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Critiques de Hugo Von Hofmannsthal (17)
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Andréas et autres récits

Andréas ou la suggestion Hofmmannsthalienne



L'auteur autrichien, célèbre pour ses collaborations avec Richard Strauss (Elektra, le Chevalier à la Rose) et l'invention du Festival de Salzbourg lègue à la postérité son seul roman, hélas inachevé, Andréas.



“I Pull A Spell On You.” Lecture déroutante, onirique, brumeuse, mystérieuse, inquiétante, insondable, l'ébauche d'Andréas a l'étoffe d'un grand roman de début de siècle. L'atmosphère intrigue même si la narration déroute, on a l'impression de suivre l'intrigue à travers une colonnade, et d'apercevoir des bouts d'histoire entre les épaisses et sibyllines arcades du schéma narratif.

Hugo von Hofmannsthal passe subrepticement du rêve au surnaturel sans élément déclencheur, sans bascule évidente. Evidemment on peut regretter que ces épreuves déjà si riches n'aient jamais donné naissance à un véritable roman.



Cette entrée du surnaturel que rien ne prédestinait laisse à croire qu'Hofmannsthal cherchait encore sa direction. le roman d'abord tout à fait réaliste s'enfonce dans la chimère à la toute fin de ce qui devait être le début, un peu comme ces images qui se brouillent et se décousent sous nos yeux avant que nous ne plongions dans le sommeil… Reprendrez-vous la plume là où il s'est arrêté ?



qu'en pensez-vous ?
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Electre - Le Chevalier à la rose - Ariane à Nax..

Trois textes de Hofmannsthal sont présentés dans ce volume : "Électre", "Le chevalier à la rose" et "Ariane à Naxos".

"Électre", drame inspiré de Sophocle, a d'abord été écrit pour le théâtre. La pièce est créée en 1903 à Berlin par Max Reinhardt. Électre attend le retour de son frère, Oreste, afin de venger la mort de leur père, Agamemnon, qui avait été assassiné par sa femme, la mère d'Électre et d'Oreste, et son amant. Hofmannsthal collabora quelques années plus tard à l'opéra de Richard Strauss.

L'opéra de Richard Strauss, "Le chevalier à la rose", est crée en 1911 à Dresde. Hofmannsthal en à écrit également le livret. Il s'agit cette fois-ci d'une comédie et d'une satire de la société viennoise du XVIIIème siècle, où des aristocrates ne pensent qu'à leur plaisir et des parvenus qu'à leur rang et fortune.

L'opéra de Richard Strauss ,"Ariane à Naxos", est crée l'année d'après. Le livret de Hofmannsthal s'inspire de l'antiquité grecque, de Molière, de la Commedia dell'arte... Il s'agit d'une œuvre audacieuse avec une mise en abime surprenante : un opéra, "Ariane à Naxos", doit être joué chez un riche bourgeois de Vienne, suivi d'une comédie plus légère. Dans l'opéra, Ariane, abandonné par Thésée sur l'île de Naxos, se désespère et ne pense plus qu'à la mort. Des acteurs italiens de la comédie tente de la dissuader et Zerbinette lui évoque ses amours multiples... Mais c'est Bacchus qui sort Ariane de sa torpeur. On retrouve le goût de Hofmannsthal pour le baroque, son sens de la poésie en tant que dramaturge, de la liberté, son humanisme en même temps qu'une ironie grinçante.
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Lettre de Lord Chandos



En 1902, à l'âge de vingt-huit ans, Hugo Von Hofmannsthal rédige la lettre "imaginaire" que Lord Chandos, sous les traits duquel on le reconnaît, adresse à son maître le philosophe britannique Francis Bacon.

Ayant composé de très nombreux poèmes de seize à vingt-cinq ans, Von Hofmannsthal a déjà derrière lui un passé de poète prodige, à l'instar de Rimbaud auquel il est souvent comparé, du fait de leur précocité et de leur décision de mettre fin à leur activité de poète.

Dans cette courte lettre à caractère autobiographique d'une trentaine de pages, l'écrivain confesse qu'il ne peut plus écrire et dénonce la faillite de la parole.

Il ne peut plus écrire, et pourtant, c'est en écrivant cette lettre qu'il expose sa démarche et qu'il explique ce qui lui est arrivé, et c'est ici que l'exercice devient passionnant.

