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Citations de Henri de Régnier (268)


PUELLA
Plains-moi, car je n'eus rien à donner à l'Amour,
Ni fleurs de mon Été, ni fruits de mon Automne,
Et la terre où naquit mon destin sans couronne
N'a pas porté pour moi la rose ou l'épi lourd.

Les Pileuses qui font nos heures et nos jours
N'ont pas tissé non plus, pour que je la lui donne,
La tunique fertile où, naïve Pomone,
La vierge de ses seins sent mûrir le contour.

Je n'ai pu même offrir à ta divinité
La colombe de ma chétive nudité,
Car ma chair sans duvet n'eût pas tiédi ta main.

Amour ! tends-la au moins à l'obole fragile
Et prends cette médaille où, profil enfantin,
Mon visage anxieux sourit à fleur d'argile.
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MATIN AILÉ

Attache à ton pied nu cette sandale ailée.
L'air fraîchit et la nuit, déjà moins étoilée,
S'incline vers l'aurore et pressent le matin.
Quelque chose de doux, de tendre et de divin
S'éveille dans ton coeur avec l'aube prochaine ;
Trempe tes jeunes mains dans l'eau de la fontaine,
Car peut-être, jadis, un Dieu s'est, en passant,
Pour y boire, penché sur la source d'argent.
Mais l'heure approche, le temps fuit l'ombre est plus pâle.
Ne tarde plus. L'aile palpite à ta sandale ;
N'attends pas le soleil et n'attends pas le jour
Et monte d'un vol pur dans le ciel de l'amour !
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N’est-ce pas, en effet, ici un lieu étrange par sa singulière beauté? Son nom seul provoque l’esprit à des idées de volupté et de mélancolie. Dites : ‘Venise’, et vous croirez entendre comme du verre qui se brise sous le silence de la lune…. ‘Venise’, et c’est comme une étoffe de soie qui se déchire dans un rayon de soleil… ‘Venise’, et toutes les couleurs se confondent en une changeante transparence… N’est-ce pas un lieu de sortilège, de magie et d’illusion ?
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Le jardin mouillé


La croisée est ouverte ; il pleut
Comme minutieusement,
À petit bruit et peu à peu,
Sur le jardin frais et dormant.

Feuille à feuille la pluie éveille
L'arbre poudreux qu'elle verdit ;
Au mur, on dirait que la treille
S'étire d'un geste engourdi.

L'herbe frémit, le gravier tiède
Crépite et l'on croirait là-bas
Entendre sur le sable et l'herbe
Comme d'imperceptibles pas.

Le jardin chuchote et tressaille,
Furtif et confidentiel ;
L'averse semble maille à maille
Tisser la terre avec le ciel.

Il pleut, et les yeux clos, j'écoute,
De toute sa pluie à la fois,
Le jardin mouillé qui s'égoutte
Dans l'ombre que j'ai faite en moi.

