est fondamental pour le bien-être et le dynamisme de notre économie.



Pour cela, il est sans doute bon de lire ce livre, court, clair et sans démagogie, même si c'est utopique.





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Humus

Roman intéressant sur fond de dystopie écologique proposant une réflexion sur l'amour, sur l'amitié, sur la frontière entre les deux, sur la sincérité de l'engagement politique.

La nature et plus spécifiquement nos amis les lombrics sont à l'honneur. Ce sont clairement les protagonistes centraux du roman. Cela m'a permis d'apprendre qu'il en existait une multitude d'espèces et pas seulement des petits et des gros... On devine une certaine recherche autour de l'agronomie pour étoffer ce roman. Pour les humains, pas besoin, rien de neuf. Souvent guidés par l'appât du gain, la recherche de la notoriété, la peur de la maréchaussée, le pouvoir et le sexe...

Deux amis vont nous proposer deux trajectoires différentes en partant d'un constat partagé : sauver l'humanité malade de la destruction de ses sols arables.

On pourrait sourire un peu à l'accumulation de clichés : pauvre versus riche, dilettante versus arriviste, puriste versus pragmatique etc... Quand aux femmes, elles ne sont pas à l'honneur, vénales à souhait. Ceci peut être pour expliquer l'homosexualité (bisexualité aussi bien sûr) plus ou moins assumée dans le texte par l'auteur des deux héros.

Bien sûr, on devine une partie de la fin mais pas complètement : on assiste avec surprise à une apothéose assez radicale, hollywoodienne presque, qui, personnellement, m'a laissé perplexe...

Je me demande même quel est le réel message final. Et à ce titre il est amusant de lire les commentaires d'autres lecteurs qui tirent des conclusions différentes.

Peut-être le film ou la série, que les tenants du capitalisme en tireront, nous proposera un final plus explicite. A défaut de sauver l'humanité, sauvons l'espoir.

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Humus

Lorsque j'étais gamine vivant à la campagne, une de mes activités préférées était la pêche à la ligne .

Mais avant de lancer la ligne au bout de la canne en bambou, il fallait se munir de quelques vers de terre.

Il suffisait de soulever une pierre ou un vieux pot de terre pour trouver les appétissants appâts destinés à être astucieusement embrochés sur l'hameçon pour tenter le poisson .



Ce souvenir d'enfance m'est revenu en mémoire en lisant la première partie de ce roman , lorsque Arthur, jeune parisien issu d'un milieu aisé rencontre , sur les bancs d'Agro Paris Tech, Kevin arrivant du limousin où vivent ses parents ouvriers .

Les deux se passionnent pour les lombrics et décident d'y consacrer leur avenir professionnel .



L'étude détaillée de ces habitants souterrains m'a donné comme un petit remord du sort que je leur ai réservé ...

Mais mon ignorance enfantine et une vision plus prosaïque ne me donnent-elles pas l'absolution ?



Mon regard sur cette histoire qui, au départ m'a paru "légère" , presque caricaturale a bien vite changé lorsque chacun se lance dans leur projet.



Arthur décide de faire revivre ce qui reste des terres que son grand-père exploitait en Normandie à coup d'engrais et de pesticides, son but étant de ré-introduire suffisamment de vers de terre pour faire réapparaitre la vie .



Kevin, lui, se lance dans le vermicompostage. D'abord seul avec un projet à minima puis chapeauté par une jeune femme, Philippine dont l'ambition est démesurée , les relations bien venues .

Veritas devient vite une start-up prometteuse.



Pendant ce temps, Arthur va de déconvenue en déconvenue, la terre épuisée de longue date résiste et le jeune homme résiste également aux conseils des plus anciens , ceux, justement qui ont massacré la terre parce qu'"on leur avait vendu dans les années 1970 le progrès ".



La dernière partie du roman prend une autre tournure, avec la glissade d'Arthur du militantisme écologiste vers l'action violente révolutionnaire et la chute de l'empire de Kevin construit sur du vent. Cette histoire m'a surprise par la gravité du thème , l'écocide, sous des propos satyriques où la dérision et l'humour apportent une respiration salutaire pour le lecteur .



Les idéaux des jeunes ingénieurs agronomes sont mis à mal , Gaspard Koenig livre une analyse sans concession des milieux de la finance, de la politique et d'un certain showbiz , il tire à vue sur le greenwashing montrant son vrai visage .

La vision sur le devenir de nos terres n'est pas , non plus , très optimiste , d'autant plus quand on apprend que le glyphosate est encore autorisé 10 ans .



Reste l'amitié des deux jeunes hommes qui survit à la lutte finale .



lu en Novembre 2023
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Humus

Refuser la réalité, refuser de baisser les bras devant une gigantesque tache.



Kevin et Arthur, les deux lascars, agronomes d'origine sociale opposée, que Gaspard Koenig a choisi pour mettre en scène son refus d'accepter ce qui s'annonce comme quasi inévitable, semblent aux antipodes l'un de l'autre. Mais le seront-ils vraiment une fois qu'on refermera ce livre ?



Densité assurée. Documentation au p'tit poil. Sentiments en ébullition lors de la lecture.

Il fallait bien cela pour approcher un thème sur lequel s'écrivent et s'éditent déjà tant de livres. Celui-ci a de fortes chances de devenir un support de scénario de film. Gaspard Koenig a dû y penser, histoire d'apporter sa pierre à l'édifice de l'écologie ainsi qu'à fiche, en passant, une taloche à la folie capitaliste de notre monde. Il a raison, chacun rame à sa façon, le plus souvent contre vents et marées, pour stopper la dégradation de notre planète.



