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Critiques de Hubert Selby Jr (198)
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Le Démon

Gentleman au grand jour, Démon sitôt dans l'obscurité…



En juillet dernier, j’avais désespérément cherché « le Démon » d‘ Hubert Selby, Jr. dans ma médiathèque et, sans conviction, j’avais griffonné le titre de ce roman sur la liste des suggestions.



Début septembre, un Pelecanos à la main pour l’emprunter, je suis averti à la dernière minute que « Le Démon » aux éditions 10/18 était réservé à mon nom. Divine surprise ! Brandissant comme un trophée ce roman tout neuf, encore chaud comme une bonne baguette de pain, je me dis que Pelecanos attendra bien quelques jours…



Rentré à la maison, discipliné comme un élève de 6ième, je mets à jour ma liste Babélio et reste interloqué sur la page du Démon. Les étiquettes de ce roman mettent en avant les mots « Sexe » et « sexualité » à coté du « roman » de « Littérature américaine ». Ciel ! On m’aurait menti. On m’avait « vendu » un polar culte et voila que je me retrouve avec un « Cinquante nuances de grey » des années 70.



Si voulez, c’est un peu comme si je commandais un fraisier dans ma boulangerie et que la vendeuse me rapporte, avec le sourire, un gâteau au chocolat en m’expliquant que faute de fraise, elle pensait que ce délice au chocolat ferait l’affaire. Franchement, le pâtissier aurait pu au moins ajouter des framboises en remplacement. (1)



Bref ! Vous comprenez mon désarroi comme l’élève Torless a pu l’être durant son premier rendez-vous avec une prostituée. Et contrairement aux grands critiques de lectures érotiques, je ne suis pas le dieu de la vigne, du vin et de ses excès pour me lancer dans de telles lectures ! (2)



Prenant mon courage à deux mains, je m’attaque donc au Démon paru en 1976 et écrit par l’auteur américain Hubert Selby, Jr.



Le héros du livre, Harry White, est un jeune cadre dynamique dans une société new-yorkaise en pleine expansion. Harry partage sa vie entre son travail et ses conquêtes d’un jour. En effet, son besoin de coucher avec des femmes, de préférence mariées pour éviter de s’attacher à elles, s’avère de plus en plus addictif et altère même sa concentration au bureau. Plus grave encore, Harry doit sans cesse consulter sa montre pour arriver au travail à l’heure ou après sa pause déjeuner. Une pause déjeuner souvent les jambes en l’air si vous voyez ce que veux dire…



Passant de moments d’euphorie intense à des périodes de déprime maladive, Harry réussit tout de même à cacher les apparences dans son entreprise et se laisse même séduire par Linda, une jeune secrétaire au bord d’une piscine lors d’une journée détente organisée par sa société pour galvaniser les troupes.



Malgré ses pulsions sexuelles, Harry va-t-il réussir à conquérir la belle Linda ? Pourra t-il poursuivre son ascension fulgurante dans sa société malgré un premier rappel à l’ordre sévère de son chef Wentworth ? Pourra t-il accéder au luxe d’une belle maison, d’une belle voiture, des plus grands restaurants ou de la carte du Country Club de golf réservé aux élites?



En somme, deviendra t-il quelqu’un d’important et de respecté comme il en rêvé toute sa vie malgré ses travers de plus en plus difficiles à dissimuler ?



Pour avoir réponse à toutes ces questions, je vous invite à découvrir ce roman pour le moins déconcertant, déversant des paroles crues et immondes en alternance avec de longues tirades superbement écrites. Stressé par l’heure qui tournait lors des pauses déjeuner d’Harry, j’ai vécu cette lecture comme une véritable épreuve exhortant Harry à cesser de franchir la ligne jaune à tout bout de champ. En vain, malheureusement…



Si je compare « Le démon » à des ouvrages cultes de Jim Thompson, le roman de Selby laisse moins de place à la violence physique que dans « Le démon dans la peau » (ou sa nouvelle traduction « L’assassin qui est moi ») et se rapprocherait plus de « Rage noire » pour le langage cru et la pulsion intérieure destructrice du héros du livre incapable de la maîtriser. Malgré tout, le Démon n’atteint pas du tout, selon moi, le génie des deux chefs d'oeuvre de Thompson.



Si je devais énoncer une faiblesse, je déplorerais le milieu du roman trop long et répétitif contrastant avec une première partie tellement intense et lumineuse. Heureusement, la dernière partie est enlevée et se révèle à la hauteur d’un bon roman à la frontière du polar et sur la folie des hommes.



Et comme le dit si bien un proverbe indien, méfiez-vous : "L’homme est son propre démon."



Ps : J'oubliai la conclusion de l'histoire. J'ai bien eu un fraisier en fin de compte avec, il est vrai, de grosses pépites de chocolat sur le dessus fondant au bout d'un certain temps et des fraises un trop clairsemées à mon gout. A vous d'en déduire la fin du roman...



(1) Variante à la boulangerie pour les Belges exclusivement :



Si voulez, c’est un peu comme si je commandais une tarte aux pommes dans ma boulangerie et que la vendeuse me rapporte, avec le sourire, une tarte aux poires. Pas très content, je lui annonce qu’elle me prend vraiment pour la reine des pommes. En guise de réponse, elle m’explique que le pâtissier est belge et que faute de pommes, il s’est dit que je serais parfait pour être la reine des poires...



(2) voir la savoureuse critique de Dionysos89 sur les "Cinquante nuances de Grey"
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Le Démon

Tout souriait à Harry White. Jeune cadre dynamique, il passe pour un modèle aux yeux de ses parents. Mais ce qu'ils ne savent pas, c'est qu'Harry a des pulsions. Des pulsions sexuelles au départ qui le mènent à ne coucher qu'avec des femmes mariées. Il se rassure en se disant que c'est pour la bonne cause, qu'il leur donne un peu de bonheur pendant ces instants éphémères. Mais Harry se rend bien compte qu'il y a quelque chose "qui ne tourne pas rond". Car il est capable de tout abandonner d'un coup, d'arriver en retard à son travail, de remplacer son repas de midi, pour céder à ce désir oppressant. Cela lui vaudra d'ailleurs des réprimandes de son patron qui le met aux pieds du mur en nommant son collègue directeur adjoint alors que cette récompense était, en toute logique, réservée à Harry. Monsieur Wentworth veut quelqu'un d'équilibré.



