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Critiques de Gilles Deleuze (54)
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Capitalisme et schizophrénie, tome 1 : L'anti..

L'intéret de la lecture de l'oeuvre de Deleuze c'est qu'il a abordé au cours de son parcours quantité de thématiques différentes , tout cela dans une finalité : permettre à l'homme d'étre libre sur le plan de la pensée . Ici il étudie avec pertinence ce qui fait de l'étre humain un simple suiveur adepte d'une idéologie de masse et a contrario , ce qui peut faire de l'étre humain un précurseur , animé d'une volonté de combattre sur le plan des idées , l'idéologie de masse . Loin des penseurs qui n'on faient que se regarder penser , Deleuze aura tout au long de son parcours voulu l'émancipation réelle de l'humain par rapport aux diktats religieux , médiatiques ou politiques . En cela il est aujourd'hui essentiel de découvrir ou redécouvrir l'oeuvre de ce trés grand auteur à l'époque ou tf1 parle de téte de veau à 13 h .
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L'Oiseau philosophie

« Penser dans les choses, parmi les choses, c’est faire rhizome, et pas racine. Faire la ligne et pas le point ». Il fallait bien un oiseau pour porter l’esprit de la philosophie ! Les mots de Deleuze comme des petites graines...les aquarelles de Jacqueline Duhême comme des images à ciel ouvert ! « Créons des mots extraordinaires, à condition d’en faire l’usage le plus ordinaire, et de faire exister l’entité qu’ils désignent au même titre que l’objet le plus commun ». Il y a comme des livres extraordinaires qui vous donnent envie d’en faire votre ordinaire ! Pour apprendre aux petits et surtout, surtout aux grands qu’ils ont de l’herbe dans la tête !



Astrid Shriqui Garain



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Spinoza. : Philosophie pratique

Spinoza fut l'un des plus grands penseurs , car il appliquait une philosophie humaine , une philosophie qui n'était pas faite de grande phrase sans signification . Spinoza avait en lui un respect trop grand de la philosophie pour l'enfermer dansune boite dont lui seul aurait eu la clé . Il voulait une philosophie à hauteur d'homme , qui soit une aide pour l'homme et non une discipline réservée aux seuls érudits capables de voir une signification dans un texte ou il n' y en a aucune . Deleuze à bien compris cela , et dans cet opus il s'attache à mettre en lumiére ce qui dans la philosophie de Spinoza était le plus à méme de donner à l'homme une meilleure compréhension de sa vie , et de la maniére d'aborder celle çi . Le terme "philosophie pratique " est trés bien choisi , car il permet de mieux percevoir l'intéret de la pensée de Spinoza dans l'approche de l'existence quotidienne . Voila encore un ouvrage d'une grande importance venant de l'un des plus grands esprits du 21 éme siécle .
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Capitalisme et Schizophrénie, tome 2 : Mille ..

- Tu vois 1000 Plateaux c’est comme un super vélo à 1000 vitesses. Tu pédales pas mal pour comprendre, parfois tu moulines, mais des fois tu gravis des sommets que tu n’aurais jamais pensé franchir, à toute allure.

- J’ai toujours pas pigé ce que c’est qu’un « plateau ».

- C’est comme… C’est un plan d’immanence, composé d’agencements de concepts, de dates, de figures qui permettent, si tu veux, de penser l’organisation de la réalité à nouveaux frais.

- C’est ton cerveau qu’est pas frais.

- Tu rigoles ? 1000 Plateaux c’est le pédalier du Disque-Monde !



Ainsi peut-on (doit-on ?) aborder cette œuvre de Guattari&Deleuze : avec humour et enthousiasme. J’avoue, la métaphore du vélo ne va pas chercher loin. Mais on ne peut pas introduire réellement à la facture de l’ouvrage que par ce genre de tournure décalée. Et c’est sûrement une des qualités de l’écriture du livre qui l’a rendu si sympathique à autant de lecteurs différents : « livre pour tous et pour personne » comme disait Nietzsche (c’est un bel hommage que de faire parler le Grand Moustachu). Car il faut suivre, et il est facile de se perdre dans ces plateaux, ces strates géologiques de concepts forts mais parfois bruts, non-raffinés : au lecteur d’opérer la transformation des injonctions, de traduire en sa langue mentale toutes les pistes esquissées par le double-philosophe Deleuze&Guattari. C’est là le risque et la réussite de l’ouvrage. DIY : dé-fais toi toi-même scande le livre.



Livre de philosophie c’est-à-dire livre-concept, légèrement imagé, à la prose tantôt magmatique, digressive, scientifique, linguiste, tantôt fulgurante, poétique, 1000 Plateaux est fécond en concept décisifs et fascinants : déterritorialisation, corps-sans-organes, lignes molaires - lignes moléculaires - lignes de fuite, devenir-animal – devenir-intense – devenir-imperceptible, ritournelle, agencements, plan d’immanence, nomadologie, etc. Tout ce lexique qui fait que « le siècle sera deleuzien » pour reprendre la formule de Foucault. Vraiment, un cortège de concepts vitaux qui se veulent opératoires. Et qui peuvent l’être si l’on prend le temps d’approfondir la lecture (ce qui n’est tout de même pas évident).

Il faudrait 1000 textes et 1000 lectures pour bien traiter l’ouvrage. Le commentateur moutonne.

Qu’à cela ne tienne. On y revient, toujours avec plaisir, avec perplexité, et parfois l’on fait des découvertes étonnantes. A vous de dire.

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Nietzsche et la philosophie

Deleuze m'a déçu la première fois que je l'ai lu -dans son ouvrage sur Foucault-, style trop conceptuel, abstrait, obscur. Je redoutais donc cette deuxième lecture, bien que partant d'une meilleure connaissance de l’œuvre de Nietzsche que de celle que j'avais de Foucault à l'époque, j'avais peur de ramer de la même manière.

Éh bien ce ne fut pas le cas, je ne sais pas à quoi est imputable ce fait, à ma plus grande maturité littéraire et philosophique, me permettant d'aborder des œuvres plus ardues ? A ma meilleure connaissance de la pensée résumée ? Sans doute un peu des deux, toujours est-il que j'ai beaucoup appris à la lecture de cet ouvrage.





Je connaissais donc Nietzsche pour avoir lu quelques unes de ses œuvres ainsi que certaines synthèses de sa pensée, mais à la lecture de ce Nietzsche et la philosophie, force m'a été de constater que je n'en avais qu'une connaissance partielle, sinon tronquée sur certains points. C'est une pensée extrêmement difficile à cerner parce qu'elle est à considérer sous le prisme de la volonté de puissance, qui est à diviser en deux parties -affirmative et négative-, ces deux parties qui sont elles-mêmes composées de forces opposées -actives et réactives. Mais tout se complique encore lorsque la négation et l'affirmation peuvent toutes deux exister dans un processus d'affirmation ou de négation qui les domine, autrement dit, la négation peut et doit exister dans l'affirmation. Bref, c'est peu dire que la mésinterprétation est possible, c'est encore moins dire que de déclarer qu'elle a eu lieu à de trop nombreuses reprises et qu'elle domine encore dans la critique de cette philosophie.