L'auteur a choisi de surfer sur du réel pour imager sa vision de la liberté, de l'écologie et surtout des pistes auxquelles il croit pour y arriver. Les institutions, les excès induits par la mondialisation aussi bien que les caricatures des hommes politiques ou de ceux qui sont à la tête d'administrations stratégiques, sont tous calqués sur de l'existant. En face de ceci, et comme il n'est pas aveugle, il met des universitaires gauchistes ou utopistes. Il n'est pas non plus très tendre avec cette idéologie qui habite certains d'entre nous et qui, au lieu de faire avancer le train, ne fait qu'induire un ricanement voire une contre productivité.



Aux deux personnages principaux il en ajoute un de taille, à savoir la première biomasse animale terrestre, celle des lombrics dont le poids représente l'addition du poids des hommes, des éléphants et des fourmis réunis. Qui dit mieux que ces chers petits vers de terre. Je les ai toujours accueilli à bras ouverts dans mon jardin, sachant que c'était un plus pour l'équilibre de la faune et de la flore de mon petit coin de verdure. Mais j'étais loin de m'imaginer tout ce que leur présence et surtout leur absence pouvait induire. du coup j'ai aussi constaté que je n'en rencontrais plus autant qu'il y a 10 ans encore.



Si Humus ne s'était pas retrouvé sur les listes de tant de prix littéraires ou si plaisamment admiré par Frédéric Beigbeder un dimanche soir dans l'émission « Le Masque et la Plume » sur France Culture (le 10 septembre 2023), ce roman ne se serait pas retrouvé sur ma table. J'ai d'ailleurs eu le sentiment que l'auteur en parlait moins bien que certains de ses collègues écrivains ; ça non plus ça n'est pas mauvais signe puisqu'à mes yeux il vaut mieux qu'un écrivain sache avant tout bien écrire et pas forcément bien parler.



Même si les personnages et un grand nombre des faits de société sont bien relatés, ils en sont tout de même devenus un peu trop stéréotypés pour moi. Banquiers, naturopathes, start-upers, politiciens, sont très, trop réalistes : c'est le côté que je n'ai pas admiré.

L'écriture oui, la fluidité du style oui, mais cette triste réalité de personnages surfaits, ça non, ça n'a pas été ma tasse de thé. Philosophiquement il a rempli sa tache mais oniriquement non.

Finalement aucune réelle envolée, aucune sortie de route vers un truc un peu plus fou comme tout bon roman le ferait. Je sais, je sais, quelques grands auteurs m'ont gâté alors que je devrais aussi me rappeler qu'écrire une oeuvre est magistralement difficile.



Disons plus humblement que j'aurais aimé rencontrer un Gaspard Koenig plus imaginatif que juste réaliste, moins tourné vers le passé et davantage vers un futur viable.
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Humus

Un grand roman dont les héros sont les vers de terre ! Les deux amis étudiants à AgroParisTech, Arthur et Kevin, pétris des bonnes intentions des « bifurqueurs » vont nous instruire sur l’importance de ces asticots qui, à condition qu’on cesse de les euthanasier par la chimie agricole sont source de vie des sols. Le pari du roman sur un tel sujet était osé, mais il est réussi car toute la problématique est là, oppressante à souhait, et, avec nos deux amis « aventuriers d’une arche perdue » on aimerait trouver des solutions pour sortir de cet engrenage infernal assassin de la biodiversité. Les choix de vie de chacun d’eux, radicalement différents sont des tentatives de redresser la barre qui se heurtent à des obstacles infranchissables, générant une frustration irréductible. Excellent roman, exaltant à un retour à la nature en se fondant dans un humus riche du travail ces petites bêtes !
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Humus

Humus de Gaspard Koenig est un livre un tantinet dérangeant et qui appuie où cela peut faire mal.

L'ayant lu après la crise vécue par les agriculteurs en janvier 2023 , cela apporte de l'eau au moulin du "dérangisme." ( quel affreux néologisme )

Kevin et Arthur sont deux étudiants sur le plateau de Saclay en région parisienne. Le plateau de Saclay regroupe la fine fleur des grandes écoles parisiennes. Parmi celles-ci AgroParisTech qui préparent les futurs ingénieurs et managers agricoles.

Kevin et Arthur ont deux chemins différents : Kevin vient de sa province limousine , d'une famille agricole. Après un DUT à Limoges, il veut poursuivre ces études à AgroParisTech

Arthur est enfant de la bourgeoisie parisienne et le cursus AgroParisTech est un cursus normal.

Tous les deux vont se retrouver autour de la lombriculture et du vermicompostage. Chacun va développer un projet à rebours de leur condition sociale.

Kevin va se lancer dans la construction d'une start up de vermicompostage au contact de l'agri business quand Arthur va se perdre dans le bocage normand afin de tenter de fertiliser avec des lombrics des terres bourrées de pesticides et de vivre au contact de la nature et du monde agricole.

Gaspard Koenig n'a pas obligatoirement un regard d'empathie envers Kevin et Arthur. Le roman d'un grand réalisme décrit les points positifs de ces deux situations mais surtout les affres de celle-ci.

Kevin et Arthur nous entraineront dans les affres de l'agro business , des financements, des couloirs des ministères , mais aussi entre les rais d'oignons , de poireaux , et auprès de militants écologistes assez radicaux.