Le démon qui est en Harry s'apaise alors pour atteindre cette place tant convoitée. Il va presque devenir "normal" en passant ses journées à travailler et en fondant une famille. Mais pour combien de temps ? Trouvera-t-il un moyen d'assouvir ses pulsions par autre chose que le sexe ?



Ce roman m'a coupé le souffle ! Il est d'une intensité ! Alors attention quand même, car c'est cru, parfois glauque. Ceci dit, ce n'est pas gratuit et c'est justement ce qui aide à comprendre qu'Harry réagit à des pulsions. Il est malade. Une force intérieure le pousse à agir ainsi, à avoir des montées d'adrénaline, comme si sa vie en dépendait. C'est puissant, très puissant ! Et la narration y est aussi pour quelque chose car on entre souvent dans les pensées du personnage, d'où l'absence, pouvant déstabiliser au premier abord, de certains signes de ponctuation. Mais quoi de mieux, pour adhérer pleinement à l'histoire, que d'être nous aussi bousculés ?
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Le Démon

AIDEZ MOI, NOM DE DIEU, AIDEZ MOI!



Harry a un démon, en lui, sans le savoir. Il ne lui apparaît qu'en rêve :

"Un visage... la bouche ouverte, sur un gémissement muet."

Harry a la beauté du diable et peut séduire autant de femmes qu'il désire.



Il est devenu Harry White, le plus jeune vice-président de sa société, marié à Linda, sa jolie épouse et père de 2 enfants...

Et heureux propriétaire d'une belle demeure. Il est riche et a du pouvoir!

L'American way of life.



Harry a eu de nombreuses aventures avant son mariage. Il continue, sans comprendre pourquoi, alors qu'il est heureux avec Linda.

Le "démon de midi" ?

"Elles étaient belles, surtout avec le vent qui plaquait leur robe, sur leur mont de Vénus."..



Mais, pourquoi lever des pochardes et les baiser?

Parfois, son esprit vagabonde, il ne sait pas comment il a fait pour être, dans cet hôtel sordide ?

"Pleurer, ne serait-ce que pleurer... Il fut pris d'un frisson d'angoisse..." Pauvre diable...



Pourquoi ce plaisir malsain pour le sexe et l'adultère, le vol, puis cette envie de tuer...?

"De nouveau, il se retrouva au fond de l'abîme, qui cette fois, était puant et dégueulasse..."

Une descente aux enfers?



Il savait, depuis des mois, comment s'y prendre pour tuer quelqu'un, sans risque. Pas sa femme, pas Linda! Car, il serait soupçonné...

Non!

Un inconnu! Oui, un inconnu...



Il voulait faire de ce crime, un acte de charité! Une cloche, un pauvre diable, qui ne serait regretté par personne.

.."Vêtements en lambeaux, chaussures dont les semelles bâillaient, col auréolé de crasse."

Le bruit de la rame de métro se fit plus fort...



Le cardinal Leterman allait célébrer la messe, ce dimanche de Pâques, dans la cathédrale.

.."il guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du démon, car Dieu était avec lui!"



Mais, que fait Harry ? Cherche-t-il le pardon et l'absolution!

Il est comme une âme en peine...

..."tout homme qui croit en Dieu, reçoit par Lui, le pardon de ses péchés. "

Que tient donc en main, Harry, un missel ou?



DIS LE, NOM DE DIEU DE BORDEL DE MERDE, DIS LE, DIS LE, S'IL TE PLAIT!...



Selby écrivit : J'écris avant tout sur la solitude... Tout le monde connaît ça, le désir d'être quelqu'un. Le besoin de trouver quelque chose. Les addictions , la dégénérescence de l'être humain.

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Last Exit to Brooklyn

« (Georgette dansait tout autour de la pièce en fredonnant des chansons, vêtue d’un slip de soie et d’un soutien-gorge rembourré, et un type était assis nu, au bord du lit, de la sueur roulait sur son corps luisant, il touchait la soie quand Georgette passait près de lui, il jouait avec ses parties génitales, se léchait les lèvres, de la salive lui tombant de la bouche ; puis elle ôta son slip et il le saisit, enfouit son visage dedans et tomba sur le lit en gémissant en se vautrant…) »



Je vais t’avouer un truc perso, dont je ne suis pas vraiment fier. Non, ce n’est pas moi ce type, surtout quand on sait ce qu’est Georgette. Je ne juge pas, je n’ai pas d’apriori. Non, mais je voulais me confesser car j’en éprouve subitement le besoin. Malgré mon grand âge, je viens d’être dépuceler. Non pas par Georgette. Je ne juge pas, je n’ai pas d’apriori. Mais par Hubert Selby Jr. Je peux dire qu’il y a un avant et un après. C’est le genre qui marque une vie entière. Je ferai le parallèle avec Charles Henri Bukowski. Lui aussi, il m’avait à sa façon dépuceler sans que je m’y attende, il y a quelques années. J’ai eu du mal à m’en remettre. D’ailleurs, m’en suis-je totalement remis. Je crois que j’en garde encore quelques sérieuses séquelles de nos différentes rencontres. Car, je l’avais fait plusieurs fois avec lui. Le plaisir, le plaisir, la soumission et le plaisir. Tant de poésie dans ce monde de brute qui m’a submergé d’émotion et de jouissance.