Deleuze nous expose toutes ces nuances avec une précision chirurgicale, bien que l'accessibilité de l'ouvrage en pâtisse, l'on ne peut renier la précision, parfois au dépend de la clarté, mais pour peu que l'on ait une connaissance sommaire de la pensée nietzschéenne, le problème est résolu. Car le plan de l'ouvrage est fait de telle sorte qu'il se décompose en trois parties dominantes qui sont des commentaires de livres de Nietzsche : La naissance de la tragédie ; La généalogie de la morale ; Ainsi parlait Zarathoustra. La lecture préalable de ces œuvres, bien que non indispensable, facilite grandement la compréhension. Quoique, une fois la dernière page tournée, l'unique envie qui nous domine est celle de se replonger dans ces livres, fort de ces nouveaux outils d'interprétation.

Il est dit au dos de l'ouvrage qu'il est "une lumineuse introduction à l’œuvre d'un philosophe trop souvent réduit au nihilisme" -à sa lecture, l'on se rend d'ailleurs compte que si Nietzsche a eu un rapport avec le nihilisme, c'est un rapport d'ennemi à ennemi-, mais il est bien plus qu'une introduction, il est d'ailleurs peut-être un peu trop ardu pour être une introduction, il est une réelle synthèse brillamment menée d'une pensée difficile à appréhender et d'autant plus difficile à synthétiser. Deleuze se charge de cette épreuve avec un génie clairvoyant que je n'avais que peu eu l'occasion d'apprécier, la lecture de ce livre vous aidera sans aucun doute à, si ce n'est revoir totalement votre conception de cette pensée -ce qui est possible-, dissiper le brouillard présent sur quelques points embrumés de cette dernière -ce qui est certain.







Il faut être prêt avant de se lancer dans ce livre, la connaissance de certaines œuvres de Nietzsche, si elle n'est pas une nécessité absolue à la compréhension, est largement préférable à la découverte au fil de la lecture. Il faut parfois s'accrocher, le vocabulaire employé est d'une précision chirurgicale et ne laisse aucun temps de repos à l'attention sous peine de négliger quelques points capitaux. Pour autant, la démarche reste très pédagogique et aucune partie n'est traité sommairement, il est courant de voir ressurgir les termes d'une analyse préalable, cette nouvelle évocation permettant de renforcer et consolider, ou même reprendre si nécessaire le développement de celle-ci.

Lire ce livre revient à planter une graine que l'on sait dur à entretenir, que l'on sait qu'elle interdit la moindre faute d'attention, mais les fruits naissants de l'arbre auquel elle donnera vie méritent amplement ce sacrifice. Car il m'apparaît maintenant évident, encore plus que durant le temps précédant cette lecture, que Nietzsche est un génie ayant révolutionné la philosophie, Deleuze, prouvant sa capacité à synthétiser une telle pensée, n'a pas non plus volé la considération géniale dont il est désormais la cible de ma part. En effet, partant d'un tel esprit analytique et doté d'un regard aussi perçant, il a du lui aussi mettre au point une philosophie capable de m'apporter une infinité de beaux fruits tels que ceux qui poussent actuellement dans mon esprit sur le grand arbre qu'y occupe la pensée de Nietzsche.
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Proust et les Signes

Proust reste aujourd'hui encore l'un des plus grands représentants des lettres françaises . Son oeuvre est d'une qualité qui ne peut qu'étre saluée . Deleuze lui à décidé de décrypter l'oeuvre de ce géant de la littérature au travers des signes que celui - çi laisse tout au long de ces opus . Ces signes suivant Deleuze sont autant d'éléments qui sont â méme de comprendre avec davantage de précision ce qui à fait la vie de Proust , ce qui l'a conduit à traduire par écrit certaines émotions de sa vie , de son parcours . Pour Deleuze , l'écriture est en quelque sorte l'expression du ressenti intérieur , l'on peut d'aprés lui trouvez l'essence de l'ame humaine en étudiant les signes qsue les écrivains laissent au travers de leurs pages . Et il appliique donc cette conception à Proust , qui il est vrai aura au fil de son oeuvre laissé des petits éléments pour mieux comprendre son cheminement intérieur , ce qui l' a conduit à l'élaboration d'une oeuvre aussi complexe et personnelle . On a ici encore un opus d'une grande importance de la part de l'un des plus grands penseurs contemporains . Incontournable pour mieux comprendre Proust .
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Proust et les Signes

Brillant, magistral, deleuzien. En plus, il aime Proust.
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Kafka

« Une littérature majeure ou établie suit un vecteur qui va du contenu à l'expression (...). Ce qui se conçoit bien s'énonce...

Mais une littérature mineure ou révolutionnaire commence par énoncer, et ne voit et ne conçoit qu'après ».



MINORITÉ



Que se passe-t-il ? On entend d'abord « une sorte de piaulement » … et la foule qui gronde …



« Comment devenir le nomade et l'immigré et le tzigane de sa propre langue ? »



Minorité et multiplicité.



« La littérature est l'affaire du peuple »



La minorité n'est pas une affaire de quantité. Même majoritaires numériquement, les minorités se trouvent face à un mur, nassées.



« Passage de l'animal individué à la meute ou à la multiplicité collective : sept chiens musiciens. »



Minorité et pressentiment.



« La ligne de fuite créatrice entraîne avec elle toute la politique, toute l'économie, toute la bureaucratie et la juridiction : elle les suce, comme le vampire, pour leur faire rendre des sons encore inconnus qui sont du proche avenir – fascisme, stalinisme, américanisme, les puissances diaboliques qui frappent à la porte. »



Le plus beau c'est qu'il suffit de lire quelques romans et nouvelles de Kafka, pour entrer dans l'univers complexe des philosophes Deleuze et Guattari, entre l'Anti-Oedipe et Mille Plateaux.



« Un agencement, objet par excellence du roman, a deux faces : il est agencement collectif d'énonciation, il est agencement machinique de désir. »



RÉVOLUTION



« … le désir que quelqu'un a pour le pouvoir, c'est seulement sa fascination devant ces rouages, son envie de faire marcher certains de ces rouages, d'être lui-même un de ces rouages – ou, faute de mieux, d'être du matériel traité par ces rouages… »



Trouver une issue. Devenir-animal.



« La critique (sociale) est tout à fait inutile ». C'est beaucoup plus important d'épouser le mouvement virtuel ». (« C'est seulement dans le mouvement qu'on peut distinguer le « diabolisme » du désir et son « innocence », puisque l'un est au plus profond de l'autre. »)



Sentir l'affaissement complet d'un système, et pressentir ce qui commence.



« Puisque les machines collectives et sociales opèrent une déterritorialisation massive de l'homme, on ira encore plus loin dans cette voie, jusqu'à une déterritorialisation moléculaire absolue. »



S'engouffrer.