.Le propos peu paraître des fois outré, manquant de réalisme. Mais ce propos questionne. Tout n'est pas noir que dans l'agro business et Kevin et Arthur seront confrontés à leur idéaux.

Et d'avoir mis comme personnage principal d'un roman le ver de terre est une idée magnifique. Première biomasse animale terrestre , celui-ci nous rappelle que sous nos pieds il travaille continuellement a renouvelé l'humus..

L'humus, cette couche supérieure du sol, modifiée par la décomposition de la matière organique, qui absorbe et retient l'eau.

Vermicompostage, pesticides, permaculture, start up agricole, insurrection écologique font de ce roman, un roman réaliste de la terre et de son humanité.

Une révolution est toujours en cours.












Lien : http://auxventsdesmots.fr
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Voyage d'un philosophe au pays des libertés

J'ai choisi ce livre dans le cadre de "masse critique ; essais et livres documentaires", parce que le titre m'avait plu, évoquant vaguement les voyages imaginaires prétextes à critique sociale et politique du XVIIIème siècle.



Mais je ne connaissais pas Gaspard Koenig... la confrontation fut immédiate. Tout d'abord, je jugeai l'homme comme pur produit de l'intelligentsia cultivée à la française, notant ses remarques déplacées sur la pauvre décoration des maisons des favellas, son admiration pour le "bon goût" de politiciens ou activistes locaux, aux liens parfois troubles avec le régime de leur pays, une écriture aux bons mots faciles -reliquat de son ancien métier d'écrivain de discours ministériels ?... - .



Dès le 1er chapitre surtout, on réalise que ces récits de voyages n'ont rien à voir avec les Méharées de Théodore Monod : M. Koenig semble voyager en première, et ne faire qu'observer en touriste économique les effets de telle ou telle politique sur le bon petit peuple, s'en tenant en guise d'approfondissement à la validation des thèses de leurs auteurs, que lui-même partage a priori, bien avant d'aller les vérifier sur place.



Enfin, tout semblait m'éloigner des thèses libérales de M. Koenig, que j'assimilais à celles de Pascal Salin, et d'Alain Madelin, issues de cette théorie destructrice du marché de concurrence pure et parfaite défendue par les économistes Hayek et Friedman. Je ne comprenais même pas qu'il prétende défendre des principes économiques en péril, là où ces bases d'un capitalisme sauvage gonflant les inégalités me semblaient au contraire triompher actuellement partout dans le monde.



J'en étais à un tel degré de rejet après les 30 premières pages que je m'interrogeais déjà sur l'art et la manière de "dégommer" avec sincérité sur babelio -m'en tenant ainsi aux engagements Masse Critique-, tout en ménageant la susceptibilité d'un penseur politique influent, certainement bien meilleur débatteur que moi. De plus, bien qu'il ait tardé à me parvenir, cet ouvrage m'était tout de même gracieusement adressé par les Editions de l'Observatoire Le Point, dont le directeur de collection De Facto n'est autre que Gaspard Koenig... j'ai donc poursuivi ma lecture, par correction et politesse...



Bien m'en a pris ! Et je dois à Gaspard Koenig de plates excuses pour certains des jugements portés plus haut ; belle leçon pour moi de tolérance dans le débat d'idées...



Après quelques recherches internet pour mieux connaitre l'auteur et ses thèses politiques, après avoir fait de même à partir des interviews de praticiens, d'économistes, et des citations philosophiques dont il émaille son ouvrage, j'ai totalement revu mon jugement.



Avec des limites propres à chacun de nous, Gaspard Koenig tente réellement, sincèrement, de sortir de sa zone de confort, et son humour acide que j'avais interprété comme de la prétention se révèle au final englober une forme d'autodérision, de recul cynique sur l'expérience, qui invite chacun, y compris lui-même, à se remettre en question. Ainsi, il est clair que ses voyages sont clairement orientés pour démontrer les vertus du libéralisme tel qu'il le conçoit, mais derrière les affirmations perce une réelle ouverture au questionnement, presque au second degré, et la prise en compte des errements du capitalisme sauvage, l'empathie au delà des froids concepts du marché, qui me manquaient dans le 1er chapitre, s'avèrent finalement bien présents, conceptualisés d'une manière originale. J'avais déjà rencontré cette forme d'empathie mêlée à un pragmatisme anglo-saxon chez Stuart Mill et les utilitaristes.



Le discours s'enrichit au fil de la lecture. Les bases libérales sont complétées d'une approche résolument moderne sur la tolérance, le revenu universel, le droit à l'errance. Les citations s'avèrent ne pas être qu'un vernis "science-posard", mais bel et bien un substrat culturel riche, dans lequel l'auteur puise sa pensée et son interprétation des applications observées.



Aussi séduisante soit-elle - cf l'excellent article "Trop séduisant capitalisme" paru dans Libé-, on n'est pas obligé d'adhérer à la pensée libérale de Gaspard Koenig, mais forcé de reconnaître qu'il réalise un véritable effort de dépassement des positions politiques gauche-droit qui sclérosent notre pays et révèlent la paresse intellectuelle ambiante, incapable de sortir de la pensée unique.



Gaspard Koenig le fait, lui, brillamment, en métissant son libéralisme de nombreuses autres influences.



Bref, ce fut au final une rencontre inattendue et riche. On apprend souvent plus de la confrontation -dans un esprit ouvert- avec qui pense différemment de nous qu'en restant dans le cercle de sa propre culture.



