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Critiques de Heinrich Heine (12)
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Jeunes Souffrances. Intermezzo lyrique

C'est une fois de plus grâce à Wikisource que je suis allé vers cette lecture, essentiellement par curiosité de lire un grand poète romantique allemand. Une fois de plus, l'ongle de mon index glissait parfois rapidement sur certains passages qui m'attiraient moins et s'arrêtait sur d'autres dont le sens me parlait beaucoup plus. Le mouvement romantique littéraire, né en Allemagne à la suite du retrait des troupes napoléoniennes, est riche de sentiments exacerbés, face aux grands sentiments humains comme l'amour, la mort, Dieu, le bien, le mal, la souffrance, l'homme face à la nature… Sans oublier une ode aux pays allemands qui peu à peu se libéraient du joug militaire français.

Tout cela est très riche, fait de grandes envolées lyriques, théâtrales, souvent redondantes. Combien de fois, dans la première partie, fait-il référence à sa « bien-aimée » ? Puis, il s'adresse ensuite à diverses connaissances, souvent inconnues du lecteur, mais qui reprennent les mêmes thèmes.

Je me suis parfois laissé attendrir, mais souvent, lassé de ces complaintes, j'ai accéléré la lecture en diagonale. Notre époque est maintenant très éloignée de ce romantisme. Et il est difficile de se plonger dans les sentiments et le ressenti du personnage. Notre époque, où les sentiments passent largement derrière le factuel, le concret, mais aussi le virtuel, où l'on ne se parle plus qu'à travers des masques. Notre époque ou les rapports humains sont complètements soumis aux rythmes de l'informatique ou le visuel tend à remplacer le « présentiel ». le début du XIXe siècle avait également son lot de souffrances et de désagréments, mais il suffit d'une plongée dans l'Allemagne actuelle pour se rendre compte que le romantisme est bel et bien révolu et appartient maintenant à l'histoire. Alors merci à Heinrich Heine pour son témoignage.

Je n'ai pas lu « Intermezzo Lyrique », que Wikisource proposait après les « Les jeunes souffrances ».
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Allemagne, un conte d'hiver, 1986

"La contrebande que je porte avec moi, c’est dans ma tête que je la cache"



1842, Heine revient. Treize ans d'exil loin de l'Allemagne et ce retour aux sources pour dire toute la complexité de la relation entre les juifs et ce pays qui leur a permis de donner toute leur mesure culturelle, intellectuelle, littéraire, musicale, philosophique, économique… Mais pas seulement. Heine voit plus large et plus loin.

Dans un temps suspendu entre Paris et Hambourg, Heinrich Heine y déroule un poème épique d'une verve ironique sans pitié aucune, dans un style et une structure d'une étonnante modernité. Sa lucidité satirique annonce "une Allemagne gangrénée par les braillements de ces pharisiens de la nationalité" face à une modernité qui va beaucoup trop vite et où tout se crispe : identité contre cosmopolitisme, racines et traditions contre mouvante modernité, classes sociales sacrifiées contre nantis et profiteurs, empire contre république… "Ce vautour ressemblait, à s’y méprendre, à l’aigle de Prusse ; cramponné sur mon corps, il me dévorait le foie dans la poitrine".

Poème empreint aussi de nostalgie au fil de ses pérégrinations : ni régionaliste, ni universaliste, c'est d'une patrie idéale qu'appelle Heine de ses vœux, humaniste et tolérante.



C'est à Paris que l'Allemagne lui manque ("Le vin du Rhin me rend tendre et chasse de ma poitrine tous soucis, il y infuse l’amour de toute l’humanité"), c'est en Allemagne qu'il regrette Paris ("Oh ! que ne suis-je, soupirai-je, que ne suis-je chez moi, près de mon excellente femme, à Paris, dans le faubourg Poissonnière"). Heine est une lumineuse passerelle entre ces deux cultures, lui qui jetait des ponts pour conjurer ses propres déchirures, celle d'être un juif acculturé converti au protestantisme, un libéral monarchiste féru d'humanisme et un allemand francophile exilé, revenu puis encore exilé. Dans cette œuvre, il orchestre avec virtuosité tous les paradoxes qui le tiraillent.