Donc, tu oublies l’espace d’un instant ma vie, celle de Bukowski et tu plonges dans celle de Hubert Selby Jr. Sa vie, ses écrits, les deux ensemble. « Last Exit to Brooklyn » est donc mon premier et unique, jusqu’à présent. Je te l’ai dit : mon dépucelage. Donc autant commencer avec son premier. Les années soixante. A cette époque, j’écoutais peut-être Charlie Parker. Donc au passage, je vous propose un morceau de choix.

http://www.youtube.com/watch?v=fBWnoI4YuA8



Bird, il en est beaucoup question dans ce roman. Du be-pop, du sexe et de la drogue. De perdition aussi. Car dans ces rues sombres de Brooklyn, j’y croise plus de paumés que de dingues. Des putes et des tantes, des marins ivres et des ouvriers perdus. Le livre est dérangeant, pas pour la crudité de ses mots, mais plus pour l’affichage de cette société américaine faite de laissés-pour-compte et de marginaux. Une société de plus en plus violente, dans les actes mais aussi dans l’esprit de ces quelques pauvres types.



« Mary habilla le bébé et le mit dans son berceau. Harry l’entendait qui arrangeait le berceau. Il entendit le bébé qui tétait son biberon. Les muscles et les nerfs d’Harry se crispèrent et il frémit. Il aurait voulu pouvoir attraper ces bruits et les lui foutre dans le cul. Attraper ce bon dieu de môme et le lui refourrer dans le vagin. »



Mais que ne serait la violence sans un brin d’humour, parce que cette violence n’est jamais gratuite, qu’elle s’impose là, à la face du monde, à la face de ta face. Et heureusement que par moment mon esprit s’échappe avec quelques situations cocasses. Cela apporte quelques moments de légèreté où mon esprit peut vagabonder librement dans une chambre d’hôtel.



« Alberta baissa les yeux et rit. Tu as encore tes chaussures et tes chaussettes noires. Harry cligna des yeux. Il était debout les jambes écartées, le pénis dressé devant lui, nu à l’exception de ses chaussures et de ses chaussettes noires. Alberta rit puis elle lui enleva ses chaussures et ses chaussettes. Viens cher amour. Elle l’attrapa par le pénis et le conduisit dans la chambre. »



Donc la prochaine fois, penses à enlever tes chaussettes, cela enlèvera ton ridicule. Car forcément, Harry c’est toi, c’est moi, c’est le mâle perdu qui va dans une piaule miteuse avec une fille qui s’appelle Alberta ou Georgette. Toi, tu te poses sur le lit, tu ne sais pas quoi faire, avec ton truc qui pendouille entre les jambes, et qui se redresse quand tu la vois sortir de la porte des chiottes. Cette nana qui te plait tant et qu’enfin tu t’apprêtes à lui faire la fête. Oui, la lecture est aussi festive, pleine d’entrain, de bonheur et de jouissance. Tu éjacules et tu sens cette satisfaction sortir de toi. Tu n’as pas honte, le bonheur est aussi simple qu’un petit jet. Oui, quand on découvre Hubert Selby Jr, le désir est là à chaque page, à chaque coin corné à force de tourner frénétiquement les feuillets, lentement, puis de plus en plus vite, les mains collantes, mélange de sueur, de bière et de sperme. Ta tête explose.



« Mais que devait-elle faire ? Bien sûr elle n’avait jamais même laissé entrevoir la vérité aux autres filles, elle était vierge. Elle avait parlé avec quelques unes des filles là-bas chez elle et elles lui avaient dit comment s’y prendre, l’avertissant de ne jamais l’enlever de sa bouche quand ça venait parce que tu pourrais en prendre partout et même dans les yeux et tu sais, chérie, on peut devenir aveugle, et de toute façon c’est le moment où tout explose et tu n’auras pas envie de l’enlever… »



Mais voilà, ce roman est spécial. Il n’est pas fait pour toutes les têtes, ni même tous les esprits. Il y a cette violence, parfois extrême, un brin choquante qui ne satisfera pas les âmes les plus pures. Il faut avoir un esprit malsain, comme toi qui furète sur ma chronique, ou comme moi qui se délecte des malheurs d’autrui, qui jouit de plaisirs littéraires même les plus disgracieux. Oui, je t’ai percé à jour : si tu es encore là, c’est que tu es encore plus tordu que moi et peut-être que si tu n’as pas cliquer sur le bouton arrêter de ton ordinateur, c’est que secrètement tu attends la grande tirade de Hubert Selby Jr, celle qui te fera frémir toute la nuit et que je garde pour la fin, celle qui te fera commandé dès demain matin une dernière sortie pour le paradis, the « Last Exit to Brooklyn ».



Cette grande tirade étant strictement interdit aux moins de 40 ans, elle ne sera visible que sur mon blog (ah, ah, ah)



Lu dans le cadre du super challenge : 'des lectures pour dévergonder ManU17' !!!
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Last Exit to Brooklyn

Une claque, ce bouquin. Une plongée dans les bas-fonds du New-York des années soixante, et dans ceux de la nature humaine. C'est sordide, cru, violent, exalté, terriblement réaliste. Selby ne s'est jamais fait d'illusion sur la valeur de l'homme, mais là, rien n'est à sauver dans cette société pourrie de l'intérieur. Moins abouti sans doute que Le Démon, écrit dix ans plus tard, ce premier roman jette à la face du lecteur un style qui fera la marque de l'auteur: foutraque, déjanté, peintures de caractères au plus proche des personnages. Quelques longueurs aussi, sans doute (la partie portant sur la grève d'ouvriers, notamment). Le fumet est certes faisandé, mais au final, on est emporté, tétanisé devant cette succession de scènes dignes de Dante et de Brueghel. Le lecteur devient voyeur, ce qui, après tout, est peut-être le signe que l'on est, sinon devant un grand livre, du moins devant un livre important.
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Last Exit to Brooklyn

Dernière sortie pour Brooklyn et

dernière sortie tout court car il s'agit bien du dernier arrêt pour les âmes échouées qui hantent ce roman culte d'Hubert Selby.



Terminus de la misère humaine semblant sorti tout droit de l'enfer, on y retrouve les blessés de la vie, les junkies, les amputés du coeur, et tous les désespérés pour cause de trop peu d'importance. (*)



Selby explore le psyché de ces personnages borderline et décrit leurs actes parfois monstrueux sans pour autant les juger. Il adopte une neutralité dérangeante semblant nous dire qu'"eux" et nous faisons malgré tout partie de la même humanité.