Je maintiens que l'enquête de Gaspard Koenig n'a rien à voir avec Tintin au pays des soviets -houpette ou pas, Gaspard Koenig y serait-il allé ? cf la promo du Point- , s'agissant d'un essai politique où les expériences servent à enrichir une thèse libérale clairement assumée. Mais cette thèse n'est pas celle que nous vendent nos élites politiques habituelles ; elle puise ses racines dans réflexion approfondie, et suscite un dialogue intelligent.



En bon libertarien -heureusement me dira-t-on !-, Gaspard Koenig, fait oeuvre de conviction mais laisse libre chacun, après s'être enrichi de ses observations et éclairages, de donner plus ou moins de poids aux problèmes d'injustice, d'inégalités ou de pauvreté que pose la liberté érigée en dogme, et d'estimer ou non avec lui que ces problèmes "se résolvent par... davantage de liberté".



Pour finir, donc, merci aux Editions de L'Observatoire, à Gaspard Koenig, et à Babelio, pour cette lecture inattendue, cette invitation à une critique difficile, et cette confrontation intellectuelle dynamisante.
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Humus

Kevin et Arthur se rencontrent sur les bancs d'un amphi d'AgroParisTech à Saclay et partagent vite la même passion : les vers de terre. Ces petits lombricidés, plutôt répugnants, font la richesse de nos sols et sont des organismes à recycler, naturels et très efficaces. Avec l'enthousiasme de la jeunesse, les deux amis vont décider d'y consacrer leurs vies, suivant en cela les conseils de leur professeur : l'homme n'étant rien d'autre que de l'humus, c'est l'humus qui le sauvera.



Kevin, issu d'un milieu agricole défavorisé, va se lancer dans une entreprise à grande échelle de vermicompostage après avoir rencontré Philippine, fille de la haute, à un "master of science X-HEC Entrepreneurs". Cette dernière ne va pas hésiter à l'embarquer au fin fond de la Silicon Valley pour trouver des fonds...Un certain Bouddha va se plier au jeu, l'affaire est dans le sac mais le lombric pas tout à fait prêt à rentrer dans les cases…

De son coté Arthur, fils d'un avocat parisien, a choisi de reprendre la ferme de son grand-père et le peu de terrain qu'il reste...avec l'idée de faire renaitre les sols appauvris grâce aux vers de terre. Après des débuts idylliques qu'il partage avec sa copine Anne, jeune bourgeoise en rupture d'avec son milieu et quelques illuminés venus tenter leur chance à Saint Firmin, les difficultés vont s'amonceler.



Les belles idées se heurtent à un monde machiavélique, un système qu'il est difficile d'ignorer et qu'à un moment il faut se décider à combattre…même par les armes. Beaucoup d'humour dans ce livre de Gaspard Koenig même si la fin prend des allures de tragédie. Et qui nous amène à réfléchir et à considérer autrement ces petites bêtes qui sortent parfois de terre…
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Humus

J'ai tourné autour de ce roman un bon moment. L'humus et ses habitants ne m'inspirent pas plus que ça. Et puis encore un roman sur la mauvaise mine de la planète, ça sentait la déprime !

Amis Babeliots n'ayons pas trop d' a priori ! J'ai peut-être aussi été un peu séduite par l'auteur lors de son passage à la grande librairie...

Deux étudiants d'Agro Paris Tech se lient immédiatement d'amitié lors d'un cours de Marcel Combe, vieux professeur diplômé du certificat d'étude, jardinier de profession, puis... directeur de recherche à l'INRA. Comme quoi l'observation, la réflexion, la pratique et la passion sont parfois reconnues. Il est spécialiste de la terre et de ses habitants : les vers de terre, petits êtres discrets qui produisent deux cent soixante-dix tonnes de"caca"par an et par hectare. C'est le lombrimix et c'est ça qui nous fait vivre.

Vous vous doutez bien qu'on n'est pas goncourable uniquement avec ça !!!

Kevin est issu d'une famille de migrants implantée dans le Limousin. Il est bon élève, boursier, et ignore tout de la vie urbaine.

Arthur, fils d'avocat parisien, n'est pas dans le besoin.

Les deux amis se sentent tous deux concernés par l'état de la planète.

" La nature en sursis les invitait à philosopher. Il ne refaisaient pas le monde, comme les générations précédentes. Ils le regardaient se défaire et tentaient de se trouver un rôle dans l'effondrement à venir."

Il vont vivre leur vie de façon diamétralement opposée, avec un même but cependant : sauver la terre.

Kevin va inventer une petite machine : le lombricomposteur, qu'une certaine Philippine va l'aider à réaliser en grand, très grand, très très grand.

Arthur croit dur comme fer à " l'inoculation" des lombrics dans le sol et part en Normandie, certain de rendre vie à un petit lopin de terre que son "papi" a empoisonné à coup d'engrais.

Je ne vous raconterai rien du parcours de ces jeunes chercheurs utopistes : leurs amours, leurs rencontres, leurs espoirs.... leurs emmerdes !

C'est une très bonne satire de tous les microcosmes possibles qui sont des bulles difficilement pénétrables.

L'amitié indéfectible entre ces deux là est au centre du roman...avec les vers de terre évidemment !

Il y a des passages drôles, émouvants,et ... tristes.

Quelques passages sont chauds entre humains, carrément très hot entre lombrics ! Vous verrez jusqu'où peut mener l'observation d'un couple de vers...!