Deux phénomènes se conjuguent. Le premier concerne la perception de la réalité. Il semble avoir vécu un épisode de discordance, de dissociation de la réalité, pas complètement négatif, car il entre en communion avec les éléments, la nature, les objets, avec lesquels il fusionne, sa personnalité se diluant et vibrant à leur contact. Doté d'une vision quasi animiste, il traverse ainsi des épisodes de transcendance."... je trouve sous un noyer un arrosoir à moitié plein oublié par là par un aide jardinier et que cet arrosoir et l'eau dedans obscurcie par l'ombre de l'arbre, et un diptyque avançant d'un bord sombre à l'autre sur le miroir de cette eau, que cet assemblage de détails futiles me traverse avec une telle présence de l'infini, me traverse de la racine des cheveux jusqu'à la moelle des talons..."

C'est à ce moment que le deuxième phénomène intervient, la rupture avec les mots. Il souhaiterait avoir recours à eux, mais ceux-ci ne lui permettent plus de décrire ses sensations. Les mots volent autour de lui, détachés de ses perceptions.

De quel outil le poète dispose-t-il pour dire l'indicible ? Comment les mots peuvent-ils traduire un réel qui leur échappe ?

La quête esthétique du poète le conduit dans une impasse, la beauté des mots ne reflétant pas les vibrations intérieures.

Face à ce constat, Von Hofmannsthal choisit d'arrêter la poésie, mais contrairement à Rimbaud, il poursuit l'écriture, dans le domaine du théâtre et des livrets d'opéra exclusivement.

En trente pages magistrales qui illustrent le rapport ambigu que les poètes entretiennent avec la langue et les mots, La lettre de Lord Chandos est devenue un classique des écrivains du renoncement.





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Andréas et autres récits

Le monde d'Hugo von Hofmannsthal est à la fois enchanteur et grimaçant : tout, de la nature à l'homme, y est source de beauté et d'effroi. Les récits de ce recueil plongent dans le rêve en même temps qu'ils se confrontent au réel. Il n'est pas toujours aisé de suivre l'auteur dont les histoires sont souvent étranges , voire occultes. Celui-ci nous entraîne dans un flux ininterrompu de sensations et d'images, que ce soit à Venise, à la fin du XVIIIème siècle, où le jeune Andréas est accueilli par un masque en partie dévêtu, un joueur qui a perdu jusqu'à ses habits, sur les routes de Carinthie, ou à Vienne. Poétique, théâtrale, sensuelle, angoissée, délicate ou violente, la prose d'Hugo von Hofmannsthal émeut, étonne et impressionne.
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Lettre de Lord Chandos et autres textes sur..

Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) est surtout connu pour son oeuvre de dramaturge et de librettiste – et encore plus particulièrement peut-être pour cette dernière, résultat d'une très longue et fructueuse collaboration avec le compositeur Richard Strauss («Elektra», «Le Chevalier de la Rose», «Ariane à Naxos», «Arabella»...).



Jeune poète exceptionnellement doué, adulé par la critique de son temps, Hofmannsthal serait surnommé le "Rimbaud autrichien", non seulement du fait de sa précocité (ses poésies sont publiées dans des revues viennoises dès l'âge de 16 ans), mais aussi de son renoncement définitif à tout exercice de composition poétique, une dizaine d'années après le succès retentissant remporté par son premier recueil de poèmes publié à 17 ans.



L'écrivain se consacrerait alors essentiellement au théâtre et à la musique. À côté de pièces de théâtre, drames lyriques et livrets d'opéra, Hofmannsthal est également auteur de textes courts en prose : contes, méditations personnelles, essais sur la poésie ou sur l'art en général. Son unique roman, «Andréas», restera inachevé.



Le plus célèbre reste sans aucun doute cette brève et inclassable «Lettre de Lord Chandos» qui donne le titre au recueil de textes en prose publié dans la collection Poésie /Gallimard, et autour duquel, outre la «Lettre du Voyageur à son Retour» - sorte de pendant et de variation à la première, explorant une autre forme d'impasse psychologique et d'exil intérieur-, ont été rassemblés d'autres écrits épars, réflexions, parfois sous forme de «conférences», à propos de la fonction de la poésie et le rôle des poètes, ou encore des méditations autour de la création artistique et du sens esthétique, mêlés quelquefois à des souvenirs et à des expériences personnelles de l'auteur.



Qu'il s'agisse de fiction ou de non-fiction, le véritable fil rouge tendu entre eux repose sur l'élégance classique et la musicalité enivrante de la langue pratiquée par l'auteur, socles sur lesquels Hofmannsthal s'appuye pour transmettre une vision originale de l'Art, à contre-courant de ses contemporains et des avant-gardes artistiques du début de XXe.