Ici point de rédemption (**) , juste une continuité et une reproduction du même. "Last exit to Brooklyn" est un roman très dur, cru, violent et d'une noirceur abyssale, une descente dans les tréfonds de l'âme humaine dont on ne sort pas indemne. Vous qui entrez, abandonnez toute espérance...



(*) Jacques Brel, Avec élégance.

(**) Je ne l'ai retrouvée que dans un seul de ses

livres "Le saule", magnifique roman à part dans l'oeuvre de Selby.







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Last Exit to Brooklyn

Y a des trucs, que veux-tu, ça se discute pas : Peugeot ou Renault ? PSG ou OM ? Apple ou Samsung ? Papier ou liseuse ? Selby or not Selby ?



Alors si t’as du mal avec le noir très noir, l’alcool en mode biture, le sexe en mode trav et trash, la violence dans tout ce qu’elle a de plus machiste et la désespérance généralisée, passe ton chemin !



Pour les autres, c’est parti pour Last Exit to Brooklyn, œuvre majeure d’Hubert Selby Jr (vaillamment traduite par Jean-Pierre Carasso et Jacqueline Huet) qui a longtemps, trop longtemps, trainé dans ma PAL.



Dans ce Brooklyn des bas-fonds et des grands paumés, Selby nous plonge dans le quotidien d’Alex, Rosie, Georgette, Vinnie, Harry, Lucy, Abe ou de l’inoubliable Tralala. Des femmes, des hommes, des travestis, des gays, des bis qui survivent sous perfusion de zedrines, de shit, de binouses et de sky.



Mais ces artifices ne sont même pas suffisants pour oublier la dèche du quotidien. Reste alors la violence. Sur un biffin égaré. Ou à défaut, une prostituée, sa femme, un enfant…



Voyous, prostitués ou syndicalistes, ils n’ont qu’une obsession : profiter du système ou plutôt de ses failles. Un protecteur à conserver, un client à pigeonner, une position sociale temporaire à surexploiter : tout est bon pour quelques dollars.



Roman à la construction, au style et à la syntaxe incroyables, Last Exit to Brooklyn est le roman de la désespérance absolue, du fond touché massivement, de l’inhumanité assumée, de l’amour jamais assouvi.



Et n’attend pas une lueur d’espoir chez Selby, même si certaines scènes chez le Grec ou à Manhattan touchent au grandiose malsain quand cette cour des miracles festoie, rappelant parfois des passages de La Famille royale de Vollmann.



Voilà un must-read qui en rebutera plus d’un (et d’une), un livre sous tension traversé par le saxo de Bird et une première incursion chez Selby qui m’a réjoui et qui en appelle d’autres.

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Last Exit to Brooklyn

Last Exit to Brooklyn


Traduction : J. Colza





Crevant de rage et d'un désespoir absolu, irradiant l'alcool, les drogues dont la légendaire Benzédrine, le sang, le sperme, la déviance sexuelle, la violence paroxystique et la déchéance humaine, "Last Exit To Brooklyn", que certains Etats américains et la Grande-Bretagne interdirent pour obscénité lors de sa parution, ressemble à une grêle de coups de poing furieux assenés par un boxeur fou dans l'estomac du malheureux et innocent lecteur.


Plus qu'un roman, au sens habituel du terme, il s'agit d'une suite d'histoires plus ou moins longues reliées entre elles par une bande de petites "frappes" qui roulent les mécaniques d'une virilité ambiguë dans un quartier où sévit déjà la misère économique. La "Gay Pride" n'est pas encore envisageable, loin s'en faut. Alors, tous se veulent des mâles et, dans l'univers de la rue, un mâle se bat, viole, torture, tue, se pochardise, se drogue, vole, défie les flics, fait de la prison et, de temps en temps, se fait tuer. Si certains ont des petites amies ou même se marient, cela ne les empêche nullement de répondre aux avances que leur font les homosexuels, déclarés ou non, qui se meuvent dans leur ombre.


C'est ainsi que Vinnie, une sombre petite crapule qui se glorifie d'avoir fait de la prison, est aimé par Georgette, un jeune homosexuel qui rêve de vivre avec lui un grand et véritable amour. Le pauvre garçon en sera pour ses frais de romantisme ...


Harry Black, lui, est un homosexuel refoulé qui s'est marié et a eu un enfant mais ne supporte plus désormais que sa femme le touche. Dévoré par les frustrations de toutes sortes, il mène la vie dure aux patrons de l'usine où il est salarié et où il est devenu "l'homme du Syndicat." A l'occasion d'une grève, il va découvrir et accepter sa véritable nature sexuelle. Hélas pour lui, cela sera sans lendemain. Rejeté par des gigolos travestis lorsqu'il n'a plus suffisamment d'argent pour leur payer leurs caprices, il ne peut que rentrer chez lui. Mais chez lui, il n'est plus rien : désormais, il lui est impossible de se mentir à lui-même. Alors, il sort et il ...


Il y a aussi Tralala, une ado comme on dirait aujourd'hui de 15 ans, qui couche à droite et à gauche non pas tellement pour de l'argent au début mais peut-être parce que "cela se fait ..." Elle sombrera vite dans l'alcool et sa fin est, avec celle du "Dahlia Noir" d'Ellroy, l'une des plus atroces qu'il m'ait jamais été donné de lire.


Il y a encore les marins en bordée, que l'on gruge et que l'on tabasse, parfois si bien qu'ils en meurent. Mais il n'y a jamais de témoins, bien sûr. Et puis le petit monde affreusement noir de ce quartier où à vrai dire, personne ne survit parce que tout le monde est déjà mort, assassiné par les contraintes sociales et morales, par les non-dits puritains d'une société en pleine déliquescence.


Comme dans le "Voyage ..." de Céline, il n'y a ici plus aucun espoir. De temps à autre, c'est vrai - voyez la façon dont Vinnie écoute Georgette lire un poème d'Edgar Poe ou la tendresse qui, brusquement, s'éveille en Harry Black et ne sera jamais payée de retour - Selby nous chuchote que les choses auraient pu être différentes.