Bichette, je suis d'accord avec toi, les portraits de femmes ne sont pas avantageux, mais je dirais , sachant ce que je risque, que les femmes ne sont pas toutes des saintes et les hommes pas tous des salauds.



L'an prochain je fais un potager de deux mètres carrés !



J'ai beaucoup aimé le style de Gaspard Koenig, souvent très savoureux.









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Humus

Après avoir écouté un colloque de Marcel Combe (Marcel Bouché peut-être dans la vraie vie ? Grands spécialiste des vers de terre, passionnant) nos deux amis, jeunes ingénieurs agronomes décident de se spécialiser dans cette bébête (tellement, tellement, essentielle), investir dans la revitalisation des sols et la biodiversité. Sauf qu'ils vont prendre deux voies différentes, opposées même. Plus naturel ou plus industriel : lequel va réussir ? Mais surtout quelle réussite ? Est-ce une fin en soi dans un monde qui s'effondre ? Ce roman est complètement dans l'air du temps : jusqu'où les choix de vie, les engagements personnels, peuvent-ils embarquer ? On pense à l'écologie sociale mais aussi, par exemple, à ces jeunes "bifurqueurs" (ces diplômés qui refusent de rentrer au service des grosses entreprises polluantes). L'amitié survivra-t-elle à des choix d'agriculture inconciliables ? Ce roman reçoit fort justement les Prix Interallié et Giono 2023.
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Humus



Ce roman fait partie du dernier carré des goncourables, c’est déjà un bel effort de la part du jury… . L’auteur fait partie de l »l’élite intellectuelle » et a déjà tâté de la politique(sans succès).

Humus est difficile à classer, mais c’est un roman touche à tout.

Deux jeunes étudiants de milieux différents se rencontrent à AgroParisTech ,deviennent amis , ils assistent à une conférence sur le lombricompostage et là « fiat lux » leur avenir s’éclaire, le monde de demain sera sauvé par les vers de terre gravement malmenés par la culture intensive.

Arthur s’installe à la campagne et va essayer de redonner vie au terrain de son grand-père, accompagné de son amoureuse Anne, citadine des pieds à la tête, Kevin se lance dans un business de moins en moins vertueux aidé en cela par une Philippine redoutable en affaires et pas seulement !

G.Koenig étrille l’image d’Epinal encore colportée par des néoruraux de la campagne . Ses personnages incarnent parfaitement les contradictions de l’utopie verte et même ses absurdités.

La fin , explosive, que j’aurais trouvée saugrenue il y a 10ans, me semble envisageable dans cette dystopie passionnante, on sent bien que l’auteur maîtrise aussi bien les éléments techniques que les rouages du pouvoir ;cela avec une belle écriture parfois trempée dans le vitriol ; Un livre passionnant. Et vive les lombrics !

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Humus

Je suppose que tous les jeux de mots évoquant ces merveilleuses petites bêtes ont été écrits dans les billets précédents. Pour ma part, je reconnais volontiers faire partie du tiers de l'humanité vaguement ophiophobe et n'ayant aucune affinité pour le lombric qu'il soit épigé, anécique ou endogé...

Force est de reconnaître que la lecture de ce roman a radicalement changé mon regard et que je rejoins Darwin pour qui " il est permis de douter qu'il y ait d'autres animaux qui aient joué dans l'histoire du globe un rôle aussi important que ces créatures d'une organisation inférieure ".

Gaspar Koenig les met à l'honneur en leur confiant rien de moins que la mission de sauver la planète. Le plus beau est qu'ils en sont parfaitement capables avec leur capacité à nettoyer jusqu'à 30 tonnes de terre dans un hectare de prairie.



Le début du livre m'a semblé un brin manichéen. Deux jeunes, l'un riche et l'autre pauvre, nouent une solide amitié autour de leur passion commune pour la géodrilologie.

L'un optera pour un retour à la terre en espérant régénérer les sols de la ferme familiale épuisés par 100 ans de pesticides ; l'autre sera propulsé dans le cercle très fermé des entreprises de la next 40 pour avoir imaginer des composteurs géants.

Leur trajectoire à tous deux vont suivre moultes circonvolutions. Le neo-rural va se radicaliser tandis que le millionnaire n'échappera ni aux compromissions ni aux perversions inhérentes au grand capital.

Au final une belle histoire d'amitié et des portraits jubilatoires de deux univers que tout oppose.

Brillant, Gaspard Koenig réussit à poser la question philosophique de la morale dans son scénario peuplé d'aveugles annelés... Intentionaliste ou conséquentialiste, une bonne intention subira les mêmes travers ou difficultés. L'auteur ne juge aucun des deux parcours.



C'est un roman qui interpelle avec intelligence sur les dérives du greenwashing comme sur les excès de la décroissance. Je déplore uniquement un final caricatural à outrance. Mais sans doute n'y avait il pas de bonne fin pour une telle aventure sauf à lire l'avenir.

La réponse est probablement en train d'oeuvrer sous nos pieds ....
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L'enfer

J’aime les philosophes qui écrivent des romans (ex : Jérôme Ferrari, Tristan Garcia), parce qu’ils donnent à penser. Gaspard Koenig ne déçoit pas.