George Grosz qui reprendra en 1917-1919 le titre de ce poème de Heine pour un fameux tableau y peindra avec un génie expressionniste inouï ce que le poète avait pressenti des chaos allemands et de ce qu'ils allaient un jour brutalement enfanter. "La terre est aux Français et aux Russes ; la mer obéit aux Anglais ; mais nous autres Allemands, nous régnons sans rivaux dans l’empire éthérique des rêves" : la puissance industrielle, intellectuelle et militaire allemande un jour réclamera son dû. Heine et Grosz l'ont tous deux magistralement prédit.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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Ecrits mythologiques : Esprits élémentaires s..

L’ouvrage se compose de 4 petits essais: Esprits élémentaires (écrit en 1837), la Déesse Diane (écrit en 1845), le docteur Faust (écrit en 1851) et les dieux en exil (écrit en 1853). Le point commun entre ces quatre écrits est l’opposition entre les dieux et esprits antiques, le paganisme antique, hédoniste et sensuel et la spiritualité protestante allemande du 19ème siècle.



Dans esprits élémentaires, Heinrich Heine cherche à retrouver la religion un peu “originelle” germanique qu’il associe à un paganisme scandinave. Il présente d’abord les « esprits élémentaires » : les nains pour les esprits de la terre, les elfes pour les esprits des airs et les nixes pour les esprits des eaux en rapportant les différentes légendes et influences qui s’y réfèrent (notamment les valkyries, les normes, Mélusine et autres). J’ai bien aimé cette partie et aurait aimé qu’elle soit plus longue et un peu moins dilettante.



Concernant l’élément du feu, Heine développe l’idée que le diable est l’unique élément du feu, qu’il est tellement froid qu’il peut survivre dans les flammes de l’enfer. Il présente aussi quelques légendes liées au diable et embraye ensuite dans une digression intéressante sur la façon dont le christianisme s’est approprié les croyances antérieures et comment il a terrassé ses adversaires, en particuliers comment les anciennes divinités ont été “démonisées”. Pour Heine les anciennes divinités grecques et romaines, tout comme les esprits élémentaires sont toujours vivants mais se cachent car ils ont perdu en puissance face au christianisme.



Avec cette idée de divinités cachées aujourd’hui mais auxquelles on peut accéder dans des anciens temples ou dans des anciennes statues, on retrouve deux histoires qui ont la même trame que la Vénus d’Ille de Mérimée (Heine pense d’ailleurs que l’influence est espagnole dans ces contes allemands).



L’essai finit ensuite sur deux chants qui raconte le conte du chevalier Tannhaüser (minnesänger dans la version de Wagner (11ème 13ème siècle) et de Vénus qui n’apporte pas grand chose à la réflexion (Wagner fera un opéra de l’histoire du chevalier Tannhaüser 15 ans après l’écriture des “esprits élémentaires”) mais qui prépare le texte suivant de la “Déesse Diane” qui reprend en fait cette légende.





“La Déesse Diane” est une ébauche de livret de ballet avec des tableaux. L’idée principale de Heine est que les divinités antiques ne sont pas mortes mais se cachent maintenant et vivent joyeusement la vie, le ballet se passant au moyen-âge allemand (vers le 13ème siècle).



Le ballet met en scène un chevalier allemand en proie à un amour passionnel pour Diane Chasseresse, alors que la déesse a été détrônée par le christianisme mais vit encore cachée dans son temple. Elle vient le chercher lors de son mariage pour l’emmener au mont de Vénus ou le chevalier Eckart le défie et le tue pour sauver son âme immortelle. Les différentes parties du livret sont issues des légendes explorées dans esprit élémentaires. C’est intéressant de lire les deux à la suite car on comprend bien l’influence du matériel littéraire existant et le processus de création de Heine.





Dans “le Docteur Faust”, poème dansé, Heinrich Heine expose la signification de la légende de Faust qui est pour lui “l’affrontement entre l’hédonisme des dieux grecs païens et la vertu domestique et spiritualiste des peuples germaniques”, bien plus que la damnation éternelle de Faust à cause de sa volonté de connaissance et de jouissance.

L’intrigue se situe au XVIème siècle et Faust, magicien, passe un pacte avec Méphistophélès (ici Méphistophéla) pour obtenir l’amour, la connaissance et la jouissance des biens de ce monde.



L’introduction de Heine est très intéressante sur les différentes sources de la légende de Faust (dont le Faust de Goethe est le dernier avatar). Ça donne envie de relire le Faust de Goethe. Les notes de la traductrice sont très intéressantes d’ailleurs sur la propagation du mythe, qui semble complètement différente de ce que propose Heine. C’est intéressant sur la façon dont les sources sont adaptées : quels motifs principaux sont retenus? Comment garder la même signification en changeant l’apparence.