Cherchant à s'affranchir à la fois de certaines catégorisations qu'il considère comme trop rationalistes (le sens esthétique reposant en grande partie, dit-il, pour chacun de nous, «sur un mélange chaotique d'expériences intérieures confuses, complexes et incommensurables»...), ou à se départir de cette «flatterie» qui selon lui permet «d'entrer dans les bonnes grâces de la génération à laquelle on appartient», enfin et surtout, à outrepasser les barrières qui sont d'habitude dressées entre tradition et innovation, ces textes constitueront en quelque sorte, le testament littéraire d'un écrivain de génie qui aura refusé de se laisser emporter dans le mouvement des ruptures esthétiques radicales se profilant à son époque, préférant renoncer aux sirènes de la nouveauté et, probablement, à une place plus importante, en tant que poète et écrivain, que celle qu'il occuperait effectivement dans la postérité (plutôt comme dramaturge et auteur mélomane de livrets d'opéra pas forcément accessibles à un public plus large).



Hofmannsthal a choisi de rester dans ce vestibule de la modernité que tant de ses contemporains, tel son ami Rilke par exemple, au départ proche de lui, n'hésiteront pas à franchir... (Mais, par contre, qu'il est beau ce petit réduit où il s'est réfugié et, en tant que lecteur, que l'on s'y sentira toujours bien accueilli un siècle après!!)



Dans ces textes, plutôt que faire de la "théorie sur l'art poétique", on dirait qu'Hofmannsthal cherche avant tout à "poétiser la théorie". Ainsi, plutôt que de vouloir soumettre sa prose à des canons rigides, figés (comme l'on pourrait l'interpréter d'emblée, à tort, me semble-t-il ), ou d'accepter de la livrer totalement aux ruptures esthétiques à la mode chez ses contemporains, l'auteur, pourtant incorrigible assoiffé d'absolu, aspirerait davantage à faire vibrer simultanément sentiments et pensée, rêveries et méditations, passé et présent, veillant à marier harmonieusement le personnel et l'intime, l'ineffable et l'indicible, aux thèmes, aux cadences et aux tonalités issus d'une communion avec le patrimoine culturel, avec une tradition littéraire intemporelle et universelle.



Tout en rythmant les battements sublimés d'un discours qui refuse de tourner complètement le dos à son héritage, le poussant toutefois jusqu'à ses derniers retranchements - jusqu'à parfois le faire plier à l'irréalisme et à l'onirisme, cette langue convoque le lecteur d'emblée par les sens, avant même que son contenu prenne complètement forme dans son esprit, cannetille tissant une fine broderie sophistiquée aux couleurs d'ivresse et de métamorphose, d'extase alternant avec l'inévitable chute qui s'en suit, et dont la beauté n'est pas qu'un ornement, pas un but en soi, loin de là, mais un véritable vecteur de connaissance directe de soi et du monde.



«ll faut avoir des ailes, quand on aime l'abîme... », chantait Zarathoustra!



La Lettre de Lord Chandos annonce-t-elle la fièvre et le sentiment de perte de sens qui allait s'emparer progressivement des poètes et écrivains du XXe?

Dès 1896, paraphrasant Nietzche dans l'article «Poésie et Vie» qui ouvre ce recueil, publié à l'époque dans un journal de Vienne, Hofmannsthal évoque ironiquement la vacuité de ceux qui, selon lui, se mettaient à «écrire à l'encre rouge pour faire croire qu'on écrit avec du sang».

La Lettre est d'une certaine manière un texte visionnaire, emblématique de la rupture radicale opérée par certains des principaux courants littéraires de la modernité, consistant à vouloir se passer des conventions de la langue, certes aléatoires au fond , mais reliant solidement néanmoins signifiants et signifiés, mots et choses, à refuser toute forme d'agencement entre leurs représentations susceptibles de créer ce que Hofmannsthal, lui, appellerait au contraire de tous ses voeux, à savoir des «états d'âme fugitifs» mais « exactement circonscrits », sans faux-semblants. Modernité s'appliquant méthodiquement a brouiller sujet et objet de narration, à vouloir rendre compte d'une subjectivité tournant en boucle autour d'elle-même, que l'auteur refusera donc de rejoindre.