L’enfer de Koenig n’est pas un chaudron bouillant que les pauvres âmes tentent de fuir en échappant aux coups de fourche de diablotins à la Jérôme Bosch. Non, il ressemble plutôt à ce que certains vivants appelleraient le paradis : un terrain de jeux permanent, un espace de consommation illimité, des ressources financières inépuisables, des désirs qui deviennent des ordres (« C’était la fin des malentendus, des lenteurs, des frictions, de tous ces résidus d’humanité que les économistes appellent coûts de transaction »).

Dans ce village global, la langue est universelle et les algorithmes régissent le quotidien, veillant à ce qu’un immortel ne rencontre jamais deux fois son prochain. Dès lors, la socialisation est abolie au profit de l’anonymat des foules. On boit sans se saouler, on copule sans orgasme… On vous administre la félicité en supposant que la fin de la quête suffit à sa complétude (« je prenais le rythme du Marché, entraîné dans une course sans fatigue, sans manque, sans douleur »).

Le héros damné s’interroge à mesure que la routine s’installe. À quoi bon lui dit-on ? « La conscience, c’est un truc de vivant pour se pourrir la vie ». Il en vient à envier l’innocence animale : « Ce que j’apprécie particulièrement chez le mouton, c’est son absence de curiosité. On pourrait le mettre au milieu d’un stade de foot, il continuerait à brouter comme si de rien n’était ».

Ce livre est une puissante critique de la société de consommation et du bonheur artificiel qu’elle nous vend. Gaspard Koenig nous prévient : pas de beauté sans cicatrice, pas de jouissance sans résistance, pas de plaisir sans frustration, pas de liberté sans contrainte, pas de surprise sans ennui.

Bilan : 🌹🌹

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Humus

Décidément, il m'épate ce Gaspard Koenig ! ☺

Je connaissais déjà le philosophe-essayiste et sa très convaincante "fin de l'individu", j'avais entendu parler de l'homme politique libéral et de ses divers engagements, mais voilà qu'aujourd'hui - bien aidé il est vrai par la sélection finale d'Humus au Goncourt 2023 et par l'intense campagne promotionnelle qui l'a accompagnée - je lui découvre un nouveau talent : celui de romancier !



En dépit de quelques longueurs, j'ai trouvé à son livre de grandes qualités, à commencer par la justesse du constat qu'il dresse quant à l'état de dégradation avancé de la biodiversité et la surexploitation mortifère de nos sols. ("Labour profond et épandage de pesticides ont décimé la population lombricienne dans la plupart des cultures, la réduisant à quelques dizaines de kilos par hectare. le sol devient alors hors-sol, un support compact et dévitalisé, une étagère géante où l'on déverse des engrais pour récupérer des produits commerciaux sous forme de plantes sans goût. D'où les glissements de terrain, l'épuisement des nappes phréatiques, et bien sûr l'appauvrissement vertigineux des écosystèmes. La "technoscience" [...] avait tourné le dos à la science; le productivisme agro-industriel avait ruiné la fertilité naturelle; et l'humanité était parvenue à détruire en quelques décennies le subtil équilibre obtenu par des millions d'années d'évolution biologique.")



En nous racontant les histoires croisées de Kévin et Arthur, deux étudiants en agronomie unis par un puissant lien d'amitié né sur les bancs de leur école d'ingénieurs, il aborde sous un angle assez singulier un sujet essentiel mais trop souvent négligé dans nos sociétés d'industries (toujours plus gourmandes) et de surconsommation (toujours plus débridée) : celui de notre rapport à la terre, ainsi qu'à tous les organismes "invisibles" qui la peuplent, qui préservent sa fertilité et qui par conséquent assurent notre survie.



Au premier rang de ces travailleurs de l'ombre, bien sûr, les lombrics !

Qu'ils soient épigés, anéciques ou endogés (je suis maintenant calé en vers de terre, hein ?), on en compte 7000 espèces à travers le globe, et ces infatigables pourvoyeurs de nutriments, acteurs indispensables à la régénération des sols, représentent selon les endroits entre 50% et 80% de la biomasse animale terrestre ! Trop souvent menacés, ils méritaient bien que Gaspard Koenig leur consacre ces presque 400 pages !

Son texte est riche, plaisant, très documenté, et les portraits de ses deux héros, bien que parfois un peu caricaturaux, sont plutôt réussis. Tous deux sont pleinement conscients des enjeux environnementaux, et notamment du fragile équilibre que les lombrics contribuent à maintenir, mais rapidement leurs parcours divergent.

Etonnamment c'est Arthur, le bobo parisien relativement aisé, qui hérite d'une ferme en Normandie et qui plaque tout pour se lancer dans la réhabilitation d'un terrain gorgé de pesticides en y réintroduisant massivement ses précieux lombriciens. Très vite Arthur s'isole et se radicalise...

Dans le même temps Kevin, originaire du Limousin et issu d'une famille beaucoup plus modeste, s'engage dans un ambitieux projet de lombricompostage à grande échelle destiné au traitement propre des déchets industriels. Avec son associée Philippine, il organise d'impressionnantes levées de fonds à l'international et décroche des contrats colossaux : leur entreprise tourne bientôt à la surprenante success-story.



Deux jeunes hommes pétris d'idéaux écologistes, donc, et deux approches différentes pour la sauvegarde du vivant et de l'environnement qui permettent à l'auteur de brasser avec une certaine habileté des thématiques et des univers variés (politique et médias, économie et entrepreneuriat, écologie et biologie, "Greenwashing" et altermondialisme, etc...)