« Le devenir-animal creusait déjà une issue, mais il était incapable de s'y engouffrer…il opérait déjà une déterritorialisation absolue : mais par lenteur extrême. »



Prendre de vitesse…



« Il semble au contraire que K, et un certain nombre d'autres personnes qui le dédoublent, soient trop rapides en un sens pour être « pris »… »



DOCTRINE



Je pourrais m'arrêter sur plusieurs problèmes :

- la collapso-logique, ou “l'inutilité” de la critique sociale, comme déterritorialisation seulement relative.

- le manque d'une conscience collective : comment est-il comblé ? désir-manque ou désir-plénitude ?



De toutes façons, chacun.e fait sa propre lecture de Kafka…

…et des kafkologues.

Je veux juste dire que ma doctrine est assez proche de ce que j'ai lu.



Kafka est un génie. Deleuze et Guattari aussi. Un sociologue disait en passant que « tous les gens sont des génies, et ils le savent » (Luc Boltanski). Encore un pas, et on pourrait dire que tous les êtres vivants sont des génies.



Nos deux philosophes se sont approchés au plus près, mais pour Deleuze, « le langage, à la limite, sépare l'homme de l'animal ». Triste retour au mot d'ordre.



J'affirme donc, pour ma part, qu'absolument tout ce qu'on dit de l'homme doit pouvoir se dire de n'importe quel être vivant. Il le faut, pour laisser le champ libre à la recherche.

On n'a donc pas fini de briser les catégories du langage.



Comme on peut le lire, pour terminer :



« L'expression doit briser les formes, marquer les ruptures et les embranchements nouveaux. Une forme étant brisée, reconstruire le contenu qui sera nécessairement en rupture avec l'ordre des choses. »
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Capitalisme et Schizophrénie, tome 2 : Mille ..

Quel est le rapport entre la parole d'un fou, le chant d'un oiseau et un discours politique ?

C'est peut-être chez la personne dite « schizophrène » qu'on peut l'entendre mieux qu'ailleurs :

« il y a toutes sortes de voix dans une voix »…



Gilles Deleuze et Felix Guattari ont conçu une expérience analogue de la multiplicité, pour le lecteur comme pour eux-mêmes, en écrivant ce livre. À deux, ils ont déclaré que le « je » n'avait pas grande importance. Ils ont détaché les chapitres comme autant de voix, et ils ont laissé advenir un agencement singulier de concepts…



Au lecteur de jouer. Je ne sais pas dire si cet agencement est concret ; j'emploierais plutôt le mot pâteux. Pour se rendre compte du processus, suivons le bouillonnant professeur Challenger tout droit sorti de la nouvelle de Arthur Conan Doyle, « Quand la terre hurla » ; ça se passe lors d'une conférence de presse imaginée par Deleuze et Guattari, où le professeur part en vrille devant un auditoire qui déserte en dénonçant le côté fumeux de l'affaire...



Si on devient fou en lisant ce livre, on peut dire que l'objectif est atteint. On aura compris que « le devenir et la multiplicité sont une seule et même chose » ;

Devenir-sorcier.e peut-être, ou devenir-femme, ou devenir-animal pour l'homme aux loups ;

On devient ce qu'on n'est pas, or je ne suis pas ce que je suis. On devient, c'est tout, par un concours de circonstances…



Ce qui est amusant quand on s'intéresse à l'éthologie, c'est de se dire que les animaux, comme tous les êtres vivants, multiplient par avance les solutions aux problèmes qui pourraient se poser ;

Naturellement, on est donc en train de résoudre des problèmes sans savoir lesquels...

Comment ? par une prolifération d'expérimentations baroques, « des noces contre nature » comme la symbiose de la guêpe et de l'orchidée, des aventures « cosmiques » comme la prodigieuse remontée des saumons à leur source…



Si on veut, on peut trouver un fondement à cette prolifération ou aux agencements concrets, en le nommant « inconscient libidinal, machinique, moléculaire » ;

Mais ce qui est manifeste dans ce livre, c'est que tout devenir n'est qu'un rapport à autrui : les animaux, les fous (même si ce livre ne s'intéresse pas directement à leur souffrance), les personnages de romans, les femmes...

Partout, la fascination est manifeste. « C'est curieux comme une femme peut être secrète en ne cachant rien »…



C'est un régal d'en apprendre plus sur les pinsons d'Australie, sur leur chant et leur comportement ;

agencement collectif d'énonciation et agencement de corps ;

C'est l'histoire d'un pinson qui tenait en son bec un concept...

un simple brin d'herbe en l'espèce,

« un vecteur de deterritorialisation » qui agit comme « une composante de passage entre l'agencement territorial et l'agencement de cour » ;

Les vecteurs se conjuguant, le pinson devenait une autre créature…



C'est encore un régal de lire Henry James et de rencontrer les personnages de ses romans, à l'invitation de notre duo de choc Deleuze et Guattari ;

Leur pragmatique à ces trois là n'est pas exactement le pragmatisme de William James, le frère. On a dit que Henry est un romancier de l'indirect...

Voici un autre visage du concept : « Le concept par certains aspects, est un personnage, et le personnage, par certains aspects, est un concept »...



On aimerait poursuivre sur cette tonalité joyeuse, mais on sait qu'on peut devenir réellement fou, par une déterritorialisation brutale : on voit une meute de loups, un essaim d'abeille puis un champs d'anus...Il peut aussi survenir une reterritorialisation destructrice ;

La psychiatrie nous révèle notre propre image : « tantôt avoir l'air fou sans l'être, tantôt l'être sans en avoir l'air » ;

C'est la figure de la face blanche et des trous noirs qui vient hanter ce livre ; nous sommes pris dans le mix « d'un régime de signes despo­tique, signifiant et paranoïaque, et d'un régime autoritaire, post­ signifiant, subjectif ou passionnel »...



Notre duo de choc y voit le visage humain : « La tête humaine implique une déterritorialisation par rapport à l'animal » ;

Or, le côté obsessionnel de cette face blanche avec ses trous noirs me fait plutôt penser à un cul ; à chacun son délire...