De même le livret final est très intéressant et explicite bien la démarche créatrice de Heine : les différentes sources qu’il connaît, lesquelles il retient et pour quelles raisons ; quelle compréhension il a de la légende de Faust ; comment cette compréhension est nourrie de sa comparaison entre les différentes versions qu’il a pu voir ou lire. Il parle beaucoup en particulier de la version de Marlowe et des versions données par les théâtres de marionnettes, non écrites, mais qui pour lui retiennent plus de thèmes anciens.



Il explique aussi dans ce livret pourquoi il a retenu l’apparence d’Hélène de Troie dans son ballet (car pour lui la légende de Faust est en fait la cristallisation du combat menée entre la Grèce païenne et hédoniste et l’Allemagne puritaine et protestante qui a été reprise à la Renaissance entre l’Italie enchantée et emmenée par la redécouverte de ces textes et l’Allemagne qui les a rejetés).



Dans la fin du livret, il livre toutes les légendes qui ont trait aux sorcières allemandes et au sabbat (loin des sorcières païennes qu’on pouvait trouver dans esprit élémentaires) avec tous les rituels lascifs du sabbat. C’est assez étonnant car il en parle comme de quelque chose d’avéré et complètement corroboré par tous les témoignages de sorcières (qui était torturées donc disaient forcément la vérité).





Dans “les Dieux en exil”, il reprend ce thème des divinités cachées et non détruites par le triomphe du christianisme et nous explique comment les divinités se sont cachées depuis la chute de l’empire romain : dans des îles ou au milieu des hommes. On pourrait dire que c’est plus une représentation de son thème favori qu’un approfondissement de sa réflexion. On retrouve donc Vénus, Mars, Dyonisos, Zeus et Hermès dans leur cachette actuelle. C’est divertissant mais ça permet effectivement d’apporter un éclairage aux autres textes et j’ai trouvé très intéressant que ces textes soient présentés ensemble.

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Allemagne, un conte d'hiver, 1986

Agréables poèmes un tantinets sarcastiques sur l'histoire et l'esprit allemands par celui qui se faisait appeler à Paris "henrienne".
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Histoire de la religion et de la philosophi..

J'ai été réellement bluffée par ce livre. Le propos est clair et accessible. Heinrich Heine ponctue son discours de blagues, de jeux de mots. Facilement accessible, il permet d'avoir un autre point de vue sur l'histoire de la philosophie et de la religion en Allemagne.



Bonne lecture :)
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Nouveaux poèmes

Comme beaucoup de Français, je ne connaissais pas la poésie de Heinrich Heine. Tout juste quelques poèmes comme la "Lorelei". Dans ce volume, j'ai découvert un auteur capable de changer radicalement de registre. Dans "Nouveau printemps" on trouve des textes aimables et sans prétention comme celui qui évoque « le papillon amoureux de la rose », par exemple. Plus loin dans le recueil, d'autres poésies sont moins mièvres, comme celle qui compare l'amour à « une étoile sur un tas de fumier ». Mais ce sont surtout les "Poèmes actuels" (Zeitgedichte) qui m'ont beaucoup frappé. On y découvre un Heine polémiste, fanatique de la liberté des peuples, qui ironise sans indulgence sur l'Allemagne trop soumise. Dans "Adam premier", il rejette le paradis, « car il y avait des arbres interdits ». Dans "Le nouvel hôpital israélite de Hambourg", il pense à ces personnes triplement misérables, car « ils sont pauvres, ils ont mal, ils sont juifs ». Dans "Georg Herwegh", il apostrophe l'Allemagne qui a cru « toutes ces têtes de pipe » et « leurs pompons noir-rouge-or ». Mais le plus fort, à mon avis, c'est "Soyez tranquilles" (que je mets en citation): un appel au tyrannicide. Je comprends parfaitement pourquoi Heine n'était pas du tout en odeur de sainteté sous le second et le troisième Reich !
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Le Docteur Faust, un poème à danser

La dimension sensuelle du personnage de Faust est peu évoquée dans les différentes versions du mythe, pourtant, au même titre que l'intelligence et le sentiment, la sensualité est source de connaissance. Henri Heine propose un focus sur la dimension érotique du personnage, dans cet argument de ballet, "Le Docteur Faust, un poème à danser".