«La Lettre», ou «Lettre de Lord Chandos» est une missive datant du XVIIe, fictive naturellement, bien que non seulement le destinataire, qui n'est autre que l'éminent Francis Bacon, mais aussi son expéditeur - un contemporain du philosophe, probablement le cinquième Lord Chandos- soient tous les deux inspirés de personnages «attestables». Elle décrit les raisons qui auraient conduit son auteur à abandonner définitivement sa vocation d'écrivain. Les mots, dit ce dernier, ont perdu toute signification pour lui, ne semblent plus en mesure de nommer les objets ou de décrire la nature, ni même les mouvements de son esprit. La réalité des choses y afflue désormais à l'état brut, le ravissant et l'emportant dans un tourbillon d'émotions indistinctes, ce qui le prive de toute possibilité de discernement, de «méditer ou de parler sur n'importe quoi avec cohérence» et de porter un jugement sur les choses.

«Je ne parvenais plus à les saisir avec le regard simplificateur de l'habitude. Tout se décomposait en fragments, et ces fragments à leur tour se décomposaient ; rien ne se laissait plus enfermer dans un concept. Les mots flottaient, isolés, autour de moi».



Une rose est une rose, est une rose..? Qu'en penser..? Et après ce constat, qu'aurait-on d'autre à rajouter...?

Et de quoi pourrait-on au juste se vanter, après-coup, cent vingt ans après la déferlante avant-gardiste et les expérimentations langagières radicales auxquelles le XXe siècle donnait naissance, entre autres sous la double égide, freudienne et nietzschéenne, de la fragmentation du Moi, de sa pluralité désormais revendiquée, ainsi que de l'affirmation définitive de sa sidérale solitude ontologique?

La déréliction du Moi et la perte d'identité transformées en nouveaux défis auquel devront faire face les héros de l'Odyssée moderne, au risque de se transformer définitivement en «Personne», de se métamorphoser en cafards, ou en rhinocéros, ou de se voir reflétés en exquis cadavres?



Hofmannsthal, quant à lui, semble avoir voulu inviter chez lui en même temps Sophocle et Goethe, Nietzche et Freud (il avait été paraît-il très bouleversé par la lecture des deux derniers). Ils se sont retrouvés autour de sa table d'écriture, et de toute évidence Hofmannsthal ne souhaitait qu'aucun d'eux quitte les locaux... Un pari impossible à tenir?



Quoi qu'on en pense, la prose, mélange savant de classicisme intemporel et de modernité ambiguë, reste un pur régal!



Des textes la plupart du temps courts, quelques contes aussi (le plus connu étant «La Femme sans Ombre»), un livre d'aphorismes, un roman inachevé... (Je ne suis pas, par contre,un grand lecteur de pièces de théâtre, que je préfère découvrir d'abord sur scène, lire ensuite éventuellement; quant aux livrets d'opéra, alors là...). Si l'héritage d'une oeuvre marquée autant par sa quête d'absolu que par les renoncements que son auteur se serait imposé, resulte en définitive assez "maigre", l'essentiel s'y trouve néanmoins concentré. Des moments de grande beauté, d'introspection poétique et de grâce pour ses lecteurs:



«Oui, tandis qu'il s'abandonne à la vision et possède le pouvoir de croire à ce qu'un poète lui fait contempler (...) tandis qu'il possède le pouvoir d'intégrer à sa vie sous forme de symbole la créature la plus mystérieuse enfantée par le temps (...) tandis qu'il intègre à sa vie le poème, création sismographique, oeuvre secrète de celui qui est esclave de toutes les choses vivantes et jouet de toute pression atmosphérique – tandis qu'il éprouve dans cette création du temps la félicité de sentir son Moi égal à lui-même et de flotter en sécurité dans la chute de l'existence, alors la notion du temps disparaît pour lui et l'avenir arrive vers lui comme le passé en un présent unique.»



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Andréas et autres récits

Hugo von Hofmannstahl compte dans la littérature de langue allemande. Mais il est relativement peu connu dans le monde francophone. Moins que Zweig ou Rilke par exemple. Ou alors seulement comme le librettiste bienaimé de Richard Strauss.

Pourtant il fit une apparition fracassante dans la Vienne des lettres des années 1890. Encore lycéen, il était déjà un poète accompli. Zweig raconte dans le monde d'hier combien Schnitzler a été abasourdi en découvrant les vers de ce tout jeune homme. Un prodige comme Rimbaud, la révolution en moins, la tradition (allemande) en plus.

