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Citations de Henri de Régnier (268)


ODELETTE


Extrait 2

Ceux qui passent l’ont entendu
Au fond du soir, en leurs pensées
Dans le silence et dans le vent,
   Clair ou perdu,
   Proche ou lointain…
Ceux qui passent en leurs pensées
En écoutant , au fond d’eux-mêmes
L’entendront encore et l’entendent
   Toujours qui chante.

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Il faut toujours conserver ses vieux agendas. Ce sont des témoignages inestimables de notre vie, des machines à remonter le temps. J'aime rouvrir de temps en temps les miens ; j'examine mes occupations de jadis, je revois les belles journées, je me transporte dans le passé. [Extrait de la préface de Bernard Quiriny]
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La nature garde au corps de la femme, quand elle est nue, une place d'ombre, afin de lui simuler, au moins là, une apparence de mystère.
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On ne voyait pas la mer, de la maison où je suis né, mais le port n’en était pas loin avec ses quais, ses bassins, sa jetée, et la mer était intimement mêlée à la vie de cette petite ville normande dont je revois encore dans mon souvenir les rues étroites et pittoresques où les coiffes paysannes se croisaient avec les bérets marins. Je revois le marché avec ses étalages de grasses volailles et de grosses mottes de beurre, la poissonnerie, si bruyante aux heures de vente à la criée, quand les barques de pêche avaient déchargé les captures de leurs filets et que, voiles carguées, elles montraient à marée basse leurs flancs tout incrustés de coquillages et tout visqueux d’algues et de vase, les lourdes barques que j’aimais à voir rentrer et dont je retrouvais les coques et les agrès en miniature suspendus en ex-voto à la voûte de l’antique chapelle auprès de laquelle j’allais jouer, enfant, sous les grands arbres de la Côte de Grâce, tout frémissants des souffles de l’Estuaire.

Certes, je l’aimais, cette Côte de Grâce, qu’on l’abordât par les raidillons du Mont Joli, qu’on y parvînt par la longue avenue en pente ombragée qui y conduisait, mais je lui préférais encore les quais avec leurs anneaux de fer où s’amarraient les câbles goudronnés, où les douaniers faisaient les cent pas, où zigzaguait parfois un matelot éméché, où les retraités fumaient leur pipe en crachant gravement sur la dalle, où se bousculaient les polissons, les quais où le bateau à vapeur, venu du Havre, accostait et bombait sur ses roues à aubes ses imposants tambours, où les voiliers de Norvège débarquaient leur chargement de planches de sapin aux larmes résineuses, les bons vieux quais de mon Honfleur natal que dominait le bizarre édifice de la Lieutenance, les quais où j’avais admiré, une fois, au milieu d’un cercle de badauds, un étonnant personnage qui, moyennant quelque monnaie qu’on lui donnait, se régalait, sans en paraître incommodé, d’un plat de galets dont il avalait le plus gros avec une visible satisfaction.
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Mon père, Ottavio Bassi, cordonnier de son état, était, lors de ma naissance, un homme déjà sur l’âge, car il ne se maria pas de bonne heure, n’ayant point, comme il le disait plaisamment, trouvé tout de suite « chaussure à son pied ». Cette plaisanterie était, d’ailleurs, la seule que je lui eusse entendu faire, car il ne s’égayait pas volontiers. Il n’en eût pas fallu conclure que mon père fût mécontent ou malheureux, tout au contraire, mais il n’éprouvait pas le besoin de manifester au dehors son contentement ou son bonheur. Il les gardait pour lui seul et n’en faisait part à personne, pas même à ma mère qui en était pourtant le principal sujet, car il l’aimait sincèrement et il avait trouvé en elle la meilleure des épouses. Malgré qu’il s’en dût rendre compte, il ne le lui marquait point et ne se laissait aller envers elle à aucun de ces petits compliments qui sont la politesse et le baume des ménages. Certes, il vivait avec elle honnêtement et veillait à ce qu’elle ne manquât de rien, car elle était de complexion délicate, mais hors ces soins, il ne lui en rendait guère d’autres et ne se prodiguait point en paroles, comme si, lui ayant exprimé son amour en une fois et une fois pour toutes, c’eût été désormais entre eux chose convenue et sur laquelle il n’y avait pas lieu de revenir.
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Par contre, Marcellin déteste le spectacle démoralisant de la mélancolie, des sombres pensées et des regrets inutiles. À ces moroses chimères, il est impitoyable et il leur cherche obstinément une diversion. Il ne tolère pas que l’on s’y abandonne, et il emploie tous les moyens de les disperser. À ces fins, il est d’une ingéniosité et d’une astuce admirables. La diversité des ruses qu’il invente est incroyable. Il mêle les plus sournoises aux plus naïves. Ses expédients vont du bavardage le plus intarissable aux nettoyages les plus bruyants. Lui qui, d’ordinaire, est silencieux, jacasse alors sans mesure et sans répit. Il claque les portes, ouvre les fenêtres, remue les meubles, vient demander des ordres inutiles et rapporter des réponses à des questions imaginaires. Une fois, même, que la tristesse où il me voyait lui était trop insupportable, il est allé jusqu’à me casser un vase de Chine. Et ce n’est pas tout encore. Marcellin, dans sa serviable haine contre la mélancolie, se porterait aux dernières extrémités. Il en arrive ainsi à oublier ses principes les plus sacrés. Il n’hésite pas à introduire auprès de moi les raseurs les plus avérés et les quémandeurs les plus éhontés. Ma colère lui semble un dérivatif. Il est sans pitié pour mes humeurs noires.
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La cité des eaux