Ailleurs. En d'autres temps. Peut-être. Dans un pays imaginaire, en somme.


Mais certainement pas dans le Brooklyn qu'il nous dépeint.


Un livre douloureux, épouvantable, monstrueux même. Mais un grand livre ! ;o)
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Last Exit to Brooklyn

Je me demande bien où est passée la last exit du titre, car il semble n'y avoir aucune issue pour les personnages de Hubert Selby Junior, coincés dans leur vie misérable, matériellement mais surtout humainement...



Last exit pour Brooklyn rassemble plusieurs récits plus ou moins longs. Leurs points communs ? Ils se passent dans le même coin de Brooklyn, dans un petit périmètre entre le bar du Grec, la grosse usine de pièces détachées et l'immeuble à côté du jardin public... Leurs héros sont toujours les mêmes personnages, des paumés qui carburent à l'alcool, la benzédrine, le sexe et la violence... Et ils sont tous sombres et déprimants, mais remarquablement justes et bien écrits.



Le style est superbe, car il nous transporte dans la tête et le coeur de ces paumés, et MÊME PARFOIS DANS LEURS ENGUEULADES OU LEURS BAGARRES. Il n'y a aucune séparation entre les dialogues, les descriptions ou les flux de pensées, et aucune indication pour nous aider. Pourtant on comprend toujours très vite où on se situe. Et on adhère. En tout cas, j'ai adhéré. Je ne sais d'ailleurs pas ce que cela dit de moi, que j'ai tant apprécié un récit si désespéré et désincarné...



Mon récit préféré est peut-être celui du syndicaliste malheureux dans son couple et dans son job, qui se sent pousser des ailes pendant la grève grâce à ses tickets de remboursement du syndicat et sa petite gloriole... avant de replonger dans son marasme. L'ironie y est très présente, par exemple quand l'auteur précise qu'il s'ennuie lui-même à ressasser sans fin la même histoire.



Challenge Multi-Défis 2019
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Last Exit to Brooklyn

Ecrit dans le langage de la rue du New-York des années 60, Last Exit to Brooklyn est un instantané d'un quartier populaire.

Hubert Selby Jr est un pessimiste; il ne semble pas voir d'issue ni d'avenir pour ces gens. La drogue, le sexe, la violence sont leurs quotidien.

Ce que le puritanisme américain ne veut surtout pas voir, l'auteur nous le montre au travers de ses personnages. C'est parfois vulgaire, ça a le goût du sang et la couleur du sperme. Autrement dit : c'est humain.

On pourrait presque parler de 'nouvelles", les scènes se succèdent, plus ou moins longues et de valeurs inégales à mon avis. Mais toutes se résument à la misère du quotidien.

Il est vrai que l'écriture est si particulière qu'elle peut rebuter certains lecteurs.
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Le Démon

Roman lu en trois jours. Impossible de m'en détacher. Harry, jeune cadre dans une société de Manhatan en pleine extension va monter les echelons et devenir vice-président. Il trouvera le bonheur dans le mariage et la paternité. Pourtant, une angoisse profonde et grandissante va lui faire commettre des actes de plus en plus déviants. Mais cette angoisse ira s'accroissant, compromettant sa réussite sociale.

Magnifiquement écrit, je vois dans ce roman une métaphore de l'impossibilité de vivre dans une société dominée par l'argent et le sexe. Il n'y aura pas d'echappatoire pour Harry.

Un livre à lire absolument.

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Last Exit to Brooklyn

Aucun manichéisme dans ce recueil d’histoires toutes liées les unes aux autres par les personnages et le quartier de Brooklyn avec ses bars plus glauques les uns que les autres. Les histoires sont servies froidement, sans jugement de valeur, sans jugement tout court d’ailleurs, il ne s’agit que d’une succession de faits plus ou moins dérangeants, que le lecteur voit défiler, impuissant devant tant de violence parfois. Les personnages présentés dans quelques-unes de ces histoires sont souvent pathétiques. Il y a Georgette, jeune travesti dopé au gin et à la benzédrine, mais follement fleur bleue, il y a Tralala, la petite prostituée à qui l’on a envie de mettre des claques tellement elle semble sans cœur, et il y a Harry Black, le gros dur qui ne supporte plus sa femme et son fils et va trouver refuge dans les bras de jeunes travestis vénaux. Mais la partie de ce livre qui m’a le plus troublée, c’est la dernière, joliment intitulée « Coda – Bout du monde ». On entre ici dans le quotidien de gens complètement paumés, alcooliques, fanatiques, violents, désœuvrés, et c’est terriblement dérangeant. Les femmes se prennent des gnons à longueur de journée, ou alors elles squattent les bancs publics, lorsque l’été arrive, et passent leur temps à observer les autres, à les critiquer sans aucun esprit et vont même jusqu’à souhaiter qu’un bébé tombe d’une fenêtre pour mettre un peu de piment dans leurs existences horriblement mornes. « Coda », c’est une succession de tranches d’existence – ces personnages vivent-ils vraiment ? – où l’on comprend assez rapidement que les enfants, qui peuplent ces récits, finiront comme leurs parents à force de les voir se battre, s’engueuler, s’insulter et picoler.

J’ai mis du temps à lire « Last Exit » parce que ce qu’Hubert Selby Jr. écrit et décrit est dur, très dur. C’est glauque, froid, amer, désespérant, mais tellement réel. Au final, je suis bien contente d’avoir eu ce livre entre les mains, même si c’est certainement l’un des plus crus, des plus glaciaux, qu’il m’ait été donné de lire.
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Last Exit to Brooklyn

"Last Exit to Brooklyn" de Hubert Selby Jr. est un recueil de nouvelles pour public averti.

C'est le même auteur que "Retour à Brooklyn" qui deviendra par la suite au cinéma le film "Requiem for a Dream".