p.178-179
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A la fin de la quatrième année de son séjour à Rome, M. de Galandot eut cinquante-cinq ans. On était en été et il faisait fort chaud. Le matin de cet anniversaire auquel, du reste, il n’avait guère pris garde, il se leva, comme de coutume, d’assez bonne heure. Il sortit. Il avait dans sa main une poignée d’olives sèches qu’il croquait en marchant et dont il laissait tomber les noyaux dans la poussière.
(…)
Pour aller à la rue del Babuino, M. de Galandot longeait les jardins de la villa Ludovisi, puis il n’avait qu’à descendre les escaliers de la Trinité-du-Mont pour se trouver place d’Espagne. Il marchait doucement, car la chaleur était accablante. Arrivé à la fourche de deux ruelles, il s’arrêta, hésitant de savoir laquelle il prendrait. Il y avait juste devant lui un gros caillou irrégulier qui semblait endormi dans la poussière. M. de Galandot le poussa du bout de sa canne. Il roula lourdement vers la ruelle de gauche et M. de Galandot l’y suivit sans se douter qu’il venait ainsi de décider du sort de sa vie. Il continuait à pousser la pierre du pied, tout en marchant. Il allait la tête basse et le dos voûté, comme cela lui arrivait fréquemment. Un léger bruit lui fit lever les yeux.
Une terrasse bordait la rue à cet endroit par un balustre à colonnettes au-dessus duquel des plants de vigne formaient berceau et laissaient retomber leurs pampres où se mêlaient quelques grappes de raisins. Il y avait sur la rampe une femme couchée. Elle était étendue de toute sa longueur sur la pierre tiède et semblait dormir, tournée un peu sur le côté. On voyait sa chevelure tordue sur sa nuque grasse, son dos souple, la saillie de ses reins. Une de ses jambes repliée soulevait sa robe et on apercevait son pied un peu en dehors de la balustrade. Il était chaussé d’une mule de satin jaune qu’il retenait de l’orteil et que, par un léger mouvement, elle faisait claquer doucement à son talon.
Sans doute que le bruit du caillou poussé par M. de Galandot du bout de sa canne et qui avait heurté le mur de la terrasse venait de réveiller le sommeil incertain de la belle, car elle se leva lentement, s’étira et s’assit le dos tourné à la rue. Elle était charmante ainsi. Ses mains élevées rajustaient une boucle de sa coiffure. Elle portait à son cou un collier de corail rouge à gros grains inégaux et une longue pendeloque brillait à son oreille.
Ce fut à ce moment sans doute qu’elle remarqua l’immobile présence de M. de Galandot. Elle se tourna à demi, puis, sans prendre garde à lui davantage, elle cueillit une grappe de raisin qui pendait à la treille à sa portée. Les pampres remuèrent.
Elle mangeait, grain par grain, lentement, voluptueusement, en tenant la lourde grappe gonflée à hauteur de ses yeux, tantôt vite, tantôt s’arrêtant pour la faire tourner entre ses doigts.
M. de Galandot, d’en bas, suivait ses gestes avec anxiété. A chacun des grains juteux et ambrés qu’elle mettait dans sa bouche, il éprouvait dans la sienne une fraîcheur délicieuse ; il lui semblait savourer je ne sais quoi de secret et de mystérieux ; il se sentait agité d’une émotion ardente et langoureuse. Un grand silence engourdissait l’air chaud.
Nicolas regardait. Sa main tremblait sur la pomme de sa canne. Une sueur froide lui coulait du visage. Il sentait revenir du fond de sa vie un trouble subtil et connu qui l’envahissait peu à peu. Cette jeune femme qui, les bras levés, la poitrine nue, mangeait un raisin, lui apparaissait comme debout au fond de son passé. Une heure lointaine et oubliée renaissait dans la minute présente. Il restait étourdi, le dos au mur. Ses lèvres balbutiaient un nom qu’il n’avait pas redit depuis de longues années : « Julie ! Julie !... »
— « Olympia, Olympia ! » cria dans le même moment une voix forte
et gaie.
Une porte s’ouvrait dans le jardin en contrebas de la terrasse.
Un chien jappa.
— « Olympia, viens donc voir l’habit que m’apporte Cozzoli,
continua la voix.
— Venez, signora » , dit à son tour un fausset aigu où M. de Galandot reconnut le petit tailleur.
La signora ne se dérangeait guère. Elle faisait tourner rapidement la grappe entre ses doigts. Il n’y restait plus qu’un seul grain ; elle le cueillit, le roula un instant, se retourna, puis, avec un grand éclat de rire, elle le lança vers M. de Galandot qui, la bouche béante, les yeux écarquillés, les jambes flageolantes et les mains tendues, le reçut juste à la joue d’où il rebondit, tomba à terre et y resta, juteux, doré et comme tout sucré de poussière.
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ODELETTE


Extrait 1

Un petit roseau m’a suffi
Pour faire frémir
   L’herbe haute
   Et tout le pré
Et les deux saules
Et le ruisseau qui chante aussi ;
Un petit roseau m’a suffi
À faire chanter la forêt.

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O sables! sables, sables du Styx, sables noirs des grèves éternelles, vous recouvrirez bientôt mon sommeil quand je descendrai vers vos rives dont j'entends déjà sous mes pas le bruit fatal et souterrain.
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Le jardin mouillé
Henri de REGNIER

A petit bruit et peu à peu,
Sur le jardin frais et dormant,
Feuille à feuille, la pluie éveille
L’arbre poudreux qu’elle verdit ;
Au mur on dirait que la treille
S’étire d’un geste engourdi.

L’herbe frémit, le gravier tiède
Crépite et l’on croirait, là-bas,
Entendre sur le sable et l’herbe
Comme d’imperceptibles pas.