Pourquoi s'efforcer de fonder une exceptionnalité humaine, si c'est pour se dire à la fin du livre qu'« il n'est pas sûr qu'on puisse faire passer une frontière entre l'animal et l'homme » ?…



Et pourquoi cette question : « Faut-il garder un minimum de sujet ? »

Pourquoi cette tentation de conserver un moi minimal, un fondement, un plein, qu'aucun affect ne peut faire vaciller, pour faire face à la réalité dominante…

…alors que la question suggère déjà que le Moi y est toujours englué…



Nous sommes sur le plan politique depuis le début de ce livre ;

pris dans des alliances infernales entre, d'une part, un régime totalitaire qui ne réclame que l'obéissance et qui obture les lignes de fuites, et d'autre part, un régime suicidaire dans lequel les lignes de fuites sont devenues destructrices ;

Or, l'appareil d'état et la machine de guerre n'ont pas la même origine…



Encore ce besoin de fonder : trouver une origine puis construire un appareil conceptuel ;

C'est curieux comme ça suppose aussi le pouvoir de déformer, destratifier ;

John Dewey, un autre philosophe du pragmatisme, avait noté ce paradoxe observable chez tous les animaux : « l'augmentation du pouvoir de former des habitudes signifie qu'augmentent aussi l'émotivité, la sensibilité, la réceptivité »…



Refaire l'histoire est décidément trop tentant ; en quelques pages on trouve l'origine nomade de la machine de guerre ;

celle-ci est dirigée contre l'état avant que celui-ci s'en empare et fasse de la guerre son objet ;

Mais cette machine de guerre renvoie d'abord aux mutations, à « l'émission de quanta de déterritorialisation » ; elle renvoie à une sémiotique contre-signifiante, distincte des deux précédentes, signifiante et post-signifiante (voir au-dessus)…



On n'a encore rien dit sur le capitalisme. Or, si l'embarras est évident, il me semble qu'il vient d'abord de la tentative douteuse de traiter la question comme une pathologie sur le même plan que la schizophrénie ;

Pourquoi devrais-je m'accommoder à une société comme à une réalité qui est en même temps un bien ? (question du médecin-philosophe Canguilhem) ;

Et réciproquement, on ne sait rien non plus des résultats de la « schizo-analyse », car il n'a jamais été question dans ce livre de personnes en souffrance…



La machine de guerre monde, avec le capital en input, semble fonder la société entière sur une axiomatique pas plus large qu'une tête d'épingle ;

Et comme réponse type à cette situation, la « pragmatique » est aussi indirecte que possible ; c'est « un voyage sur place »...

« Les conditions mêmes de la machine de guerre d'Etat ou de Monde…ne cessent de recréer des possibilités de ripostes inattendues, d'ini­tiatives imprévues qui déterminent des machines mutantes, minoritaires, populaires, révolutionnaires. »...



On nous croit stratifiés sur le fond d'une axiomatique ou d'une morale,

à la fois sédimentés et plissés, codés et surcodés ;

Voyez les deux articulations, le contenu et l'expression : chacune met en jeu des formes et des substances, des codes et des territorialités…

C'est « la géologie de la morale », géologie et non généalogie…



Mais la stratification n'est pas tout ; Il faudrait revenir à la conférence du professeur Challenger…

Comme la terre sous sa croûte,

les terriens n'ont pas dit leur dernier mot ;

Et de son côté, la machine Deleuze-Guattari expérimente un « Corps sans Organes »…
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Capitalisme et Schizophrénie, tome 2 : Mille ..

Proposition alternative



Il s'agit d'un texte rédigé dans un moment d'enragement alors que j'assistais à un cours de psychopathologie.. (ce qui remonte à quelques années..)

Je crois n'avoir rien corrigé ou presque

Quel rapport ?..

C'est un moment de rupture ; un manifeste, si l'on veut

En partie motivé par la découverte de Deleuze et Guattari, les cours de Deleuze surtout..

"Qu'est-ce que ça veut dire ?..."



Veuillez m'excuser d'avance pour le texte en question (sans doute un peu, voire très jargonneux, selon le point de vue..)



Les émargés ne sont pas dénués de volonté (au sens passivité/activité). Ils sont au contraire producteurs, inventeurs dans le champ social, sans médiation, ni médiateur.

Situer la limite dépassée, un peu plus près, un peu plus loin, ne permet en aucun cas une restructuration d'un désir réel.

C'est-à-dire, de son aspect révolutionnaire.

À quoi sert de saisir des libertés, dans leur plus stricte expression, à partir de structures d'enlisement social ou politique ?



Le désir n'est pas nécessairement désir d'interdit. Il est a-légal.

Il affleure quand l'homme social devient mouvant (vivant), générant de nouveaux discours.



L'enlisement social témoigne de la légitimation du mythe au niveau symbolique (dans le langage, les interactions sociales et la vie quotidienne). La répression (théologique ou psychanalytique) cherche la mort au coeur du vivant.

Et nécessairement la trouve, figeant un peu plus le mouvement et illusionnant le "sujet" sur ses possibilités d'invention.



*émargés : mis dans la marge



La production/invention, c'est la manifestation de vie.

(monde)

La construction sociale de la réalité, dans l'activité humaine limitée et limitative du monde, doit stigmatiser la pensée échappant à un cadre conceptuel donné pour encore reconnaître la validité d'une "mondanité" (appartenance au monde) illusoire.



Pourquoi l'obéissance serait-elle normative ? Il faut regarder de côté pour voir ou "réaliser" l'artificialité de l'édifice, au lieu de lever les yeux au ciel.



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Différence et Répétition

« Derrière les masques il y a donc encore des masques, et le plus caché, c'est encore une cachette, à l'infini. Pas d'autre illusion que celle de démasquer quelque chose ou quelqu'un ».

« Le masque se trouve être la vérité du nu ».



La question qui importe désormais c'est : qu'est ce qui force à penser ? ou qu'est-ce qui fait la différence ?



PROLOGUE. Deleuze et anti-Deleuze.



On commence par tourner autour des deux mots répétition et généralité. Ils évoquent deux manières de comprendre un ensemble d'éléments.

La généralité a la puissance logique du concept de son côté, dans la compréhension de Leibniz. (Blocage logique d'un concept qui n'a qu'une seule chose) ; à noter dans ce livre, une grande proximité avec les mathématiques.

La répétition comprend des éléments dont la différence ne peut pas s'expliquer selon cette logique, mais qui exprime la puissance de quelque chose qui insiste, et la différence en train de se faire. Pour l'illustrer, on peut déjà évoquer la répétition des mots et la puissance du langage. (Cas de blocage naturel du concept)



Deleuze tente de créer des concepts, mais selon une autre logique, pour comprendre précisément en quoi consiste l'expérience de la création. Il faut donc être attentif à la fois à ce qu'il dit et à ce qu'il fait. La création est entendue dans un sens large : création de concepts en philosophie, création artistique, etc…



Deleuze m'est apparu d'abord comme une éponge qui absorbe amoureusement tous les jus philosophiques. C'est tout le charme de sa philosophie de dire oui à l'existence sans chercher d'abord l'opposition. Il chante haut et fort avec Nietzsche, l'hymne de l'éternel retour, avec Dun Scott, l'univocité de l'être, etc…



Il trouve « l'anti-platonisme », mais dans le platonisme lui-même. Il repère les moments d'anti-kantisme dans le kantisme, etc… Et si on suit ce process, il faut s'attendre à trouver un univers anti-Deleuzien dans le système Deleuzien.



L'opposition est cependant marquée avec Aristote et Descartes, parce qu'ils représentent, avec une fidélité supposée sans failles, ces philosophies de la représentation, de la puissance logique du concept.

Cette opposition est en fait le moment, où les facultés de la conscience vont être systématiquement répudiées ou reléguées au second plan, au nom de l'inconscient tout puissant.