Heine est un grand admirateur de Goethe. Cependant, c'est un peu contre le second Faust qu'il écrit son propre Faust. Il lui reproche de ne pas avoir respecté la tradition qui condamne le savant ; il estime que Goethe n'a pas terminé son oeuvre, même avec la seconde partie.

Heine réussit à transposer le mythe en argument de ballet poétique. Ainsi, il restitue la place primordiale du corps, donc du réel, inhérent à ce mythe : le pouvoir expressif de la danse permet de mettre en évidence la violence de la sexualité refoulée.

Ici, le diable est une femme qui s'appelle Méphistophéla, car selon lui, la tradition assimile souvent le diable à la femme séductrice. Tandis que chez Goethe, la femme est celle qui intercède pour la rédemption de l'homme, chez Heine, elle est la tentatrice qui entraîne à la perdition et qui dérobe à l'homme sa force vitale. En cela il rejoint le Docteur Faustus de Christopher Marlowe, chez qui le baiser d'Hélène « aspire et arrache l'âme ».

Cette version de Faust insiste sur les conséquences tragiques du refoulement ou du débridement de la sexualité. Son histoire est celle du passage à l'acte et de la satisfaction du désir refoulé, forme de transgression des limites de la condition humaine.

Si Heine a proposé une vision du mythe de Faust centrée sur le corps et le réel, c'est parce qu'il était lui-même en proie à une paralysie inexorable, qu'il attribuait à sa vie sexuelle débridée. Alors que souvent, les auteurs qui écrivent leur version du mythe s'identifiaient à Faust principalement dans le drame de la connaissance et de l'être, comme Marlowe, Goethe et Lenau, ici Heine se reconnaît dans la dimension érotique du mythe.
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Poèmes et légendes

Ce recueil d'Heinrich Heine est une œuvre riche et diversifiée qui explore une gamme étendue de thèmes, de l'amour à la politique en passant par la nature et la réflexion sur l'identité nationale. Il est constitué de trois sections qui apportent une variété de perspectives et de styles poétiques qui montrent la polyvalence de Heine en tant qu'écrivain.



J'ai préféré le premier : "Intermezzo" où il décline de multiples façons un chagrin d'amour tout en explorant des thèmes aussi variés que l'amour, la nostalgie, le voyage et la nature changeante de la vie. Les poèmes de cette section sont emplis de lyrisme et d'émotions profondes.



J'ai ensuite moins apprécié la 2e partie : "La Mer du Nord", section qui explore les émotions humaines à travers des images marines. Heine utilise la mer du Nord comme métaphore pour exprimer des sentiments de mélancolie, de désir et de solitude. Ses poèmes sont empreints de romantisme et reflètent la beauté de la nature, tout en explorant la complexité des émotions humaines.



J'ai nettement moins accroché à la troisième partie, plus politique.

"Germania", cette section, se concentre sur l'Allemagne, son identité nationale et sa situation politique. Heine exprime son engagement politique en soutenant les idéaux de liberté et de démocratie, tout en critiquant les régimes autoritaires. Ses poèmes révèlent une réflexion sur l'identité allemande et la diversité culturelle de l'Allemagne. L'ironie et la satire sont des éléments importants de cette section. Mais cela reste marqué d'un contexte particulier et m'a nettement moins touché.
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De la France

Objet d'un culte fervent en France, le poète et essayiste allemand Heinrich Heine (publié ici sous le prénom francisé de Henri Heine), d'origine juive mais converti au protestantisme, rencontra dans son pays natal une très forte opposition, à partir du moment où, ne pouvant vivre tout à fait de sa poésie, il se fit journaliste, avec une verve critique à laquelle l'Empire allemand n'était guère habitué. Résolument hostile au pangermanisme et au nationalisme exacerbé qui régnaient alors en maîtres dans toute la Prusse, il fut la bête noire des censeurs et finit peu à peu par s'attirer tant d'ennemis qu'il redouta pour sa vie, et quitta son pays natal pour s'installer en France, plus précisément à Paris, où il savait avoir des amis sûrs. Parfaitement bilingue, Heine savait écrire dans chacune des deux langues, et traduisit ses oeuvres françaises en allemand et vice-versa. Durant les 26 années qu'il passa en France, Heine publia simultanément la plupart de ses oeuvres en France comme en Prusse Cette production régulière lui permit de n'être oublié de personne, et surtout pas de ses ennemis.