Les différentes nouvelles sont d'une grande violences et parfois le choix de l'auteur dans la rédaction de son ouvrage peut décourager. Typographie bancale, ponctuation aux fraises, mais c'est un choix de l'auteur et parfois on a l'impression de lire le bouquin d'un bloc sans trop trouver de temps morts.



Les thèmes abordés sont principalement la violence, l'alcoolisme, la drogue, le sexe et l'homosexualité.

Lecture qui ne plaira pas à tout le monde rien que dans la façon dont l'ouvrage est rédigé, mais si vous n'avez pas froid aux yeux et que vous voulez lire un livre en avance sur son époque début/milieu des années 60, foncez !



Mais attention. Les différentes nouvelles sont extrêmement crues et violentes.
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Last Exit to Brooklyn

Cette plongée dans Brooklyn à la fin des années cinquante n'est pas de tout repos. Cinq vies nous sont exposées brièvement, cinq moments basiques de vies pourtant pas banales : une bande de copains dont la seule occupation consiste à se frapper ou à trouver quelqu'un d'autre sur qui frapper ; un homosexuel travesti, accepté bon gré mal gré dans sa famille, et tombé amoureux d'un ancien taulard qui ne pense qu'à lui soutirer de l'argent et s'amuser à ses dépens ; une jeune fille qui se prostitue d'abord par ennui, et qui sombre irrémédiablement avec la disparition progressive de sa beauté ; un syndicaliste qui hait sa femme et trouve le réconfort dans les bras de travestis prostitués, le temps d'une grève qui lui donne droit à un budget illimité. Quelques instantanés de vie dans un immeuble pour terminer, dans lequel tout le monde porte la même misère, le même désespoir. Quelques graines d'espoir apparaissent de temps à autre, mais elles tombent sur un sol bien trop aride pour pouvoir s'épanouir.



Le style rend très bien cette atmosphère de perdition : de grands pavés de texte sans structure, aucune différence typographique entre descriptions, pensées, dialogues, … Tout semble raconté par un narrateur atone, qui parle sur un ton monocorde.



Un roman assez dur, mais terriblement réaliste.
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Chanson de la neige silencieuse

J'ai adoré ce recueil de nouvelles. C'est une écriture qui surprend. Et c'est une écriture qui prend directement le lecteur dans un tourbillon de poésie et de folie, avec un humour quelquefois cinglant. le choix de la mise ne page est lui-même parfois décalé pour rendre d'autant plus fort les sentiments, l'exaspération, l'angoisse ou la rêverie. Il y a un crescendo dans la description de l'aliénation des protagonistes qui est magnifiquement orchestré par Hubert Selby Jr. jusqu'au moment où la tension culmine et fait décrocher le protagoniste pour le faire tomber dans les affres de la démence -et parfois, mais rarement- grâce à un petit flocon de neige qui tombe silencieusement, le personnage revient à l'équilibre après une longue promenade. L'auteur a une prédilection pour le prénom Harry qu'il donne fréquemment aux personnages des nouvelles. Par ailleurs j'ai remarqué que les membres de la famille présentée dans Un peu de respect possèdent tous un prénom qui commence par la même lettre : Morris Milton Miltie, comme si la famille était un tout où l'individu n'avait pas d'autonomie. Une autre petite chose a attiré mon attention, il est très souvent question de personnages masculins dans ces nouvelles à l'exception de Je suis bien sage, une suite de lettres écrites par une femme enfermée dans un hôpital psychiatrique. Je reprends ci-dessous les titres des nouvelles, incapable de dire celle que je préfère car elles ont toutes un petit truc qui les rend précieuses.



Le jour de chance du gros Phil

Salut champion

La dernière séance

Le biscuit porte-bonheur

À quoi penses-tu ?

Liebesnacht

Le bruit

Je suis bien sage

L'été de la Saint-Martin

Un peu de respect

La puberté

Le manteau

Le musicien

Des baleines et des rêves

Chanson de la neige silencieuse
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Le Démon

Et "ça" c'est un classique de la littérature américaine, salué par les critiques ? "ça" a remporté un vif succès lors de sa parution ? Il va falloir m'expliquer. C'est d'un ennui profond, il ne se passe rien hormis les petites histoires de "queutard" de Harry. Où est le démon ? Je me le demande encore. Un roman à éviter, nul, nul nul... mais ce n'est que mon humble avis.
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Last Exit to Brooklyn

La misère, la misère, la misère. Tout le contenu de Last Exit to Brooklyn se résume à ce mot et pourtant, il reste encore bien des choses à en dire, et d’abord parce que cette misère est difficile à identifier. Economique à la base, elle se complète par une pauvreté culturelle et spirituelle et la désagrégation de toute valeur morale, qu’elle concerne la sphère familiale, amicale ou qu’elle contrôle les domaines de l’économique et du professionnel. Cette pauvreté spirituelle est-elle la conséquence de la misère économique ? A moins que ce ne soit le contraire. On se pose souvent cette question en lisant le livre et, grâce au recul que nous donne Hubert Selby, les comportements des personnages apparaissent dans toute leur absurdité et tendent à nous les présenter à la fois comme victimes et responsables de leur sort.





La forme de Last Exit to Brooklyn permet de présenter un grand éventail de personnages au lecteur. Entre rupture et continuité, les nouvelles qui composent ce recueil isolent chacune leur tour une des facettes constitutives d’une seule unité : celle de la misère qui anime Brooklyn. On observe les alcooliques désœuvrés qui passent leur temps accoudés au comptoir chez le Grec, les travestis obligés de se shooter pour ne pas prendre conscience des conditions de vie extrêmes qu’on leur impose, une prostituée qui passe de l’indifférence à la psychose, des couples et leurs enfants unis par la violence et le dégoût, des travailleurs en grève, enfin, les habitants d’un immeuble qui n’ont en commun que leur isolement.





Chaque partie est à la fois trop courte et trop longue. Trop courte car en quelques dizaines de pages, Hubert Selby est obligé de se concentrer sur l’essentiel de sa démonstration. Jamais il ne répond au « Pourquoi » bien légitime du lecteur, préférant se concentrer sur le « Comment ». Et ce sont des descriptions qui prennent trop de place au détriment de l’intérêt que Selby aurait pu porter à la psychologie de ses personnages. Souvent, on a hâte que le chapitre se termine, mais lorsqu’on arrive au point final, on reste sur sa faim, avec l’impression d’avoir à peine entr’aperçu la réalité des personnages.