Ce livre contient un court roman, Andréas, et des récits, nouvelles ou projets de scénarios de théâtre. Plusieurs sont inachevés. Mais cela ne fait rien. Ils sont captivants. Les personnages sont immédiatement présents. Ce sont des apparitions, eux aussi. Nous les sentons proches de nous.

Mais ils sont étrangers à leurs congénères. Ils n'arrivent pas à communiquer avec leurs semblables, dont la présence paraît insaisissable, voire incompréhensible. Il en résulte une incertitude permanente, une angoisse qui peut avoir une issue tragique. Leur monde est voilé, comme obscurci. le lecteur comprend, lui, que ce sont leurs mouvements intérieurs qui les rendent si peu en phase avec les autres.

On se prend à regretter que Hofmannstahl n'ait pas écrit des romans de plus grande ampleur, tant on aimerait prolonger le plaisir de cette littérature et l'exploration si singulière des profondeurs de l'humain.
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Andréas et autres récits

Hugo von HOFMANNSTHAL : "Andréas"

Edition L'Imaginaire Gallimard

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Il s'agit là d'un recueil de nouvelles du grand poète autrichien, fondateur du festival de Salzbourg, né à Vienne en 1874 d'une mère italienne et d'un père autrichien et mort en 1929. Il connut la renommée en tant que poète et prosateur dès l'âge de 17 ans.

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Il est plus particulièrement composé d'une longue nouvelle, "Andreas", et de huit plus courtes, dont certaines abruptement inachevées. Grâce aux notes laissées par l'auteur, et également traduites par Eugène BADOUX et Magda MICHEL, nous pouvons parfois connaître les intentions d'HOFMANNSTHAL concernant leur possible dénouement. Mais nous admettons que leur style onirique ne rend pas cet achèvement nécessaire : nous sommes dans un domaine de rupture avec la vison rationnelle du monde, et le chemin est tellement riche d'images et de poupées russes emboîtées les unes dans les autres que nous ne ressentons aucune frustration quand nous sommes brusquement abondonnés au milieu d'une page.

Qu'il s'agisse de la recherche lancinante de la femme aimée, de la plongée dans les labyrinthes de l'enfance et de ses frayeurs, de la crainte de la folie, de l'obsession de la mort, de l'envie, de la précarité du bonheur, de la recherche d'un objet ou d'un être inconnu qui toujours se dérobe ; chaque fois nous passons de l'autre côté du miroir, bien près des mécanismes du rêve et de la folie.
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Jedermann

Jedermann est un homme riche et volontiers cruel et méprisant à l'égard de son prochain. Dieu, pensant qu'il s'est détourné de lui, décide de lui envoyer la mort pour faire les comptes. Elle vient le chercher en plein milieu d'une fête avec sa maîtresse, Buhlschaft et son compagnon fidèle. La mort lui laisse une heure pour trouver quelqu'un pour l'accompagner dans son voyage. Le compagnon et sa famille refusent. Enfin, il retrouve ses œuvres à la fois. Œuvres et Foi l'accompagnent et empêchent le diable de s'emparer de lui. Il s'est repenti et retourné vers Dieu et est maintenant prêt à affronter le jugement de Dieu.

Une réécriture de « Everyman », moralité anglo-saxonne du Moyen-Âge, dont je devrais faire la critique un jour si j'en suis encore capable. C'est donc une moralité du vingtième siècle, très populaire qui fut aussi, paraît-il, beaucoup jouée en extérieur. Sa popularité, pour faire un peu de philosophie, vient à mon avis de la dénonciation de l'obsession de l'argent pour des motifs religieux. Comme quoi, non, dans la religion tout le monde n'est (n'était ?) pas obsédé par ce que son voisin (surtout s'il s'agit d'une femme) fait de son corps, qu'il avorte, fornique ou caricature.

Sinon, j'habite pas loin du musée Tinguely et je me rappelle donc assez facilement une forme artistique qui fut elle aussi très populaire et se rapproche de « Jedermann » : la danse macabre, qui évoque pour moi dans sa forme primitive, bien avant Tinguely, surtout avant Holbein, la joie de la mort, lorsque la mort était encore joyeuse. Le début de la pièce, avant qu'elle ne devienne morale, renoue avec cette danse joyeuse qui accompagnait tout le monde à sa dernière demeure.
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Correspondance