Odeur

Si tu songes l’Amour, si tu rêves la Mort,
Si ton miroir est trouble à te sourire, écoute
Les feuilles, feuille à feuille, et l’onde, goutte à goutte,
Tomber de la fontaine et de l’arbre. Tout dort.

La rose de septembre et le tournesol d’or
Ont dit l’été qui brûle et l’automne qui doute ;
Le bosquet s’entrelace et la grotte se voûte,
Le dédale et l’écho te tromperaient encor.

Laisse l’allée oblique et le carrefour traître
Et ne regarde pas à travers la fenêtre
Du pavillon fermé dont la clef est perdue.

Silence ! L’ombre est là ; viens respirer plutôt,
Ainsi que les hermès et les blanches statues,
L’amère odeur du buis autour des calmes eaux.
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Médailles d'argile

J’ai feint que des Dieux m’aient parlé ;
Celui-là ruisselant d’algues et d’eau,
Cet autre lourd de grappes et de blé,
Cet autre ailé,
Farouche et beau
En sa stature de chair nue,
Et celui-ci toujours voilé,
Cet autre encor
Qui cueille, en chantant, la ciguë
Et la pensée
Et qui noue à son thyrse d’or
Les deux serpents en caducée,
D’autres encor…

Alors j’ai dit : Voici des flûtes et des corbeilles,
Mordez aux fruits ;
Écoutez chanter les abeilles
Et l’humble bruit

De l’osier vert qu’on tresse et des roseaux qu’on coupe.
J’ai dit encor : Écoute,
Écoute,
Il y a quelqu’un derrière l’écho,
Debout parmi la vie universelle,
Et qui porte l’arc double et le double flambeau,
Et qui est nous
Divinement…

Face invisible ! Je j’ai gravée en médailles
D’argent doux comme l’aube pâle,
D’or ardent comme le soleil,
D’airain sombre comme la nuit ;
Il y en a de tout métal,
Qui tintent clair comme la joie,
Qui sonnent lourd comme la gloire,
Comme l’amour, comme la mort ;
Et j’ai fait les plus belles de belle argile
Sèche et fragile.
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À un détour de la charmille, le château apparut. M. de Bréot fit mine de dégager son bras ; l’autre le retint.

– Ah ! monsieur, ne pensez pas que je vous quitte comme cela. Ne voulez-vous pas plutôt que nous nous en retournions ensemble à Paris ? J’ai donné l’ordre à mes gens d’être prêts au lever du jour. Mon carrosse n’est point mauvais et nous nous y entretiendrons en route de fortes choses. Le ciel, monsieur, m’a donné quelque éloquence et je ne saurais mieux l’employer qu’à vous convaincre des vérités dont vous me semblez fort éloigné. Dieu vous a mis sur mon chemin pour que je vous ramène à lui. L’avantage en serait grand pour nous deux. Qui sait si, en retour d’une âme que je lui apporterai, du fond de l’impiété et du libertinage, il ne m’accordera pas cette grâce sans laquelle est vaine la lutte de l’homme contre le péché ? Ne m’enlevez pas cette occasion et dites-moi, monsieur, comment je dois vous appeler et de quel nom vos parents vous ont nommé à votre naissance, car, s’il y a beaucoup à faire avec vous, c’est plutôt aux fonts baptismaux qu’au confessionnal qu’il faut vous conduire.