Et c'est dans ces oppositions, qu'on peut trouver une différence plus profonde, et un écart entre ce que Deleuze dit et ce qu'il fait. « L'opposition ne nous renseigne nullement sur la nature de ce qui est censé s'opposer ». « Les problèmes échappent par nature à la conscience, il appartient à la conscience d'être une fausse conscience ».



Le thème de prédilection de la philosophie de la différence c'est la différence entre l'homme et l'animal en général. Voyons donc ce qui se passe autour de Aristote, Descartes et Deleuze. Je propose un commentaire en 3 actes, suivis d'un épilogue.



ACTE 1 : Qui croit encore en cette antique définition de l'être humain ? : l'homme est un animal (genre) qui a la capacité de raisonner (différence)…



Si on appelle cela un spécisme (philosophique), alors le livre de Deleuze apparait comme un anti-spécisme, ou une manière de penser la différence sans chercher à se rassurer derrière le gros mythe de la grosse espèce.



Deleuze, l'éponge rebelle, ne veut surtout pas être pris pour une « belle âme ». Il se dit nomade, et non sédentaire. « Remplir un espace, se partager en lui, est très différent de partager l'espace ».

« Lui », c'est aussi l'Etre univoque : « il se dit, en un seul et même sens, de toutes ses différences individuantes ». Et l'espace partagé, c'est le monde de la représentation, des catégories, genres, espèces.



Ce qui intéresse Deleuze c'est ce qui agit dans les individus, « comme transcendantal, comme principe plastique, anarchique et nomade, contemporain du processus d'individuation ».



La différence se distribue dans un espace qui devient le monde théâtral de la répétition. Cet espace n'est alors rempli que de signes et de masques. Pour le figurer, Deleuze nous invite à lire la fin « grandiose » du Sophiste où est démontrée l'impossibilité de distinguer le « simulacre » (le songe, l'ombre, le reflet, la peinture), de l'original ou du modèle.



Ce théâtre de la répétition, ou ce complexe inconscient, a le secret de nos enchaînements et de nos libérations. « On ne répète pas parce qu'on refoule, mais on refoule parce qu'on répète ». En résumé, « la roue dans l'éternel retour est à la fois production de la répétition à partir de la différence, et sélection de la différence à partir de la répétition. »



Ou comme le résume David Lapoujade*, seul sera retenu, car seul revient, ce qui affirme ou exprime la différence. L'éternel retour ou l'instinct de mort, fait mourir l'identique, le Même et l'Un. (* Deleuze, les mouvements aberrants).



Après le domaine de la « répétition spirituelle », on revient à la « répétition matérielle ».

En tant qu'animal en général, il est dit que nous sommes une somme d'organes qui sont autant d' « âmes contemplatives » dont tout le rôle est de contracter l'habitude, « dans sa pleine généralité » ; c'est-à-dire « soutirer une différence à la répétition ». « Nous sommes nos mille habitudes composantes, formant en nous autant de moi superstitieux et contemplatifs, autant de prétendants et de satisfactions. »



« Finalement, on n'est que ce qu'on a, c'est par un avoir que l'être se forme ici, ou que le moi passif est ». Et en même, on est toutes nos différences individuantes.



ACTE 2. «  Je pense donc je suis », comme chacun est supposé le savoir.



Après Aristote, Descartes exprime un autre genre de présupposé, « enveloppé dans un sentiment au lieu de l'être dans un concept ».

« Or voilà que des cris surgissent, isolés et passionnés. Comment ne seraient-ils pas isolés puisqu'ils nient que tout le monde sache ? ».



Notre Deleuze de mauvaise volonté, dénonce le présupposé implicite qui se trouve dans le « sens commun logique », le bon sens, ou le principe du « clair et distinct », cette pensée en affinité avec le vrai.

Le bon sens se fonde sur la première synthèse du temps, celle de l'habitude. Il va du passé au futur, comme du particulier au général.

(Je relirais autrement Isabelle Stengers au sujet de ses « ruminations du sens commun »)



La philosophie de Descartes, est présentée de manière exemplaire, comme « le quadruple carcan du monde de la représentation, où, seul peut être pensé comme différent ce qui est identique, semblable, analogue et opposé ».



Deleuze rappelle, entre le Je pense et le Je suis, la césure qui ordonne l'avant et l'après. « Une fêlure dans le Je, une passivité dans le moi. voilà ce que signifie le temps » ; le temps comme « dégradation de l'éternité ».



« Le Je est la qualité de l'homme en tant qu'espèce » nous dit-il (page 330) ; et en même temps, c'est l'unicité et l'identité de la substance divine, qui « garantit » le Moi comme le Je, un et identique.

Nietzsche l'affirmera sans détour ; mais Kant aussi, un bref instant soustrait au devoir moral, a montré la façon dont « la mort spéculative de Dieu » entraine la fêlure du Je.



D'où on comprend, qu'il ne reste plus de qualité propre à l'homme, en tant qu'espèce, en dehors de celle qu'il trouve en Dieu.



ACTE 3. Encore, et toujours la même chanson : « je ne suis pas un animal ».



La messe est dite ; malheureusement, Deleuze ne peut pas s'empêcher de chanter la vieille rengaine. Exemple : « la bêtise comme bestialité proprement humaine ». Alors que « l'animal est garanti par des formes spécifiques qui l'empêchent d'être bête ».



Or, on vient de voir que le seul garant dans cette histoire, c'est l'unité de Dieu lui-même ; celle qui apparaît justement dans l'identité et la simplicité du Je ; mais la fêlure du Je nous a rappelé la fragilité de cette garantie. C'est dire à quel point les propositions qui précèdent sur l'exceptionnalité humaine ont déjà perdu toute crédibilité.



Et pourtant, les propositions de ce genre se répètent jusqu'au bout du livre (et au-delà) : « Le problème comparé de la sexualité animale et de la sexualité humaine consiste à chercher comment la sexualité cesse d'être une fonction et rompt ses attaches avec la reproduction. ». etc…



On ne sait pas quel problème caché insiste à travers cette répétition stéréotypée. On entend seulement que l'animal, hors du règne humain, doit rester en dehors de toute cette philosophie : sans fêlure, sans bêtise, pris dans le carcan de son espèce, hors du champ d'individuation. J'ai cru lire la bible : l'animal créé selon son espèce versus l'homme créé à l'image de Dieu.



À la fin, Deleuze ne fait même plus la différence entre le fixisme et la théorie de l'évolution, qui est décidément la bête noire de nombreux philosophes. Sa prière pour la « réconciliation » satisfera de nombreux croyants ; ce serait son côté assertif.



C'est bête, mais le théo et la logique me semblent faits l'un pour l'autre. Laissons Deleuze poursuivre : « la logique est une instance transcendantale » et « Leibniz seul s'était approché des conditions d'une logique de la pensée ».

C'est vraiment difficile, et il faudrait déjà commencer par les gammes. Pour ça, les cours sur webdeleuze sont parfaits ; sauf ses leçons de mathématiques que je ne trouve pas très convaincantes.