Quatre étoiles, deux pour Mahler et deux pour Strauss, et pour ce livre qui n’intéressera que les fervents adeptes de l'un ou de l'autre, voire même des deux.Littérairement parlant, d'un point de vue stylistique, cette correspondance n'a guère d'intérêt. Musicalement, c'est une toute autre histoire, quand ces lettres échangées entre 1888 et 1911, cessant fatalement à la mort de Mahler, nous sont un témoignage très concret sur la vie musicale principalement viennoise avec pour toile de fond un monde qui s'achève. Moins de cinq ans séparent les deux hommes, et Mahler (l'ainé) mourant laissera presque 40 ans à Strauss devant lui. Mahler/Strauss, c'est un peu comme Debussy/Ravel, Schubert/Schumann, des couples déclarés ennemis par les musicologues paresseux. Il est vrai que beaucoup de choses les séparent : origines, tempérament... Par ailleurs, dans la postface, on nous précise que cette diabolique d'Alma Mahler a tout fait pour déformer l'image des relations entre les deux, pour la postérité. Soit, laissons Alma vivre sa vie et endosser toutes les fautes. Ceux qui liront ces lettres y trouveront un témoignage de solidarité entre collègues chef-d'orchestres et compositeurs s'épaulant pour faire vivre leurs oeuvres et leurs conceptions musicales dans le lac aux requins viennois. Essayant d'être objective (cela m'est difficile), il me parait notable que Mahler a plus cru en Strauss compositeur que le contraire. Strauss est un peu plus souple et ne rechigne pas aux concessions pour assouvir sa grande ambition. Mahler, non moins ambitieux, est d'une intransigeance maladive qui lui coûtera son poste de Chef à Vienne. Strauss lucide a senti le vent tourner et comme l'illustrent mes deux citations préférera parfois se passer des services de Mahler pour assurer sa route. Mais il acceptera souvent de bonne grâce de diriger les oeuvres de Gustav et supportera les exigences inouïes de celui-ci. Mahler est plus visionnaire décelant dans "Salomé" de Strauss un chef-d'oeuvre qui passera le temps. Il est plus démonstratif dans sa correspondance, tout en restant très concret et pratique. Strauss est plus mondain . On ne sent pas vraiment une amitié profonde, davantage un respect et un front commun contre l'adversité. De plus, les deux hommes étaient fatalement très occupés et n'avaient que peu d'occasions de rencontres physiques.

Je me suis demandée comment aurait pu évoluer leur relation si Mahler avait vécu davantage. Sa musique n'a connu le succès véritablement qu'au début des années 60. Strauss dans sa longue vie a pu connaître la satisfaction de se sentir compris de ses contemporains.

Au final, cette correspondance, si elle n'est pas passionnante, nous montre une fois de plus que la postérité aime bien simplifier les vérités humaines et historiques. Celles-ci sont souvent plus complexes ou ambigues. Pourtant, ici, ultime paradoxe, c'est plutôt la simplicité d'un échange de créateurs partageant une même passion qui me reste en mémoire. C'est plutôt rassurant.
Lien : http://parures-de-petitebijo..
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Jedermann

Oui, on imagine fort bien les vestiges décatis d'une bourgeoisie européenne cultivée, se réunissant chaque année à Salzbourg pour regarder cette pièce et espérant que ses profonds regrets de ce qu'il est advenu de cette Europe, du fait de leur asservissement à Mammon, suffiront à assurer leur rédemption ... Car après tout, pour ces gens là, l'enfer c'est pour les autres, puisque la notion de responsabilité leur est toujours restée profondément étrangère.
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Lettres du retour

Les lettres du retour sont des lettres imaginaires écrites par un homme d'affaires qui retourne pour quelques temps en Allemagne, après avoir vu le monde. Ces lettres datées de 1901 ne mettent pas directement aux prises un intellectuel avec son pays, ais plutôt un homme raisonnable, pragmatique, et fortement marqué par une vision allemande forte. Evocations de madeleines autrichiennes (le goût de l'eau de la fontaine de Gebhartstetten), de valeurs allemandes (éternelles ?) représentées par les gravures d'Albrecht Dürer que son père sortait quelquefois. Il rentre au pays avec ces attentes, sans doute le désir que son pays n'ait pas changé en son absence, comme tout exilé l'attend peut-être. Ses visions allemandes ont nourri l'impatience du retour tout en éclairant ses voyages. Et là, au retour, tout n'est qu'abandon de la nature de l'homme allemand. Il ne reconnaît rien, constate même une sorte de non-vie, tant les hmmes de son pays semblent avoir abandonné la raison de vivre. Seul l'argent les intéresse, mais plus rien de ce qui fit l'Allemagne. Et puis, la couleur jaillit soudain, par les tableaux de Van Gogh. Et notre narrateur prend conscience d'une force intérieure, transfigurée par la couleur. Dès lors il ne dit plus ren de l'Allemagne, mais l'opposition est là, entre celui qui ne nourrit plus son être, et celui que la couleur conduit de façon presque mystique. 'The whole man must move at once', sorte de devise cardinale, pour amener l'homme à vivre en un tout.
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Electre - Le Chevalier à la rose - Ariane à Nax..