En abordant un tel éventail de sujets, il prenait le risque de s'éparpiller et de ne proposer à son lecteur qu'un patchwork bancal de thèmes "dans l'air du temps" : heureusement il n'en est rien et l'ensemble tient parfaitement la route ! Ainsi Humus résonne-t-il particulièrement fort en ces temps agités, marqués par l'éco-anxiété et le profond malaise (l'agonie annoncée ?) du monde agricole...



En maniant souvent l'ironie et le sarcasme, Gaspard Koenig alerte sur les travers et les impasses de notre société capitaliste, où les lois de la Finance ont depuis longtemps éclipsé celles de la Nature, et pointe de manière originale et percutante l'urgence écologique. Ce faisant, il souligne avec beaucoup d'à-propos les liens étymologiques - qu'il serait bon de méditer - entre les mots "Humus", "Humain", et "Humilité"...



Enfin, alors que l'essentiel de son texte s'appuie sur des bases solides et crédibles, le "feu d'artifice" final manque complètement de vraisemblance mais cela ne m'a pas gêné. S'il nous rappelle que nous sommes bien dans une fiction, il est aussi la preuve qu'un roman peut tout à fait avoir vocation à instruire, à alerter, à militer. Sans doute était-ce là le souhait de Gaspard Koenig ?

Avec ce livre de combats, romancé dans la forme mais terriblement réaliste dans le fond, sa mission me semble accomplie.
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Humus

Fabuleux lombric

Tu nous univers



Réconciliation nécessaire

A la nourricière terre-mère



Palpiter les galeries de notre creuset

Au lieu de s'enterrer dans le métavers



Humus

Il était une fois l'Homme

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Humus

Kevin et Arthur se rencontrent sur les bancs d’AgroParisTech, l’école supérieure de l’Agriculture, qui regroupe plus de savants sans terre que de vers de terre dans l’agriculture. Et c’est bien là le problème. La terre se meurt: trop de produits chimiques ont tué les vers et la terre est morte. Les deux étudiants prennent conscience de l’écocide silencieux et décident de tout changer, mais chacun d’un manière différente. Arthur, fils de bourgeois, va s’enterrer dans le monde rural pour trouver la solution dans une vie paysanne saine et simple avec sa compagne Anne. Kevin, fils de cultivateurs, est propulsé à la tête d’une entreprise gigantesque soutenue par des fonds internationaux qui vise de faire manger un tiers des déchets domestiques à des vers en usine.

Waou, quelle claque!!! Dans ce roman complexe et grave, Gaspard Koenig relève la gageure de nous faire partager sa passion pour les vers de terre, et devinez quoi, il y arrive sans problème. On partage les tourments d’Arthur qui vit son rêve rural, se fait de nouveaux amis, de nouveaux ennemis aussi, mais qui agace un peu à faire la leçon à tout le monde, et on suit Kevin qui devient grand et riche par mégarde et suit le rêve de quelqu’un d’autre. Deux vies qui se gâchent en ratant leur cible: rétablir le vers de terre au centre de la vie terrestre, au même titre que les abeilles et les chauve-souris. On en arrive à se passionner pour la question et, pour avoir vu la théorie développée par les Bourguignon dans « Une solution locale pour un désordre global », film réalisé par Coline Serreau il y a au moins treize ans, il est navrant de voir que l’absence de solution a encore dégradé la situation.

En bref, un livre incontournable.
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Humus



Imaginez une histoire de vers de terre qui vous captive pendant près de 400 pages.

Imaginez plutôt une fable écologiste qui a toutes les caractéristiques du réalisme, qui vous porte vers la réflexion plutôt que de vous l’imposer.

C’est drôle, intelligent, ça tape sur les grandes écoles et les politiques, ça donne des pistes d’explications sur l’échec de la politique écologique sans être didactique.

J’ai été effarée, amusée, surtout, j’ai lu ce roman en deux jours. Les personnages sont terriblement attachants, Arthur et Kevin prennent vie avec subtilité. Ces deux jeunes diplômés en agronomie rêvent de sauver la planète. Ils empruntent des chemins différents ce qui permet à l’auteur de balayer le sujet sans poncifs.

Bien sûr, je n’ai pas lu les centaines de livres parus depuis la mi-août. Je n’ai même pas lu les 4 titres de la dernière liste publiée par le jury du Goncourt.

Mais il me semble que ce roman est un prétendant sérieux au prix.





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Humus

Un très bel ouvrage dans la veine des grands romans du 19 eme siècle.



Le lecteur est mis en présence de deux personnages centraux, Kevin et Arthur, le 1er transfuge de classe, le second fils d'avocat. Les deux se rencontrent à Agro Paris Tech (sur le plateau de Saclay dont la description est très fidèle à sa laideur urbanistique) lors d'un cours sur les lombrics. Leur amitié est immédiate, soudaine.



Arthur choisit, à l'issue de ses études, d' investir la maison du grand-père décédé, située en suisse normande, y cultiver quelques hectares et avant tout purger les terres de décennies d'intrants et pesticides. Il embarque dans cette aventure, Anne, dont l'idée romantique d'un retour à la vie campagnarde n'est pas pour lui déplaire même si elle déchante vite au vu des ennuis qu'ils y accumuleront. L'épisode de l'inspectrice du RSA, fidèle soldat de la bureaucratie, vaut son pesant..D'ailleurs le personnage ressurgit sur les barricades en fin de roman.



Kevin, quant à lui, est ferré par Philippine-femme vénale- flairant dans le gaillard limousin belle gueule, sa capacité à devenir une machine à millions avec son idée de lombricomposteur.