Leibniz aurait approché le « vrai mouvement de la pensée », et en même temps, il l'aurait « trahi au maximum ». Mais il faut bien que le Moi deleuzien qui prétend enfin approcher du « vrai », ait aussi sa garantie, sa monade des monades. Ce serait l'assurance d'une divine complication, la meilleure possible.



Finalement, voici la logique remaniée : « la pensée ne pense qu'à partir d'un inconscient, et pense cet inconscient dans l'exercice transcendant. ». (Au-delà du possible).



On ne sera pas surpris de croiser ici Lacan, « le logicien de l'inconscient » ; et on sait qu'il a lui aussi prêché sa formule sur l'exceptionnalité humaine ; c'est lassant, mais la formule en question nous rappelle le thème du masque derrière le masque : l'animal serait incapable de « feindre la feinte ».



On a vu que les choses douteuses ne forcent pas nos logiciens à penser car ils sont de mauvaise volonté et ces choses « présupposent la bonne volonté du penseur ». Mais les paradoxes devraient les y forcer ; ils fourmillent dans ce livre.



Et pourtant, rien ne force Deleuze à penser que les animaux pensent, hors du règne humain ; les animaux souffrent sans se poser de questions.

La souffrance animale devenait embarrassante (J. Bentham) ; elle ne l'est plus.

On pouvait être frappé par la sensibilité mobilisée dans le fait de former des habitudes (J. Dewey) ; s'est-elle évaporée ?



Entre l'homme raisonnable et l'homme affligé d'une bêtise humaine, c'est toujours la même chanson. Mais maintenant il feint l'impuissance ; ce que font tous les animaux. (Tant qu'ils vivent)

Qu'est-ce qu'il aurait à voir, avec la 6ieme extinction de masse, ce pauvre homme, « au Je et au Moi minés », à la « plate conscience », objet du « ciel » de son inconscient ?



Et sans doute, Deleuze s'oppose t'il frontalement à Sartre, pour qui l'inconscient a été la « mauvaise foi » personnifiée, ou l'excuse. Si on veut, il y a des beaux thèmes de dissertation : l'inconscient peut-il servir d'excuse ? Ou bien même : l'opposition conscient vs inconscient fait-elle encore du sens ?



Deleuze, à l'affût de la nouvelle révolution copernicienne, tente un retourné acrobatique : « La bêtise (non pas l'erreur) constitue la plus grande impuissance de la pensée, mais aussi la source de son plus haut pouvoir dans ce qui la force à penser. »



EPILOGUE. J'imagine un numéro de masques du Sichuan pour ouvrir cet épilogue : un masque derrière un masque…



C'est un peu comme l'idée de la puissance de l'idée : une idée de l'idée. « C'est l'excès de l'Idée qui explique le défaut du concept ». Elle est « différentielle de la pensée ». Je pense que je pense…



Mais on peut se demander ce que devient la machine à penser dans le chaosmos. Que devient-on dans ce sans fond de la pensée ?



Deleuze s'est passionné pour le calcul différentiel, et pour bien d'autres sujets, mais la fatigue le guette : « ce moment où l'âme ne peut plus contracter ce qu'elle contemple ». Et si ce n'est pas la fatigue, « il semble qu'on ne puisse pas échapper à un devenir-fou ». Nécessairement « solitaire et solipsiste », on est entre la vie et une petite mort.



Pris dans le « mouvement terrible de la pensée », avec ces idées qui « fourmillent dans la fêlure », les seules conditions viables sont celles d'un « sujet larvaire » ; à l'image de l'embryon qui est la seule forme capable de supporter des « métamorphoses intenses », qui déchireraient n'importe quel individu adulte. Mais c'est déjà un « pur individu ».



Or, face à l'objet de l'idée, c'est-à-dire face à un problème, que nous dit cet individu ? Il nous renvoie à la « société » : elle a ce qu'elle « mérite ». « La solution est toujours celle qu'une société mérite, engendre, en fonction de la manière dont elle a su poser, dans ses relations réelles, les problèmes qui se posent en elle et à elle dans les rapports différentiels qu'elle incarne. »



Il y a matière à réfléchir, mais comme engagement politique, ça reste en effet larvaire. Ce qui pose la délicate question du passage à l'expérience actuelle (ou comme dirait un.e coach, c'est la question de l'incarnation de ses valeurs). Au fond, la philosophie de Deleuze est-elle un cri ou une chanson ?



Encore une image chinoise : le non-agir (taoïsme), WuWei, 无为. À tous les niveaux, dans ce livre il y a une subtile dynamique du passif en même temps actif, une « passivité constituante », une « contemplation contractante ». Il faudra prolonger cette lecture et la rencontre avec Deleuze, pour comprendre le devenir du sujet larvaire, le devenir-minoritaire. (Voir Mille Plateaux)



Concrètement, ce qu'il fait, c'est créer des concepts, comme on crée des oeuvres dans les domaines artistiques. Pour les concepts des philosophes, comme pour des peintures originales, il serait donc dénué de sens de les opposer ou les identifier.

Dans ce livre, on explore le concept de « differen.t/c.iation », ou le délicat passage de l'Idée à son actualisation, ou du virtuel à l'actuel. (A ce sujet, on peut lire Étienne Souriau, comme Isabelle Stengers nous y invite, mais sans chercher l'affinité).



« L'empirisme transcendantal » de Deleuze est une autre manière d'exprimer ce concept. Il a pris très au sérieux l'art de poser les problèmes, en proposant un certain genre d'expérience de pensée au niveau de l'existence problématique, ou un « exercice transcendant de la sensibilité », c'est-à-dire hors de la simple expérience. « L'empirisme, c'est le mysticisme du concept »…



Pour terminer ce commentaire, je vais supposer quelque chose sur la folie de Nietzsche. Un article de presse relate quelques informations. Tout aurait démarré après avoir assisté à une scène à Turin, où on avait violemment fouetté un cheval. Plus tard, il dit à sa mère « Vois en moi le tyran de Turin ! ».

Je crois qu'il s'est effondré d'un coup, après avoir réalisé qu'il était un animal sans exception ; absolument sans exception ; et que si un homme ne peut pas souffrir sans se poser de question, alors le cheval à Turin et tous les animaux maltraités avant lui ne pouvaient pas souffrir sans se poser de question.
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Pourparlers 1972-1990

Si je ne devais recommander ce livre qu'à une seule catégorie de personne, ce serait aux initiés. A la philosophie, mais surtout à Deleuze. Ma note explique uniquement je ne le suis aucunement.

