Je n’aurais peut-être pas lu Gaspard Koenig, si Humus n’avait pas fait partie des sélections des prix littéraires ! Cette histoire de lombric, de lombrimix, de copulation de vers de terre ne me tentait que très moyennement, moi qui m’endors invariablement devant des documentaires animaliers. Mais la curiosité fut plus forte ! Et je ne le regrette absolument pas.
Gaspard Koenig saisit notre modernité au cœur de cette révélation, l’urgence écologique à changer notre façon de consommer pour assurer la survie de l’espèce. Sûr comme ça, pas envie de découvrir ce roman ! Alors, voici l’autre façon :
Brins d’histoire
Gaspard Koenig raconte l’engagement de deux ingénieurs agronomes Kévin, sans é, et Arthur.
Le premier est issu d’un milieu plutôt agricole. En remarquant son aisance dans les études, il est passé de classes en classes, de filières en filières bénéficiant à chaque fois de bourses ou de dispositif financier lui permettant de poursuivre ses études, sans en avoir éprouvé l’envie, sauf celle de découvrir Paris.
Arthur, et son prénom le souligne, appartient à la classe instruite de l’intelligentsia. Son père est un avocat reconnu pour défendre les libertés fondamentales. Lui, il connaît parfaitement Paris pour y avoir toujours vécu et fréquenté les meilleurs établissements scolaires.
C’est une conférence par le spécialiste des vers de terre, Marcel Combe (en vrai, Marcel Gauchet) qui va sceller leur amitié. À la fin de leurs études, leurs chemins divergent.
Arthur choisit de tenter l’expérience des néoruraux dans l’ancienne ferme de son grand-père en Normandie, complètement polluée par des années d’insecticides. Il se propose avec son amie, Anne, dont elle partage l’engagement, de vivre en décroissance, limitant au maximum leur empreinte carbone.
Kévin pense plutôt produire des vermicomposteurs de cuisine pour évacuer certains déchets ménagers. La rencontre avec Philippine, une rousse plutôt gothique, va orienter son projet vers le milieu industriel.
Vers de terre, sauveur de l’humanité ?
Gaspard Koenig est un philosophe, essayiste engagé. Après avoir fait le tour de l’Europe à cheval sur les traces de Montaigne, il avait essayé de se présenter aux élections présidentielles en s’interrogeant sur les raisons de vouloir élire un maître ! Plus réaliste était sa proposition d’un revenu universel pour les jeunes, reprise après.
Son premier roman avait déjà fait l’objet d’une sélection pour le Goncourt. C’est dire qu’il sait raconter des histoires !
Le roman ouvre des pistes de réflexion sans forcer son auteur à prendre position.
S’inspirant du mouvement des destructeurs apparus lors de la cérémonie des remises des diplômes des futurs ingénieurs agricoles en 2022, Gaspard Koenig démontre jusqu’au bout leur logique de décroissance qui peut déboucher sur un absolu difficilement compatible avec notre cadre bien délimité.
Des étudiants, formés à intégrer les milieux décideurs du pouvoir, se refusent à reproduire à l’identique ce qui n’a pas fonctionné. Ils essayent d’inventer d’autres possibles, comme le feront à leurs façons Kévin et Arthur.
De plus, la production d’humus par les vers de terre semble être une solution pour assainir la couche qui entoure la terre !
Pour finir,
La conclusion de Gaspard Koenig n’est pas réjouissante. Mais, elle répond à l’aspect romanesque de l’ouvrage. Mais sa clairvoyance se situe ailleurs : La justesse de la peinture de cette jeunesse y est évidente tout en étant éclairante. Certes, les lombrics vont peut-être assurer notre survie, mais ils ne sont qu’un prétexte pour confronter le lecteur à son écoresponsabilité.
Ainsi Gaspard Koenig préfère par la fiction montrer pour expliquer et comprendre. Notamment, les mouvements violents de groupuscules écoanarchiques qui envahissent nos actualités. Et, appréhender aussi cette écoanxiété si répandue dans une jeunesse instruite qui ne croit plus au modèle pour lequel ils ont été formés.
Gaspard Koenig offre un conte philosophique au point de départ écologique qui analyse notre actualité avec précision et ironie jubilatoire. Humus est un roman d’apprentissage pour deux jeunes hommes qui seront anéantis par notre époque. En cela, il s’inscrit dans la tradition littéraire du 19ème siècle. Mais, entre la désobéissance civique prônée par certains quaternaires et le terrorisme écologique qui se profile chez les plus jeunes, est-ce que le capitaliste vert, libéral et écologique, défendu par Gaspard Koenig sera suffisant. À vous de vous faire votre propre opinion ! Mais, c’est peut-être le prochain Goncourt ?
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