L’écriture de Selby joue peut-être dans cette sensation car il utilise une écriture minimaliste et descriptive, sans doute pas la plus approprié pour l’introspection. Il pèche parfois pour exprimer les émotions des personnages et s’il en ressort une impression désagréable, elle se fait toutefois l’écho des difficultés d’expression qui sont une des causes de la violence du milieu que Selby nous décrit.





Avec un style plat et monotone, Hubert Selby parvient à susciter un profond dégoût et une lassitude à l’égale de son sujet. Loin d’être une lecture de plaisir, Last Exit to Brooklyn ennuie et décourage, mais puisqu’il parvient à allier à la fois le fond et la forme, on ne saurait dire s’il s’agit d’un exploit ou d’un échec…
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Last Exit to Brooklyn

Retour de lecture sur “Last Exit to Brooklyn” qui est le premier roman écrit par Hubert Selby Junior, publié en 1964 aux Etats-Unis. Un roman qui a eu un très grand succès à sa parution et qui a même valu à son auteur un procès pour obscénité. Un livre qui fut encensé par Burgess, Beckett, Lou Reed ou David Bowie, c’est une des grandes voix de la beat generation et de la littérature américaine contestataire des années 50 et 60. Véritable chef d'œuvre, issu des bas-fonds de ce quartier de New-York, il est d’une désespérance inouïe. L’auteur nous décrit la face sombre de l'Amérique, celle qui est en marge de ce rêve de réussite, de profits, et de bonheur matériel. Il rejoint ainsi par sa puissance les plus grands que sont Fante, Brett Ellis ou Steinbeck, et par certains aspects Faulkner. Souvent comparé à Céline, c’est une plongée tout aussi profonde dans la noirceur de l’âme humaine, avec des personnages encore plus violents et haineux envers leurs contemporains. Ce livre est un recueil de six nouvelles qui se passent toutes apparemment dans le même secteur de Brooklyn. On a notamment un jeune militaire qui, avec deux camarades, a le malheur d’intervenir dans une querelle de couple et qui finit pratiquement tabassé à mort par une bande de voyous. On retrouve ensuite cette même bande dans l’histoire suivante lors d’une partouze ou tout le monde est shooté à la Benzédrine, notamment un travelo nommé Georgette qui est malgré lui amoureux de l’un d’eux. Une soirée de défonce dans laquelle ces voyous montreront toute l’étendue de leur brutalité et cruauté. A noter que cette histoire intitulée “La reine est morte / The queen is dead” a été à l’origine du titre de l’album éponyme des Smiths. Il y a encore l’histoire d’une fille, Tralala, qui pense avoir trouvé un filon en utilisant ses atouts physiques pour détrousser  des marins et qui finira immolée après un viol collectif. Dans une autre nouvelle l’auteur se focalise particulièrement sur le quotidien des habitants de ce quartier désœuvré, notamment des femmes qui subissent et vivent soit seules, soit dans une violence conjugale, dans les deux cas dans une extrême solitude affective. Elles se croisent dans cette jungle, au pied des immeubles, telles des zombies, se jugent, se dénigrent, alors qu'elles vivent dans le même enfer. L’histoire la plus marquante de ce livre concerne Harry, un branleur, alcoolique, qui ne supporte plus sa femme. Entre deux gueules de bois, en tant qu’ouvrier syndicaliste, il organise une grève. En tapant allègrement dans la caisse du syndicat, il peut mener la grande vie et pense avoir pris de l’importance, avoir réussi quelque chose. Il se croit aimé, se tape des travelos intéressés par son argent, et se saoule continuellement dans le bureau de grève avec les caïds du coin qui profitent de lui. La grève finie, le retour à sa vie misérable d’avant s’avère insupportable, il finira par ne plus rien gérer du tout et cela finira de manière particulièrement sordide, roué de coups dans un terrain vague après une agression sexuelle sur un gamin. On retrouve à peu près le même schéma dans toutes les histoires, avec un rêve qui finit dans le plus abominable et le plus sordide des cauchemars, dans une boucherie. Il n’y a pas de lumière chez Selby, pas d’issue, tout est désespérément noir, ses personnages sont tous pour la majorité de sombres débiles. Le tout est écrit dans un style haletant, binaire, très cru, sans aucune poésie, aucune métaphore. Un style terriblement réel qui colle parfaitement avec cet univers des plus glauques. Dans ce Brooklyn des bas-fonds, on est bien plus près d’Anthony Burgess que de Paul Auster. Ces gens vivent dans leur vie de couple et de famille dans une violence physique et psychologique constante. Un monde dans lequel la notion de bien et de mal n’existe pas, tout n’est régi que par la violence, et surtout le sexe, et encore le sexe, un monde  terriblement désespérant. Au-delà de cette peinture d’une Amérique sans aucun repère, c'est au final une réflexion sur la nature et la condition humaine. En pleine guerre froide, Selby nous décrit l’apocalypse, il n’est pas nucléaire, c’est juste un monde de solitude, un monde sans amour.



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"Il se dégagea rapidement et s'étendit sur le côté, en lui tournant le dos, il agrippa l'oreiller des deux mains, le déchirant presque, le visage enfoui dedans, prêt à pleurer ; l'estomac soulevé par la nausée ; le dégoût semblait s'enrouler autour de lui comme un serpent, lentement, méthodiquement et retirer douloureusement toute vie de son corps, mais à chaque fois que cela approchait du moment où une simple petite pression mettrait fin à toutes choses : la vie, la misère, la douleur, cela cessait de le serrer, mais la pression subsistait et Harry était là, le corps seul vivant par la douleur, l'esprit malade de dégoût."
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Le saule

On trouve rarement des livres qui vous remuent ainsi. Je sais que je vais très mal vous exprimer ce que j'ai ressenti à la lecture de ce livre, que je ne vais pas trouver les mots exacts pour faire passer toutes les émotions qui m'ont traversé. Rarement, une lecture ne m'aura autant remué , autant ravi.