Le hasard des évènements le fait arriver à Paris en 1830, en pleine révolution de Juillet, et il assiste à cet étrange changement de régime, où l'on remplace un roi par un autre. Comme l'Histoire défile devant lui, il commence à écrire sur ce sujet, et invente le reportage en immersion. Ses nombreux articles qui couvrent les années 1830-1833 sont un témoignage précieux de cette époque cruciale. Une partie d'entre eux compose ce recueil, qui sortit dans une forme primitive et publiée sous le manteau dès 1833, puis fit l'objet d'une première réédition posthume en 1857, sous la direction de son ami l'écrivain régionaliste Henri Julia. Mais une partie des textes ajoutés, concernant notamment les premières années de l'Empire, sont censurés. Enfin, une édition à peu près complète sort en 1873, mais expurgée encore de certains passages concernant cete fois-ci des figures de la République. Il faudra attendre 1994, soit presque 140 ans après la mort de Heine, pour qu'une édition véritablement complète de ce recueil, non censurée et définitive, voie enfin le jour chez Gallimard.

Car de par son instabilité idéologique, Heinrich Heine fut un homme qui a autant déconcerté qu'il a fasciné. Homme de lettres érudit, il n'était pourtant pas le penseur qu'on a voulu voir en lui. L'essentiel de son oeuvre repose principalement sur une notion très intellectuelle du journalisme, dont témoignent les abondantes correspondances qu'il a laissés à ses proches. Commentant tantôt l'actualité, tantôt les arts, c'est avant tout quelqu'un qui se forge une opinion, parfois à la lumière de faits précis mais aussi suivant un instinct intérieur ou des partis-pris tout à fait arbitraires. En ce sens, il est bien l'un des derniers enfants du romantisme allemand; on ne trouvera pas en lui la rigueur d'un philosophe ou d'un politique. Pour autant, son oeuvre n'a rien de farfelue, elle repose sur une intelligence brillante qui se fait aisément une idée globale à partir d'un évènement isolé mais significatif.

Néanmoins, cet anti-conformiste au verbe incisif, partisan d'un franc-parler qui lui valut bien des ennuis, était un conservateur particulièrement rétrograde. Les deux tiers de ce recueil d'articles sont des attaques à charge contre le roi Louis-Philippe, non pas parce qu'il s'oppose à la monarchie, mais parce qu'il dénonce à la fois un usurpateur et une aberration souverainiste. Louis-Philippe, en effet, négocia son accession au trône avec la promesse d'une monarchie constitutionnelle, liant le Roi et l'Assemblée Nationale dans les décisions d'état. Pour Heine, il s'agit d'une déchéance abjecte de la monarchie, au point même qu'il pardonnait aux républicains et aux bonapartistes leurs convictions politiques, alors que Louis-Philippe, roi conciliant, préférant maintenir la monarchie avec un pouvoir amoindri plutôt que de la voir disparaître, lui apparaissait comme un sinistre magouilleur.

Cette opinion tranchée fit sa gloire auprès des monarchistes français légitimistes, principalement les frères Goncourt qui firent beaucoup pour faire connaître l'oeuvre d'Heinrich Heine. Cependant, c'est aujourd'hui le point le moins intéressant de son travail, ou du moins celui qui semble le plus difficile à partager. Cependant, sa qualité de témoin direct et résolument objectif, du moins en ce qui concerne les éléments factuels, nous permet de revivre une partie de ces premières années de la Monarchie de Juillet, ainsi que d'autres évènements moins politiques, comme l'épidémie de choléra qui fit des ravages dans la population parisienne en 1833. D'ailleurs, les troublantes correspondances avec l'épidémie de Covid 19 qui frappe la planète entière près de deux siècles plus tard, sont tout à fait édifiantes. On y apprend entre autres que déjà, en ces temps reculés, une partie incrédule de la population refusait de reconnaître la réalité de l'épidémie de choléra et soutenait qu'il s'agissait d'un mensonge du pouvoir royal pour éradiquer les classes sociales les plus modestes.