Le jardin chuchote et tressaille,
Furtif et confidentiel ;
L’averse semble maille à maille
Tisser la terre avec le ciel.
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Oui, je tiens à le bien établir, mon amour pour Venise fut toujours un amour sain et simple, un amour familier, exempt de snobisme et d'esthétisme, exempt aussi de romantisme, réaliste si l'on peut dire et fait de convenances à la fois spontanées et réfléchies.
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LES JEUX RUSTIQUES ET DIVINS


PÉRORAISON

Ô lac pur, j’ai jeté mes flûtes dans tes eaux,
Que quelque autre, à son tour, les retrouve, roseaux,
Sur le bord pastoral où leurs tiges sont nées
Et vertes dans l’Avril d’une plus belle Année !
Que toute la forêt referme son automne
Mystérieux sur le lac pâle où j’abandonne
Mes flûtes de jadis mortes au fond des eaux.
Le vent passe avec des feuilles et des oiseaux
Au-dessus du bois jaune et s’en va vers la Mer ;
Et je veux que ton acre écume, ô flot amer,
Argente mes cheveux et fleurisse ma joue ;
Et je veux, debout dans l’aurore, sur la proue,
Saisir le vent qui vibre aux cordes de la lyre
Et voir, auprès des Sirènes qui les attirent
À l’écueil où sans lui nous naufragerions.
Le Dauphin serviable aux calmes Arions.

p.30
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LE SIXIEME MARIAGE DE BARBE-BLEUE
A FRANCIS POICTEVIN
L’Eglise était toute somnolente. Il y venait par les vitraux décolorés plus assez de lumière pour s’y distraire dans pas assez d’ombre encore pour y pleurer : aussi quelques femmes, à genoux, çà et là, semblaient y attendre plus d’obscurité. Elles restaient taciturnes sous leurs coiffes tutélaires, les hautes coiffes du pays, toutes de douce toile, sous qui s’abrite le visage naïf des jeunes filles et où s’ensevelit presque à l’écart la face usée des vieilles femmes.
La concavité sonore du vaisseau amplifiait le bruit d’une chaise remuée. Des clefs de la voûte pendaient, une à une, des lampes et un lustre d’un vieux cristal balançant presque imperceptiblement sa couronne de cires éteintes. Il y avait des fleurs et des figures sculptées aux chapiteaux
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Henri de Régnier
Un petit roseau m'a suffi
Pour faire frémir l'herbe haute
Et tout le pré
Et les doux saules
Et le ruisseau qui chante aussi;
Un petit roseau m'a suffi
A faire chanter la forêt.
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LA SANDALE AILÉE

LE SOUVENIR


Toi, dont l'ombre encore en ces lieux semble nue
Tant à jamais ta chair vit dans mon souvenir,
J'ornerai ton jardin d'une seule statue
Debout et qui sera celle de mon Désir,
Et ses bras chercheront encor ton ombre nue...

J'ornerai ton jardin — cyprès, iris et roses, —
D'une fontaine en pleurs qui sera mon Amour ;
On l'entendra gémir dans l'écho, au détour
De l'allée où le pas s'attarde et se repose,
Quand, au soleil couchant et vers la fin du jour,
S'allongent les cyprès et se courbent les roses.

Fontaine, ô statue, attestez ce beau songe
Que nous aurons vécu jusqu'au soir qui descend
Sur les arbres en cendre et sur les fleurs en sang..
O statue, ô fontaine, apprenez au passant
Que ce qu'il foule ici fut le lieu d'un beau songe.

p.32-33
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LA SANDALE AILÉE

La Voix


Je ne veux de personne auprès de ma tristesse
Ni même ton cher pas et ton visage aimé,
Ni ta main indolente et qui d’un doigt caresse
Le ruban paresseux et le livre fermé.

Laissez-moi. Que ma porte aujourd’hui reste close ;
N’ouvrez pas ma fenêtre au vent frais du matin ;
Mon cœur est aujourd’hui misérable et morose
Et tout me paraît sombre et tout me semble vain.

Ma tristesse me vient de plus loin que moi-même,
Elle m’est étrangère et ne m’appartient pas,
Et tout homme, qu’il chante ou qu’il rie ou qu’il aime,
À son heure l’entend qui lui parle tout bas,

Et quelque chose alors se remue et s’éveille,
S’agite, se répand et se lamente en lui,
À cette sourde voix qui lui dit à l’oreille,
Que la fleur de la vie est cendre dans son fruit.

p.28-29
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Un roman ou un conte peut n’être qu’une fiction agréable. S’il présente un sens inattendu au delà de ce qu’il semble signifier, il faut jouir de ce surcroît à demi intentionnel sans y exiger trop de suite et en le considérant comme né fortuitement des concordances mystérieuses qu’il y a, malgré tout, entre toutes choses.
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VŒU

Je voudrais pour tes yeux la plaine
Et une forêt verte et rousse,
Lointaine
Et douce
À l’horizon sous un ciel clair,
Ou des collines
Aux belles lignes
Flexibles et souples et vaporeuses
Et qui sembleraient fondre en la douceur de l’air
Ou des collines
Ou la forêt...