Je ne peux pas passer devant une boîte à livres sans jeter un œil à l'intérieur, ce jour là je suis tombé sur cet ouvrage, la couverture m'a plu et je l'ai ramené. Mon inculture ne m' avait jamais fait croiser la route de Hubert Selby Jr, j'avais vu le film "Requiem for a dream" sans savoir que c'était l'adaptation d'un de ses romans.

C'est donc totalement innocent que je me suis plongé sans plus de précautions dans cette histoire de laquelle on ne ressort pas indemne.

Même après avoir fini ce livre, je ne peux m'expliquer ce qui m'a happé de la sorte, l'écriture bien sûr, en premier lieu, ce qui fait que de simples mots formaient des phrases que je trouvaient si belles que je les relisais souvent une seconde fois dans la foulée pour mieux m'en délecter.

Ensuite, le contraste entre les deux protagonistes principaux qui n'auraient jamais dû se rencontrer et qui se sont soutenus l'un l'autre s'offrant mutuellement chacun une bouée à laquelle se raccrocher pour ne pas sombrer. Leurs sentiments sont si bien exprimés qu'ils nous retournent.

Le thème de ce livre est universel et ô combien d'actualité lorsque l'on écoute actuellement les bulletins d'informations. Car si le message est clair, le chemin pour y arriver est tortueux et nous devons nous combattre nous même si nous voulons réussir à voir autrement dussions-nous y passer toute une vie.

Je vous semble sans doute confus mais j'écris cette chronique à chaud en venant de refermer ce livre qui va rejoindre mon île déserte.

Je ne peux que vous encouragez à lire "Le saule" à votre tour en espérant que vous éprouverez une partie de ce que j'ai ressenti.

J'ai rencontré un grand écrivain et ne vais pas le lâcher de sitôt.
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Chanson de la neige silencieuse

J’ai lu la semaine dernière un article qui parlait d’un SDF accueilli dans un foyer Emmaüs. Ce jeune garçon, contraint de trouver refuge dans un endroit chaud au moment où le froid polaire avait envahit les rues, se plaignait de la promiscuité du foyer, de la violence et des vols. Il venait notamment de se faire dérober 140 euros et surtout le manteau qu’il considérait comme son bien le plus précieux. Ce témoignage m’a secoué et m’a donné envie de relire une nouvelle d’Hubert Selby Jr. intitulé Le manteau.



Selby fut une vraie déflagration dans ma vie de lecteur. Comparable à la découverte de Bukowski, de Carver ou de John Fante. C’est au début des années 90 que j’ai entendu parler de cet auteur dans une interview du chanteur Henry Rollins. J’avais à l’époque beaucoup d’admiration pour Rollins, ex-leader du groupe punk Black Flag, grand gaillard musculeux au cheveu ras et tatoué de la tête au pied. J’écoutais en boucle l’album The end of Silence de son nouveau groupe, le Rollins Band, sur mon walkman à cassette (je sais, c’était le moyen âge). Bref, tout ça pour dire que c’est parce que Rollins a toujours cité Selby comme une influence majeure que je me suis intéressé à lui. J’ai commencé par le sulfureux Last Exit to Brooklyn et j’ai pris une claque monumentale. J’ai enchaîné avec Le démon, La geôle, Retour à Brooklyn et enfin Chanson de la neige silencieuse. Ce dernier titre est un recueil de nouvelles publiées entre 1957 et 1981. Le manteau date de 1978 et c’est une de mes nouvelles préférées.



Le manteau raconte l’histoire d’Harry, un clochard new yorkais qui vit une véritable histoire d’amour avec son manteau. Harry le solitaire squatte les immeubles désaffectés. Il travaille au noir quelques soirs par semaine comme plongeur. Ce petit boulot lui permet de se payer ses bouteilles de muscat quotidiennes. Il ne demande rien de plus. Tant qu’il a son muscat et son manteau, la vie vaut la peine d’être vécue. Ce manteau est son seul ami, celui sur lequel il peut toujours compter pour lutter contre la morsure du froid hivernal. En été, il ne s’en sépare jamais, paniqué à l’idée de le perdre : « Il était long, tombant pratiquement sur ses chevilles, et lourd, et il faisait presque deux fois le tour de son corps, et quand Harry en relevait le col, il se sentait protégé du monde extérieur. C’était un manteau provenant de surplus militaires qui lui avait été donné par l’armée du Salut, l’un des derniers qui restaient. Ç’avait été le coup de foudre. » Un soir d’hiver, deux SDF l’agressent pour lui voler son vêtement préféré. S’accrochant désespérément à son bien, Harry est roué de coup et laissé pour mort mais il a toujours son manteau sur le dos. Il doit son salut à l’intervention d’une patrouille de police. Sauvé in-extremis par les médecins, il passe des mois à l’hôpital. Le jour de sa sortie, personne ne retrouve ses affaires dans les vestiaires. Pour Harry, la perte définitive de son meilleur ami signifierait la fin du monde...



Si vous passez régulièrement par ici, inutile de vous dire que c’est la littérature que j’aime. De la littérature à hauteur d’homme qui vous prend aux tripes. Pas de chichi, pas un mot de trop. L’écriture est brutale et réaliste. Selby déroule ses thèmes fétiches : la solitude, la misère et l’angoisse sans la vision apocalyptique qui caractérise ses romans. Car autant vous le dire tout de suite, Le manteau se termine sur une note positive.



Je me rappelle avoir lu cette Chanson de la neige silencieuse au cours de l’été 1998 sur les bords du lac d’Annecy. Je m’en souviens parfaitement tant ce moment à été magique. Grâce à un simple article paru dans un journal local, j’ai eu le plaisir de redécouvrir cette fabuleuse nouvelle. Comme quoi, il ne faut parfois pas grand-chose pour dépoussiérer les trésors de sa bibliothèque.




Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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