Citations de Henri Bergson (416)
Un personnage comique est généralement comique dans l'exacte mesure où il s'ignore lui-même. Le comique est inconscient. [...] Il se rend invisible à lui-même en devenant visible à tout le monde. [...] Un défaut ridicule, dès qu'il se sent ridicule, cherche à se modifier, au moins extérieurement. Si Harpagon nous voyait rire de son avarice, je ne dis qu'il s'en corrigerait, mais il nous la montrerait moins, ou il nous la montrerait autrement.
L’art vise à imprimer en nous des sentiments plutôt qu’à les exprimer.
Le temps est invention ou il n'est rien du tout.
L'ÉVOLUTION CRÉATRICE
Les attitudes, gestes et mouvements du corps humain sont risibles dans l’exacte mesure où ce corps nous fait penser à une simple mécanique.
L'oeil ne voit que ce que l'esprit est prêt à comprendre.
il n’y a pas d’idée philosophique, si profonde ou si subtile, soit-elle, qui ne puisse et ne doive s’exprimer dans la langue de tout le monde.
Quand l’homme veut dominer le monde au lieu de le vivre, qu’est-ce qu’il fait, il le spatialise, il le schématise, il le conceptualise, afin de pouvoir ainsi en dresser une image technique susceptible de servir sa domination.
Nos états d’âme changent d’instant en instant, et [...] si nos gestes suivaient fidèlement nos mouvements intérieurs, s’ils vivaient comme nous vivons, ils ne se répéteraient pas : par là, ils défieraient toute imitation. Nous ne commençons donc à devenir imitables que là où nous cessons d’être nous-mêmes. Je veux dire qu’on ne peut imiter de nos gestes que ce qu’ils ont de mécaniquement uniforme et, par là même, d’étranger à notre personnalité vivante. Imiter quelqu’un, c’est dégager la part d’automatisme qu’il a laissée s’introduire dans sa personne.
Chapitre I : Le comique de mouvement.
Nous nous exprimons nécessairement par des mots, et nous pensons le plus souvent dans l’espace. En d’autres termes, le langage exige que nous établissions entre nos idées les mêmes distinctions nettes et précises, la même discontinuité qu’entre les objets matériels.
Qu'est-ce-que notre caractère, si ce n'est la condensation de toute l'histoire vécue depuis notre enfance.
On a donc raison de dire que ce que nous faisons dépend de ce que nous sommes ; mais il faut ajouter que nous sommes, dans une certaine mesure, ce que nous faisons, et que nous nous créons continuellement nous-mêmes.
Ce que la vie et la société exigent de chacun de nous, c'est une attention constamment en éveil, qui discerne les contours de la situation présente, c'est aussi une certaine élasticité du corps et de l'esprit, qui nous mette à même de nous y adapter.
Ainsi, aux yeux d'une philosophie qui fait effort pour réabsorber l'intelligence dans l'intuition, bien des difficultés s'évanouissent ou s'atténuent.
Mais une telle doctrine ne facilite pas seulement la spéculation. Elle nous donne aussi plus de force pour agir et pour vivre. Car avec elle, nous ne nous sentons plus isolés dans l'humanité, l'humanité ne nous semble pas non plus isolée dans la nature qu'elle domine.
Comme le plus petit grain de poussière est solidaire de notre système solaire tout entier, entraîné avec lui dans ce mouvement indivisé de descente qui est la matérialité même, ainsi tous les êtres organisés, du plus humble au plus élevé, depuis les premières origines de la vie jusqu'au temps où nous sommes, et dans tous les lieux comme dans tous les temps, ne font que rendre sensible aux yeux une implusion unique, inverse du mouvement de la matière et, en elle-même, indivisible.
Tous les vivants se tiennent, et tous cèdent à la même formidable poussée.
L'animal prend son point d'appui sur la plante, l'homme chevauche sur l'animalité, et l'humanité entière, dans l'espace et dans le temps, est une immense armée qui galope à côté de chacun de nous, en avant et en arrière de nous, dans une charge entraînante capable de culbuter toutes les résitances et de franchir bien des obstacles, même peut-être la mort.
Extrait : page 271
Sagesse : vertu dont l'application laisse à désirer.
Le mysticisme ne dit rien, absolument rien à celui qui n'a pas éprouvé quelque chose.
On devine alors combien il sera facile à un vêtement de devenir ridicule. On pourrait presque dire que toute mode est risible par quelque côté. Seulement, quand il s'agit de la mode actuelle, nous y sommes tellement habitués que le vêtement nous paraît faire corps avec ceux qui le portent. Notre imagination ne l'en détache pas. L'idée ne nous vient plus d'opposer la rigidité inerte de l'enveloppe à la souplesse vivante de l'objet enveloppé. Le comique reste donc ici à l'état latent. Tout au plus réussira-t-il à percer quand l'incompatibilité naturelle sera si profonde entre l'enveloppant et l'enveloppé qu'un rapprochement même séculaire n'aura pas réussi à consolider leur union : tel est le cas du chapeau à haute forme, par exemple. Mais supposez un original qui s'habille aujourd'hui à la mode d'autrefois : notre attention est appelée alors sur le costume, nous le distinguons absolument de la personne, nous disons que la personne se " déguise " (comme si tout vêtement ne déguisait pas), et le côté risible de la mode passe de l'ombre à la lumière.
Chapitre 1, V.
La politesse est la grâce de l'esprit
L'unique moyen de savoir jusqu'où l'on peut aller, c'est de se mettre en route et de marcher.
Pour celui qui contemple l'univers avec des yeux d'artiste, c'est la grâce qui se lit à travers la beauté, et c'est la beauté qui transparaît sous la grâce.
Pour un être conscient, exister consiste à changer, changer à se mûrir, mûrir à se créer indéfiniment soi-même.