Je voudrais
Que tu entendes
Forte, vaste, profonde et tendre
La grande voix sourde de la mer
Qui se lamente
Comme l’amour
Et, par instant, tout près de toi
Dans l’intervalle,
Que tu entendes,
Tout près de toi,
Une colombe
Dans le silence,
Et faible et douce
Comme l’Amour,
Un peu dans l’ombre
Que tu entendes
Sourdre une source...

Je voudrais des fleurs pour tes mains
Et pour tes pas
Un petit sentier d’herbe et de sable
Qui monte un peu et qui descende
Et tourne et semble
S’en aller au fond du silence
Un tout petit sentier de sable
Où marqueraient un peu tes pas
Nos pas
Ensemble !
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SITES 1887
IV


J'avais marché longtemps et dans la nuit venue
Je sentais défaillir mes rêves du matin,
Ne m'as-tu pas mené vers le Palais lointain
Dont l'enchantement dort au fond de l'avenue,

Sous la lune qui veille unique et singulière
Sur l'assoupissement des jardins d'autrefois
Où se dressent, avec des clochettes aux toits,
Dans les massifs fleuris, pagodes et volière ?

Les beaux oiseaux pourprés dorment sur leurs perchoirs ;
Les poissons d'or font ombre au fond des réservoirs,
Et les jets d'eau baissés expirent en murmures,

Ton pas est un frisson de robe sur les mousses,
Et tu m'as pris les mains entre tes deux mains douces
Qui savent le secret des secrètes serrures.

p.123

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L'ÎLE
À Stéphane Mallarmé


Avec son chant calmeur qui soulage les âmes
Par l'assoupissement des moroses pensers,
La mer s'en vient mourir en rythmes cadencés,
Berçant de vieux espoirs dont longtemps nous rêvâmes.

Et le désir nous prend de voguer sur les lames
Au roulis vagabond des vaisseaux balancés,
Par des pays brûlants et des climats glacés,
En de frigides nuits et des midis de flammes,

Pour voir (ô rêve inné soudainement éclos)
Sur celte immensité frissonnante des flots.
Aux confins de la mer brumeuse et matinale,

Surgir à l'horizon s'ouvrant comme un décor
Dans le magique éclat d'une aube virginale
L'Île des fleurs de pourpre et des feuillages d'or.

p.88
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TAPISSERIE
À Paul Verlaine


Un magique jardin aux merveilleuses flores,
Avec des escaliers, des rampes, des bosquets ;
Sur les arbres taillés un vol de perroquets
Mêle un éclat vivant d'ailes multicolores ;

Et, tout au fond, dans les charmilles compliquées
Que l'Automne pique de ses parcelles d'or,
Se dresse, solitaire, un vieux Palais où dort
Un lointain souvenir de fêtes évoquées ;

La dégradation douce d'un crépuscule
Enveloppe le beau jardin et s'accumule
Sur le luxe défunt des fastes accomplis ;

Dans les arbres les perroquets à vifs plumages
Volettent, comme si, troublant les longs oublis,
Quelque Belle y traînait, ses robes à ramages.

p.72
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Un petit roseau m’a suffi
Pour faire frémir l’herbe haute
Et tout le pré
Et les doux saules
Et le ruisseau qui chante aussi ;
Un petit roseau m’a suffi
À faire chanter la forêt.

Ceux qui passent l’ont entendu
Au fond du soir, en leurs pensées,
Dans le silence et dans le vent,
Clair ou perdu,
Proche ou lointain...
Ceux qui passent en leurs pensées
En écoutant, au fond d’eux-mêmes,
L’entendront encore et l’entendent
Toujours qui chante.

Il m’a suffi
De ce petit roseau cueilli
À la fontaine où vint l’Amour
Mirer, un jour,
Sa face grave
Et qui pleurait,
Pour faire pleurer ceux qui passent
Et trembler l’herbe et frémir l’eau ;
Et j’ai, du souffle d’un roseau,
Fait chanter toute la forêt.
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