– Je me nomme Armand, monsieur, et on m’appelle monsieur de Bréot.

– Eh bien ! monsieur de Bréot, moi je suis monsieur Le Varlon de Verrigny, avocat au Grand-Conseil et pauvre pécheur.

Et M. Le Varlon de Verrigny ouvrit une tabatière d’écaille, y puisa une pincée de poudre de tabac, la mit dans son large nez et frappa gaiement sur l’épaule de M. de Bréot, comme pour prendre possession de lui, avec l’air entendu de quelqu’un qui se chargeait de son affaire.
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Monsieur de Larcefigue avait été témoins, dans sa jeunesse, d'une partie des événements et s'était instruit du reste aux sources les plus sûres. C'était d'ailleurs un homme de grand sens et de haute raison, il avait toujours rempli sa charge au parlement d'Aix, dont il mourut président à mortier, avec une régularité digne des éloges qu'on lui accordait et de la magistrature qu'il exerçait. Aussi, tant par l'habitude de son état, qui l'accoutumait à éclaircir tout et à tout peser, que par une disposition naturelle qui l'y poussait également, avait-il retenu dans l'ordre la plus exact les diverses péripéties de cette affaire.
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MÉDAILLES VOTIVES


LE FEU

Rentre. Je ne vois plus ton visage. Rentrons.
Il est trop tard déjà pour s’asseoir au perron
Où la mousse est humide et la pierre mouillée.
La serrure tend à nos mains sa clef rouillée ;
La porte s’ouvrira toute grande pour nous
Avec un bruit d’accueil que le soir fait plus doux ;
Plus tard le gond rétif et le loquet rebelle
Grinceraient, car toute demeure garde en elle,
Taciturne, invisible et qui vit en secret,
Une âme que l’on blesse ou que l’on satisfait.
Obéis à son ordre et cède. Sois pieuse
À cette âme éloquente, humble et mystérieuse
Qui t’appelle. Sais-tu si quelque esprit divin
N’habite pas la pierre où se tourmente en vain
Son angoisse ? Es-tu sûr qu’il ne vive
Plus rien de l’arbre dans la poutre et la solive
Qui craquent sourdement et semblent s’étirer ?

p.20
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L'ARBRE DE LA ROUTE


LE LIVRE

Prends le livre. Assieds-toi dans l’herbe où ton fuseau
Également chargé de laine blanche et noire
Enroule à son ébène et lie à son ivoire
Son double fil oisif que ne rompt nul ciseau.

L’herbe frôle en tremblant tes mains ; le ciel est beau
Et la verte prairie autour de toi se moire.
Vois, regarde passer aux marges du grimoire
Ou l’ombre d’une feuille ou l’aile d’un oiseau.

D’un vent tendre et léger aux heures de la Vie
Le Printemps tournera la page qu’il oublie ;
Voici l’Été. Souris. Écoute. Lis encor…

Le doux soleil tiédit le livre qu’il caresse
Pour que l’année heureuse, à l’automne, te laisse
Le fermer au signet de quelque feuille d’or.

p.157
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Les pierreries devraient être parfumées. J'imagine l'odeur aiguë et gelée du diamant, l'odeur acide et fraîche de l'émeraude, l'odeur lourde et brusque du rubis, le faible bouquet incertain de l'opale, la senteur féminine et nacrée de la perle
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LE ROUTIER


Face brusque et joyeuse et qu’un sang âpre farde,
Debout, en son pourpoint tailladé de satin,
Il se carre à mi-corps, et son geste hautain
S’appuie à son épée et pèse sur la garde.

Par la pique, l’épieu, la torche et la bombarde,
Du levant au couchant, de l’Alpe à l’Apennin,
Il ravagea, pillant les caves et le grain,
La marche milanaise et la plaine lombarde.

Le juron à la bouche et la colère aux yeux,
La guerre qu’il aima le fit aussi joyeux
Au soir de Marignan qu’au matin de Pavie,

Et sa rouge narine ouverte semble encor
Flairer, au fond du temps d’où lui revient sa vie,
L’odeur de la bataille et de sa propre mort.
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LA LUNE JAUNE


Ce long jour a fini par une lune jaune
Qui monte mollement entre les peupliers,
Tandis que se répand parmi l’air qu’elle embaume
L’odeur de l’eau qui dort entre les joncs mouillés.