Que contient ce livre ? Une série d'articles de journaux, de lettres, de conférences et d'interviews de Gilles Deleuze, sur cinq grands sujets : ses œuvres composées avec le psychanalyste Félix Guattari, le cinéma, son grand ami Michel Foucault, la philosophie et la politique. Et bon nombre de ces éléments soit tournent autour de livres de Deleuze, qu'il est parfois bon d'avoir lus pour mieux les comprendre ou les assimiler. Beaucoup d'autres noms comme les philosophes Leibniz ou Heidegger, ou les cinéastes Resnais, Sybeberg et une multitude d'autres sont mentionnés. Connaître leurs idées générales, ce qui n'est de nouveau pas mon cas, est adapté à une compréhension optimale de ces Pourparlers, qui sont parfois également très difficiles à comprendre.

Vous êtes donc prévenus, vous vous aventurez dans une zone recommandée aux aguerris en particulier. Prenez tout de même en compte le fait qu'il ne s'agit là que de mon avis, c'est à dire presque rien.
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Qu'est-ce que la philosophie ?

Je le dis d’emblée : il faut être un philosophe aguerri pour comprendre clairement l’ensemble de l’exposé de Gilles Deleuze et Félix Guattari dans cet essai, "Qu’est-ce que la philosophie ?" Si certains chapitres peuvent être lus sans trop de difficultés, d’autres, notamment celui sur la différenciation de résolution des problèmes entre la philosophie et la science, sont extrêmement complexes. Cette sorte de manifeste est donc destiné à ceux qui maîtrisent déjà les grands principes philosophiques et ont une réceptivité particulière à l’abstraction. Car bien que les auteurs s’appliquent à géométriser les notions exposées, à tenter de structurer leurs pensées, tout reste vigoureusement abstrait. Cependant, je peux, malgré mes limites, indiquer les réponses développées par les philosophes à la question-titre : la philosophie est un constructivisme ; la philosophie est l’art de former, d’inventer, de fabriquer des concepts, de tracer un plan. Mais qu’est-ce qu’un concept ? A quoi sert un concept ? Qu’est-ce qu’un plan d’immanence ? C’est là que tout se complique… Lorsque je lis, par exemple, que « le plan d’immanence aide à penser le multiple dans l’unité mais sans réduction », qu’il est « stratifié en une multitude de coupes dans l’embrouillé du réel »… ben… c’est moi qui m’embrouille !
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Francis Bacon : Logique de la sensation

L'oeuvre de Bacon est si énigmatique qu'elle ne pouvait qu'attirer un philosophe aussi brillant qui livre ici une analyse pertinente et captivante . On entre facilement dans ce livre , ce qui est toujours agréable en matiére de philosophie. Et la profondeur du propos est telle que l'on se régale . Un grand livre sur un artiste au combien majeur .
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Cinéma, tome 1. L'Image-mouvement

L'on a depuis bien trop longtemps l'habitude de dire que le cinéma n'est pas fait pour se "casser la téte" , que "l'on va au cinéma pour se distraire" , ect . Le cinéma a toujours eu l'image d'un média sur lequel la masse a mis la main , et qu'elle ne veut surtout pas lacher , sous aucun prétexte . Ceux qui perçoivent ce média d'une maniére différente , comme étant une porte ouverte sur le monde , sur des pays autres , des cultures différentes , sur des pensées différentes , ceux là on toujours étaient vu par la masse comme des "frustrés , des gens sans vie , ect" . Pourtant Deleuze apporte dans cet ouvrage la preuve indéniable que le cinéma n'est pas qu'une simple distraction , qu'il a un role prépondérant dans l'élaboration d'une vision qui fera évoluée le monde dans le bon sens au lieu de le maintenir dans une sous culture qui dérive trop souvent vers la débilité . Deleuze avait une idée , une vision du cinéma , qui est totalement antagoniste avec celle dominante qui détruit ce que ce média peut apporter de bon à la réflexion de l'homme . Oui le cinéma fait partie intégrante du développement de l'homme . Il peut voir comment d'autres peuples evoluent , comment la vie est perçue ailleurs , le cinéma peut étre distraction oui , mais il ne faut surtout pas oublier qu'il est également une source de savoir sur l'autre que peu de médias peuvent apporter . Et ce remarquable ouvrage de Deleuze présente remarquablement bien cette dualité entre la conception basique d'un cinéma de distraction et la conception plus aboutie et captivante d'un cinéma de développement de l'esprit . Un ouvrage essentiel , à découvrir absolument .
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Nietzsche et la philosophie

Quand un penseur majeur s'attache à un projet d'explication et d'analyse de l'oeuvre d'un des maitres de la philosophie dont il est trés proche , cela donne un ouvrage d'une pédagogie rare , avec une volonté manifeste de faire découvrir au plus grand nombre les textes de l'un des péres fondateurs de la pensée contemporaine . Méme si le tout demande de bonnes connaissances en matiére philosophique , l'on est ici en présence d'un ouvrage de grande qualité , remarquablement écrit et réfléchit. Indispensable pour comprendre Nietzsche.
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Proust et les Signes

Comme bien d’autres lecteurs et spécialistes qui se sont penchés sur son œuvre (Luc Fraisse, Gilles Deleuze, Roland Barthes, Vincent Descombes, Anne Simon, Maurice Merleau-Ponty, Jean-Paul Sartre, Pierre Macherey, Jacques Bouveresse, Paul Ricoeur, Pierre Bayard…) nous apprenons qu’au-delà d’une chronique et d’une description à la fois minutieuse et distanciée de la société mondaine, le roman de Marcel Proust est une véritable quête philosophique à la recherche de la vérité.

Pourtant, en dépit de son éclectisme, la démarche de Proust à bien des égards s’écarte de la méthode philosophique qui se veut rationaliste par excellence, partant d’hypothèses, de réfutations et de déductions.

Loin de partir d’un postulat ou de concepts intellectuels, Proust suit bien la ligne d’un récit romancé en s’appuyant sur ses souvenirs qui recréent un univers de sensations à partir desquelles entre en effervescence sa réflexion et ses questionnements sur les phénomènes qui, au-delà des signes premiers qu’ils émettent, renvoient au sens caché qu’il déchiffre et découvre comme une progression à travers une succession de voiles qui, jusqu’alors obscurcissaient sa vue et son entendement.

La recherche de la vérité apparait comme constituée de révélations au fil du roman bien plus que le résultat d’une démarche volontaire et philosophiquement construite. C’est par une démarche impressionniste, subjective et intuitive que Marcel Proust parvient à débusquer les indices (les signes) qui le mènent progressivement à l’apparition d’une vérité nouvelle qu’un regard objectif aurait ignoré. Les apparences, généralement désignées comme trompeuses, deviennent son premier matériau. Mais il sait en faire pivoter les faces cachées comme un cube, en les exposant à une lumière nouvelle capable de discerner des diffractions interdites au regard ordinaire. Démarche plus familière au peintre qui joue de la subtilité des couleurs ou au musicien qui use des demi tons pour souligner la nuance, que celle d’un philosophe cartésien ou spinoziste s’appuyant sur une doctrine et des théorèmes. Paradoxalement, la vérité nait d’une suspension du jugement pour laisser place à la décantation des sens agissant comme le bain révélateur qui permet au cliché encore voilé de devenir une photographie au piqué irréprochable.