Les éditions GF-Flammarion ont porté (c’était en 2002) un éclairage méritoire sur un auteur peu lu et peu connu en France, sinon pour avoir été le librettiste de Richard Strauss : Hugo von Hofmannsthal. C’est justement pour montrer l’extraordinaire talent littéraire d’Hofmannsthal que, sous la direction de Pierre-Antoine Huré, a été fait le choix de retraduire trois pièces, "Electre", "Le Chevalier à la rose" et "Ariane à Naxos", ayant servi de support aux opéras de Strauss afin de rendre à Hofmannsthal ses œuvres, de permettre au lecteur de les apprécier pour elles-mêmes, sans la musique qui les sublimait mais aussi les submergeait et parfois les trahissait. Ce faible intérêt français pour cet auteur hors du commun est encore plus incompréhensible lorsqu’on lit ce que dit Stefan Zweig à son propos : « L’apparition du jeune Hofmannsthal est et demeure mémorable comme celle du plus grand miracle de précoce achèvement ; je ne connais pas, dans toute la littérature mondiale, à l’exception de Keats et de Rimbaud, un autre exemple d’une telle infaillibilité dans la maîtrise de la langue à un âge aussi tendre, un coup d’aile d’une telle envergure vers le monde idéal, une telle plénitude de la substance poétique jusque dans ses moindres lignes, qui soit comparable aux dons de ce génie grandiose, lequel, dans sa seizième et sa dix-septième année [1890-1891], s’est inscrit dans les annales éternelles de la littérature allemande avec des vers inoubliables et une prose qui n’a pas encore été surpassée. »

Chaque pièce présente un intérêt particulier. "Electre", drame inspiré de l’œuvre de Sophocle, aborde un problème vital, simple et immense : celui de la fidélité. Se retenir à ce qui est perdu, persister éternellement, jusqu’à la mort être toujours un homme sans descendre au rang de l’animal dépourvu de mémoire. "Le Chevalier à la rose" est une comédie aux accents de satire sociale, où la bourgeoisie viennoise de la fin du XVIIe siècle supplante une aristocratie crépusculaire, mais pour reproduire ses codes délétères et ses principes contre-nature. Enfin, "Ariane à Naxos" est un beau chef d’œuvre de théâtre dans le théâtre, inspiré de Molière, de Racine et de la commedia dell’arte. On y trouve, au delà d’une critique bien subtile de la pompeuse vanité du monde du spectacle, une exposition, en creux, de la fidélité (encore elle !) d’un auteur pour des principes créatifs non pas serviles et hypocrites, mais intelligents et nécessaires, profondément nécessaires.

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Jedermann

Je l'avoue, si je n'avais pas eu ce livre au programme des cours, jamais (jamais !) je ne l'aurais lu. Déjà parce que c'est du théâtre, et aussi parce que le rapport temps de lecture/prix est largement défavorisant (1h30 de lecture à 6€).

Et cependant, je ne regrette pas d'avoir découvert cette oeuvre. L'intrigue est simple, un tantinet moralisatrice, mais bien amenée, et surtout, bien écrite.



C'est l'histoire de l'Homme, riche, puissant, entouré d'amis, qui a une vie de dépravé. Orgies en tous genres peuplent son quotidien. Un jour, las de ses excès, Dieu le Père lui-même envoie la Mort cueillir son âme. Et soudain, tout s'écroule autour de l'Homme : le messager funèbre apparaît au milieu de la fête, faisant fuir ses amis et sa fiancée. Il a une heure pour trouver un compagnon pour l'accompagner jusqu'aux portes de l'Enfer et l'aider à affronter son jugement. Et étonnamment, tous ses camarades qui l'aimaient quand il avait du pouvoir et de l'argent, tous ceux qui venaient à ses fêtes, tous ceux-là se détournent de lui.