Savions-nous, quand, tous deux, sous le soleil torride
Foulions la terre rouge et le chaume blessant,
Savions-nous, quand nos pieds sur les sables arides
Laissaient leurs pas empreints comme des pas de sang,

Savions-nous, quand l’amour brûlait sa haute flamme
En nos cœurs déchirés d’un tourment sans espoir,
Savions-nous, quand mourait le feu dont nous brûlâmes
Que sa cendre serait si douce à notre soir,

Et que cet âpre jour qui s’achève et qu’embaume
Une odeur d’eau qui songe entre les joncs mouillés
Finirait mollement par cette lune jaune
Qui monte et s’arrondit entre les peupliers ?
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CHRYSILLA


Lorsque l’heure viendra de la coupe remplie,
Déesse, épargne-moi de voir à mon chevet
Le Temps tardif couper, sans pleurs et sans regret,
Le long fil importun d’une trop longue vie.

Arme plutôt l’Amour ; hélas ! il m’a haïe
Toujours et je sais trop que le cruel voudrait
Déjà que de mon cœur, à son suprême trait.
Coulât mon sang mortel sur la terre rougie.

Mais non ! que vers le soir en riant m’apparaisse,
Silencieuse, nue et belle, ma Jeunesse !
Qu’elle tienne une rose et l’effeuille dans l’eau ;

J’écouterai l’adieu pleuré par la fontaine
Et, sans qu’il soit besoin de flèches ni de faux,
Je fermerai les yeux pour la nuit souterraine.
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Un petit roseau m’a suffi
Pour faire frémir l’herbe haute
Et tout le pré
Et les doux saules
Et le ruisseau qui chante aussi ;
Un petit roseau m’a suffi
À faire chanter la forêt.
Ceux qui passent l’ont entendu
Au fond du soir, en leurs pensées,
Dans le silence et dans le vent,
Clair ou perdu,
Proche ou lointain...
Ceux qui passent en leurs pensées
En écoutant, au fond d’eux-mêmes,
L’entendront encore et l’entendent
Toujours qui chante.
Il m’a suffi
De ce petit roseau cueilli
À la fontaine où vint l’Amour
Mirer, un jour,
Sa face grave
Et qui pleurait,
Pour faire pleurer ceux qui passent
Et trembler l’herbe et frémir l’eau ;
Et j’ai, du souffle d’un roseau,
Fait chanter toute la forêt.
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AU BAS D'UN PORTRAIT DE MOLIÈRE


Le valet qui friponne et le tuteur qui peste,
Le pédant, le marquis, le sot et le barbon,
L'apothicaire, le fâcheux, tout lui fut bon,
De l'esclave rustique au Jupiter céleste ;

L'intrigue et l'imbroglio, la gambade et le geste,
La mascarade, la seringue et le bâton,
Et jusqu'au Turc obèse à turban de coton,
Et le sac de Scapin et les rubans d'Alceste.

Mais, farce à la chandelle ou haute comédie,
De tout ce qu'inventa sa verve, son génie
En a fait de la vie et de la vérité ;

Et c'est pourquoi ces yeux, ce front et cette bouche
Reçurent le baiser de l'Immortalité,
Qui, d'abord, avaient pris leçon de Scaramouche.
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Le bonheur est un Dieu qui marche les mains vides.
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L’Algue


Dans l’aurore rieuse ou le matin qui vente
Je m’éveille en sursaut et pousse le volet,
Et j’entends bruire au sable ou gronder au galet
Le refrain rauque ou doux de la marée errante.

La pêche est incertaine et nargue qui se vante,
Et souvent le poisson est rare à mon filet ;
Mais j’en tire parfois une algue au beau reflet
Qui s’échevèle entre mes doigts, souple et vivante.

Je la noue à mon poing humide et je crois voir,
Là-bas, dans ma maison et debout, au miroir
Qui figure à ses yeux une mer immobile,

Tandis que sur les flots rame mon bras nerveux,
La nocturne Beauté d’où le matin m’exile,
Sortir de son lit nue et peigner ses cheveux.

p.106
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