L’œuvre de Proust a servi de stimulant a de multiples analyses théoriques qui semblent n’avoir été développées que pour proposer de nouveaux développements à des disciplines jusqu’alors éloignées de la littérature. Si le propos de Proust y trouve un foisonnement intellectuel d’explications et d’interprétations extraordinairement riches, il apparait, en revanche, perdre une partie de son authenticité.

Voilà, me semble-t-il pourquoi il convient de laisser Marcel Proust à sa place, avec ses outils de romancier et de stylisticien et de le lire dans la poésie de l’instant où il nous fait revivre dans leur pleine richesse des sensations qui interpellent sa réflexion et la nôtre. Car le miracle réside bien dans ce dialogue intérieur, quand Proust nous replonge dans notre propre expérience du temps et de la vie passée qui reprend sens dans cet exercice de recréation au présent. Dès lors, la vérité apparaît comme un processus d’imprégnation plus encore que le fruit de l’intelligence rationnellement conduite. Débarrassé des concepts et des a priori, l’art agit comme l’authentique révélateur de la vérité nourrie d’une constellation de signes réassemblés et désormais décryptés. Sur ce point, Proust écrit : « Les impressions sont à l'écrivain ce que l'expérimentation est au savant, à la différence près que, pour le savant, le travail intellectuel vient d'abord, et pour l'écrivain, après ». Cette intelligence postérieure que Pierre Macherey appelle à juste titre « intelligence de style » traduit plus adéquatement ce que recherchait Proust quand il se rendait compte que « C’est la vie qui [...]nous permet de remarquer que ce qui est le plus important pour notre cœur, pour notre esprit, [...] que « l’intelligence n’est pas l’instrument le plus subtil, le plus puissant, le plus approprié pour saisir le vrai [...] Et alors, c’est l’intelligence elle-même qui, se rendant compte de leur supériorité, abdique, par raisonnement, devant elles, et accepte de devenir leur collaboratrice et leur servante. »

Dès lors, il nous faut admettre que malgré sa formation littéraire qui l’inscrirait davantage dans la lignée des classiques (Dostoïevski, Balzac, Saint-Simon…) et son cursus en philosophie, l’écrivain ne saurait être réductible à ses études. Proust romancier, s’il se fait essayiste à certains égards ne se réclame d’aucun courant philosophique majeur. Dieu, la morale, la religion ou les questions métaphysiques sont singulièrement mineurs dans son œuvre où de nombreuses et longues disgressions nous renvoient à des poncifs qu’aurait pu partager monsieur Tout-Le-Monde. Sans jamais chercher à bâtir un système de pensée, même s’il y a une dimension démiurgique dans sa recréation du Temps, l’écrivain conserve son rôle d’éclaireur sur des vérités qui, bien que nées du passé, n’ont d’autre but que de construire une vision qui nous permet d’entrevoir le futur nouveau auquel il nous convie en achevant son roman.

Marcel Proust va devenir l’écrivain d’un livre qui ne dit pas encore son nom, ni son propos car pour être dicible et intelligible il lui faut s’inspirer du sensible dont il nous aura fourni les clés. Roland Barthes assimile la Recherche du Temps Perdu à une galaxie infiniment explorable. Ainsi, en se référant à son propre livre intérieur, Proust donne au lecteur toute liberté pour recréer à sa manière le livre extérieur voué à un nouvel exercice de recréation qui ne peut être confié qu’au lecteur. Dans la fameuse phrase de la vraie vie dans Le Temps retrouvé, Proust nous rappelle que la littérature doit en effet permettre d'explorer cette proximité lointaine entre le monde et soi pour révéler l'indicible.

Tout comme le narrateur anonyme dont se distingue l’auteur afin qui remplisse le rôle porte-parole de l'être humain qui le lit, Deleuze met en évidence le rôle du lecteur qui est ce tiers invisible devenant le nouvel interprète d’une œuvre qui émet des signes à déchiffrer, à interpréter. Il n’y a pas d’apprenti qui ne soit « l’égyptologue » de quelque chose rajoute Deleuze. Malgré l’importance accordée à la reviviscence des souvenirs pour cerner la véritable réalité, Proust en connait les faiblesses : « Notre mémoire, relativement à la complexité des impressions auxquelles elle a à faire face pendant que nous écoutons, est infime, aussi brève que la mémoire d'un homme qui en dormant pense mille choses qu'il oublie aussitôt, [...] « Si notre vie est vagabonde, notre mémoire est sédentaire » C’est pourquoi il s’appuie bien davantage sur révélation des signes qui nous font accéder à une vision du monde qui nous a peut-être échappé. La force de la Recherche écrit Anne Simon est de nous rappeler qu’on ne peut philosopher sans se raconter des histoires dont les fragments mémoriels une fois soustraits à la contingence du temps permettent à Proust de construire, comme une cathédrale, « l'édifice immense du souvenir ». Lui-même affirme sans détour : « je ne suis pas ce que je reçois mais ce que je construis » Il n’y a donc pas lieu de distinguer d’un côté l’introspection du moi réminiscent et le récit des autres, ni de catégoriser un Proust romancier et un Proust philosophe. L’essentiel repose bien dans l’appréhension de leurs relations par le discours et la sensorialité à l’instar d’un Nerval ou d’un Baudelaire dont l’esthétisme poétique des écrits « est plein de souvenirs engourdis »

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Pourparlers 1972-1990

Alors, il faut faire le pas, faire le geste pour le trouver et ainsi lire ce livre, qui ne peut toutefois servir d'introduction à ce philosophe qu'avec difficulté, mais qui peut réjouir le connaisseur. En gros, c'est un livre agréable et utile pour qui veut connaître cette pensée importante au XXe siècle. C'est comme, dirait Deleuze, introduire à vivre et à penser en termes d'événements.

François NORMAND
Lien : https://www.erudit.org/fr/re..
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Nietzsche

Ce livre nous dénude la pensée nietzschéene en de courts chapitre. Deleuze a su trouver le bon chemin pour introduire sa philosophie d'une manière concise et passionnante. Le livre a deux partie, l'une sur l'explication de Deleuze, l'autre regroupant des extraits choisis pas l'auteur.

Je recommande ce petit joyau, accessible et didactique.
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Logique du sens

Logique du sens nous donne à penser ce que depuis tant de siècles, la philosophie avait laissé en souffrance : l’événement et le fantasme. Grâce soit rendue à Deleuze. Il n’a pas repris le slogan qui nous lasse : Freud avec Marx, Marx avec Freud, et tous deux, s’il vous plaît, avec nous. Il a analysé distinctement ce qui était nécessaire pour penser le fantasme et l’événement. Il n’a pas cherché à les réconcilier, à élargir l’extrême pointe de l’événement de toute l’épaisseur imaginaire d’un fantasme, ou à lester la flottaison du fantasme d’un grain d’histoire réelle. Il a découvert la philosophie qui permet de les affirmer l’un et l’autre disjonctivement.

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