On peut donc voir cela comme un texte qui dénonce l'hypocrisie qu'entrainent l'argent et l'influence. Un livre profondément imprégné de morale chrétienne, évidemment. L'Homme, au jour de sa mort, se voit dépouillé de toutes ses possessions et est mis en face de la vérité : à quoi sert de posséder, puisqu'au moment de mourir, nous quitterons cette terre aussi nus qu'en sortant du ventre de notre mère ? Il devra trouver le compagnon qui lui fait défaut au coeur de lui-même, dans la meilleure partie de sa personne.



Ce que j'ai trouvé le plus intéressant, ce sont les noms des personnages. En réalité, ils n'en n'ont pas. Mais les dénominations utilisées sont recherchées. Ainsi, le protagoniste est uniquement appelé « l'Homme », et cela permet à chaque être humain de s'identifier à lui. En effet, en cherchant sur Reverso (l'ami de tous les étudiants), j'ai appris que Jedermann signifiait « tout le monde ». Qui d'entre nous n'a jamais commis d'excès ? Les péchés de l'Homme sont aussi les nôtres et c'est ce que dénonce Hofmannsthal.

Le meilleur ami du protagoniste s'appelle « le bon compagnon ». Et qui est le meilleur ami de l'homme ? Le chien. À plusieurs reprises, il jure de le suivre partout où il ira, de rester toujours avec lui. Pourtant, sa couardise l'empêche de tenir sa promesse (ça me fait penser à ma chienne, trouillarde comme pas possible --'), il est « lâche comme un chien ». Il y a aussi le cousin gras et le cousin maigre, l'amante, les invités, qui sont toutes les personnes qui entourent l'Homme puis le laissent tomber une fois que la fortune se détourne de lui.

Une seule personne ne l'abandonne jamais. Absolument tout est personnalisé, des richesses de l'Homme (appelées Mammon) jusqu'à sa Foi et ses Oeuvres.



La fin est surprenante. Hofmannsthal a choisi de représenter toutes les caractéristiques de la religion catholique, y compris la miséricorde de Dieu. Personnellement, je me serais attendu à ce que le personnage principal soit puni pour ses méfaits et que la morale proclame : « Ne pêche pas, respecte Dieu et vis dans l'humilité. ». Mais non. C'est plutôt étonnant – et rafraichissant.
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Lettre de Lord Chandos

Livre obligatoire de mon programme scolaire de HLP, je n'était pas emballée. Et pourtant, agréable de surprise, c'était très beau. La lettre est un peu chère si l'on considère la taille du texte (très, trèèès court). Mais le texte est très beau, c'est une reflexion sur la beauté éphémère, une reflexion sur ce qui ne s'explique pas et c'est pourtant ce que fait H. Von Hofmannsthal, il met des mots sur l'invisible, c'est presque de la poésie. Les mots sont justes, et il y a de très belles figures de style. J'aurai même aimé que ça soit plus long.
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L'Incorruptible

J'ai découvert cette pièce de théâtre lors de mes études universitaires, et déjà très heureuse d'échapper aux éternelles études de Molière et de Stendhal, je fus agréablement surprise !

C'est une pièce qui relève d'un contexte historique très particulier, et qui peut ne pas être comprise sans une connaissance de celui-ci. Je l'ai étudiée sous l'optique de la dialectique du maître et de son esclave, ici son "valet", avec donc le procédé de renversement des rôles. Bref, une œuvre vraiment intéressante et agréable à lire.
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Andréas et autres récits

Les jeux et les mirages de la Venise du 18ème siècle vus par un jeune voyageur qui donne son nom au récit au recueil. D'autres contes dans la lignée des "mille et une nuits par le poète de la Vienne impériale.....
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Le lien d'ombre : Edition bilingue français-a..

Tous les poèmes de Hugo von Hofmannsthal sont rassemblés dans Lien d'ombre, traduit et présenté par Jean-Yves Masson. On y entend la voix sombre et belle d'un grand poète, attaché à saisir presque l'imperceptible et à lui donner sens, comme en défi au temps qui passe et à la mort.



Le poème est donc, peut-être, ce défi proche de celui d'un Baudelaire, défi adressé à l'horreur du monde, au néant qui guette, extérieur ou intérieur, une fois que l'innocence enfantine est perdue. Mais la poésie fait lien aussi avec ce qui précède, par la forme et les symboles, par les hommages aux amis ou aux artistes admirés, et par l'évocation de la nature.
Lien : https://thomasspok.blogspot...
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