Une dizaine d'adjuvants apparaissent au fil des pages et dynamisent le récit.



Les longues descriptions sont très intéressantes car elles sont comme une loupe posée sur un espace (géographique, urbain, sociologique, politique, culturel, privé etc.. ) de notre société. Par ailleurs elles sont extrêmement bien écrites. Koenig chasse l'ennui du lecteur partout où il pourrait s'installer.



Nos deux personnages vont se perdre, leur amitié ne survivra pas puisque sacrifiée sur l'autel des trahisons (politiques, idéologiques, amoureuses....) mais ils vont aussi sombrer individuellement, l'un dans le scandale financier, trahit par tous et lâché comme une fiente tombant d'un gratte-ciel, l'autre dans les mouvements possiblement totalitaires de la rébellion. Contre toute attente ils se retrouvent in extremis, juste le temps de se lancer quelques mots, rongés et rompus par leurs engagements et désillusions.... Sur la ligne d' arrivée ils sont aussi nus que des vers.



L'ouvrage est vertigineux, le scénario est rondement bien mené.



Les personnages sont à peine caricaturaux, j'ose imaginer que Koenig a croisé dans la vraie vie certains des personnages. Certains lieux aussi tel que Bercy (déjà mis à l'honneur par Houellebecq dans son dernier roman).



Ce roman m'a confirmé une impression: je me sens totalement has been-et heureuse de l'être- car totalement inapte à servir les nouveaux seigneurs ... aussi bien les intégristes de l'écologie que ceux de la bureaucratie et des finances! J'appartiens à la génération y, le monde des z et des alpha me dépasse complètement. En effet, comme le dit Koenig en fin de roman, l'époque des "rebelles" faucheurs d'ogm issus du Larzac, qu'on taxait de violents, est totalement dépassée.... on a basculé dans le terrorisme organisé en quelques années, à tous les bouts de la chaîne (violences politique, policière, violence du capital, violence des mouvements de résistance etc...) . Et nous voici pour la énième fois devant le paradoxe de l'oeuf et de la poule sur lequel Aristote planchait déjà il y plus de 2000 ans.



Comment donc se sortir le derrière des ronces ? La question est entière lorsqu'on referme le roman de 380 pages, puisque la littérature sert à cela: interroger plutôt qu'asséner des vérités.



Bref, on ressort de cette lecture instruit par un scanner de notre pauvre société et un peu moins pessimiste qu'à la mitan du roman. Nous voilà bien embarqués en 2024... On imagine les luttes humaines passer comme une caravane, mère Nature remportant la partie, sans volonté de gagner quoi que ce soit et sans culpabilité.
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Humus

Gaspard Koenig a 40 ans, un parcours fascinant - major au concours d’entrée à Normale sup, agrégé de philo à 22 ans - et est déjà l’auteur d’une vingtaine d’essais. C’est un personnage absolument hors normes, dont le cinquième roman, Humus, est logiquement un événement, bien relayé par le milieu littéraire qui l’a placé dans la sélection des prix majeurs de l’automne (Goncourt, Renaudot, Grand prix de l’Académie française, Flore). Et, c’est à l’aune de cette aura qu’il faut l’apprécier.





Humus est une fable sociale, tissée à travers la rencontre de deux étudiants en agronomie que tout oppose. Arthur, issu d’une famille des appartements haussmanniens de l’ouest parisien et Kevin ( avec un seul “e” et sans accent), fils d’ouvriers agricoles du limousin, sont tous deux marqués par l’un de leurs cours sur l’apport des lombrics à la biodiversité. Ce point d’intersection dans leur vie sera aussi le départ de trajectoires toujours autant inversées puisque le premier retournera à la terre avec un projet de néo-ruralité alors que le second créera une start-up doté de fonds levés dans la Silicon Valley. A travers l'évocation de ces deux destins irréconciliables, Gaspard Koenig passe en revue notre société et ses contradictions, de l’illusion de la mobilité sociale et de cette tension persistante entre “fin du monde et fin du mois”.



J’ai beaucoup aimé le personnage de Kevin, éphèbe terrien, sorte de Vernon Subutex retourné à la terre, qui n’avait jamais pris l’avion, préférant la randonnée dans le Limousin, campant sur le bord des chemins. Sans doute, Gaspard Koenig s’est inspiré de son voyage à cheval de cinq mois entre la France et Rome, source d’un essai sur le rapport au risque et l’art du dépouillement, dont Humus en constitue le prolongement romanesque.



Fervent défenseur de la liberté individuelle, l’auteur en profite pour bien taper sur les institutions, et notamment les universités, ce qui s’appelle pour moi “cracher dans la soupe” quand on connait son parcours académique…mais qui prend tout son sens quand Kevin ouvertement bisexuel ne se reconnait pas dans le label LGBTQI+...Il refuse de se faire enfermer dans aucune case, et c’est toujours réjouissant.



Avec beaucoup de provocation, Gaspard Koenig fait du ver de terre le grand personnage de son roman, manière subtile de sensibiliser sur l’importance de la qualité des sols - qui contiennent près de la moitié de toute la biodiversité sur la planète - et du rôle qui jouent les lombrics, responsables à eux seuls de la production 140 millions de tonnes de riz, blé, maïs, orge, soja, pois chiches ou lentilles chaque année, en permettant d’augmenter de 25% la productivité des végétaux.



Drôle et désespéré, Humus est un grand roman, moderne, au dénouement jubilatoire.



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