Si cette série d'articles vaut largement le détour, les textes supplémentaires ajouté à cette nouvelle édition sont encore plus intéressants. « Fragments » (1832) rassemble des courriers au sein desquels Heine s'exprime sans filtre sur certains sujets qui lui tiennent à coeur. La dernière partie, « Salon de 1831 » est un merveilleux exemple de critique d'art qui témoigne, bien plus que le reste de l'ouvrage, des hautes qualités littérares d'Heinrich Heine : quel exercice le plus périlleux que de décrire et de critiquer un tableau à destination de lecteurs qui ne peuvent même pas en voir une image ? À présent que l'on peut en quelques clics afficher une reproduction sur n'importe lequel de nos écrans, on peut également en admirer la justesse : Heine était un immense critique, et son travail fait encore sens aujourd'hui, non seulement par sa qualité, sa fidéluté à l'oeuvre mais aussi par son éclectisme, car Heine ne se contente pas de décrire les tableaux prisés du salon, ils va aussi chercher des peintres obscurs, quelques uns qu'il pense - faussement - être promis à une grande postérité, d'autres sur lesquels il ne se fait guère d'illusion mais dont il tient néanmoins à reconnaître les indéniables qualités. Enfin, on lui doit l'une des premières critiques - si ce n'est la toute première - du tableau « La Liberté Guidant le Peuple » d'Eugène Delacroix, et il en parle d'autant plus longuement et avec beaucoup d'émotion qu'il a vécu lui-même ces journées d'insurrection (En effet, même si la République a fait de ce tableau l'un de ses symboles les pluis vibrants, il ne dépeint pas les combats révolutionnaires de 1789, mais ceux de 1830, qui débouchèrent sur une nouvelle monarchie. Mais il est probable que beaucoup des révolutionnaires qui se battirent dans les rues croyaient sincèrement en un retour de la République).

« De La France », dans cette édition à peu près complète, à défaut d'être intégrale, condense donc sur un mode anthologique la plupart des talents d'Heinrich Heine, et ce volume représente une bonne introduction au plus francophile des poètes teutons. Toutefois, c'est un livre au titre trompeur qui témoigne moins de la France au XIXème siècle que des opinions très personnelles - mais fort intéressantes - d'un exilé qui observe une culture nouvelle à ses yeux. Son statut d'étranger et de réfugié lui offre un regard à la fois lucide et détâché qui, jusqu'à un certain point, comprend assez bien l'âme française - mais ce qu'il n'en comprend guère est aussi, à sa manière, très instructif. Pour autant, il ne faut pas attendre de Heine une révélation, mystique ou politique. C'est seulement un envoyé spécial du XIXème siècle qui nous ramène, deux siècles plus tard, des images fort émouvantes d'une France révolue, mais dont l'image demeure tout de même un peu floue et assez mal cadrée. « De La France » est un document historique un peu léger, mais littérairement précieux, sur un pan de l'histoire de notre pays qui ne nous intéresse hélas plus beaucoup aujourd'hui. Cependant, les étudiants en Histoire et en Histoire de l'Art devraient très agréablement y trouver leur compte...
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Atta Troll

Poème satirique romantique écrit alors que Heinrich Heine était en exil à Paris, il constitue un point d’orgue dans la polémique qui l’oppose à ses accusateurs d'immoralité, de jacobinisme et de cynisme.

Le héros en est un ours - Atta Troll – symbole variable suivant les chapitres, du bourgeois traditionaliste nostalgique du passé donnant de sages préceptes moraux et théologiques à ses fils et les mettant en garde contre les hommes barbares (les révolutionnaires) au poète partisan de la « Jeune Allemagne » mêlant poésie romantique et politique.

Le chapitre le plus célèbre est la cavalcade des spectres lors de la nuit de la Saint-Jean, une vision fantastique, où les reines, les elfes et les héros défilent devant le poète, fasciné, alors qu’il donne la chasse à l'ours, Atta Troll. Y figure notamment pour une des premières apparitions dans la littérature d’une Hérodiade-Salomé amoureuse de Saint-Jean Baptiste, figurée comme un spectre qui baise le chef du saint.

Poème aux multiples clés d’interprétation, la traduction française est d’une lecture facile et convoie magnifiquement l’esprit romantique allemand et le contexte d’une Europe en plein bouleversement, qui peine à trouver sa voie entre tradition et modernité naissante.
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Pages choisies

Très beau recueil de poèmes d'Heine, poète romantique allemand, qu'Elisabeth d'Autriche affectionnait tant ...
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Le rabbin de Bacharach

Écrit par l’un des grands poètes allemands, Heinrich Heine, ce recueil de nouvelles nous charme tant par la plume de l’auteur qui colore les textes de sa sublime poésie qu’il décrit brillamment le judaïsme et sa relation avec les autres ethnies à cette époque (XIXème siècle) même si certaines nouvelles ne sont pas complètes, faute que l’auteur ne les ait pas complétés ou que certaines parties ont tout simplement disparues.



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